CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 février 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme RENAULT-MALIGNAC, conseiller le plus ancien
non empêché faisant fonction de président
Décision n° 10130 F
Pourvoi n° J 20-19.224
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2022
La société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-19.224 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2020 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents Mme Renault-Malignac, conseiller le plus ancien non empêché faisant fonction de président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, M. Rovinski, conseiller, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne du 24 janvier 2013 qui a déclaré opposables à la société [3] les décisions de prise en charge au titre de la législation professionnelle des maladies déclarées par M. [H] [Y] (mains droite et gauche) et d'avoir débouté la société [3] de ses demandes ;
1. ALORS QU' une maladie ne peut être prise en charge sur le fondement de la présomption d'imputabilité instituée par l'article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale que si l'ensemble des conditions exigées par un tableau de maladies professionnelles sont remplies ; qu'en cas de contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une maladie professionnelle, c'est à la caisse qui a pris la décision litigieuse de rapporter la preuve que l'assuré est bien atteint d'une maladie désignée par le tableau en cause ; que le tableau n°69 A des maladies professionnelles fait état de « Troubles angioneurotiques de la main, prédominant à l'index et au médius, pouvant s'accompagner de crampes de la main et de troubles prolongés de la sensibilité et confirmés par des épreuves fonctionnelles objectivant le phénomène de Raynaud » ; qu'au cas présent, la société [3] faisait valoir que la CPAM ne démontrait pas que des épreuves fonctionnelles objectivant le phénomène de Raynaud avaient été réalisées, condition pourtant exigée par le tableau ; qu'elle rappelait qu'après la censure de la motivation de la cour d'appel de Reims par la Cour de cassation pour n'avoir pas recherché si « des « épreuves fonctionnelles » objectivant le phénomène de Raynaud avaient été réalisées, comme l'exigeait pourtant le tableau n°69 A, un tel examen ne ressortant ni des certificats médicaux, ni du colloque médico-administratif », la caisse n'avait pas produit de pièces supplémentaires, exception faite d'un avis de son service médical établi pour les besoins de la cause sept ans après l'instruction du dossier affirmant que cet examen avait bel et bien été réalisé ; que sur ce point, la cour d'appel a énoncé, d'une part, que : « l'indication portée sur les fiches de colloque médico-administratif, quant à l'existence d'une consultation spécialisée par angéologue, démontre qu'il a été satisfait, avant la prise de décision de la caisse primaire d'assurance maladie, à l'exigence fixée par le tableau nº69 A d'une objectivation par des épreuves fonctionnelles du phénomène de Raynaud » (arrêt, p. 4) et, d'autre part, que « l'avis du service médical du 14 août 2019 produit par la caisse primaire d'assurance maladie confirme, s'il en était besoin, que ce service était bien en possession de ces épreuves fonctionnelles, étant rappelé que la teneur de cet examen, qui constitue un élément du diagnostic, n'avait pas à figurer dans les pièces du dossier dont l'employeur pouvait demander la consultation » (arrêt, p. 4) ; qu'en statuant ainsi, sans constater qu'un élément médical attestait que des « épreuves fonctionnelles » objectivant le phénomène de Raynaud avaient été réalisées, comme l'exigeait pourtant le tableau n°69 A, un tel examen ne ressortant ni des certificats médicaux, ni du colloque médico-administratif, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser que la condition tenant à la désignation de la maladie était remplie au regard de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et du tableau n°69 A des maladies professionnelles et a donc violé ces dispositions ;
2. ALORS QUE les juges du fond ne sauraient, sans le dénaturer, donner à un écrit clair et précis un sens et une portée que manifestement il n'a pas ; qu'en l'espèce, dans deux avis identiques datés du 18 octobre 2012, le médecin conseil de la caisse s'est contenté d'indiquer sur le colloque médico-administratif le libellé de l'affection prise en charge, et s'est borné à cocher la case « oui » à la question figurant sur le formulaire : « conditions médicales réglementaires remplies ? » ainsi qu'à préciser qu'une consultation spécialisée par angéologue avait permis de fixer la date de première constatation médicale ; que l'avis n'indique pas, comme l'exige expressément le Tableau n°69 A, que l'affection aurait été confirmée par des « épreuves fonctionnelles », l'angéologue aurait mis en oeuvre un tel examen lors de sa consultation ; qu'en déduisant néanmoins de ces documents, que : « la caisse primaire d'assurance maladie démontre ainsi s'être assurée avant sa prise de décision de la confirmation de la pathologie par l'examen médical prévu par le tableau de la maladie professionnelle nº69 A » (arrêt p. 5), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des avis qui lui étaient soumis et ainsi violé le principe d'interdiction faite aux juges du fond de dénaturer les éléments produits aux débats ;
3. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le droit à un procès équitable et la nature juridictionnelle d'un tribunal implique que la juridiction de sécurité sociale, saisie d'un recours contre une décision d'un organisme de sécurité sociale formé par un assuré ou un employeur, exerce un contrôle de pleine juridiction concernant le bien-fondé de la décision qui lui est déféré ; qu'à cet égard, à supposer que l'avis émis par le service du contrôle médical lie l'organisme de sécurité sociale, il ne lie aucunement le juge qui doit, en cas de contestation, rechercher si cet avis repose sur des éléments médicaux de nature à fonder la décision de l'organisme de sécurité sociale ; qu'au cas présent, en relevant, pour estimer que la maladie prise en charge par la caisse correspondait à l'une des pathologies décrites par le tableau n°69 A, que la CPAM produisait un avis de son service médical établi pour les besoins de la cause plus de sept ans après les faits, la cour d'appel, qui n'a pas recherché sur quels éléments médicaux la caisse et son médecin conseil s'étaient fondés, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 142-1 et L. 461-1 du Code de la sécurité sociale et de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.