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16/02/2022 | FRANCE | N°19-25.283

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 16 février 2022, 19-25.283


COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 février 2022




Rejet non spécialement motivé


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10143 F

Pourvoi n° Z 19-25.283




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCO

NOMIQUE, DU 16 FÉVRIER 2022

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Les Indépendants, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-25.283 contre l'arrêt rend...

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 février 2022




Rejet non spécialement motivé


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10143 F

Pourvoi n° Z 19-25.283




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 FÉVRIER 2022

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Les Indépendants, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-25.283 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Fréquence Bretagne sud, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat du groupement d'intérêt économique Les Indépendants, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Fréquence Bretagne sud, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le groupement d'intérêt économique Les Indépendants aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le groupement d'intérêt économique Les Indépendants et le condamne à payer à la société Fréquence Bretagne sud la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour le groupement d'intérêt économique Les Indépendants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 4 mai 2017 et, statuant à nouveau, d'AVOIR condamné le Gie Les Indépendants à payer à la société Fréquence Bretagne Sud les sommes suivantes :

- 150.100 euros au titre de la perte du "chiffre d'affaires national",
- 9.940 euros au titre de la perte du "chiffre d'affaires Multiville",
- 8.000 euros au titre de la perte financière liée à l'étude des habitudes d'écoute,
- 2.184 euros au titre du remboursement de la cotisation de 2012,
- 4.559,54 euros au titre du remboursement du droit d'entrée ;

AUX MOTIFS QUE :

I- Sur les manquements à l'article 15-1 du règlement intérieur :
L'article 15-1 du règlement intérieur, signé par Fréquence Bretagne Sud, stipule qu'en toute circonstance les membres et adhérents du GIE doivent respecter notamment :
- l'engagement de loyauté qu'ils ont signé envers le GIE,
- l'intérêt collectif et la cohésion du GIE, notamment en s'abstenant de créer une structure susceptible de concurrencer le GIE ou de participer à celle-ci ou de mener toute action visant à fédérer des radios du GIE en marge de celui-ci,
- les organes statutaires et les représentants du GIE (assemblée générale, conseil d'administration, président, vice-président et administrateurs) et les décisions prises par ceux-ci sur la base des textes précités,
- les réunions organisées par le GIE pour rassembler les membres et adhérents ;
que cinq manquements sont visés sur ce fondement :

a) sur le manquement à l'obligation de loyauté signé par Fréquence Bretagne Sud,
que dans un mail du 25 juillet 2011, M. [O] a porté à la connaissance des radios membres du GIE le message suivant : "J'ai le plaisir de vous annoncer mon retour dans le monde de la radio. Je viens d'obtenir l'agrément du CSA pour la reprise de "Soleil Bretagne Sud" dont je suis désormais actionnaire à 100%. Cette radio est adhérente du GIE Les Indés radios. Au-delà de la relance de cette station, qui doit devenir la radio de référence du pays lorientais, j'ai pour projet de constituer rapidement un groupe de radios FM, partout en France. La société que j'ai créée, Proxiradio SAS, dispose des moyens financiers et humains me permettant d'atteindre cet objectif [...] mon objectif est de conserver à chaque radio sa spécificité locale. C'est en misant sur l'enracinement de chaque station dans son territoire que je souhaite créer ce groupe de radios de proximité. À court terme, d'ici fin 2011, l'objectif est de nouer des accords de partenariat avec 2 ou 3 radios" ; que Fréquence Bretagne Sud soutient vainement que ces propos ne peuvent lui être attribués et n'engagent que M. [O] personnellement, dès lors que ce dernier, quand bien même il n'est officiellement devenu dirigeant de la société que le mois suivant, se prévaut de l'autorisation du CSA qu'il vient d'obtenir et des moyens financiers dont il dispose au travers de sa société Proxiradio ; que sur le fond, Fréquence Bretagne Sud fait valoir qu'elle n'a nullement dérogé à son engagement de loyauté, n'ayant à aucun moment annoncé son intention de créer un groupement de radios locales susceptibles de fédérer les radios en marge du GIE, mais simplement fait état de sa volonté de constituer un groupement de radios, à l'instar des différents groupements qui existent au sein du GIE sans pour autant qu'il en résulte une situation de concurrence avec le GIE ; qu'elle verse au débat (pièce 21) une note "Wikipédia" sur la holding de radios "Groupe 1981", ayant pour président M. [N] [W], dont il ressort que les 7 stations de ce groupe sont également membres du GIE "Les Indés Radios", lequel est aussi dirigé par M. [W]. Cette situation n'ayant pas donné lieu à sanction, il y a lieu de considérer que la constitution d'un groupement de radios membres du GIE n'est pas à elle seule contraire à l'engagement de loyauté ; qu'en l'absence de plus amples éléments, ce courrier ne suffit pas à établir que le projet annoncé par Fréquence Bretagne Sud était de concurrencer ou de nuire au GIE ; qu'à cet égard, le rapprochement que fait le GIE avec l'attitude passée de M. [O], lorsqu'il était directeur général du GIE, manque de pertinence, les motifs de son licenciement pour faute, exposés dans le courrier du 23 mars 2009, tenant à la mauvaise organisation des opérations de vote lors d'une assemblée générale délicate, apparaissant sans lien avec l'organisation d'un groupement concurrent ; que le manquement imputé de ce chef à Fréquence Bretagne Sud n'est donc pas caractérisé ;

