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26/01/2022 | FRANCE | N°20-14411

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 janvier 2022, 20-14411


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 65 F-D

Pourvoi n° C 20-14.411

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 JANVIER 2022r>
1°/ La société [V] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [N...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 65 F-D

Pourvoi n° C 20-14.411

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 JANVIER 2022

1°/ La société [V] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [N] [V], agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Arma cuir,

2°/ M. [C] [K],

3°/ Mme [U] [F],

domiciliés tous deux [Adresse 3],

4°/ la société Arma Cuir, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° C 20-14.411 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris, dans le litige les opposant à la société Arma Leder BV, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 4] (Pays-Bas), défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société [V] et associés, ès qualités, de M. [K], de Mme [F] et de la société Arma cuir, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Arma Leder BV, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2020), la société Arma Leder BV fournissait des vêtements en peaux et fourrures à la société Arma cuir, dont le gérant était M. [K], afin qu'elle les commercialise en France.

2. Un litige les opposant sur la qualité des produits et le paiement de factures, la société Arma cuir et la société Arma Leder BV ont signé, le 2 octobre 2013, un acte dénommé "protocole transactionnel", selon lequel la société Arma cuir s'est engagée à payer à la société Arma Leder BV la somme de 800 000 euros selon un échéancier de paiements et moyennant une garantie hypothécaire consentie par M. [K] avec l'accord de son épouse, Mme [F], sur l'immeuble dont il était propriétaire.

3. Reprochant à la société Arma Leder BV de ne pas lui avoir consenti l'exclusivité de la distribution de ses produits et d'avoir ainsi manqué à l'exécution du protocole précité, en les commercialisant en outre directement en France, la société Arma cuir, la société Taddei-[V], agissant en qualité de liquidateur de la société Arma cuir, celle-ci ayant été placée entre-temps en liquidation judiciaire, M. [K] et Mme [F], l'ont assignée en résolution de la transaction à ses torts exclusifs, subsidiairement, en annulation de la reconnaissance de dette valant caution hypothécaire, et en indemnisation de leurs préjudices.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Taddei-[V], ès qualité, M. [K] et Mme [F] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de résolution de la transaction aux torts exclusifs de la société Arma Leder BV, et leurs autres demandes notamment en indemnisation contre cette société, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour dire que la société Arma cuir ne rapportait pas la preuve de la violation par la société Arma Leder BV de la clause de distribution exclusive de ses marchandises sur le territoire français, stipulée au profit de la société Arma cuir à l'article 3 du protocole transactionnel du 2 octobre 2013, avant que la société Arma cuir ne cesse le règlement des mensualités de sa dette en vertu de l'article 1er de ce protocole, soit "avant le mois de septembre 2014", la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que la société Arma Leder BV "a[vait] commencé avant cette date à s'adresser directement aux clients de la société Arma cuir en leur demandant de ne plus passer par Arma cuir", la copie de la lettre en ce sens produite par la société Arma cuir n'étant pas datée et occultant le nom du destinataire, et que les lettres des clients Génération cuir, Paul Ajamian Lyon, Sofa cuir mentionnent que la société Arma Leder BV ne leur a fait cette demande qu'à l'occasion de livraisons en septembre 2014 ; qu'en statuant ainsi, sans examiner, même succinctement, les pièces n°s 13 et 18 versées aux débats par la société Arma cuir, constituées de factures et notes de livraison entre des clients français et la société Arma Leder BV, en violation de la clause d'exclusivité, s'étalant entre le 15 octobre 2013 et le 5 septembre 2014, soit pour la quasi-totalité d'entre elles avant le mois de septembre 2014, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé, le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

6. Pour rejeter les demandes, l'arrêt retient qu'il est démontré qu'au mois de septembre 2014, la société Arma cuir était en retard tant dans le paiement des mensualités litigieuses que dans le règlement des factures, cependant qu'il n'est pas établi que la société Arma Leder BV a commencé avant cette date à s'adresser directement aux clients de la société Arma cuir en leur demandant de ne plus passer par celle-ci.

