SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 février 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10176 F
Pourvoi n° W 20-19.672
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 FÉVRIER 2022
La société Onet Technologies ND, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-19.672 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [A] [K], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi, direction régionale Nouvelle Aquitaine, établissement public national à caractère administratif, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Onet Technologies ND, de Me Carbonnier, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Onet Technologies ND aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Onet Technologies ND et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Onet Technologies ND
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement de Monsieur [A] [K] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, ni a fortiori, sur une faute grave et d'AVOIR, en conséquence, condamné la SAS ONET TECHNLOGIES ND à payer à M. [A] [K] les sommes de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 416,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 13 405,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 1 945,20 euros à titre de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents ainsi que la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Sur le licenciement. Attendu que par courrier du 10 juin 2015, qui fixe les limites du litige, M. [K] a été licencié pour faute grave ; Attendu que tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties, étant ajouté que le doute profite au salarié ; Attendu que par ailleurs, M. [K] ayant été licencié pour faute grave, il appartient à l'employeur d'établir que la faute commise par le salarié dans l'exécution de son contrat de travail, est d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du contrat de travail pendant le préavis ; Attendu qu'il ressort de la lettre de licenciement qu'il est motivé par deux griefs. Sur le premier grief, soit les violences physiques exercées sur M. [F] le 20 mai 2014 Attendu que la lettre de licenciement mentionne la date du 20 mai 2014 alors que tous les éléments produits au dossier de l'employeur permettent de dire que les faits de violences reprochés se sont déroulés le 20 mai 2015 ; Qu'il s'agit d'une simple erreur de date n'impactant nullement la question de la prescription des faits fautifs ; Attendu que les faits reprochés se sont déroulés alors que M. [K] était en déplacement professionnel de désamientage à [Localité 4] et qu'il cohabitait avec M. [F] dans un chalet. Attendu que l'employeur produit au dossier les éléments suivants : - un certificat médical en date du 21 mai 2015 à de M. [J] [F] qui constate des contusions au niveau cervical, du nez, de la lèvre et des douleurs aux dents avec ITT de 4 jours ; - un procès-verbal de dépôt de plainte de M. [F] auprès de la gendarmerie qui indique que dans la soirée du 20 mai 2015, il avait bu quelques whiskys en compagnie de ses collègues de travail (comprenant son chef de chantier M. [K]) et vers 22 heures il a reçu un coup de poing de M. [K] sans raison particulière. Il déclare qu'il est venu ensuite jusqu'à son chalet pour le frapper à nouveau ; - une attestation de M. [F] relatant les mêmes faits du 20 mai 2015 qui déclare ne pas se souvenir avoir insulté M. [K] ; Attendu que de son côté M. [K] produit au dossier un certain nombre de témoignages ; Attendu que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu'il appartient à la cour d'apprécier la valeur probante des attestations versées aux débats ; Qu'en l'occurrence, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les attestation produites par M. [K] aux seuls motifs qu'elles ne répondent pas aux prescriptions légales dès lors qu'elle ont été régulièrement communiquées et qu'elles mentionnent l'identité de leur auteur ; Attendu que les témoignages contenus dans les attestations fournies par le salarié au soutien de sa défense ne peuvent être considérés comme étant faits par complaisance au seul motif qu'ils émanent de personnes ayant des liens avec M. [K], sans éléments objectifs de nature à suspecter leur sincérité ; Attendu que les trois témoignages du dossier ne corroborent nullement la version des faits de M. [F] (il est évoqué le fait que M. [F] a malmené M. [K], en l'insultant et de provoquant, et celui-ci a riposté en donnant un coup de poing) ; Attendu que s'il n'est nullement contesté par le salarié qu'il a donné un coup de poing à M. [F], les circonstances réelles de ce coup porté ne sont pas réellement établies ; Attendu qu'au surplus il convient de constater que les violences ont été commises dans un cadre totalement privé (au sein de leurs logements et à 22 heures) ; Que l'employeur ne produit au dossier aucune pièce permettant de rattacher