b) sur le non-respect des décisions prises par le GIE et ses organes statutaires,
qu'il est reproché à Fréquence Bretagne Sud, par l'intermédiaire de son dirigeant, d'avoir tenu des propos diffamants dans un courrier du 30 septembre 2011, ainsi qu'à l'occasion d'une audition de son dirigeant par un conseiller du CSA ; que Fréquence Bretagne Sud soutient que ses propos ont été tronqués, sortis de leur contexte et procèdent d'un amalgame entre la situation statutaire de Fréquence Bretagne Sud et le contentieux personnel existant entre le président du GIE et son dirigeant, et souligne que les propos tenus ne font que dénoncer une atteinte à la liberté d'expression, ce qui ne justifie pas une exclusion ; que dans sa lettre du 30 septembre 2011, contestant la décision du GIE de lui infliger des pénalités, Fréquence Bretagne Sud a écrit "Je ne vois pas en quoi l'annonce de mon retour dans le monde de la radio est de nature à nuire au GIE. J'apprécie hautement votre interdiction de communiquer avec les radios du GIE. Je vous rappelle juste que sauf erreur ou omission, nous ne sommes pas en Corée du Nord [....]" ; que si la référence faite in fine à la situation en Corée du Nord exprime maladroitement la revendication de librement communiquer, elle ne caractérise pas un non-respect des décisions prises par le GIE ; quant aux propos attribués au dirigeant de Fréquence Bretagne Sud lors d'une entrevue avec un conseiller du CSA, à propos du président et du conseil d'administration du GIE, "Kadhafi est de retour", ils ne ressortent que de ce que le GIE a retranscrit de ses échanges avec M. [O] lors de sa comparution devant le conseil d'administration le 13 septembre 2011 ; que cette retranscription par le GIE ne permet pas d'établir les circonstances exactes dans lesquelles les propos attribués à M.[O] auraient été tenus, ni sa volonté de nuire au GIE, dont sa société était membre et qu'il n'entendait pas quitter ; qu'il s'ensuit qu'aucun manquement n'est caractérisé de ce chef ;

c) sur le non respect de la décision du conseil d'administration du 13 septembre 2011, résultant du refus de fournir les informations et les pièces justificatives demandées ;