7. En statuant ainsi, sans examiner les factures et notes de livraison entre des clients français et la société Arma Leder BV, s'étalant entre le 15 octobre 2013 et le 5 septembre 2014 susceptibles d'établir une violation, avant le mois de septembre 2014, de la clause d'exclusivité prévue par le protocole transactionnel du 2 octobre 2013 au bénéfice de la société Arma cuir, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe la créance de la société Arma Leder BV dans la liquidation judiciaire de la société Arma cuir à la somme de 1 005 890,15 euros, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Arma Leder BV aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Arma Leder BV et la condamne à payer à la SCP Taddei-[V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Arma cuir, M. [K] et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la société [V] et associés, en la personne de M. [N] [V], agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Arma cuir, M. [K], Mme [F] et la société Arma cuir.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté la SCP TADDEI-[V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ARMA CUIR, Monsieur [K] et Madame [F] de leur demande de résolution de la transaction aux torts exclusifs de la société ARMA LEDER BV, et D'AVOIR rejeté leurs autres demandes notamment en indemnisation contre cette société ;

AUX MOTIFS QUE « A titre préliminaire, il sera rappelé que la liquidation judiciaire ayant entraîné le dessaisissement du débiteur, la société Arma Cuir ne peut agir que par la représentation de son liquidateur. La société Arma Cuir ne peut donc pas figurer à l'instance autrement que représentée par son liquidateur. Cela posé et en droit, pour obtenir la résiliation de la transaction pour inexécution des obligations de la société Arma Leder BV qu'elle renferme, les demandeurs, intimés sur le présent appel principal, et sous la réserve indiquée ci-dessus, doivent apporter la preuve que la société Arma Cuir a rempli ses propres obligations de paiement de sommes issues de ce même contrat. Or, aux termes de la transaction du 02 octobre 2013, la société Arma Cuir, la société Arma Leder BV et M. [C] [K] ont essentiellement conclu les obligations suivantes. La société Arma Cuir s'est reconnue débitrice envers la société Arma Leder BV d'une somme de 800 000 euros arrêtée à la date du 1er janvier 2013, a renoncé à une créance de 1 328 440,77 euros et s'est engagée à payer ladite somme de 800 000 euros dans les conditions suivantes : - 100 000 euros la première année de la signature du protocole, par mensualités de 8 333,33 euros ; - 150 000 euros la deuxième et la troisième année de la signature du protocole, en 24 échéances mensuelles de 12 500 euros ; - 100 000 euros les quatrième, cinquième, sixième et septième années, par échéances mensuelles de 8 333,33 euros ; - outre un intérêt de 5% l'an payable le 31 décembre de chaque année. A titre de condition essentielle et déterminante, M. [K] s'est engagé à donner, d'accord avec son épouse, une garantie hypothécaire sur l'immeuble lui appartenant et ce "au plus tard dans les deux mois suivant la signature des présentes". En outre, l'article 3 de l'acte de transaction contient la stipulation suivante : "En contrepartie des engagements précités de la société Arma Cuir, la société Arma Leder BV s'engage à réserver l'exclusivité de la distribution de ses produits sur le territoire français à la société Arma Cuir, à condition toutefois que la société Arma Cuir (i) respecte les engagements financiers pris dans le cadre du présent accord et (ii) procède par ailleurs eu règlement des produits qui lui seront livrés dans les délais convenus entre les Parties. Les Parties procéderont dans cette perspective à la signature d'un contrat de distribution exclusive dans un délai de trois mois à compter de la signature du présent protocole. Les Parties conviennent que ce contrat sera conclu à des conditions normales de marché et selon les usages en vigueur, notamment en ce qui concerne les délais de règlement. Elles conviennent également d'ores et déjà d'insérer dans ce contrat de distribution exclusive une clause en stipulation de laquelle une pénalité de 15% sera appliquée en cas de non livraison ou de livraison de marchandises