ces faits à l'activité professionnelle ou à la qualité de chef de chantier de M. [K] à l'encontre de M. [F] ; Attendu que même la victime se garde bien de donner une explication aux violences commises et n'impute nullement les coups à un différend professionnel ; Attendu qu'il n'entre pas dans les fonctions de chef de chantier d'assurer la santé et la sécurité des personnels sous son autorité hors du temps et du lieu du travail; Que le fait que les protagonistes soient en déplacement professionnel ne confère pas aux manquements reprochés un caractère professionnel ; Attendu enfin que le logement occupé lors des faits reprochés n'avait pas été mis à la disposition du salarié par l'employeur, M. [K] produisant une facture réglée par ses soins dans un camping à [Localité 5] ; Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [K] n'a commis aucun manquement dans le cadre de son activité professionnelle, l'altercation entre les deux individus n'ayant aucun rapport avec les fonctions exercées au sein de la société ; Attendu que ce grief, dont les conditions matérielles de leur exercice ne sont pas objectivement établies, tiré de la vie personnelle du salarié, ne constitue pas un manquement de M. [K] à une obligation découlant de son contrat de travail et ne peut donc servir de base au licenciement du salarié ; Sur le deuxième grief, soit la falsification des feuilles de pointage. Attendu que les premiers juges ont procédé à une analyse minutieuse et complète des faits à l'origine de la demande et des moyens et prétentions des parties ; Que cette analyse n'est nullement contestée utilement en cause d'appel où sont invoqués les mêmes moyens à l'appui des mêmes prétentions qu'en première instance; Qu'il a été répondu par des motifs justes et bien fondés tant en droit qu'en fait permettant de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne en date du 14 avril 2017 en ce qu'il a dit que le grief invoqué n'était pas suffisamment établi et ne pouvait servir de base au licenciement de M. [K] ; Attendu qu'au vu de l'examen des deux griefs, le licenciement de M. [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne en date du 14 avril 2017 devant être confirmé sur ce point; Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sur l'indemnité compensatrice de préavis. Attendu qu'aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont le point de départ est fixé par la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement ; Que les premiers juges ont opéré un calcul de l'indemnité de préavis conforme aux dispositions de l'article L. 1234-5 du code du travail dont les modalités ne sont pas utilement discutées par l'employeur ; Attendu que le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne en date du 14 avril 2017 sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [K] la somme de 5 416,16 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que celle de 541,62 euros au titre des congés payés afférents ; Sur le rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire. Attendu que seule la faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant la mise à pied ; Que M. [K] a donc droit, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, au paiement de son salaire durant le temps de la mise à pied conservatoire ; Attendu que les premiers juges ont opéré un calcul du rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire conforme aux pièces salariales du dossier dont les modalités ne sont pas utilement discutées par l'employeur; Attendu que le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne en date du 14 avril 2017 sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [K] la somme de 1 945,20 euros au titre du rappel de salaire durant mise à pied conservatoire ainsi que celle de 195,52 euros au titre des congés payés afférents ; Sur la demande de dommages et intérêts. Attendu qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas de réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois; Attendu que compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [K], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Que le jugement du conseil des prud'hommes de Libourne en date du 14 avril 2017 sera confirmé sur ce point ; Sur l'indemnité de licenciement. Attendu qu'au vu des pièces salariales du dossier et des modalités de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, les premiers juges ont exactement alloué à M. [K] la somme de 13 405,02 euros au titre de l'indemnité de licenciement ; Que le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne en date du 14 avril 2017 sera confirmé sur ce point ; (
) Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce d'allouer à M. [K] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel » ;
ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE : « Sur le licenciement pour faute grave : L'employeur, détenteur du pouvoir de licencier, doit respecter une procédure, motiver et justifier le licenciement. Le licenciement doit se fonder sur une cause réelle, c'est-à-dire objective et reposant sur des faits réels et exacts qui sont établis ou des griefs matériellement vérifiables, et sérieuse, c'est-à-dire revêtant une certaine gravité qui rend impossible, sans dommage pour l'entreprise, la continuation du contrat de travail et donc nécessaire le licenciement pour ne pas entraver la bonne marche de cette dernière. Un comportement fautif du salarié particulièrement grave peut justifier son licenciement pour faute grave. La faute grave -qui ne fait l'objet d'aucune définition dans le Code du travail- est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même durant le préavis. L'article 11 de la Convention Internationale du Travail n°158 concernant, en cas de contrat de travail à durée indéterminée, la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur, adoptée à Genève et publiée en France par le décret n° 90-140 du 9 février 1990 (JO, n° 39, du 15 février 1990, p. 1939), dispose que la faute grave est "une faute d'une nature telle que l'on ne peut raisonnablement exiger de l'employeur qu'il continue à occuper le salarié pendant la période de préavis". Elle doit nécessairement être récente. La faute grave est privative du préavis et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement ainsi que de la rémunération de la mise à pied conservatoire s'il en est prononcé une. Conformément aux dispositions de l'article L. 1232-6 du Code du travail, l'énonciation des motifs sur lesquels l'employeur s'est fondé pour justifier le licenciement pour faute grave est contenue dans la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par la SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSJONING à Monsieur [A] [K] en date du 10 juin 2015 et ces motifs sont à la fois suffisamment précis et matériellement vérifiables, permettant au Conseil s'exercer son contrôle. Les dispositions de l'article L. 1235-1 du Code du travail édictent : « En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l ‘employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. ». Autrement dit, la preuve repose sur l'une et l'autre des parties : l'employeur doit apporter des éléments justifiant les griefs qui ont fondé sa décision et le salarié des éléments contraire. L'article 9 du Code de procédure civile ne dit pas autre chose : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. ». Toutefois, en matière de licenciement pour faute grave, partant de ce que la qualification de la faute, qui appartient à l'employeur, lui permet de se libérer de deux obligations (préavis et indemnité de licenciement), il lui revient alors la charge de la preuve de la gravité de cette faute. Le Juge du fond apprécie selon les éléments qui lui sont été soumis par chacune des parties la matérialité de la faute et son degré de gravité. Il appartient également au Conseil de vérifier si les dispositions applicables aux licenciements disciplinaires ont été respectées et en tout premier lieu celles de l'article L. 1332-4 du Code du travail. Cet article édicte qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, sauf lorsque le comportement fautif du salarié se poursuit. Le pouvoir souverain d'appréciation du juge implique également, si la prescription n'est pas acquise en raison de la persistance du comportement fautif incriminé, que le juge, constatant l'absence d'un degré de gravité, se prononce sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La lettre de licenciement de monsieur [A] [K] stipule deux griefs : - 1/ Avoir donné un violent coup de poing dans le visage de monsieur [J] [F] au cours de la soirée du 20 mai 2015 vers 22 heures dans le cadre d'un déplacement sur un chantier à [Localité 4], puis avoir poursuivi la victime dans son chalet afin de le frapper à nouveau et lui donner un coup de tête dans le nez. Ce faisant, monsieur [A] [K] a également touché Monsieur [N] [O] a l'oeil, ce que monsieur [G] [R] a pu constater le 21 mai 2015 au matin. Devant l'extrême agressivité de monsieur [A] [K], deux de ses collègues l'ont éloigné de monsieur [J] [F]. - 2/ Le 21 mai 2015, monsieur [G] [R] a été informé que monsieur [A] [K] avait mentionné sur les feuilles de pointage de 16 salariés qu'ils avaient terminé à 17 heures le 13 mai 2015 et ce, alors qu'ils avaient, en réalité, quitté le chantier à 12 heures. Ainsi, la SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING aurait pu rémunérer près de 80 heures de travail non effectivement réalisées par les salariés. - Le premier grief relatif aux violences physiques à l'endroit de monsieur [J] [F] : Le Conseil a noté que la défenderesse ne donne, dans ses conclusions, aucune information concernant les faits en eux-mêmes, ni même sur les témoignages de personnes présentes sur les lieux et ayant vu ce qui s'est réellement