que s'agissant de l'ouverture de la procédure collective, il ressort d'un courrier daté du 9 août 2011, que Maître [B], désigné le 22 juillet 2011 par le tribunal de commerce de Lorient comme mandataire judiciaire au redressement judiciaire de Fréquence Bretagne Sud a informé le GIE de l'ouverture de cette procédure collective, et l'a invité à faire parvenir sa déclaration de créance ; qu'ainsi, moins de trois semaines après l'ouverture de la procédure collective, le GIE a bien été informé de cette situation, quand bien même l'information initiale n'émane pas de Fréquence Bretagne Sud, qui était en train de changer de dirigeant ; que n'est pas établi le manquement tiré de l'absence de retour du nouvel engagement de loyauté, dès lors que les termes de l'engagement pré-rédigé ont été contestés par Fréquence Bretagne Sud, en ce qu'ils comportaient des dispositions critiquées par l'Autorité de la concurrence ; qu'il doit en outre être rappelé que l'Autorité de la concurrence a prescrit au GIE de supprimer du règlement intérieur la possibilité de prononcer l'exclusion d'une radio en cas de non transmission de sa part de toute information concernant un changement dans son capital ou ses organes de direction ; qu'il s'ensuit que le GIE ne peut justifier une exclusion sur la base de ces griefs, qui ne sont en tout état de cause pas caractérisés ;

III- sur les manquements à l'article 15-5 du règlement intérieur,
qu'il résulte de l'article 15-5 du règlement intérieur que chaque membre ou adhérent s'engage à communiquer toutes les informations dont il pourrait avoir connaissance et qui seraient de nature à exercer une influence favorable ou défavorable sur les affaires de l'un d'entre eux ou sur celles du GIE ;

a) sur le défaut d'information relatives au redressement judiciaire de Fréquence Bretagne Sud,
qu'il y a lieu sur ce point de renvoyer à la motivation développée au point Ic.

