COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 février 2022
Rejet non spécialement motivé
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10113 F
Pourvoi n° E 19-26.254
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 FÉVRIER 2022
Mme [U] [G], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 19-26.254 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fevre, conseiller, les observations écrites de Me Le Prado, avocat de Mme [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fevre, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [G] et la condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du neuf février deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme [G].
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la cour constate en premier lieu que les conclusions de [U] [G] ne remettent pas en cause le jugement déféré en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré compétent pour connaître de cette affaire, et en ce qu'il a condamné [U] [G] à payer à la Société Générale la somme de 16.659,44 € au titre du solde de son compte professionnel. Bien qu'énoncé sans limitation, l'appel ne tend à remettre en cause ce jugement qu'en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de l'appelante, formées dans les mêmes termes devant les premiers juges que devant la cour ; que le jugement déféré sera donc confirmé concernant la compétence du tribunal de commerce et la condamnation de [U] [G] à régler la somme de 16.659,44 € ;
1) que sur la responsabilité de la Société Générale en raison d'une immixtion dans la gestion des comptes de [U] [G] et d'une rupture abusive de concours : concernant le rôle de la Société Générale dans la tenue des comptes bancaires, il n'est pas discuté par les parties que le banquier est tenu à un devoir de neutralité, et qu'il ne peut s'ingérer dans les affaires de son client, notamment, en l'absence de provision, en réglant certains ordres de paiements préférentiellement au détriment d'autres ordres, principes énoncés aux articles L. 131-81 et L. 133-8 du code monétaire et financier ; qu'en l'espèce, les relevés bancaires produits par l'appelante ne concernent que son compte professionnel, les éléments concernant le fonctionnement de son compte personnel n'étant pas versés aux débats ; que la lecture de ces relevés ne permet pas de constater que la Société Générale a honoré certains prélèvements au profit de certains créanciers. Ainsi que soutenu par la Société Générale, il résulte de ces relevés concernant le compte professionnel que la banque a procédé aux paiements au fur-et-à-mesure qu'ils se présentaient, des rejets de prélèvement n'apparaissant qu'en septembre 2013, s'expliquant par le fait qu'à cette date, le débit du compte excédait l'autorisation de découvert de 15.000 € ; que la preuve d'une immixtion de la banque n'est ainsi pas rapportée ;
que concernant une rupture abusive de l'autorisation de crédit, le jugement du tribunal d'instance de Grenoble du 25 août 2016, devenu définitif, a relevé, concernant le compte personnel de [U] [G], que la Société Générale avait respecté le délai de préavis de deux mois avant de clôturer ce compte par courrier du 6 mars 2014 ; que le tribunal a ainsi rejeté la demande de dommages et intérêts formée à hauteur de 5.000 € ; qu'il a ainsi été statué définitivement sur ce point concernant le compte personnel de [U] [G] ;
que s'agissant des conditions de la clôture du compte professionnel n° 00020109215, il ressort des pièces communiquées que par courrier du 24 mars 2014, la Société Générale a mis en demeure l'appelante de régulariser le solde de son compte, présentant alors un découvert de 16.484 € ; que la banque l'a informée de la clôture du compte le 26 mai 2014 ; qu'elle a ainsi respecté ses obligations imposées par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier relatif au délai de prévenance de 60 jours ; que si la Société Générale a consenti des dépassements du montant du découvert autorisé, aucune convention n'a été régularisée à ce titre, de sorte qu'il s'est agi de concours supplémentaires occasionnels, constituant une simple tolérance à laquelle la banque peut mettre fin à tout moment, et ne relevant pas ainsi des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ; qu'il en résulte que la preuve d'une rupture abusive n'est pas rapportée, ce qu'à également constaté le tribunal d'instance dans le cadre du litige concernant le compte personnel de [U] [G] ; qu'en outre, si le code monétaire et financier oblige la banque à fournir les motifs de la clôture d'un compte, cette obligation n'existe qu'à partir du moment où l'entreprise concernée en fait la demande ; qu'or, il ne résulte pas des conclusions de l'appelante qu'elle ait formé une telle demande auprès de la Société Générale ; qu'il s'ensuit que la demande reconventionnelle tendant à l'octroi de 15.000 € à titre de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée ;