passé sur le chantier de [Localité 4] le 20 mai 2015 vers 22 heures, témoignages sur lesquels elle aurait fondé sa propre religion. La SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING ne fait davantage état des éléments et des conclusions de son enquête qu'elle ne prétend même pas avoir menée. Elle se borne à verser aux débats : le certificat médical initial établi le 21 mai 2015 par le service des urgences du Centre Hospitalier de [Localité 6] après examen de monsieur [J] [F] qui présentait diverses contusions sur la tête ; le PV d'audition, en date du 21 mai 2015, de monsieur [J] [F] par la brigade de [Localité 4] où il s'était rendu afin de porter plainte contre monsieur [A] [K]; une attestation de monsieur [J] [F]. De son côté, monsieur [A] [K] qui conteste la version des faits donnée par monsieur [J] [F] verse aux débats quatre attestations de collègue. Le Conseil, a ayant noté à la fois que ces attestations ne répondent pas aux exigences de formes posées par l'article 202 du Code de procédure civile mais que l'identité de leurs auteurs n'est pas contestée par la défenderesse pas plus que leur contenu puisqu'aucune plainte pour faux témoignage n'a été déposée à ce jour, a décidé d'en tenir compte avec circonspection. - Monsieur [N] [O] certifie que monsieur [A] [K] ne s'est jamais rendu dans le logement qu'il occupait le soir des faits avec monsieur [J] [F] et qu'il n'a lui-même jamais reçu de coup. - Selon monsieur [P] [E], monsieur [J] [F] aurait insulté et bousculé monsieur [A] [K], ce dernier n'ayant fait que se défendre. Après cette première altercation, monsieur [P] [E] serait revenu à la charge et monsieur [A] [K] se serait à nouveau défendu. - Monsieur [B] [C] confirme les assertions de son collègue et ajoute que monsieur [J] [F] serait revenu le lendemain en insultant à nouveau monsieur [A] [K], obligeant le témoin à « l'éjecter » du logement. - Monsieur [Z] [I] confirme le témoignage de monsieur [B] [C] sur les faits s'étant déroulés le 21 mai à 7 heures du matin. Ces témoignages concordants accréditent la thèse de la légitime défense. Le Conseil note que la SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING indique dans la lettre de licenciement que le coup à l'oeil qui aurait été porté involontairement à monsieur [N] [O] par monsieur [A] [K] en voulant frapper à nouveau monsieur [J] [F] qu'il aurait poursuivi dans son chalet a été constaté par monsieur [G] [R], conducteur de travaux, le lendemain matin. Curieusement, alors que monsieur [N] [O] conteste notamment le coup prétendument reçu, la SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING ne produit pas d'attestation de monsieur [G] [R] pour éclairer la religion du Conseil. Quoiqu'il en soit, la SAS ONET TECHNOLOGIES CLEAR DECOMMISSIONING, qui en a la charge, n'apporte pas la preuve de la gravité de la faute ni même, à fortiori, de cette dernière puisque les circonstances dans lesquelles le ou les coups ont été portés par monsieur [A] [K] à monsieur [J] [F] ne sont pas objectivement établies. La défenderesse ne donne aucune information sur le suivi de la plainte portée par monsieur [J] [F], ce qui laisse supposer qu'elle a fait l'objet d'un classement sans suite. - Le second grief portant sur de fausses informations transmises par le salarié : La SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING ne verse pas aux débats les feuilles de pointage de la semaine 20 de l'année 2015, sur la période du 11 au 17 mai 2015, remplies par monsieur [A] [K]. En raison de cette surprenante défaillance dans l'administration de la preuve par la SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING, le Conseil ne peut pas juger de la réalité et de la portée de ce grief. En effet, la SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING verse aux débats : - de nouvelles fiches de pointage refaites par le chef de site ; - une« fiche de constat » non datée établie par monsieur [G] [R] qui indique avoir été informé le jeudi 21 mai 2015 par un salarié dont il n'indique pas l'identité (et qui ne témoigne pas) que monsieur [A] [K] avaient indiqué sur les feuilles de pointage de la semaine 20 que les 16 salariés du chantier de [Localité 4] « avaient terminé à 17 heures le mercredi 13 mai 2015 alors qu'ils ont réellement quitté le chantier à 12 heures ». L'auteur de cette fiche conclut péremptoirement que « Monsieur [A] [K] a ainsi falsifié les heures de ces collaborateurs, afin qu'ils soient payés sans avoir travaillé. ». Sur cette note d'information de monsieur [G] [R], le Conseil observe que : - l'indication de l'heure à laquelle les salariés « avaient terminé » ne se rapporte pas nécessairement au départ du chantier de [Localité 4], mais pouvait tout aussi bien se rapporter à celle de retour à l'entreprise, puisqu'aux termes de l'article L. 3121-4 du Code du travail, la part du temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire. - Monsieur [G] [R] n'explique pas les raisons qui le conduisent à accuser le demandeur de « falsification ». D'autre part, le Conseil a constaté que, sur les nouvelles fiches de pointage refaite par le chef de site, il n'y a pas la possibilité d'indiquer l'heure d'arrivée ou de départ du chantier, pas plus que celle de départ à l'aller ou d'arrivée au retour à l'entreprise, mais uniquement les temps de travail sur le chantier et de déplacement. En l'espèce, pour le 13 mai 2015, il est porté HN: 4H et HN ROUTE: 3H. De surcroît, l'indication erronée qui aurait été portée sur ces feuilles de pointage n'a eu aucune conséquence dommageable pour l'employeur qui a pu les corriger ainsi qu'en attestent les documents versés aux débats, ce qui ne permet pas non plus de savoir si cette indication était véritablement susceptible de tromper ou pas l'employeur. Pour cela, il aurait fallu que Monsieur [A] [K] indique HN 7H et HN ROUTE : 3H. Ce n'est pas du tout ce que dit monsieur [G] [R]. Outre que la défenderesse ne prouve pas les caractéristiques et les circonstances exactes de la faute qu'elle reproche au demandeur, elle ne rapporte pas davantage d'éléments susceptibles d'en établir l'intentionnalité. En effet, il existe une contradiction entre les déclarations de monsieur [G] [R] et les assertions de l'employeur : « Monsieur [K] avait indiqué l'ensemble des heures de cette journée en temps de travail sur chantier ». Ces dernières sont également imprécises dans la mesure où elles n'indiquent pas si monsieur [A] [K] avait ou non porté en sus les heures de déplacement à la rubrique « HN ROUTE », ce qui aurait pu établir l'intention de tromper l'employeur. La SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING étant muette sur ce point pourtant essentiel, si mauvaise indication il y a bien eue, plutôt qu'une falsification, il aurait pu tout autant s'agir d'une simple erreur. En effet, monsieur [A] [K] qui travaille dans la société depuis plus de 20 ans, a été promu chef d'équipe en 2002 puis responsable de chantier, n'a jamais fait l'objet d'avertissement ni pour agressivité ni pour un manquement quelconque à ses obligations professionnelles. Qui plus est, si tricherie il y avait, le produit est très modeste (3 heures). D'ailleurs, la SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING retient elle-même l'absence d'intention dans ses conclusions : « Monsieur [K] ne semble pas avoir eu conscience de son acte qui engageait la responsabilité de la société en cas d'accident de l'un des opérateurs ». Pour autant, la défenderesse : -ne dit pas en quoi une indication de temps de travail erronée portée sur un document interne pourrait engager la responsabilité de la société ni à quel niveau ; - retient cependant, dans la lettre de licenciement qui fixe le cadre du débat, l'intention frauduleuse de monsieur [A] [K] : « Vous avez ainsi délibérément mis de fausses informations sur les feuilles de pointage (...) ». Ces différentes contradictions ne confortent pas la thèse de monsieur [G] [R] reprise ipso facto ou opportunément par la SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING à l'appui du licenciement précipité de [A] [K]. Quoi qu'il en soit, ce grief n'est pas établi et ne peut donc être retenu. En conséquence, et en application des dispositions de l'article L. 1235-1 du Code du travail qui édicte que si un doute subsiste, il doit profiter au salarié. Le Conseil dit et juge que le licenciement de monsieur [A] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, à fortiori, de faute grave, qu'il est ainsi totalement injustifié. Le Conseil condamne donc la SAS ONET TECHNOLOGIE NUCLEAR DECOMMISSIONING à verser à monsieur [A] [K] les sommes suivantes : Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L 1235-3 du Code du travail) : 50.000,00 € Indemnité compensatrice de préavis 5416,16 €· Congés payés y afférents : 541,62 €·Indemnité conventionnelle de licenciement : 13 405,02 €. Salaire mise à pied conservatoire : 1 945,20 € ; Congés payés y afférents : 195,52 € » ;
1) ALORS QUE, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié personnellement qui constituent une violation d'une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l'entreprise rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que, peu important la personne à l'origine de l'altercation, caractérise une telle faute le fait pour un salarié d'avoir frappé un de ses collègues de travail au visage ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de 4 jours ; qu'en l'espèce, après avoir constaté d'une part, qu'il n'était nullement contesté que M. [K] avait frappé M. [F], d'autre part, que M. [F] avait subi des lésions importantes au visage caractérisées par des contusions musculaires cervical droite, des contusions à la racine du nez, des contusions de la lèvre inférieure avec excoriation face interne lève inférieure, des douleurs aux dents 41-42-43 avec mobilité, ces blessures ayant entraîné une incapacité temporaire de 4 jours, la cour d'appel a écarté ce grief en retenant que les circonstances réelles de l'altercation et notamment, la personne à l'origine de celle-ci, n'étaient pas clairement établies ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1333-1 du code du travail ;