b) sur le défaut d'information relative au changement de nom de la radio, que, le 21 septembre 2011, le CSA a autorisé la radio diffusée par Fréquence Bretagne Sud à prendre le nouveau nom de " DICI" ; que, toutefois, il n'est pas contesté que cette autorisation n'a pas été utilisée, Fréquence Bretagne Sud ayant renoncé à changer le nom de sa radio ; que c'est en conséquence à tort que le GIE a imputé un manquement de ce chef à Fréquence Bretagne Sud ; qu'il s'ensuit que le jugement, ayant considéré que le GIE n'avait commis aucune faute en prononçant l'exclusion de Fréquence Bretagne Sud, doit être infirmé ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE l'article 15-1 du règlement intérieur du Gie stipulait que " en toutes circonstances, les membres et les adhérents du Gie doivent respecter l'intérêt collectif et la cohésion du Gie, notamment en s'abstenant de créer une structure susceptible de concurrencer le Gie ou de participer à celle-ci ou de mener une action visant à fédérer des radios du Gie en marge de celui-ci " ; qu'en affirmant que le courrier du 25 juillet 2011 (reproduit, arrêt, p. 5, dernier alinéa) " ne suffit pas à établir que le projet annoncé par Fréquence Bretagne Sud était de concurrencer ou de nuire au Gie " quand elle constatait pourtant que M. [O] précisait clairement dans ledit courrier qu'il avait " pour projet de constituer rapidement un groupe de radio FM, partout en France ", qu'il ajoutait en avoir les moyens financiers et humains, qu'il souhaitait créer un groupe de radios de proximité et que " d'ici fin 2011, l'objectif est de nouer des accords de partenariat avec 2 ou trois radios ", la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en affirmant que le courrier du 25 juillet 2011 (reproduit, arrêt, p. 5, dernier alinéa) " ne suffit pas à établir que le projet annoncé par Fréquence Bretagne Sud était de concurrencer ou de nuire au Gie " quand elle constatait pourtant que M. [O] précisait clairement dans ledit courrier qu'il avait " pour projet de constituer rapidement un groupe de radio FM, partout en France ", qu'il ajoutait en avoir les moyens financiers et humains, qu'il souhaitait créer un groupe de radios de proximité et que " d'ici fin 2011, l'objectif est de nouer des accords de partenariat avec 2 ou trois radios ", la cour d'appel a dénaturé ledit courrier en violation de l'interdiction qui lui est faite de dénaturer les documents de la cause ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en estimant que la référence à la situation en Corée du nord et au dicteur Kadhafi dans les propos tenus par Fréquence Bretagne Sud envers le Gie) ne justifiaient pas son exclusion (arrêt, p. 6 et p. 7), quand ces propos dénigrants traduisaient la volonté de ne pas collaborer à l'exécution loyale des décisions prises par le Gie sur la base de son règlement et de l'engagement de loyauté s'imposant à tout membre du Gie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que l'article 15-5 du règlement intérieur du Gie Les Indépendants stipule que " chaque membre et adhérent s'engage à communiquer toutes les informations dont il pourrait avoir connaissance et qui serait de nature à exercer une influence favorable ou défavorable sur les affaires de l'un d'entre eux ou sur celles du Gie " ; qu'en écartant tout manquement audit article par Fréquence Bretagne Sud dans l'information relative à la procédure collective ouverte à son encontre (arrêt, p. 7, antépénultième et pénultième alinéa) pour la raison inopérante que moins de trois semaines après l'ouverture de la procédure collective, le Gie avait été informé de cette situation par le mandataire au redressement judiciaire qui l'invitait à faire parvenir sa déclaration de créance, quand l'obligation doit être exécutée par le débiteur lui-même et au temps convenu, et qu'elle constatait sa défaillance, ce qui était de nature à justifier le prononcé d'une sanction allant jusqu'à l'exclusion, la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE dans ses conclusions d'appel (§ 157 à 161, p. 31 et p. 32), le Gie Les Indépendants faisait valoir que FBS et M. [O] avait refusé de communiquer les informations relatives au plan de continuation annoncé par ce dernier dans son courrier en date du 30 septembre 2011 et qu'ainsi ils persistaient dans leur refus de respecter les stipulations de l'article 15-5 du règlement intérieur du Gie ; qu'en ne répondant pas à ce moyen tiré du refus persistant du débiteur d'exécuter ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que l'article 15-5 du règlement intérieur du Gie Les Indépendants stipule que " chaque membre et adhérent s'engage à communiquer toutes les informations dont il pourrait avoir connaissance et qui serait de nature à exercer une influence favorable ou défavorable sur les affaires de l'un d'entre eux ou sur celles du Gie " ; qu'en écartant tout manquement audit article par Fréquence Bretagne Sud au titre du défaut d'information relative au changement de nom de la radio pour la raison que FBS n'avait pas utilisé l'autorisation du CSA de prendre le nouveau nom de "DICI", sans rechercher, comme elle y était expressément invitée (concl. § 208, p. 39), si FBS n'avait pas omis d'informer le Gie de sa renonciation à modifier sa dénomination, ce qui constituait un manquement à l'obligation d'information, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 4 mai 2017 et, statuant à nouveau, d'AVOIR condamné le Gie Les Indépendants à payer à la société Fréquence Bretagne Sud les sommes suivantes :

- 150.100 euros au titre de la perte du "chiffre d'affaires national",
- 9.940 euros au titre de la perte du "chiffre d'affaires Multiville",
- 8.000 euros au titre de la perte financière liée à l'étude des habitudes d'écoute,
- 2.184 euros au titre du remboursement de la cotisation de 2012,
- 4.559,54 euros au titre du remboursement du droit d'entrée ;