défectueuses par la société Arma Leder BV au bénéfice de la société Arma Cuir. La société Arma Leder s'engage également à céder à M. [C] [K] les 15 000 parts sociales [...] qu'elle détient au capital de la société Arma Cuir pour le prix d'un euro. L'acte de cession devra intervenir dans un délai de 3 mois à compter de la signature du présent protocole." Par acte authentique du 2 décembre 2013, M. [C] [K] et Mme [F] son épouse se sont volontairement portés caution hypothécaire de la société Arma Cuir pour sûreté des engagements financiers de celle-ci à l'égard de la société Arma Leder tels qu'ils résultent de la transaction déjà analysée. A cette occasion, M. [K] a, en sa qualité de gérant de la société Arma Cuir, ratifié la transaction déclarant que la société était complètement remplie de ses droits par l'effet de la transaction. Par acte sous seing privé daté du 23 décembre 2013 et enregistré le 14 janvier 2014, l'acte de cession de parts sociales mentionné ci-dessus a été signé entre la société Arma Leder BV d'une part et M. [C] [K] d'autre part. S'agissant du contrat de distribution exclusive, dont il avait été prévu par la clause déjà citée de la transaction que, comme l'acte de cession de parts sociales, il serait signé dans les trois mois, il est constant qu'il n'a jamais été signé. S'agissant du paiement des mensualités, la société Arma Cuir, à qui incombe la charge de la preuve, est radicalement défaillante pour préciser les paiements qu'elle a effectués à ce titre, puisqu'elle se borne à produire, pour tout justificatif, un extrait de son compte général fournisseur Arma Leder. Cependant, si elle affirme qu'en 2013 elle n'a pas seulement payé 16 700 euros au titre de la transaction, au moyen qu'elle a payé à son fournisseur une somme globale de 198 503,19 euros et, encore, en 2014 une somme de 317 889,65 euros, ce qui est à chaque fois le total annuel des mouvements sur le compte, il apparaît qu'aucune des lignes de ce compte fournisseur n'est susceptible d'avoir enregistré le paiement d'une des mensualités, ainsi que le démontrent tant le libellé que les montants des opérations, lesquelles se rattachent essentiellement à des factures fournisseur (au crédit) et à des virements bancaires présumés en paiement de factures ou à des avoirs (au débit). En revanche, la société Arma Leder BV produit un décompte des sommes perçues au titre de l'exécution du protocole pour le remboursement de la somme de 800 000 euros. Il y apparaît, ce qui sera retenu par la Cour, que le 27 décembre 2013 a été versée une somme de 16 700 euros correspondant à deux mensualités (soit octobre-novembre et novembre-décembre), ce qui a été suivi de quatre autres mensualités d'un montant de 8 350 euros chacune, la dernière ayant été payée le 8 mai 2014, correspondant à la mensualité de mars-avril 2014 ; le solde dû en capital après cette dernière mensualité était donc de 800 000 - [16 700 - (4 x 8 350)] = 749 900 euros. S'agissant du contrat d'exclusivité, la Cour considère, d'une part, que l'acte de transaction demeure imprécis sur les obligations des parties afin de parvenir à la signature d'un tel contrat dans un délai de 3 mois à compter du 2 octobre 2013, date de la signature de l'acte et que, d'autre part, rien n'indique en l'espèce que la société Arma Cuir se soit davantage souciée que la société Arma Leder BV de la formalisation du contrat de distribution exclusive par un acte distinct de la transaction. A cet égard, la société Arma Cuir affirme, sans le prouver, qu'elle a procédé à des demandes répétées après la signature de la transaction, pour que la société Arma Leder BV lui consente un contrat d'exclusivité. Cependant, au contraire, alors que cette affirmation de la société Arma Cuir ne s'accompagne d'aucune précision de pièce, il ne résulte pas des éléments de preuve produits aux débats, en particulier pas les lettres ou les courriels, que la société Arma Cuir ait jamais invité la société Arma Leder BV à lui soumettre une proposition de contrat d'exclusivité après que la transaction a été signée. Il ne peut davantage être retenu que la société société Arma Leder BV avait, aux termes de l'acte de transaction, souscrit l'obligation de rédiger une offre de contrat d'exclusivité. Il s'en déduit que la