2) que sur la responsabilité de la Société Générale tirée d'un manquement à son obligation d'information, de conseil et d'exécution du contrat d'assurance-vie : ce contrat a été signé le 16 décembre 2004 avec la société SOGESSUR, par l'intermédiaire de la Société Générale agissant en qualité de courtier ; que cette assurance était destinée à couvrir les accidents de la vie privée, médicaux, résultant d'attentats, d'infractions ou de catastrophes, avec le bénéfice d'une assistance. Le seuil d'intervention a été fixé à 5 % d'incapacité permanente, et le plafond d'indemnisation à un million d'euros par victime et événement garanti, pour une cotisation annuelle de 132 € ; qu'en sa qualité de courtier, il appartenait à la Société Générale de mettre en relation [U] [G] et la compagnie d'assurances, et de conseiller et informer l'appelante sur l'intérêt de la souscription d'une telle police, compte tenu de sa situation existant lors de la souscription du contrat ; qu'or, si [U] [G] invoque une carence de la Société Générale à ce titre, elle ne produit aucun élément de nature à démonter que la banque ne l'aurait pas éclairée sur les conditions de la mise en oeuvre des garanties ; qu'elle ne nie pas avoir reçu les conditions générales du contrat ; qu'en outre, son activité professionnelle englobe le conseil dans la souscription d'assurances de personnes ; qu'elle ne précise pas en quoi l'intimée lui aurait imposé ce contrat, en la privant de garanties plus adéquates ou du choix d'une compagnie plus diligente, puisque cette convention a été signée deux (??) après la signature de la convention lui permettant de bénéficier d'une trésorerie professionnelle de 15.000 € ; qu'elle ne démontre pas avoir recherché une assurance qui l'aurait mieux couverte et qu'elle aurait nécessairement souscrit cette assurance, de sorte que la perte d'une chance de bénéficier d'un contrat plus avantageux n'est pas rapportée ; que concernant ensuite les obligations de la Société Générale à l'occasion de la survenue des dommages subis par [U] [G], si elle reproche à la Société Générale d'avoir failli à son devoir de conseil en n'intervenant pas auprès de SOGESSUR lors de la réalisation du sinistre, aucune pièce n'est produite en ce sens, alors qu'elle a pu valablement déclarer le sinistre auprès de l'assureur, le courtier n'ayant plus alors à intervenir, étant un tiers à l'exécution du contrat d'assurance ; qu'il en résulte que la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de ces chefs ne peut qu'également être rejetée.
3) que sur les demandes accessoires : la cour note que depuis le prononcé du jugement déféré, [U] [G] a bénéficié de fait de deux ans de délais de paiement. Elle ne justifie pas en outre de sa situation actuelle ; qu'il ne peut en conséquence ni lui être accordé des délais de paiement, ni une diminution du taux d'intérêt, les conditions de l'article 1343-5 n'étant pas remplies ; que le jugement déféré sera ainsi confirmé, à l'exception du taux d'intérêt ramené au taux légal et concernant l'octroi de délais de paiement ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la Banque a bien respecté le préavis de 60 jours minimum imposé par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier concernant la clôture du compte ; que le tribunal condamnera Madame [G] au titre de son engagement à verser à la Société Générale la somme de 16 659,44 € en principal outre intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2014, date de la première mise en demeure de règlement et jusqu'à parfait paiement ; que l'anatocisme qui découle des dispositions de l'article 1254 du code civil, ne peut être rejeté si demandé et si les intérêts portent au moins sur une année entière, le tribunal ordonnera la capitalisation des intérêts ; qu'en application des dispositions de l'article 1244-1 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux années ; que la situation personnelle de Madame [G] justifie de prendre une telle décision ; (
) ; que Madame [G] n'apporte pas la preuve de ses différentes demandes de dommages et intérêts ; qu'en conséquence Madame [G] sera déboutée de toutes ses demandes de dommages et intérêts, fins et conclusions ;
1°) ALORS QUE l'ouverture de crédit peut être expresse ou tacite et que dans ces deux cas, le banquier commet une faute en y mettant fin sans respecter un délai de préavis de 60 jours ; qu'en refusant des prélèvements et/ou de payer des chèques, la banque met fin unilatéralement à la convention de crédit sans donner à ses clients un préavis raisonnable ; que pour écarter la rupture abusive, par la Société générale, de l'ouverture de crédit accordée à Mme [G], la cour d'appel a relevé que la banque avait mis cette dernière en demeure, le 24 mars 2014, de régulariser le solde de son compte professionnel présentant un découvert de 16 484 euros, en l'informant de la clôture du compte le 26 mai 2014, ce, conformément à l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, et a considéré que les dépassements du montant du découvert autorisé consentis par la Société générale étaient des concours occasionnels constituant une simple tolérance à laquelle la banque pouvait mettre fin à tout moment, aucune convention n'ayant été régularisée à ce titre, et ne relevant donc pas de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de Mme [G], si, en l'état d'une convention de découvert de 15 000 euros consentie en 2012, à la suite de laquelle la banque avait autorisé pendant les années suivantes des dépassements allant jusqu'à 20 000 euros le découvert moyen des six derniers mois s'élevant à 16 572 euros, la banque n'avait pas tacitement consenti à Mme [G] un découvert dépassant les 15 000 euros, en y mettant fin dès le mois de septembre 2013, et en toute hypothèse avant le 24 mars 2014, en refusant des prélèvements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
