CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 janvier 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10107 F
Pourvoi n° C 20-17.171
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022
M. [F] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 20-17.171 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2020 par la cour d'appel de Chambéry (3e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [S] [N], domiciliée [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [H], de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme [N], après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et le condamne à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [H].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que pour solde de tout compte M. [H] est débiteur envers Mme [N] de la somme de 56 836,07 euros, et en tant que de besoin de l'AVOIR condamné à lui payer cette somme outre les intérêts légaux à compter du prononcé de l'arrêt d'appel, et D'AVOIR débouté M. [H] de sa demande tendant à ce que soit désigné un nouvel expert avec mission pour l'expert désigné de déterminer le profit subsistant quant aux travaux qui ont été réalisés sur les lots n°3 et 4 dépendant de l'immeuble cadastré section [Cadastre 3] sis à [Localité 2] de M. [F] [H] en évaluant le bien sans les travaux, selon les prix du marché existant antérieurement à la réalisation des travaux, pour, à partir de cette valeur, déterminer l'éventuelle plus-value occasionnée par les travaux ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« La créance de Mme [N] a été chiffrée à 57 000 euros par les premiers juges.
L'expert a évalué à 220 000 euros la valeur vénale du bien et à 106 000 euros cette même valeur sans les travaux, selon valorisation actuelle.
Il a ensuite chiffré par soustraction à 114 000 euros la plus-value apportée aux biens dans l'hypothèse où les travaux auraient été financés en totalité par la communauté.
C'est donc cette hypothèse qui a été retenue par les premiers juges.
L'expert a ensuite envisagé l'hypothèse selon laquelle les travaux auraient été financés pour partie sur fonds propres de M. [H], à savoir à hauteur des factures acquittées directement par la mère de M. [H] pour le compte de son fils à hauteur de 20 450,07 euros, et dans une telle hypothèse, la récompense due à la communauté s'élèverait à 60 361 euros.
Selon M. [H], la méthode de l'expert ne serait pas appropriée : il aurait dû évaluer la valeur du bien sans les travaux à une époque antérieure à leur réalisation en fonction du marché existant à cette époque.
Cependant, l'expert a fait une application exacte des dispositions de l'article 1469 alinéna 3 du Code civil, dès lors qu'au sens de ces dispositions, le profit subsistant résulte de la différence entre la valeur actuelle du bien et celle qu'il aurait eue si la dépense n'avait pas été faite.
Le calcul du profit subsistant se fonde donc sur la comparaison des deux valeurs actuelles du bien.
Il convient donc de débouter M. [H] de sa demande de nouvelle expertise. »
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE :
« selon l'article 1469 du Code Civil, la récompense est en général égale à la plus faible des deux sommes que représente la dépense faite et le profit subsistant ; et elle ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se trouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur ;
Que le profit subsistant représente la différence entre la valeur actuelle du bien et celle qu'il aurait eue si la dépense n'avait pas été faite ;
Qu'en l'espèce, il résulte du rapport d'expertise et il n'est pas contesté qu'à compter de 1985 les époux ont réhabilité complètement un bien propre de M. [H] (en ce qu'il lui a été donné par sa mère) sis à [Localité 2], initialement constitué d'un séjour et de 3 petites chambres et d'un grenier, tout reconstruire", ne laissant que les murs porteurs, et créer un appartement de 150m2 sur deux niveaux composé de 5 chambres, un bureau, deux salles de bain, une cuisine, salon, salle à manger avec 100m2 de terrasse aménagée; que l'expert confirme que cette masse de travaux très importante a dès sa réalisation conféré aux biens une plus-value certaine ;
Que l'expert relève, en accord avec les parties, que ces travaux ont été financés en partie par 5 prêts souscrits par la communauté auprès de la Banque de Savoie pour un montant total de 230.000 francs, soit 35.063,276, ainsi que par le remploi du prix de vente d'un bâtiment sis sur la commune de [Localité 5] pour 180.000 francs, soit 27.440,826 ;
Que M. [H] prétend qu'il aurait également remployé des fonds propres issus de donations en espèces de sa mère, soit par versement sur le compte commun, soit par le règlement de factures de travaux communes ;
Que si pour en justifier, il produit une attestation de cette dernière en date du 26 novembre 2012 où elle indique avoir procédé à des dons en espèces, ainsi que les relevés bancaires du compte commun retraçant ces prétendus dons, le mode de versement ne permet nullement de vérifier leur origine et qu'il s'agit de versements provenant de Mme [H], ces sommes pouvant provenir de l'activité d'un des deux époux (notamment de l 'exploitation du restaurant par M. [H] et sa mère) ou de tout autre horizon ; que par nature, le choix de procéder à des versements en espèces empêche toute traçabilité de ceux-ci ; qu'il ne peut donc qu'être jugé que les travaux ont été intégralement financés par la communauté;
