La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2022 | FRANCE | N°20-15474;20-17441

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 janvier 2022, 20-15474 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 54 F-D

Pourvois n°
G 20-15.474
W 20-17.441 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCO

NOMIQUE, DU 26 JANVIER 2022

I - La société George, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 54 F-D

Pourvois n°
G 20-15.474
W 20-17.441 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 JANVIER 2022

I - La société George, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-15.474 contre un arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel de Metz (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Salaisons Sampiero, société par actions simplifiée,

2°/ à la société Salaison Sampiero, société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 3],

3°/ à la société George, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.

II - La société Salaisons Sampiero, société par actions simplifiée, a formé le pourvoi n° W 20-17.441 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Georges, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée,

2°/ à la société Georges, société à responsabilité limitée,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° G 20-15.474 et la demanderesse au pourvoi n° W 20-17.441 invoquent, chacune, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'EURL George, de Me Bouthors, avocat de la SAS Salaisons Sampiero, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la SARL Georges, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 20-15.474 et W 20-17.441 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 23 janvier 2020), par acte du 28 janvier 2008, la SARL George et la SARL Salaison Sampiero, devenue la SAS Salaisons Sampiero (la société Sampiero) ont conclu un contrat de fourniture de produits de salaisons pour les années 2008 à 2011. Ce contrat a été ultérieurement cédé par la SARL George à l'EURL George.

3. Reprochant à la société Sampiero de ne pas avoir rempli son obligation contractuelle d'approvisionnement et à la SARL George de continuer à fournir la société Sampiero, l'EURL George les a assignées en réparation de son préjudice, avant de se désister de son action contre la SARL George. La société Sampiero a demandé la garantie de la SARL George pour toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° G 20-15.474, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et sur le moyen du pourvoi n° W 20-17.441, pris en sa première branche, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi n° G 20-15.474, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'EURL George fait grief à l'arrêt de dire que les parties ont limité le préjudice que pouvait connaître le fournisseur suite à un manquement du client au remboursement de la somme de 220 000 euros par lui perçue, et de condamner la société Sampiero à lui payer la seule somme de 220 000 euros, la déboutant du surplus de sa demande de dommages-intérêts, alors « que dans les motifs de sa décision, la cour d'appel a considéré que la clause prévoyant le remboursement du budget promotionnel de 220 000 euros "ne p(ouvait) pas être interprétée comme une clause limitative de réparation mais simplement comme une clause prévoyant le versement d'une somme forfaitairement définie en cas de non-respect des quotas réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat avant terme, non-exclusive d'autres indemnisations" ; qu'en confirmant néanmoins le jugement qui avait, dans son dispositif, "constaté que les parties avaient limité le préjudice que pouvait connaître le fournisseur suite à un manquement du client au remboursement de la somme de 220 000 euros par lui perçue", la cour d'appel a entaché sa décision de contradiction, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs.

7. Après avoir, dans ses motifs, retenu que la clause figurant au contrat ne pouvait pas être interprétée comme une clause limitative de réparation mais simplement comme une clause prévoyant le versement d'une somme forfaitairement définie en cas de non-respect des quotas réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat avant terme, non-exclusive d'autres indemnisations, l'arrêt confirme le jugement qui, dans son dispositif, constatait que les parties avaient limité le préjudice que pouvait subir le fournisseur à la suite d'un manquement du client au remboursement de la somme de 220 000 euros par lui perçue puis condamnait la société Sampiero à payer cette somme à l'EURL George.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le moyen du même pourvoi, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

9. L'EURL George fait le même grief à l'arrêt, alors « que le contrat de fourniture du 28 janvier 2008 prévoyait que "les prix nets des produits rendus [Localité 2] (étaient) calculés selon les équations suivantes et ne p(ouvaient) être revus à la hausse ou à la baisse seulement qu'en cas de modification d'un élément ou d'une variante imposée au fournisseur composant cette équation, ou en cas de force majeure ou d'impératif" et prévoyait, indépendamment de ces prix, une marge fixe de "0,17 €/kg" qui n'était pas susceptible de variation ; qu'en retenant que l'EURL George n'établissait pas, grâce à l'expertise comptable du 27 mars 2014, la marge qu'elle aurait pu réaliser, faute d'éléments fiables sur le prix des matières premières, quand il résultait des stipulations du contrat de fourniture que l'EURL George avait à tout le moins droit à une marge fixe s'élevant à "0,17 €/Kg", de sorte qu'elle ne dépendait pas du prix des matières premières, qui faisait uniquement varier le prix net des produits vendus, mais du volume vendu, qui lui était contractuellement fixé, la cour d'appel a violé l'ancien article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