2°) ALORS QUE l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 pose une exigence générale de loyauté contractuelle et de bonne foi, qui impose notamment un devoir de cohérence ; que pour écarter la rupture abusive, par la Société générale, de l'ouverture de crédit accordée à Mme [G], la cour d'appel a relevé que la banque avait mis cette dernière en demeure, le 24 mars 2014, de régulariser le solde de son compte professionnel présentant un découvert de 16 484 euros, en l'informant de la clôture du compte le 26 mai 2014, ce, conformément aux dispositions applicables, et a considéré que les dépassements du montant du découvert autorisé consentis par la Société générale étaient des concours occasionnels constituant une simple tolérance à laquelle la banque pouvait mettre fin à tout moment, et ne relevant donc pas des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de Mme [G], si l'attitude de la banque qui, tout en refusant dès septembre 2013 certains prélèvements, même minimes et essentiels comme celui de l'assurance Sogessur, avait continué à prélever à son profit des frais et commissions, qui plus est en connaissance du grave accident dont Mme [G] avait été victime, ne traduisait pas un manquement de la Société générale à son obligation de loyauté contractuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ancien susvisé ;
3°) ALORS QUE celui qui est tenu d'une obligation d'information et de conseil doit rapporter la preuve de son exécution ; qu'en retenant, pour débouter Mme [G] de ses demandes indemnitaires au titre du manquement de la Société générale à son devoir d'information et conseil quant à la souscription du contrat d'assurance auquel elle a souscrit par l'intermédiaire de la banque agissant en qualité de courtier, que Mme [G] ne produisait aucun élément de nature à démontrer que la banque ne l'aurait pas éclairée sur les conditions de la mise en oeuvre des garanties et ne niait pas avoir reçu les conditions générales du contrat, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QUE le banquier agissant en qualité de courtier est tenu d'éclairer son client sur l'adéquation des risques couverts par l'assurance qu'il lui propose avec sa situation personnelle, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; qu'en retenant, pour débouter Mme [G] de ses demandes indemnitaires au titre du manquement de la Société générale à son devoir d'information et conseil quant à la souscription du contrat d'assurance auquel elle a souscrit par l'intermédiaire de la banque agissant en qualité de courtier, que Mme [G] ne produisait aucun élément de nature à démontrer que la banque ne l'aurait pas éclairée sur les conditions de la mise en oeuvre des garanties et ne niait pas avoir reçu les conditions générales du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
5°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la Société générale ne prétendait nullement, pour demander le rejet des demandes indemnitaires de Mme [G] au titre de son manquement à son devoir d'information et de conseil en sa qualité de courtier pour la conclusion du contrat d'assurance, que Mme [G] aurait exercé une activité professionnelle englobant le conseil dans la souscription d'assurances de personnes ; qu'en se fondant, d'office et sans susciter les observations préalables des parties sur une telle circonstance pour rejeter la demande indemnitaire de Mme [G] au titre du manquement de la Société générale à son devoir d'information et de conseil, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6°) ALORS enfin QU'en déclarant que Mme [G] ne démontrait pas avoir recherché une assurance qui l'aurait mieux couverte ni qu'elle aurait nécessairement souscrit une telle assurance, de sorte que la perte d'une chance de bénéficier d'un contrat plus avantageux n'était pas rapportée, sans s'expliquer sur le préjudice moral invoqué par Mme [G], et sur le fait, non contesté, que celle-ci n'avait pas reçu d'indemnisation de la Sogessur et qu'elle avait dû recourir à une procédure de référé, trois après son accident, pour obtenir le paiement d'une provision minimum, ce qui suffisait à établir que Mme [G] avait, a minima, perdu une chance de souscrire à un meilleur contrat d'assurances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.