seule circonstance que la société Arma Leder BV n'ait pas proposé à la signature de la société Arma Cuir le contrat de distribution exclusive prévu par la transaction ne peut s'analyser comme son manquement aux obligations de ce contrat, de nature à permettre de lui en imputer la résolution. Au contraire, sans que les parties aient renoncé à la clause d'exclusivité, qui constitue bien une condition essentielle de la transaction litigieuse, les circonstances de l'espèce commandent de dire que la société Arma Leder BV et la société Arma Cuir ont été d'accord pour se passer de la formalisation du contrat de distribution exclusive par un contrat écrit distinct de la transaction. C'est ce qui explique qu'elles ont continué leurs relations d'affaires dans le cadre de la transaction, la société Arma Cuir ayant continué de s'acquitter des mensualités de paiement mises à sa charge après que le cautionnement hypothécaire a été donné, acquittant des mensualités d'un montant conforme à celui stipulé, jusqu'au mois de mai 2014. Il découle de ce qui précède que pour prononcer la résolution de la transaction aux torts de la société Arma Leder BV, la Cour devrait pouvoir retenir que l'obligation d'exclusivité a été violée par le fournisseur, tandis que la société Arma Cuir n'était pas encore en défaut de paiement s'agissant des mensualités stipulées et des factures échues après le 2 octobre 2013. Or, par échange de courriel des 21 et 22 juillet 2014, la société Arma Cuir a reconnu devoir à cette date à la société Arma Leder BV un montant de 218 435,40 euros de factures en retard. Si la société Arma Cuir affirme qu'elle a arrêté d'honorer les mensualités à cause de la violation par la société Arma Leder BV de l'obligation d'exclusivité, elle reconnaît également que la société Arma Leder BV s'était engagée à lui payer une commission de 22% sur les livraisons que le fournisseur effectuait directement auprès de ses clients, et invoque en ce sens sa pièce n°14, qui est une lettre que la société Arma Leder BV lui a adressée, datée du 2 septembre 2014. Or, non seulement cette lettre du 2 septembre 2014 confirme qu'à cette date la dette initiale de 800 000 euros avait été ramenée à 749 900 euros par le paiement des mensualités ci-dessus, mais les circonstances de l'espèce et les moyens soutenus par la société Arma Cuir démontrent également qu'il n'y avait pas de désaccord sur ce point et que les parties s'étaient même entendues pour que les commissions de 22% ci-dessus soient déduites de la somme de 749 900 euros restant due par la société Arma Cuir. Il est donc démontré que, avant le mois de septembre 2014, la société Arma Cuir était très en retard tant dans le paiement des mensualités litigieuses que dans le règlement des factures échues postérieurement à la transaction. Or, il n'est pas démontré que la société Arma Leder BV a commencé avant cette date à s'adresser directement aux clients de la société Arma Cuir en leur demandant de ne plus passer par Arma Cuir. La copie de lettre en ce sens, produite par la société Arma Cuir, n'est pas datée et occulte le nom du destinataire (pièce n°4). Les lettres des clients Génération Cuir, Paul Ajamian Lyon, Sofacuir, produites par la société Arma Cuir mentionnent d'ailleurs que la société Arma Leder BV ne leur a fait cette demande qu'à l'occasion de livraisons en septembre 2014. Par ailleurs rien ne permet de retenir que la société Arma Leder BV, après la signature de la transaction, aurait procédé à des livraisons défectueuses, à des non-livraisons qui ne seraient pas justifiées par des défauts de paiement préalables, ni qu'elle se serait fautivement abstenue de procéder à des livraisons après cette date. Il résulte de ce qui précède que la société Arma Cuir a la première commis des manquements aux obligations essentielles de la transaction, de sorte que la résolution de celle-ci ne peut être prononcée aux torts de la société Arma Leder BV. Dès lors, la société Arma Leder BV ne saurait être déclarée responsable d'actes de concurrence déloyale pour avoir décidé de traiter en direct avec les clients de la société Arma Cuir, après la défaillance de celle-ci. Par conséquent le jugement doit être réformé. Les intimés, par conséquent, doivent être déboutés de toutes leurs demandes »

