LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 janvier 2022
Cassation partielle sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 85 F-D
Pourvoi n° E 20-18.553
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022
M. [W] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-18.553 contre le jugement rendu le 15 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Poitiers, dans le litige l'opposant au syndicat interdépartemental mixte pour l'équipement rural de Montmorillon, dont le siège est [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [P], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du syndicat interdépartemental mixte pour l'équipement rural de Montmorillon, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Poitiers, 15 mai 2020), rendu en dernier ressort, la commune de Montmorillon a transféré la responsabilité de la collecte et du traitement des déchets des ménages au syndicat interdépartemental mixte pour l'équipement rural (le syndicat), qui, en application de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, a institué depuis le 1er janvier 2002 une redevance d'enlèvement des ordures ménagères.
2. M. [P], propriétaire d'un local d'habitation, donné à bail depuis 2005, et destinataire de cinq factures émises depuis 2017 par le syndicat au titre de cette redevance, a demandé la convocation de celui-ci devant le tribunal judiciaire, pour obtenir l'annulation de ces factures.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. [P] fait grief au jugement de rejeter sa demande d'annulation, alors :
« 1°/ que seule est débitrice de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères la personne qui utilise le service de ramassage, et partant le locataire du logement quand celui-ci fait l'objet d'une location ; qu'en retenant, pour débouter M. [P] de sa demande d'annulation des redevances d'enlèvement des ordures ménagères mises à sa charge au titre du logement qu'il avait donné à bail, que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères servait à financer la collecte des déchets ménagers et non ménagers et qu'elle était payée par le propriétaire d'un immeuble soumis à la taxe foncière, le tribunal a violé l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, par fausse application ;
2°/ qu'en retenant encore, pour débouter M. [P] de sa demande d'annulation des redevances d'enlèvement des ordures ménagères mises à sa charge au titre du logement qu'il avait donné à bail, que si lorsque l'immeuble est donné en location, la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, qui est liée à un service rendu, est supportée par le locataire au titre des impositions qui correspondent à des services dont il profite directement, la seule personne redevable de la redevance à l'égard du Trésor public chargé de récolter reste le propriétaire des lieux, le tribunal a de nouveau violé l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, par refus d'application ensemble les articles 1520 et 1521 code général des impôts, par fausse application ;
3°/ qu'en énonçant encore, pour débouter M. [P] de sa demande d'annulation des redevances d'enlèvement des ordures ménagères mises à sa charge au titre du logement qu'il avait donné à bail, qu'en vertu de l'article L. 442-3 du code de la construction et de l'habitation et du décret du 9 novembre 1982 la redevance d'enlèvement des ordures ménagères constitue une charge récupérable sur le locataire de sorte que lorsque le logement est loué, le bailleur peut en obtenir le remboursement par le locataire au titre des charges récupérables, le tribunal, qui s'est fondé sur des dispositions régissant les rapports entre les organismes d'habitation à loyer modéré et les bénéficiaires inapplicables au litige dont il était saisi, a violé l'article L. 442-3 du code de la construction et le décret du 9 novembre 1982 par fausse application, ensemble l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriale. »
Réponse de la Cour
4. En matière de bail d'habitation soumis aux dispositions d'ordre public des articles 23 et 25 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, renvoyant à l'article 1er du décret n° 87-713 du 26 août 1987, avec son annexe comportant la liste des charges récupérables qui, dans son titre VIII « impositions et redevances », vise expressément la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, celle-ci, qui est la contrepartie de la fourniture du service dont le locataire profite directement, constitue une charge que le locataire doit rembourser au bailleur qui en a fait l'avance.
5. Abstraction faite de références erronées, mais inopérantes, à l'article L. 442-3 du code de la construction et de l'habitation, au décret du 9 novembre 1982 et au paiement de la taxe foncière, le tribunal judiciaire, qui a relevé que la redevance dont le syndicat intercommunal demandait paiement au propriétaire bailleur, constituait une charge récupérable, a exactement retenu que le syndicat était fondé à demander paiement de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères au propriétaire qui peut, lorsque le logement est loué, en obtenir le remboursement du locataire.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen relevé d'office
7. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
8. Saisi d'une demande en annulation de factures dirigée contre le syndicat, le juge, après avoir rejeté cette prétention, a requalifié le bail portant sur le logement n° 6 au [Adresse 1] en bail de location meublée.
