COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 janvier 2022
Rejet non spécialement motivé
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10062 F
Pourvoi n° W 20-11.898
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022
Mme [N] [Z], épouse [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 20-11.898 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société [Z] et fils, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à M. [F] [P], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Z], de la SCP Richard, avocat de la société [Z] et fils, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [Z].
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Madame [N] [E] à verser à la société [Z] et Fils la somme de 61558 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE Sur les conventions réglementées, L'article L 223-19 du code de commerce, relatif aux conventions réglementées dispose que le gérant ou, s'il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l'assemblée ou joint aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposées entre la société ou l'un de ses gérants ou associés. L'assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou l'associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum de la majorité. Toutefois, s'il n'existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé sont soumises à l'approbation préalable de l'assemblée. Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, lorsque la société ne comprend qu'un seul associé et que la convention est conclue avec celui-ci, il en est seulement fait mention au registre des décisions. Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciable à la société. Toutefois, l'article 223-20 du code de commerce précise que les dispositions de l'article 223-19 ne sont pas applicables aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales. En l'espèce, il est constant que Madame [N] [Z], épouse [E], associée minoritaire de la SARL [Z] et Fils, a conclu, le 2 mai 2011, un contrat de travail à effet du 1er mai 2011 avec cette société, représentée par son gérant de l'époque Monsieur [Y] [Z], pour un emploi de contrôleur de gestion auditeur, à temps partiel, moyennant une rémunération brute annuelle de 31283 euros. Dès lors que cette convention ne peut être assimilée à une opération courante, conclue de manière habituelle par la société, s'agissant d'un contrat de travail consenti à un associé, elle ne relève pas de l'article L 223-20 du code de commerce et consiste donc en un contrat réglementé, au sens de l'article L 223-19 du même code. Dans cette hypothèse, sont soumises à autorisation préalable de l'assemblée générale les conventions conclues avec un gérant non associé, s'il n'existe pas de commissaire aux comptes. Dans tous les autres cas, les conventions visées à l'article L 223-19 du code de commerce, nécessitent un accord a posteriori de l'assemblée générale des associés, qui statue suite à un rapport établi soit par la commissaire aux comptes soit par le gérant. En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats et plus particulièrement du procès-verbal d'assemblée générale du 24 juillet 2012, en sa quatrième résolution, que l'assemblée générale a approuvé les opérations intervenues entre [N] [Z], épouse [E] notamment et la SARL [Z] et Fils. Partant, le contrat de travail litigieux, dûment ratifié par l'assemblée générale des associés le 24 juillet 2012, en sa quatrième résolution, que l'assemblée générale a approuvé les opérations intervenues entre [N] [Z], épouse [E] notamment et la SARL [Z] et Fils. Partant, le contrat de travail litigieux, dûment ratifié par l'assemblée générale des associés le 24 juillet 201 est donc parfaitement valable, en application de l'article L 223-19 du code de commerce. Par ailleurs, il est acquis que suivant avenant en date du 11 juillet 2013, le contrat de travail de Madame [N] [Z], épouse [E], devenue gérante, a été modifié, celle-ci étant désormais employée en qualité de comptable, avec le statut de cadre, moyennant une rémunération de mensuelle brute de 4500 euros par mois. De plus, suivant nouvel avenant du 1er octobre 2013, ce contrat de travail a de nouveau été modifié, l'appelante étant cette fois embauchée comme directrice administrative, financière et commerciale avec le statut de cadre et une rémunération mensuelle brute majorée à la somme de 5176,78 euros. Enfin, Madame [N] [Z] épouse [E] a bénéficié en décembre 2013 d'une prime exceptionnelle de 5176,78 euros. Ces avenants conclu entre madame [N] [Z] [E] et la SARL [Z] et Fils, qui emportent modification du contrat de travail conclu initialement le 2 mai 2011, constituent des conventions réglementées, au sens de l'article L 223-19 du code de commerce. Il en est de même de l'octroi d'une prime exceptionnelle pour le mois de décembre 2013 qui peut constituer un 13ème mois, à la lecture des deux avenants précités. Or, force est de constater que l'avenant du 11 juillet 2013, tout comme la décision d'octroi d'une prime exceptionnelle au profit de Madame [N] [Z], épouse [E], n'ont pas été soumis a posteriori à l'approbation de l'assemblée générale des associés. SI l'avenant du 1er octobre 2013 a quant à lui été examiné, dans le cadre de l'assemblée générale annuelle du 2 juillet 2014, il n'a pas été approuvé, comme en témoigne la sixième résolution figurant au procès-verbal d'assemblée générale. Dans une telle hypothèse, l'article L 223-19 du code de commerce prévoit que les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets et qu'elles sont valables, à charge toutefois pour le gérant et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciable à la société. Il incombe donc, au vu de l'article précité, de déterminer si les deux avenants litigieux et l'octroi d'une prime exceptionnelle à Madame [N] [Z], épouse [E], en décembre 2013, ont été préjudiciables à la société [Z] et Fils pour voir si l'appelante et Monsieur [F] [P], en leur qualité de gérants de la société, doivent supporter individuellement