10. Il résulte de ce texte que dans l'hypothèse d'une résiliation anticipée d'un contrat à durée déterminée, le prix n'est dû qu'en cas d'exécution de la prestation convenue. Il appartient au juge du fond d'évaluer le préjudice résultant de cette résiliation.

11. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts au titre du manque à gagner de l'EURL George, la cour d'appel retient que seuls les dires d'un expert, ou des pièces fiables sur le prix des matières sur les périodes de calcul, auraient été en mesure d'établir le montant du préjudice, documents qui ne sont pas produits par les parties.

12. En statuant ainsi, alors que le contrat liant les parties déterminait les quantités minimales devant être commandées annuellement par la société Sampiero à l'EURL George ainsi que le taux de marge de cette dernière, de sorte que le calcul du manque à gagner constitutif du préjudice né de la résiliation anticipée du contrat se déduisait des seuls éléments du contrat rapportés aux volumes effectivement commandés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi n° W 20-17.441, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

13. La société Sampiero fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité contractuelle à l'égard de l'EURL George, d'allouer à celle-ci la somme de 220 000 euros de dommages-intérêts et de dire n'y avoir lieu à garantie de la société Sampiero par la SARL George, alors « qu'en vertu de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, le juge ne peut, sous couvert d'interprétation, dénaturer le sens clair et précis d'une clause ; qu'en l'espèce, la clause du contrat de fourniture stipulant qu'en cas de manquement contractuel sur les volumes, la société Sampiero remboursera l'intégralité du budget promotionnel qu'elle aura perçu de la SARL George soit 220 000 euros hors taxes ; que cette clause n'avait pas la nature d'une clause pénale mais prévoyait expressément, en cas de non-respect des volumes d'achat déterminés, le remboursement, par le distributeur, de la somme perçue du fournisseur au titre du budget promotionnel ; qu'en décidant, pour la condamner à payer à l'EURL George la somme litigieuse, que cette somme était due, en tout état de cause, du seul fait des manquements contractuels, sans avoir à rechercher si cette somme avait été effectivement payée ou non par le fournisseur, la cour a dénaturé les termes clairs et précis de la clause en violation de l'article précité. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

14.Pour écarter le moyen de défense de la société Sampiero qui contestait avoir reçu, de la SARL George, son fournisseur, la somme de 220 000 euros et la condamner à payer cette somme à l'EURL George, l'arrêt retient qu'il résulte des dispositions contractuelles que la société Sampiero aurait dû la réclamer auprès de son fournisseur et que les parties avaient clairement convenu qu'elle était due en cas d'inexécution contractuelle relative aux volumes annuels.