1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour dire que la société ARMA CUIR ne rapportait pas la preuve de la violation par la société ARMA LEDER BV de la clause de distribution exclusive de ses marchandises sur le territoire français, stipulée au profit de la société ARMA CUIR à l'article 3 du protocole transactionnel du 2 octobre 2013, avant que la société ARMA CUIR ne cesse le règlement des mensualités de sa dette en vertu de l'article 1er de ce protocole, soit « avant le mois de septembre 2014 » (arrêt, p. 8, 9ème §), la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que la société ARMA LEDER BV « a[vait] commencé avant cette date à s'adresser directement aux clients de la société Arma Cuir en leur demandant de ne plus passer par Arma Cuir », la copie de la lettre en ce sens produite par la société ARMA CUIR (sa pièce n° 4) n'étant pas datée et occultant le nom du destinataire, et que les lettres des clients GENERATION CUIR, PAUL AJAMIAN LYON, SOFA CUIR (pièce n° 12 produite par la société ARMA CUIR) mentionnent que la société ARMA LEDER BV ne leur a fait cette demande qu'à l'occasion de livraisons en septembre 2014 ; qu'en statuant ainsi, sans examiner, même succinctement, les pièces nos 13 et 18 versées aux débats par la société ARMA CUIR, constituées de factures et notes de livraison entre des clients français et la société ARMA LEDER BV, en violation de la clause d'exclusivité, s'étalant entre le 15 octobre 2013 et le 5 septembre 2014, soit pour la quasi-totalité d'entre elles avant le mois de septembre 2014, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN OUTRE, QU'aux termes de l'article 3 du protocole transactionnel du 2 octobre 2013, rappelés par l'arrêt, il était stipulé qu' « en contrepartie des engagements précités de la société ARMA CUIR, la société ARMA LEDER BV s'engage à réserver l'exclusivité de la distribution de ses produits sur le territoire français à la société ARMA CUIR, à condition toutefois que la société ARMA CUIR (i) respecte les engagements financiers pris dans le cadre du présent accord et (ii) procède par ailleurs au règlement des produits qui lui seront livrés dans les délais convenus entre les Parties » ; qu'il résultait de cette clause qu'à condition de respecter les engagements par ailleurs mis à sa charge par ce protocole, la société ARMA CUIR bénéficiait du droit exclusif de distribuer les produits de la société ARMA LEDER BV sur le territoire français ; que dès lors, en retenant, pour dire que la société ARMA CUIR ne rapportait pas la preuve de la violation de cette clause d'exclusivité, qu'il n'était pas démontré que la société ARMA LEDER BV « a[vait] commencé avant cette date [septembre 2014] à s'adresser directement aux clients de la société Arma Cuir en leur demandant de ne plus passer par Arma Cuir », quand la violation du droit de distribution exclusive conféré à la société Arma Cuir n'impliquait pas, pour être caractérisée, qu'il soit établi que la société ARMA LEDER BV avait demandé aux clients de la société ARMA CUIR de ne plus s'adresser à cette dernière, mais résultait de la seule livraison par la société ARMA LEDER BV de marchandises à des clients français, la cour d'appel a ajouté au contrat une condition qui n'y figurait pas, et méconnu la loi des parties, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;