AUX MOTIFS QUE sur les préjudices, Fréquence Bretagne Sud argue que son éviction injustifiée, qui n'a été suivie d'une réintégration que le 1er novembre 2015, lui a fait perdre des recettes et l'a contrainte à exposer des frais injustifiés ; que pour s'opposer à titre principal à toute indemnisation, le GIE soutient tout d'abord que l'exclusion prétendument fautive n'a causé aucun dommage à Fréquence Bretagne Sud, dès lors qu'elle ne peut se plaindre d'aucune irrégularité, ni brutalité dans la procédure de sanction qui a été suivie, que les préjudices allégués ne sont que des pertes de chance, sans caractère certain reposant sur des suppositions d'audiences et qu'en tout état de cause, Fréquence Bretagne Sud est responsable des préjudices allégués en ce qu'elle a mis plus de deux ans à lui soumettre un nouveau dossier complet d'adhésion ; qu'il vient d'être jugé que le GIE a commis une faute en excluant du groupement Fréquence Bretagne Sud pour des manquements non caractérisés ; que dès lors, le fait que le principe de la contradiction a été respecté et que la procédure d'exclusion n'ait pas été accompagnée de "brutalité" ne sont aucunement de nature à exclure l'existence des préjudices financiers allégués par Fréquence Bretagne Sud ; qu'avant son exclusion Fréquence Bretagne Sud percevait des recettes publicitaires versées par le GIE ; qu'elle en a incontestablement été privée après son exclusion et jusqu'à sa réintégration et a donc perdu la chance de continuer à percevoir les recettes publicitaires attachées à sa qualité de membre du GIE et ce jusqu'à sa nouvelle adhésion ; qu'avant d'analyser successivement les différents postes de préjudices allégués, il convient de rechercher si, comme l'invoque le GIE, Fréquence Bretagne Sud est ou non responsable de tout ou partie du temps écoulé entre son exclusion et l'acceptation de sa nouvelle adhésion ; que dans sa notification de l'exclusion datée du 8 décembre 2011, le GIE précisait à Fréquence Bretagne Sud que "si le souhait de votre radio est de faire partie du GIE et d'en accepter les règles à l'avenir, rien ne vous empêche de représenter une demande d'adhésion au GIE et au produit national "Les Indés Radios" conformément à l'article 11 du Règlement intérieur d'adhésion au GIE. En effet, nous vous rappelons que l'entrée dans le GIE et le maintien dans celui-ci sont conditionnés au respect de toutes les règles de notre groupement" ; que par courrier du 18 février 2014, soit un peu plus de deux ans après la décision d'exclusion, M. [O] a demandé au GIE de lui adresser un dossier de candidature pour la radio locale "Jaime radio", nouvelle appellation de la radio qu'elle exploite ; que fréquence Bretagne Sud considère que ce délai est imputable au seul GIE, qui après l'avoir exclue, a ajouté dans le règlement intérieur une clause de perte du droit d'adhérent pour toute radio dont l'un des actionnaires directs ou indirects avait un différend porté devant les tribunaux depuis au moins trois ans, cette clause ad hominem a été rejetée par l'Autorité de la concurrence en 2015 ; qu'il résulte de la décision de l'Autorité de la concurrence du 26 février 2015, que le 12 décembre 2011, soit concomitamment à l'exclusion de Fréquence Bretagne Sud, le GIE a ajouté de