15. En statuant ainsi, alors que le contrat précisait que le fournisseur, la société George, reconnaissait devoir la somme forfaitaire de 220 000 euros au client, la société Sampiero, afin que celle-ci réalise des opérations de promotions et que, dans l'hypothèse où les quantités contractuelles annuelles ne seraient pas commandées, la société Sampiero s'engageait à rembourser l'intégralité du budget promotionnel qu'elle aura perçu, soit la somme de 220 000 euros, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du contrat, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il constate que les parties ont limité le préjudice que pouvait connaître le fournisseur à la suite d'un manquement du client au remboursement de la somme de 220 000 euros par lui perçue, condamne la société Salaisons Sampiero à payer à l'EURL George la somme de 220 000 euros, rejette le surplus des demandes de dommages-intérêts formées par l'EURL George et rejette la demande en garantie de la société Salaisons Sampiero contre la SARL George et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° G 20-15.474 par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour L'EURL George.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que « les parties avaient limité le préjudice que pouvait connaître le fournisseur suite à un manquement du client au remboursement de la somme de 220 000 euros par lui perçue », et d'AVOIR condamné la société Salaisons Sampiero à payer à l'EURL George la seule somme de 220 000 euros, déboutant ainsi l'EURL George du surplus de sa demande de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, le débiteur est condamné s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu'en application des dispositions de l'article 1352 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation d'en rapporter la preuve et à celui qui se prétend libérer de justifier du paiement ou du fait qui a produit l'extinction de son obligation : que la preuve est libre en matière commerciale ; qu'il résulte du contrat de fourniture en date du 28 janvier 2008 que la SAS Salaisons Sampierio s'était engage à s'approvisionner auprès de la SARL George pour les quantités suivantes : « 1. Echine de porc - coppa affiné : 90 000 kg/an, 2. Filet de porc - lonzo affiné : 90 000 kg/an, 3. Jambons secs ou affinés désossés s/vide : 40 000 kg/an, 4. Saucissons secs : 40 000 kg/an » ; que si le contrat prévoit une clause de nullité en cas de non-respect de ces quotas, aucune des parties ne sollicite, dans son dispositif, la nullité du contrat de fourniture, de sorte que la cour n'a pas à statuer sur ce point ; que la SAS Salaisons Sampiero invoque une novation et une modification des quantités pendant sa relation avec la SARL Georges ; que cependant elle ne rapporte nullement la preuve de l'accord des parties pour une substitution du contrat initial par une autre convention modifiant les quantités ; qu'elle affirme que ces quantités n'ont jamais été respectées et que certaines commandes ont été ignorées, exécutées avec du retard ou partiellement exécutées, mais elle n'en justifie pas ; que d'ailleurs elle ne sollicite pas de réparation sur les manquements évoqués ; que l'EURL George soutient que les quotas contractuels n'ont pas été respectés par la SAS Salaisons Sampiero et que cette dernière a cessé de s'approvisionner auprès d'elle à partir du 9 février 2010, ce que ne conteste pas la SAS Salaisons Sampiero ; qu'elle reconnaît donc ne pas avoir respecté ces quotas et avoir cessé de s'approvisionner auprès de l'EURL Georges ; qu'il est donc établi un manquement aux conditions du contrat et la responsabilité contractuelle de la SAS Salaisons Sampiero doit donc être engagée au titre d'une inexécution contractuelle ; que sur le préjudice, il résulte des dispositions du contrat de fourniture en date du 28 janvier 2008 que « le fournisseur, en l'espèce, la société Georges, reconnaît une somme forfaitaire à son client, la société Sampiero, de 220 000 euros hors taxes (?) afin de promouvoir les 4 références d'articles génériques (?) au travers d'actions de promotion, de dégustation, de publicité ou de tout autre moyen que le client entendra mettre en place pour encourager le développement des produits du fournisseurs visant à accroitre son référencement tant vis-à-vis des distributeurs que des consommateurs » et « que la société Sampiero s'engage à respecter les volumes annuels et que dans le cas contraire elle remboursera l'intégralité du budget promotionnel qu'elle aurai perçu de la SARL Georges soit 220 000 euros hors taxes (?) quel que soit le moment où elle n'aurait pas respecté ses engagements sur la période commençant le 1er janvier 2008 et se clôturant le 31 décembre 2011 au terme calendaire de chaque année civile » ; que si la SAS Salaisons Sampiero affirme que cette somme n'a jamais été versée, il résulte des dispositions de cette clause contractuelle qu'elle aurait dû réclamer cette somme auprès de son fournisseur mais qu'en tout état de cause, les parties avaient clairement convenu que la somme de 220 00 euros était due en cas d'inexécution contractuelle relative aux volumes annuels ; que cette clause ne peut pas être interprétée comme une clause limitative de réparation mais simplement comme une clause prévoyant le versement d'une somme forfaitairement définie en cas de non-respect des quotas réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat avant terme, non-exclusive d'autres indemnisation ; que l'EURL Georges sollicite également une réparation de son préjudice à hauteur de la somme de 2 712 261 euros du fait d'un manque à gagner au titre de la perte de marge et produit pour justifier sa demande un calcul effectué par un expert-comptable ; que toutefois le rapport de l'expert-comptable du 27 mars 2017 n'a pas été établi de manière contradictoire et se contente d'effectuer des calculs sur la base d'un prix qui ressort du contrat objet du litige mais qui n'est mentionné qu'à titre d'exemple pour illustrer le calcul convenu entre les parties ; que le prix retenu par l'expert-comptable en 2009 ne tient donc pax compte des éventuelles évolutions des prix des matières premières au cours des années 2010 et 2011 ; que ce rapport est de ce fait insuffisant pour rapporter la preuve du préjudice de l'EURL Georges ; que seuls les dires d'un expert ou des pièces fiables sur le prix des matières sur les périodes de calcul auraient été en mesure d'établir la réalité du préjudice, documents qui ne sont pas produits par les parties ; qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Salaisons Sampiero à payer à l'EURL George la somme de 220 000 euros et de débouter l'EURL Georges de sa demande en paiement de la somme de 2 712 261 euros ;