3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'aux termes de l'article 3 du protocole transactionnel du 2 octobre 2013, rappelés par l'arrêt, il était stipulé qu' « en contrepartie des engagements précités de la société ARMA CUIR, la société ARMA LEDER BV s'engage à réserver l'exclusivité de la distribution de ses produits sur le territoire français à la société ARMA CUIR, à condition toutefois que la société ARMA CUIR (i) respecte les engagements financiers pris dans le cadre du présent accord et (ii) procède par ailleurs au règlement des produits qui lui seront livrés dans les délais convenus entre les Parties » ; qu'il résultait de cette clause qu'à condition de respecter les engagements par ailleurs mis à sa charge par ce protocole, la société ARMA CUIR bénéficiait du droit exclusif de distribuer les produits de la société ARMA LEDER BV sur le territoire français ; que dès lors, en retenant, pour dire que la société ARMA CUIR ne rapportait pas la preuve de la violation de cette clause d'exclusivité, qu'il n'était pas démontré que la société ARMA LEDER BV « a[vait] commencé avant cette date [septembre 2014] à s'adresser directement aux clients de la société Arma Cuir en leur demandant de ne plus passer par Arma Cuir », quand la violation du droit de distribution exclusive conféré contractuellement à la société Arma Cuir n'impliquait pas, pour être caractérisée, qu'il soit établi que la société ARMA LEDER BV avait demandé aux clients de la société ARMA CUIR de ne plus s'adresser à cette dernière, mais résultait de la seule livraison par la société ARMA LEDER BV de marchandises à des clients français, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du protocole précité, en violation de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE si dans ses conclusions d'appel, la société ARMA CUIR mentionnait que la société ARMA LEDER BV avait adressé à ses clients habituels une lettre-type leur demandant de passer leurs commandes directement auprès d'elle sans passer par la société ARMA CUIR, elle n'en soutenait pas moins que la violation par la société ARMA LEDER de la clause d'exclusivité stipulée à l'article 3 du protocole transactionnel du 2 octobre 2013 était caractérisée du seul fait des multiples livraisons effectuées directement par la société ARMA LEDER BV auprès de clients français de la société ARMA CUIR (ses conclusions d'appel, not. p. 8 ; p. 13 ; p. 14), sans qu'il fût nécessaire de démontrer, en outre, que la société ARMA LEDER BV avait demandé aux clients de ne plus passer par la société ARMA CUIRS ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR fixé la créance de la société ARMA LEDER BV dans la liquidation judiciaire de la société ARMA CUIR à la somme de 1.005.890,15 €, et D'AVOIR rejeté toutes les demandes des intimés, notamment en indemnisation contre la société ARMA LEDER BV ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande reconventionnelle de la société Arma Leder BV : s'agissant de la demande reconventionnelle de la société Arma Leder BV, il est établi que celle-ci a déclaré sa créance au mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde, que l'administrateur a indiqué qu'il allait proposer au juge commissaire de la rejeter en l'état du jugement entrepris, mais que, par lettre du 20 avril 2018, la société Arma Leder BV a demandé, eu égard au présent appel, le sursis à statuer dans l'attente du présent arrêt, sollicitant l'admission de la créance à titre provisoire. Dès lors que la créance était sérieusement contestée, la Cour est demeurée compétente pour la fixer et nulle irrecevabilité n'est encourue de ce chef. Compte tenu de la solution du présent litige, la créance sur la société Arma Cuir de 1 025 645,60 euros dont se prévaut la société Arma Leder BV est constituée : - par le solde dû sur la reconnaissance de dette notariée du 2 décembre 2013 ; - pour 200.127,35 euros au titre de factures impayées. Cette créance est conforme à la mise en demeure adressée par lettre recommandée le 26 novembre 2014 à la société Arma Cuir par le conseil de la société Arma Leder BV, reçue par le destinataire. A l'appui de sa demande, la société Arma Cuir produit tout d'abord : - le décompte de créance pour le remboursement de la somme en principal de 800 000 euros, intégrant les intérêts et frais, lequel n'est pas utilement contesté, de sorte que la créance est justifiée à hauteur de la somme de 825 518,25 euros ; - une liste de factures de marchandises impayées et d'avoirs commençant au 3 octobre 2013, pour un montant total de 245 019,35 euros, avec un récapitulatif de factures de la société Arma Cuir à l'adresse de la société Arma Leder BV s'agissant des commissions, pour un montant de 44 892 euros. A ce dernier titre, si la société Arma Cuir affirme que la société Arma Leder BV n'a pas tenu compte de toutes les commissions qui lui sont dues et si elle produit (pièce n°13) des bordereaux d'expédition par la société Arma Leder BV à destination de clients français pour des opérations non recensées par la société Arma Leder BV dans sa mise en demeure, elle ne justifie pas pour autant les avoir facturées à la société Arma Leder BV, à qui elle ne peut donc valablement reprocher de ne pas les avoir déduites de sa dette, la Cour devant dire en outre que ces pièces sont insuffisantes pour prouver qu'il s'agit de créances certaines, liquides et exigibles. La société Arma Cuir produit des factures de pénalités qu'elle a émises pour des livraisons en retard ou non effectuées, à dater du 31 décembre 2013, ces factures étant reprises dans les pièces justificatives de la mise en demeure, avec la mention du fournisseur selon laquelle il refuse les pénalités à cause des factures de marchandises déjà échues et demeurées impayées. Compte tenu de la circonstance déjà retenue selon laquelle de nombreuses factures étaient impayées à leur échéance par la société Arma Cuir, la Cour considère que la société Arma Leder BV a valablement mis en oeuvre l'exception d'inexécution, de sorte que les factures de pénalité ne sont pas dues par le fournisseur. L'existence des factures impayées de marchandises dont la société Arma Leder BV réclame paiement n'étant pas contestée, la société Arma Cuir explique néanmoins ne pas avoir été livré pour certaines d'entre-elles (sa pièce n°15). Faute de preuve des livraisons correspondantes, il y a lieu de déduire de la somme réclamée par le fournisseur au titre des factures impayées : - 64 647,45 euros, correspondant à une facture F1409561 du 16 septembre 2014. La facture Extra Show Room du 6 février 2014 pour la somme de 11 553,50 euros n'est pas réclamée par le fournisseur. En conséquence, la créance de la société Arma Leder BV dans la liquidation judiciaire de la société Arma Cuir sera fixée, au titre des factures impayées, à la somme de 180 371,90 euros (245 019,35 - 64 647,45 ? 180 371,90), outre la somme de 825 518,25 euros, soit un total de 1 005 890,15 euros (825 518,25 + 180 371,90 = 1 005 890,15) »