2) ALORS AU SURPLUS QUE, en retenant, pour écarter le grief de violences, que M. [K] aurait agi par légitime défense, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé l'article L. 1333-1 du code du travail ;
3) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en retenant, pour écarter le grief de violences, que M. [K] aurait agi par légitime défense après avoir constaté que M. [F] avait subi des coups de poing ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de 4 jours et que M. [K] aurait seulement réagi à une insulte de M. [F], la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 1333-1 du code du travail ;
4) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en se bornant à affirmer que M. [K] aurait agi par légitime défense sans rechercher, ni préciser, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si les actes prétendument défensifs de M. [K] étaient strictement nécessaires et proportionnés à la prétendue agression de M. [F], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1333-1 du code du travail ;
5) ALORS ENCORE QUE, dans ses écritures (Concl., p. 11), la Société ONET TECHNOLOGIES ND avait soutenu qu'à supposer que M. [K] ait effectivement réagi au comportement de M. [F], M. [K], qui se prévalait uniquement de prétendues insultes de la part de M. [F], ne démontrait pas avoir subi des lésions physiques au cours de l'altercation en sorte que M. [K] ne pouvait aucunement justifier les coups qu'il avait portés à M. [F], des insultes ne pouvant légitimer des violences ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de 4 jours ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6) ALORS EN OUTRE QUE, indépendamment du lieu ou du temps de leur commission, les violences commises par un salarié contre un de ses collègues, au surplus au cours d'un déplacement professionnel se rattachent nécessairement à la vie professionnelle et caractérisent une faute disciplinaire ; qu'en jugeant que les violences commises par M. [K] à l'égard de M. [F], relevaient de sa vie personnelle après avoir pourtant relevé qu'étaient en cause deux collègues de travail dans le cadre d'un déplacement professionnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1333-1 du code du travail ;
7) ALORS QUE, en retenant, pour dire que les violences commises par M. [K] à l'égard de M. [F] relevaient de sa vie personnelle, que n'était pas en cause un différend professionnel, que l'altercation n'avait aucun rapport avec les fonctions exercées au sein de la société ou encore avait eu lieu dans le logement privé des salariés alors en déplacement professionnel, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a derechef violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;
8) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE constitue une faute disciplinaire un fait relevant de la vie personnelle du salarié qui constitue un manquement de l'intéressé aux obligations découlant de son contrat de travail ; que dans ses écritures (Concl., p. 13), la Société ONET TECHNOLOGIES avait soutenu et démontré que le règlement intérieur de l'entreprise imposait à chaque salarié de respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir-être en collectivité, d'adopter un comportement respectueux tant à l'égard de ses collègues de travail, de sa hiérarchie que de la clientèle ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'entrait pas dans les fonctions du chef de chantier d'assurer la santé et la sécurité des personnels sous son autorité en dehors du temps de travail, sans rechercher si indépendamment des fonctions de M. [K], les violences qu'il avait commises à l'encontre de M. [K] ne caractérisaient pas un manquement à l'obligation de discipline découlant de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1333-1 du code du travail ;
9) ALORS A TOUT LE MOINS QUE dans ses écritures (Concl., p. 13), la Société ONET TECHNOLOGIES avait soutenu et démontré que le règlement intérieur de l'entreprise imposait à chaque salarié de respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir-être en collectivité, d'adopter un comportement respectueux tant à l'égard de ses collègues de travail, de sa hiérarchie que de la clientèle ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'entrait pas dans les fonctions du chef de chantier d'assurer la santé et la sécurité des personnels sous son autorité en dehors du temps de travail, sans répondre à ce moyen des écritures de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.