Que s'agissant de la méthode d'évaluation du profit subsistant par l'expert, le Tribunal ne peut que relever que ce dernier a bien très justement procédé à deux valorisations du bien à la date du 8 janvier 2008 : une du bien tel qu'il existe (220.000 euros) et celle qu'il aurait eue si les travaux n'avaient pas été effectués, soit dans son état antérieur (selon deux méthodes, l'une aboutissant à une valeur de 105.000 euros et l'autre à 107.000euros, soit une valeur moyenne de 106.000euros) ; que cette méthode de calcul ne peut qu'être retenue, et M. [H] ne peut qu'être débouté de sa demande de contre-expertise ;
Que les travaux ayant été intégralement financés par la communauté, le profit subsistant doit être évalué à 114.0006 (220.000-106.000), de sorte que M. [H] doit une récompense à la communauté de 114.000 euros, soit une somme de 57.000 euros à l'égard de Mme [N] » ;
ALORS QU'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de M. [H] (p. 10), si la méthode d'évaluation du bien sans les travaux d'amélioration n'était pas erronée en ce que l'expert avait calculé, afin d'évaluer la valeur actuelle du bien et la valeur actuelle du bien sans les travaux, le prix moyen au mètre carré avant d'appliquer des coefficients qu'il a discrétionnairement déterminés, quand les évaluations de la valeur actuelle du bien et de la valeur actuelle du bien sans les travaux doivent être faites indépendamment l'une de l'autre afin de garantir leur sérieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1469 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [H] de sa demande tendant à ce qu'il dit et jugé qu'il est redevable d'une soulte de 29 228 euros à l'égard de Mme [N], au titre du profit subsistant quant aux travaux réalisés sur son bien propre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« À titre subsidiaire, M. [H] estime qu'il faudrait déduire du coût des travaux les sommes payées par sa mère.
D'une part, les premiers juges ont estimé à juste titre que les justificatifs produits n'étaient pas probants.
D'autre part, l'attestation de Mme [H] est rédigée dans les termes suivants,
Je soussigné Mme veuve [H] (...) certifie avoir donné régulièrement à mon fils [F] de l'argent en espèces. Après consultation des relevés de compte de mon fils, mes versements sont les suivants (...)."
Cette formulation ne permet pas d'exclure que la donatrice entendait gratifier la communauté, puisque les travaux étaient destinés au logement familial.
Il convient de retenir à cet égard que le compte bancaire sur lequel les sommes ont transité était ouvert au nom des deux époux, ce qui fait penser que M. [H] a considéré que ces sommes entraient dans la communauté (pièce n° 9).
Il convient ainsi de confirmer les dispositions du jugement qui ont chiffré à 57 000 euros la récompense due à la communauté pour les travaux sur l'immeuble de [Localité 2]. »
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE :
« M. [H] prétend qu'il aurait également remployé des fonds propres issus de donations en espèces de sa mère, soit par versement sur le compte commun, soit par le règlement de factures de travaux communes ;
Que si pour en justifier, il produit une attestation de cette dernière en date du 26 novembre 2012 où elle indique avoir procédé à des dons en espèces, ainsi que les relevés bancaires du compte commun retraçant ces prétendus dons, le mode de versement ne permet nullement de vérifier leur origine et qu'il s'agit de versements provenant de Mme [H], ces sommes pouvant provenir de l'activité d'un des deux époux (notamment de l 'exploitation du restaurant par M. [H] et sa mère) ou de tout autre horizon ; que par nature, le choix de procéder à des versements en espèces empêche toute traçabilité de ceux-ci ; qu'il ne peut donc qu'être jugé que les travaux ont été intégralement financés par la communauté ; »
1°) ALORS QU'en ne répondant pas au moyen opérant de M. [H] (p. 12) selon lequel le couple n'avait pas les moyens financiers personnels pour payer les travaux, ce qui impliquait qu'ils avaient nécessairement été financés par une source extérieure qui ne pouvait être que la mère de M. [H] qui avait procédé à des versements en espèces au profit de son fils, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en constatant que des sommes avaient transité sur le compte bancaire ouvert au nom des deux époux tout en jugeant que les justificatifs produits n'étaient pas probants, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en jugeant que l'attestation de Mme [H] (production 4) qui exposait « Je soussigné Mme veuve [H] ( ) certifie avoir donné régulièrement à mon fils [F] de l'argent en espèces » ne permettait pas d'exclure qu'elle avait cherché à gratifier la communauté, quand il résultait clairement de cet acte qu'elle souhaitait gratifier exclusivement son fils, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause.
Le greffier de chambre