1° ALORS QUE dans les motifs de sa décision, la cour d'appel a considéré que la clause prévoyant le remboursement du budget promotionnel de 220 000 euros « ne p(ouvait) pas être interprétée comme une clause limitative de réparation mais simplement comme une clause prévoyant le versement d'une somme forfaitairement définie en cas de non-respect des quotas réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat avant terme, non-exclusive d'autres indemnisation » (arrêt, p. 9, dernier § et p. 10, premier §) ; qu'en confirmant néanmoins le jugement qui avait, dans son dispositif, « constaté que les parties avaient limité le préjudice que pouvait connaître le fournisseur suite à un manquement du client au remboursement de la somme de 220 000 euros par lui perçue » (jugement, p. 9, § 4), la cour d'appel a entaché sa décision de contradiction, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE tout rapport d'expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties et corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en retenant, pour débouter l'EURL George de sa demande tendant à obtenir réparation du manque à gagner résultant de l'absence d'exécution du contrat de fourniture jusqu'à son terme, qu'elle se fondait, pour établir son préjudice, sur un rapport d'expertise privée d'un expert-comptable, quand ce rapport, qui était régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, et qui se référait au contrat conclu entre les parties, qui était produit aux débats, par lequel il était ainsi corroboré, et qui était en outre étayé par des factures, également produites aux débats, pouvait servir d'élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3° ALORS QUE le contrat de fourniture du 28 janvier 2008 visait des prix, « calculés selon les équations suivantes », qui « ne p(ouvaient) être revus à la hausse ou à la baisse seulement qu'en cas de modification d'un élément ou d'une variante imposée au fournisseur composant cette équation, ou en cas de force majeure ou d'impératif », et citait les valeurs à retenir pour déterminer le prix de chaque catégorie de produit ; qu'en retenant, pour juger non probant le rapport de l'expert-comptable du 27 mars 2014, qu'il se contentait d'effectuer des calculs sur la base d'un prix qui ressortait du contrat objet du litige mais qui n'était mentionné « qu'à titre d'exemple » pour illustrer le calcul convenu entre les parties, et ne pouvait servir de base au calcul du préjudice de l'exposante en l'absence de preuve fiable de la variation du prix des matières de la période considérée, quand il résultait clairement et précisément du contrat de fourniture que les chiffres cités au contrat ne constituaient pas des exemples mais des données de référence qui s'imposaient aux parties en l'absence de variation établie et déterminaient le prix devant être appliqué, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de fourniture, en violation de l'ancien article 1134, devenu 1103, du code civil, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturé les documents de la cause ;

4° ALORS QUE dès lors que le contrat citait des prix qui constituaient des données de référence qui s'imposaient aux parties en l'absence de variation établie, il incombait à celui qui refusait l'application des chiffres cités par le contrat d'établir que les conditions de leur variation étaient réunies ; qu'en retenant au contraire, pour juger que l'EURL George n'établissait pas son préjudice, qu'elle en rapportait la preuve grâce à un rapport d'expertise effectuant des calculs sur la base d'un prix qui ressortait du contrat objet du litige, sans justifier, par des pièces fiables, de l'évolution du prix durant la période considérée, quand en l'absence preuve sur la variation des prix cités au contrat, il convenait de tenir compte des prix prévus au contrat, la cour d'appel a violé l'ancien article 1315, devenu 1353, du code civil ;

