COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 février 2022
Rejet non spécialement motivé
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10118 F
Pourvoi n° T 19-24.633
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 FÉVRIER 2022
1°/ M. [S] [T],
2°/ Mme [B] [O], épouse [T],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° T 19-24.633 contre l'arrêt rendu le 16 août 2019 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige les opposant à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. et Mme [T], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société BNP Paribas, et l'avis de Mme Gueguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme [T] et les condamne à payer à la société BNP Paribas la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du neuf février deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [T].
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. et Mme [T] de leur demande d'annulation du prêt, de les avoir condamnés à payer à la société BNP Paribas la somme de 180.692,38 € au titre du solde du prêt consenti le 17 novembre 2005, avec intérêts au taux contractuel de 3,50 % à compter du 21 janvier 2009, et de les avoir déboutés leurs demandes de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde, les époux [T] font valoir que le prêt n'a été souscrit que sous la pression de la banque et aux seules fins de fins de renflouer les comptes de la société des enfants des époux [T] ; que la société BNP Paribas ne pouvait ignorer la situation d'insolvabilité de cette société et a manqué à son devoir d'information envers les emprunteurs ; qu'ils soutiennent que la banque a dénaturé l'engagement de prêt en obtenant une substitution de débiteur en leur faisant souscrire un prêt à son seul profit pour garantir le paiement de ses crédits inconsidérés à une société ultérieurement mise en liquidation ; qu'ils demandent confirmation du jugement qui a retenu que le prêt résultait de la fraude de la banque ; qu'il convient de relever que conformément au contrat, la banque a versé les fonds prêtés sur le compte de M. et Mme [T] ; que les époux [T] ont procédé à un virement de 50.000 € au profit de chacun de leurs trois enfants sur leur compte personnel et ont affecté le solde au comblement de leur découvert personnel ; que force est ainsi de constater que les époux [T] ont pu disposer des fonds prêtés ; que s'ils font valoir que les virements au profit de leurs enfants ont été réalisés sans ordre de virement écrit, il demeure qu'ils n'ont pu méconnaître la réalisation de ces opérations au moment de leur réalisation, sans aucune protestation de leur part ; qu'il s'en déduit que ces virements au profit des enfants ont été réalisés avec leur assentiment ; que s'il apparaît que les fonds ainsi versés aux trois enfants ont fait l'objet d'opérations de virement des comptes personnels des intéressés sur le compte de la société [T], aucun élément ne permet de retenir que ces opérations n'ont pas été librement consenties par les bénéficiaires ; que les époux [T] n'établissent nullement le caractère frauduleux de l'opération de prêt en ce qu'il leur est loisible d'effectuer des donations au profit de leurs enfants et que ces derniers demeurent maîtres de l'usage des fonds ainsi recueillis ; que s'agissant du manquement au devoir de mise en garde relativement à l'existence d'un risque d'endettement, il sera constaté qu'au moment de l'emprunt, les époux [T] faisaient état suivant demande de financement du 9 novembre 2005 de revenus totaux nets annuels de 31.200,00 € par an pour des charges nettes de 10.179,00 € par an ; que la mensualité du prêt de 698,25 € correspondait à un endettement de 32,63 % compatible avec les ressources et charges des emprunteurs ; qu'il sera, par ailleurs, constaté suivant fiche de renseignement en date du 18 mai 2005, les époux [T] ont déclaré disposer d'un patrimoine immobilier consistant d'une part en leur maison d'habitation d'une valeur estimée à 600.000 € et d'autre part, en la valeur de 20 % des parts de la société [T] comportant des terrains et trois maisons situées à [Localité 4], [Localité 5] et [Localité 3] ; qu'il ressort de ces éléments que les époux [T] disposaient d'un patrimoine leur permettant de faire face au remboursement de l'échéance finale du prêt ; qu'il n'apparaît dès lors pas que la banque était tenue d'un devoir de mise en garde et les époux [T] seront déboutés de leurs demandes de ce chef ;
1°) ALORS QUE la fraude s'entend, en matière civile et commerciale, comme l'acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive ; que tel est le cas du prêt consenti par une banque aux parents des associés d'une société, destiné à être immédiatement viré sur le compte de ceux-ci puis sur le compte de la société afin d'en réduire le découvert et de permettre ainsi à la banque d'obtenir à due concurrence une substitution de débiteur, dans la perspective de la liquidation judiciaire de la société ; qu'en l'espèce, M. et Mme [T] reprochaient à la BNP Paribas de leur avoir accordé un prêt dans le but « d'échapper aux conséquences préjudiciables pour elle de la liquidation judiciaire de la société débitrice qu'elle savait pertinemment inévitable, afin d'opérer à son seul profit et frauduleusement une substitution de débiteurs » (concl., p. 11 § 13) ; qu'en jugeant que le caractère frauduleux de l'opération n'était pas établi car il était loisible aux époux [T] d'effectuer des donations à leurs enfants, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contexte familial de l'octroi du prêt, la situation financière obérée de la société [T] Frères et le but poursuivi, à savoir le remboursement du compte débiteur de la société et la substitution des époux [T] à la société comme débiteurs, caractérisaient la fraude alléguée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'adage fraus omnia corrumpit ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, le don manuel de sommes d'argent au moyen de virements bancaires suppose que le titulaire du compte débité soit animé d'une intention libérale au profit du titulaire du compte crédité ; que l'intention libérale ne se déduit pas de la seule existence, même entre membres d'une famille, d'un virement effectué entre eux ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que les époux [T] avaient consenti des donations à leurs enfants, que les virements litigieux avaient été réalisés avec leur assentiment, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'intention libérale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 894 du code civil ;
3°) ALORS QUE l'absence de protestation du client lorsqu'il est informé d'opérations effectuées sans mandat sur son compte par le banquier fait seulement présumer son accord sur cette opération ; que le client demeure libre de rapporter la preuve contraire ; qu'en l'espèce, les époux [T] faisaient valoir qu'ils n'avaient donné aucun ordre de virement de 50.000 € au profit de chacun de leurs trois enfants (concl., p. 3 dernier §) ; qu'ils ajoutaient que la BNP Paribas avait reconnu, au cours de la procédure, qu'elle avait exécuté ces virements sans ordre de virement et que c'était la raison pour laquelle elle était dans l'impossibilité d'exécuter l'ordonnance du juge de la mise en état du 13 juillet 2011 la condamnant à verser aux débats les ordres de virement litigieux (concl., p. 5 § 8 à 12) ; qu'en se bornant à énoncer que ces virements avaient été effectués avec l'assentiment des époux [T] du fait de leur absence de protestation, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la reconnaissance par la BNP Paribas de l'absence d'ordre de virement était de nature à renverser la présomption d'accord sur les virements litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil.