SOC.
OR
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2022
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10096 F
Pourvoi n° F 20-20.279
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 JANVIER 2022
La société Michel Bonnaud et fils, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° F 20-20.279 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [V] [G], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations écrites de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Michel Bonnaud et fils, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [G], après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des présidents et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte à la société Michel Bonnaud et fils du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.
2. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Michel Bonnaud et fils aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Michel Bonnaud et fils et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Michel Bonnaud et fils
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La Sarl Michel Bonnaud et fils fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à M. [G] les sommes de 5 000 euros à titre d'heures supplémentaires, les congés payés y afférents, et par voie de conséquence, d'AVOIR déclaré que la lettre de démission du 12 novembre 2016 s'analysait en une prise d'acte aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société Bonnaud et fils à payer à M. [G] les sommes de 3 600 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, 3 240 euros à titre d'indemnité de licenciement, 10 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS DE PREMIERE PART QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en s'étant bornée à constater que M. [G] produisait deux attestations de salariés indiquant qu'ils quittaient le chantier après 9h30 de travail effectif, un tableau mentionnant les chantiers avec les temps passés pour revenir au dépôt sur lequel « ne figure pas de date de chantier, seulement qu'ils ont eu lieu depuis le mois de février 2014, ni le type de chantier, ni la prestation confiée à ce salarié », et que les deux attestations de janvier 2017, précises confirmaient que le temps de trajet retour entre le chantier et le dépôt n'était pas comptabilisé en temps de travail effectif et n'était pas payé, la cour d'appel, qui, sans avoir préalablement constaté que le salarié présentait des éléments précis quant à l'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre, a retenu que « l'employeur ne rapporte pas d'éléments suffisamment précis pour contredire ceux de M. [G] » (p. 7, 2ème §), a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS DE DEUXIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge ne peut statuer par un motif hypothétique ; qu'en retenant que s'agissant des fiches produites par l'employeur, la régularité des retours à 17 heures 45 quelle que soit la distance entre le chantier et le dépôt « semble ne pas correspondre à la réalité des horaires réalisés par le salarié » (arrêt p. 7, 1er § in fine), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS DE TROISIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE seules constituent des heures supplémentaires les heures de travail consacrées par le salarié, au-delà de la durée légale du travail, à l'exécution de sa prestation de travail sur lesquelles l'employeur peut exercer son contrôle, accomplies à la demande ou avec l'accord de l'employeur ou inhérentes à ses fonctions et rendues nécessaires par les tâches confiées ; qu'il incombe au salarié de rapporter la preuve de cet accord impliquant sa connaissance des horaires de travail du salarié et du dépassement de la durée légale ; qu'en l'espèce, la Sarl Michel Bonnaud et fils a soutenu qu'en accord avec le personnel, la durée hebdomadaire de travail était de 38 heures dont 3 heures supplémentaires, qu'il n'était pas informé de la réalisation d'autres heures dépassant ce seuil, que le personnel n'y avait jamais eu recours sans demande expresse sur certains chantiers et pour lesquels ces heures avaient été rémunérées, que l'employeur n'en n'avait pas été informé et n'avait pas donné implicitement son accord (conclusions d'appel p. 8) ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par l'employeur qui le contestait, s'il avait donné son accord à la réalisation d'heures supplémentaires au-delà des 38 heures par semaine qui étaient rémunérées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS DE QUATRIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en affirmant être « suffisamment informée, compte tenu des motifs précédents et des pièces communiquées pour limiter à 5 000 euros le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires » (p. 7, 3ème §), la cour d'appel a statué par voie d'affirmation et a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)La Sarl Michel Bonnaud et fils fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré que la lettre de démission du 12 novembre 2016 s'analysait en une prise d'acte aux torts exclusifs de l'employeur, qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Bonnaud et fils à payer à M. [G] les sommes de 3 600 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis les congés payés afférents, 3 240 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 10 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE seul un manquement de l'employeur à ses obligations suffisamment grave et empêchant véritablement la poursuite du contrat de travail permet le prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [G] « avait effectué pendant plusieurs mois des heures supplémentaires non payées », avait contesté à plusieurs reprises le non règlement de l'ensemble des heures de travail réalisées et que la lettre du 12 novembre 2016 marquait le fait que la poursuite de la relation contractuelle était impossible ; qu'en retenant que « Compte tenu de ce manquement grave et répété de la part de l'employeur, la lettre de démission s'analyse en une prise d'acte aux torts exclusifs de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse », la cour d'appel, qui n'a pas fait ressortir en quoi le défaut de paiement d'heures supplémentaires avait empêché la poursuite du contrat de travail qui avait continué à être exécuté pendant plusieurs mois, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1235-3 du code du travail, 1134 devenu 1103 et 1184 devenu 217 du code civil.