5° ALORS QUE le contrat de fourniture du 28 janvier 2008 prévoyait que « les prix nets des produits rendus [Localité 2] (étaient) calculés selon les équations suivantes et ne p(ouvaient) être revus à la hausse ou à la baisse seulement qu'en cas de modification d'un élément ou d'une variante imposée au fournisseur composant cette équation, ou en cas de force majeure ou d'impératif » et prévoyait, indépendamment de ces prix, une marge fixe de « 0,17 €/kg » qui n'était pas susceptible de variation ; qu'en retenant que l'EURL George n'établissait pas, grâce à l'expertise comptable du 27 mars 2014, la marge qu'elle aurait pu réaliser, faute d'éléments fiables sur le prix des matières premières, quand il résultait des stipulations du contrat de fourniture que l'EURL George avait à tout le moins droit à une marge fixe s'élevant à « 0,17 €/Kg », de sorte qu'elle ne dépendait pas du prix des matières premières, qui faisait uniquement varier le prix nets des produits vendus, mais du volume vendu, qui lui était contractuellement fixé, la cour d'appel a violé l'ancien article 1134, devenu 1103, du code civil ;

6° ALORS QUE le juge ne peut refuser de réparer un dommage dont l'existence est établie ; qu'en déboutant l'EURL George de sa demande tendant à obtenir réparation du manque à gagner résultant de l'absence d'exécution du contrat de fourniture jusqu'à son terme au motif qu'elle n'établissait pas quelle marge elle aurait réalisée jusqu'au terme contractuellement prévu, quand il lui appartenait d'évaluer le préjudice que le défaut d'exécution du contrat jusqu'au terme contractuelle prévu avait nécessairement causé au fournisseur, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil. Moyen produit au pourvoi n° W 20-17.441 par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la SAS Salaisons Sampiero.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la responsabilité contractuelle de la société Salaisons Sampiero à l'égard de l'EURL George, alloué à cette dernière 220 000 euros de dommages et intérêts et dit n'y avoir lieu à garantie de la société requérante par la SARL George ;

aux motifs, que, selon les dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. / En application des dispositions de l'article 1315 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation d'en rapporter la preuve et à celui qui se prétend libéré, de justifier du paiement ou du fait qui a produit l'extinction de son obligation ; la preuve est libre en matière commerciale. / Il résulte du contrat de fourniture en date du 28 janvier 2008 que la SAS Salaisons Sampiero s'était engagée à s'approvisionner auprès la SARL George pour les quantités suivantes [?]. / Si le contrat prévoit une clause de nullité en cas de non-respect de ces quotas, aucune des parties ne sollicite, dans son dispositif, la nullité du contrat de fourniture, de sorte que la cour n'a pas à statuer sur ce point. / La SAS Salaisons Sampiero [?] affirme que ces quantités n'ont jamais été respectées et que certaines commandes ont été ignorées, exécutées avec du retard, ou partiellement exécutées mais elle n'en justifie pas. D'ailleurs elle ne sollicite pas de réparation sur les manquements évoqués. / L'EURL George soutient que les quotas contractuels n'ont pas été respectés par la SAS Salaisons Sampiero et que cette dernière a cessé de s'approvisionner auprès d'elle à partir de 9 février 2010, ce que ne conteste pas la SAS Salaisons Sampiero. Elle reconnaît donc ne pas avoir respecté ces quotas et avoir cessé de s'approvisionner auprès de l'EURL George. / Il est donc établi un manquement aux conditions du contrat et la responsabilité contractuelle de la SAS Salaisons Sampiero doit donc être engagée au titre d'une inexécution contractuelle (arrêt p. 8 et 9) ;