9. En statuant ainsi, alors qu'aucune partie ne sollicitait la requalification du bail portant sur un logement, et que le locataire n'était pas partie à l'instance, le tribunal judiciaire, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. La cassation partielle prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement de la seule disposition requalifiant le bail portant sur le logement n° 6 au [Adresse 1] en bail de location meublée, le jugement rendu le 15 mai 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés en première instance et devant la Cour de cassation ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. [P]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [P] fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande d'annulation des factures émises au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères portant sur le logement loué sis au [Adresse 1] ;
1°) ALORS QUE seule est débitrice de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères la personne qui utilise le service de ramassage, et partant le locataire du logement quand celui-ci fait l'objet d'une location ; qu'en retenant, pour débouter M. [P] de sa demande d'annulation des redevances d'enlèvement des ordures ménagères mises à sa charge au titre du logement qu'il avait donné à bail, que la redevance d'enlèvement des ordures ménagères servait à financer la collecte des déchets ménagers et non ménagers et qu'elle était payée par le propriétaire d'un immeuble soumis à la taxe foncière, le tribunal a violé l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, par refus d'application ensemble les articles 1520 et 1521 code général des impôts, par fausse application ;
2°) ALORS QU' en retenant encore, pour débouter M. [P] de sa demande d'annulation des redevances d'enlèvement des ordures ménagères mises à sa charge au titre du logement qu'il avait donné à bail, que si lorsque l'immeuble est donné en location, la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, qui est liée à un service rendu, est supportée par le locataire au titre des impositions qui correspondent à des services dont il profite directement, la seule personne redevable de la redevance à l'égard du Trésor Public chargé de récolter reste le propriétaire des lieux, le tribunal a de nouveau violé l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, par refus d'application ensemble les articles 1520 et 1521 code général des impôts, par fausse application ;
3°) ALORS QU'en énonçant encore, pour débouter M. [P] de sa demande d'annulation des redevances d'enlèvement des ordures ménagères mises à sa charge au titre du logement qu'il avait donné à bail, qu'en vertu de l'article L. 442-3 du code de la construction et de l'habitation et du décret du 9 novembre 1982 la redevance d'enlèvement des ordures ménagères constitue une charge récupérable sur le locataire de sorte que lorsque le logement est loué, le bailleur peut en obtenir le remboursement par le locataire au titre des charges récupérables, le tribunal, qui s'est fondé sur des dispositions régissant les rapports entre les organismes d'habitation à loyer modéré et les bénéficiaires inapplicables au litige dont il était saisi, a violé l'article L. 442-3 du code de la construction et le décret du 9 novembre 1982 par fausse application, ensemble l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
M. [P] fait grief au jugement attaqué d'avoir requalifié le bail portant sur le logement n°6 au [Adresse 1] en bail de location meublée ;
ALORS QU'un logement meublé est un logement décent équipé d'un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d'y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante, qui comporte au minimum une literie comprenant une couette ou une couverture, un dispositif d'occultation des fenêtres dans les pièces destinées à être utilisées comme chambre à coucher, des plaques de cuisson, un four ou un four à micro-ondes, un réfrigérateur et congélateur ou, au minimum, un réfrigérateur doté d'un compartiment permettant de disposer d'une température inférieure ou égale à - 6 °C, une vaisselle nécessaire à la prise des repas, des ustensiles de cuisine, une table et des sièges, des étagères de rangement et des luminaires ; qu'en énonçant, pour requalifier le contrat de location consenti par M. [P] en bail portant sur une location meublée, que le locataire disposait des meubles lui permettant de satisfaire aux besoins élémentaires de la vie quotidienne dès lors qu'il résultait du document annexé au contrat de location intitulé « prêt de meubles » signé par le locataire que celui-ci bénéficiait d'une table, de trois chaises, d'un meuble comportant deux portes, d'un frigo, d'un meuble avec quatre tiroirs, d'un lit en bois, d'un sommier à lattes, d'un matelas, d'un meuble bas et que l'état des lieux d'entrée précisait quant à lui que le logement était équipé d'une plaque Fagor comprenant quatre feux vitrocéramique et de plusieurs étagères, sans rechercher, comme il y était pourtant invité, si l'appartement était doté de l'ensemble du mobilier devant figurer dans un logement meublé, et notamment d'une couette ou d'une couverture, d'un dispositif d'occultation des fenêtres dans les pièces destinées à être utilisées comme chambre à coucher, d'un four ou d'un four à micro-onde, des ustensiles de cuisine, des luminaires, d'un matériel d'entretien ménager adapté aux caractéristiques du logement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 25-4 de la loi du 6 juillet 1989 ensemble l'article 2 du décret n°2015-981 du 31 juillet 2015.