1°) ALORS QUE la cassation d'une décision de justice s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif annulé ; qu'en l'espèce, la société ARMA LEDER BV demandait la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société ARMA CUIR d'une créance au titre de factures impayées, notamment au titre du solde dû au titre du protocole transactionnel du 2 octobre 2013 ; que par ailleurs, la société ARMA CUIR contestait la créance invoquée par la société ARMA LEDER BV en excipant de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de certaines commandes ; que pour accueillir partiellement la demande de la société ARMA LEDER BV et fixer la créance de cette dernière au passif de la liquidation judiciaire de la société ARMA CUIR à la somme de 1.005.890,15 €, la cour d'appel a notamment retenu que « compte tenu de la solution du présent litige, la créance sur la société Arma Cuir de 1 025 645,60 euros dont se prévaut la société Arma Leder BV est constituée : - par le solde dû sur la reconnaissance de dette notariée du 2 décembre 2013 ; - pour 200.127,35 euros au titre de factures impayées », et a considéré que « compte tenu de la circonstance déjà retenue selon laquelle de nombreuses factures étaient impayées à leur échéance par la société Arma Cuir », la société ARMA LEDER BV avait valablement mis en oeuvre l'exception d'inexécution ; qu'il en résulte que la cassation qui interviendra sur l'une quelconque des critiques du premier moyen, qui reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de résolution judiciaire du protocole transactionnel du 2 octobre 2013, ainsi que les demandes indemnitaires de la société ARMA CUIR au titre d'actes de concurrence déloyale ainsi que de livraisons non-exécutées ou mal exécutées, entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant fixé la créance de la société ARMA LEDER BV dans la liquidation judiciaire de la société ARMA CUIR à la somme de 1.005.890,15 €, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la cour d'appel, qui n'est saisie que des prétentions figurant au dispositif des dernières conclusions des parties, n'a pas à statuer sur une demande présentée par une partie à titre subsidiaire si elle accueille la demande principale de cette partie ; qu'en l'espèce, aux termes du dispositif de ses dernière d'appel (p. 21-22), la société ARMA LEDER BV demandait à la cour d'appel de réformer le jugement du tribunal de commerce de PARIS du 29 janvier 2018 et statuant à nouveau, « au principal », de « débouter la société ARMA CUIR, la SCP TADDEI-FERRARI-[V] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ARMA CUIR, Monsieur [K], Mme [F] de l'intégralité de leurs demandes », à titre subsidiaire, de « constater que les demandes d'indemnisation au titre des livraisons défectueuses ou des retards de livraison sont prescrites et à tout le moins non justifiées » et en conséquence de rejeter ces demandes indemnitaires, et enfin, « subsidiairement et reconventionnellement », de « dire et juger que la créance de la société ARMA LEDER BV soit 1.025.645,60 euros sera inscrite au passif de la société ARMA CUIR » ; qu'en accueillant partiellement cette demande de fixation de la créance de la société ARMA LEDER BV au passif de la procédure collective de la société ARMA CUIR, quand cette demande était présentée « subsidiairement » et qu'elle avait fait droit à la demande principale de la société ARMA LEDER BV tendant au débouté de toutes les demandes des intimés, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-14411
Date de la décision : 26/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 jan. 2022, pourvoi n°20-14411


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.14411
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