Il résulte des dispositions du contrat de fourniture en date du 28 janvier 2008, que « le fournisseur, en l'espèce, la société George, reconnaît une somme forfaitaire à son client, la société Sampiero, de 220 000 euros hors taxes [...] afin de promouvoir les 4 références d'articles génériques [...] au travers d'actions de promotions, de dégustations, de publicité ou de tout autre moyen que le client entendra mettre en place pour encourager le développement des produits du fournisseur visant à accroître son référencement tant vis-à-vis des distributeurs que des consommateurs » et « que la société Sampiero s'engage à respecter les volumes annuels et que dans le cas contraire elle remboursera l'intégralité du budget promotionnel qu'elle aura perçu de la SARL George soit 220 000 euros hors taxes [...] quel que soit le moment où elle n'aurait pas respectée ses engagements sur la période commençant le 1er janvier 2008 et se clôturant le 31 décembre 2011 au terme calendaire de chaque année civile » ; si la SAS Salaisons Sampiero affirme que cette somme n'a jamais été versée, il résulte des dispositions de cette clause contractuelle qu'elle aurait dû réclamer cette somme auprès de son fournisseur mais qu'en tout état de cause, les parties avaient clairement convenu que la somme de 220 000 euros était due en cas d'inexécution contractuelle relative aux volumes annuels ; cette clause ne peut pas être interprétée comme une clause limitative de réparation mais simplement comme une clause prévoyant le versement d'une somme forfaitairement définie en cas de non-respect des quotas réparant le préjudice subi du fait de la rupture du contrat avant terme, non-exclusive d'autres indemnisations. (arrêt, p. 9) ;

Si la SAS Salaisons Sampiero sollicite que la SARL George la relève et la garantisse de toute condamnation financière susceptible d'être prononcée à son encontre, elle se contente d'indiquer que la SARL George était signataire du contrat de fourniture ; or elle n'est désormais plus co-contractante du fait de la cession de contrat intervenue. / En outre, aucun élément du contrat initial ne permet de conclure à cette possibilité. Au surplus, la SAS Salaisons Sampiero ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la SARL George lui imposant de réparer le préjudice causé à la SAS Salaisons Sampiero. / Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Salaisons Sampiero de son appel en garantie contre la SARL George » (arrêt p. 10) ;

1°) alors, d'une part, qu'en l'absence d'engagement ferme des parties sur la durée et les quotas indiqués dans le contrat initial, la cour a relevé qu'en cas de non-exécution, le contrat serait annulé et donnerait lieu au remboursement des frais promotionnels exposés par le fournisseur (prod) ; qu'en cet état, la cour n'a pu, sans s'en expliquer davantage, retenir le principe de la responsabilité contractuelle de la SARL Sampiero à l'égard de l'EURL George pour défaut d'approvisionnement, sans violer la combinaison des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°) alors que, d'autre part, en vertu de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, le signataire d'un contrat de fourniture qui continue à honorer sans restriction ni réserve les commandes de son co-contractant après avoir cédé le contrat initial de fourniture à une entité éponyme gérée par son propre fils au même siège social, doit garantir son co-contractant initial des sommes mises à la charge de ce dernier à raison de son manquement prétendu au contrat de fourniture souscrit avec le cessionnaire ; qu'en refusant dès lors à la société Salaisons Sampiero la garantie de la SARL George, la cour a derechef violé le texte susvisé ;

3°) alors, de troisième part, qu'en vertu de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, le juge ne peut, sous couvert d'interprétation, dénaturer le sens clair et précis d'une clause ; qu'en l'espèce, la clause du contrat de fourniture stipulant qu'en cas de manquement contractuel sur les volumes, la société Sampiero remboursera l'intégralité du budget promotionnel qu'elle aura perçu de la SARL George soit 220 000 euros hors taxes ; que cette clause n'avait pas la nature d'une clause pénale mais prévoyait expressément, en cas de non-respect des volumes d'achat déterminés, le remboursement, par le distributeur, de la somme perçue du fournisseur au titre du budget promotionnel ; qu'en décidant, pour condamner l'exposante à payer à l'EURL George la somme litigieuse, que cette somme était due, en tout état de cause, du seul fait des manquements contractuels, sans avoir à rechercher si cette somme avait été effectivement payée ou non par le fournisseur, la cour a dénaturé les termes clairs et précis de la clause en violation de l'article précité.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-15474;20-17441
Date de la décision : 26/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 23 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 jan. 2022, pourvoi n°20-15474;20-17441


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.15474
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award