ou solidairement les conséquences de ces contrats. Il est exact que la majoration de rémunération accordée à Madame [N] [Z], épouse [E], à compter de juillet 2013, a occasionné une perte de trésorerie pour la société [Z] et Fils, susceptible de lui être préjudiciable si elle ne correspond pas à une prestation de travail corrélative. Toutefois l'appelante conteste l'existence d'un quelconque préjudice subi par la société [Z] et Fils, en arguant de ce que les majorations de rémunération, qui lui ont été octroyées, correspondent à un travail réel et effectif de sa part. Au soutien de ses dires, elle verse aux débats une attestation de Monsieur [M] [K], expert-comptable, qui indique qu'il a eu l'opportunité dans le cadre de l'exercice de ses activités professionnelles, de travailler en collaboration avec Madame [N] [E], qui a démontré disposer de compétences dans le domaine comptable et financier, notamment dans des situations complexes de dossiers d'expertises judiciaires ou de travaux d'audit, d'organisation et de redressement des entreprises. Cette attestation, si elle démontre que Madame [N] [Z], épouse [E], a participé à la gestion des dossiers comptables au sein de la SARL [Z] et Fils, ce qui était d'ailleurs déjà le cas, dès son recrutement en qualité de contrôleur de gestion en mai 2011, ne permet pas d'établir l'accroissement de ses compétences et du niveau de son activité professionnelle, à compter de juillet 2013, en qualité de comptable, avec le statut de cadre, puis à partir d'octobre 2013, comme directrice administrative, financière et commerciale ; Il en est de même de l'attestation établie par Madame [D] [U], qui relate sa collaboration professionnelle avec l'appelante de février à mai 2012, soit en dehors de la période concernée par les avenants litigieux. En outre, la persistance de l'intervention du cabinet FIPAG, en tant qu'expert-comptable, tend à démontrer que les attributions de Madame [N] [Z], épouse [E], sont restées inchangées et que celle-ci n'a pas assumé seule la gestion de la comptabilité de l'entreprise. Dans ces conditions, au regard de la défaillance de Madame [N] [Z], épouse [E], dans la charge de la preuve, il y a lieu de considérer que les majorations de salaire que l'appelante a perçues à compter de juillet 2013 ne correspondaient pas à un travail réel et effectif du cadre comptable, puis de directrice administrative, financière et commerciale, de sorte qu'elle a causé un préjudice à la SARL [Z] et Fils, en encaissant les salaires y afférent. Le quantum du préjudice subi par la SARL [Z] correspond à la différence entre les salaires que Madame [Z], épouse [E], a effectivement perçus et ceux qu'elle aurait dû toucher en sa qualité de contrôleur de gestion. Il résulte des différents bulletins de paye versés aux débats que sur la période de juin 2011 à juin 2013, Madame [N] [Z], épouse [E], a perçu un salaire moyen de 1973 euros. Après la désignation en qualité de gérante, son salaire était en moyenne de 6370,42 euros pour la période de juillet 2013 à août 2014, de sorte que son salaire mensuel a augmenté de 4397 euros sans que pour autant une augmentation de sa durée d'activité soit établie, après juillet 2013. Dans ces conditions, le préjudice subi par la SARL [Z] et Fils devra être fixé, conformément au jugement déféré, à la somme de 61858 euros correspondant à 14 mensualités de 4397 euros versées indument. Il en résulte que Madame [N] [Z], épouse [E], ainsi que Monsieur [F] [P], tous deux cogérants au moment de la signature des avenants litigieux, seront condamnés solidairement à payer ladite somme à la SARL [Z] et Fils. Aucune condamnation ne sera prononcée de ce chef à l'encontre de [Y] [Z] au titre du contrat de travail signé le 2 mai 2011, qui correspondait à une prestation de travail réelle et effective de la part de l'appelante et qui surtout a été approuvé par l'assemblée générale des associés du 24 juillet 2012 ;
ALORS en premier lieu QUE la charge de la preuve du préjudice dont l'indemnisation est réclamée incombe par principe au demandeur en indemnité ; que la cour d'appel a jugé que Madame [Z] [E] était condamnée à verser des dommages et intérêts à la société [Z] et Fils au motif que, au regard de la défaillance de Madame [N] [Z], épouse [E], dans la charge de la preuve, il y a lieu de considérer que les majorations de salaire que l'appelante a perçues à compter de juillet 2013 ne correspondaient pas à un travail réel et effectif du cadre comptable, puis de directrice administrative, financière et commerciale, de sorte qu'elle a causé un préjudice à la SARL [Z] et Fils, en encaissant les salaires y afférent ; qu'en statuant ainsi elle a violé les articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil alors applicable au litige ;
ALORS en deuxième lieu QU''il incombe à celui qui invoque le caractère fictif d'un contrat de travail apparent d'en rapporter la preuve ; que la cour d'appel a accueilli la demande de dommages et intérêts de la société [Z] et Fils au motif que, au regard de la défaillance de Madame [N] [Z] [E] dans la charge de la preuve, il y a lieu de considérer que les majorations de salaire que l'appelante a perçues à compter de juillet 2013 ne correspondaient pas à un travail réel et effectif ; qu'en statuant ainsi elle a violé les articles L. 1221-1 du code du travail ensemble l'article L. 223-19 du code commerce ;
ALORS en troisième lieu QUE dès lors qu'il avait été jugé dans une décision de la cour d'appel de Basse Terre en date du 25 mars 2019 que le contrat de travail et les avenants en date du 11 juillet et 1er octobre 2013 étaient nuls et que leur nullité devait conduire à la restitution de la somme de 65657,87 euros au titre des salaires perçus à compter du 10 juillet 2013, il ne pouvait être décidé d'une nouvelle condamnation de Madame [Z] [E] à verser la somme de 61558 euros au titre du préjudice résultant du versement des salaires à partir du 11 juillet 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L 223-19 du code de commerce.