nouveaux cas de "sortie de droit" et notamment la disposition suivante "l'entrée dans le capital de l'adhérent ou du membre concerné ( ou dans le capital de tout actionnaire ou associé direct ou indirect de cet adhérent ou membre) (a) de toute entité ( ou personne physique) ayant opéré ou exploité une radio à laquelle a été retiré le statut de membre ou adhérent du GIE depuis moins de trois ans ou (b) de toute entité (ou personne physique) ayant initié une procédure contentieuse à l'encontre du GIE et/ou de ses organes de direction et dont la procédure contentieuse est pendante à la date d'entrée dans le capital ou dont la procédure est éteinte depuis moins de trois ans à la date d'entrée dans le capital" ; que cette disposition, comme plusieurs autres, a été supprimée en 2015, après la décision de l'Autorité de la concurrence du 26 février 2015 ; qu'au regard de la clause litigieuse et du contexte contentieux existant avec Fréquence Bretagne Sud et M. [O], le GIE invoque vainement l'inertie de Fréquence Bretagne Sud, une nouvelle demande d'adhésion en 2012 ayant manifestement très peu de chance d'être acceptée ; que les atermoiements du GIE, lors de la demande d'adhésion en février 2014 confirment d'ailleurs les difficultés de Fréquence Bretagne Sud à se faire réadmettre au sein du GIE ; que le délai de 20 mois pour voir statuer et au final accepter la demande d'adhésion de Fréquence Bretagne Sud, ne peut être spécifiquement imputé aux insuffisances de cette dernière, le GIE ayant sous couvert de multiples demandes fait montre de réticences dans l'instruction de cette demande ; qu'il s'ensuit que la période à prendre en compte pour l'appréciation des préjudices s'étend de février 2012 à octobre 2015, sachant que la notification de l'exclusion n'est intervenue de manière effective qu'en janvier 2012 et que Fréquence Bretagne Sud a reçu du GIE des recettes publicitaires en janvier 2012 ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée ; qu'en décidant que la période à prendre en compte pour l'appréciation des préjudices s'étendait de février 2012 à octobre 2015 quand elle constatait que la radio exclue du Gie Les Indépendants n'avait présenté une candidature à l'adhésion que par courrier du 18 février 2014, soit un peu plus de deux ans après la décision d'exclusion, quand elle pouvait néanmoins faire acte de candidature sans attendre, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 févier 2016 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en affirmant que le Gie Les Indépendants avait fait preuve, sous couvert de multiples demandes, d'atermoiements et de réticence dans l'instruction de la demande d'adhésion formulée par FBS en février 2014, sans préciser ni a fortiori analyser les pièces sur lesquelles elle se fondait pour appuyer cette affirmation, quand le Gie faisait pour sa part valoir que FBS avait attendu plus de 9 mois avant de lui retourner les premières pièces de son dossier d'adhésion, début mars 2015 (concl. p. 46, § 252), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 4 mai 2017 et, statuant à nouveau, d'AVOIR condamné le Gie Les Indépendants à payer à la société Fréquence Bretagne Sud la somme de 150.100 euros au titre de la perte du "chiffre d'affaires national" ;

AUX MOTIFS QUE, sur la perte du chiffre d'affaires national, Fréquence Bretagne Sud soutient que son éviction injustifiée lui a fait perdre jusqu'à sa réintégration un chiffre d'affaires national que seul le GIE pouvait lui apporter, qu'elle évalue pour la période 2012 au 30 octobre 2015 à 241.661 euros ; que le GIE considère qu'au regard des audiences de Fréquence Bretagne Sud aux Médialocales pour les exercices considérés (hors 2015) le chiffre d'affaires de publicité nationale aurait pu être de 26.500 euros en 2012, de 54.000 euros en 2013 et de 48.000 euros en 2014, soit un total de 128.500 euros, hors cotisations dues au GIE, pénalités pour erreur de diffusion ; qu'elle soutient que l'absence de diffusion de publicités pour le GIE a permis à Fréquence Bretagne Sud d'utiliser ce temps d'audience pour diffuser d'autres messages publicitaires dont elle n'a pas justifié, ajoutant que la radio a perdu 18% d'audience depuis son entrée dans le groupement et que ses demandes indemnitaires ne visent qu'à faire assumer au GIE les conséquences de sa mauvaise gestion ; que l'article 21 du règlement intérieur, traitant des relations financières, stipule que le nombre d'auditeurs de chaque radio est à la base du calcul de la clé de répartition, que pour déterminer cette audience le GIE a retenu l'institut de sondage Mediamétrie, que les sondages utilisés pour définir l'audience brute de chaque radio sont "les Médialocales, la 126000 IDF" ; que le GIE ayant continué durant la période d'exclusion de Fréquence Bretagne Sud à percevoir et à répartir entre ses membres les recettes publicitaires nationales, la perte de chance pour l'appelante de continuer à percevoir les recettes publicitaires des annonceurs nationaux et donc de réaliser "un chiffre d'affaires national" est en son principe certaine et en lien direct avec l'exclusion fautive ; qu'en effet, ainsi que l'a relevé l'Autorité de la concurrence dans ses décisions des 6 octobre 2006 et 26 février 2015, "compte tenu du caractère limité de leur couverture géographique, les radios de dimension locale n'offrent d'intérêt pour les annonceurs nationaux que si elles se groupent", et " qu'il n'a pas été contesté que la seule façon pour les radios nationales[....] d'accéder de manière significative au marché de la publicité nationale est de se regrouper et que le GIE LES INDEPENDANTS est le seul produit de couplage attractif sur le marché "[...] et que "l'appartenance au GIE est une condition d'accès au marché de la publicité nationale ou constitue un avantage concurrentiel sur le marché de la publicité locale" ; que rien n'établit que Fréquence Bretagne Sud a pu compenser cette perte de chiffre d'affaires national, en exploitant son temps d'antenne par une plus grande diffusion de publicités d'annonceurs locaux, qui en tout état de cause ne sont pas susceptibles de procurer des revenus comparables ; que dans sa décision du 26 février 2015, l'Autorité de la concurrence souligne d'ailleurs que les recettes publicitaires et notamment les recettes publicitaires nationales sont une source incontournable de revenus pour les radios et que, dans un avis du 16 octobre 2012, le CSA a précisé que "le marché français de la publicité radiophonique est constitué majoritairement par des campagnes publicitaires nationales, qui représentent 78% des recettes publicitaires en 2011" et qu'une part substantielle du chiffre d'affaires des radios locales provient du GIE ; que le communiqué de presse du 11 mars 2013 par "Les Indés Radios" (pièce 34 de Fréquence Bretagne Sud ) fait état d'excellents résultats publicitaires pour l'année 2012, avec une progression de 7% pour le chiffre d'affaires de la régie au niveau national, et souligne que ces recettes constituent une source de revenus essentielle pour les radios indépendantes, représentant en moyenne 50% de leurs chiffres d'affaires. Il s'ensuit que Fréquence Bretagne Sud a été privée de la chance de disposer d'une partie substantielle de ses recettes ; que les audiences de Fréquence Bretagne Sud aux "Médialocales", ces dernières constituant l'outil de référence pour analyser l'audience des radios au niveau local, ont été les suivantes (la période d'enquête étant fixée de septembre N-1 à juin N) :
- septembre 2011 à juin 2012: 3700 auditeurs ;
- septembre 2012 à juin 2013 : 7600 auditeurs ;
- septembre 2013 à juin 2014 : 7000 auditeurs ;
- septembre 2014 à juin 2015 : 7100 auditeurs ;
Que la cour ne disposant pas d'élément pertinent permettant de remettre en cause les chiffres d'audience réalisés le GIE, il convient de les prendre pour base d'appréciation, étant ajouté que Fréquence Bretagne Sud n'établit pas que son éviction l'a rendue moins visible et que le nombre d'auditeurs aurait continuer à progresser en l'absence d'exclusion, ni la pertinence de sa comparaison avec d'autres radios membres du GIE ; que de même, ne peut être pris en compte le décalage allégué entre le chiffre d'affaires estimé selon le contrat de régie ( chiffre d'affaires garanti) et le chiffre d'affaires réel versé aux radios, et un taux de "déduplication", Fréquence Bretagne Sud se fondant en cela sur un document, établi en 2016, traitant de l'évolution apportée aux modalités de calcul de la clé de répartition au 1er septembre 2016, donc postérieurement à la période en litige ; qu'au vu des éléments ci-dessus, et déduction faite des recettes publicitaires versées en janvier 2012 à Fréquence Bretagne Sud, ainsi que des cotisations annuelles que la radio aurait dû verser au GIE, l'assiette sur laquelle doit être appliquée la perte de chance est estimée à 158.000 euros. La perte de chance de disposer de ce chiffre d'affaires national étant très élevée, le préjudice de Fréquence Bretagne Sud sera évalué à 95% de ce montant, soit la somme de 150.100 euros que le GIE devra régler à Fréquence Bretagne Sud ;

ALORS QU'en ne précisant pas les éléments chiffrés sur lesquels elle se fondait pour fixer le préjudice qu'elle indemnisait, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble la règle de la réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-25.283
Date de la décision : 16/02/2022
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris I8


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 16 fév. 2022, pourvoi n°19-25.283, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.25.283
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