COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 janvier 2022
Rejet non spécialement motivé
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10042 F
Pourvoi n° X 19-24.729
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022
Mme [O] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 19-24.729 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Crédit industriel et commercial (CIC), dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société MJA, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [G] [I], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Des Planches,
3°/ à la société Des Planches, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
La société MJA, ès qualités, et la société Des Planches ont formé un pourvoi incident et provoqué contre le même arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations écrites de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [X], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société MJA, ès qualités, et de la société Des Planches, de Me Le Prado, avocat de la société Crédit industriel et commercial (CIC), et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation du pourvoi principal annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
Dit n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi incident et provoqué ;
REJETTE le pourvoi principal ;
Laisse à chacune de Mme [X] et de la société MJA, ès qualités, la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [X] et la condamne à payer à la société Crédit industriel et commercial (CIC) la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Duhamel-Rameix- Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour Mme [X].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de nullité du contrat de cautionnement du 29 juillet 2009 ;
AUX MOTIFS QUE au soutien de sa demande, Mme [X] soutient en substance que le dol commis par la société Camille D dans le cadre de la vente du fonds, à savoir l'annonce d'un chiffre d'affaires tronqué qui prendrait en compte le résultat d'autres salons exploités par la même entité, l'aurait conduit à souscrire le cautionnement litigieux dans la croyance erronée de la rentabilité du salon financé ; que Mme [X] ne démontre cependant pas avoir acquis le salon en fonction du chiffre d'affaires annoncé par la venderesse tandis que l'acte notarié n'en mentionne pas ; que même à supposer que les chiffres d'affaires de la société Camille aient été des montants précisés par la société AGF Consultants, expert consulté par l'intimée, soit 312.247 euros en 2007 et 257.367 euros, en 2008, l'absence de sincérité de ces chiffres ne saurait résulter des conclusions de cet expert lequel se borne à s'interroger en ces termes « (…) la société Camille D exploitait plusieurs salons, il est possible de se demande si elle n'a pas (…) fait glisser des montants de CA d'un salon à l'autre » sans apporter la moindre réponse formelle à sa question ni aucun élément comptable permettant d'accréditer son doute ; que par ailleurs, la seule erreur pouvant être admise porte sur la portée de l'engagement et non sur la solvabilité de la caution tandis que le contrat signé précise, en tant que de besoin, « la caution ne fait pas de la situation du cautionné (…) la condition déterminante de son engagement et elle déclare avoir connaissance d'éléments d'information suffisants qui lui ont permis d'apprécier la situation du cautionné préalablement à la souscription du présent engagement » ; que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de nullité du contrat et il convient de le confirmer de ce chef ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour juger que l'erreur relative à la rentabilité de l'opération cautionnée commise par Mme [X], caution dirigeante, n'était pas de nature à entraîner la nullité du contrat, la cour d'appel a énoncé que « le contrat signé précise, en tant que de besoin, que la caution ne fait pas de la situation du cautionné la condition déterminante de son engagement et déclare avoir connaissance d'éléments d'information suffisants qui lui ont permis d'apprécier la situation du cautionné préalablement à la souscription du premier engagement » (arrêt, p. 3 § 18) ; qu'en relevant ce moyen d'office, sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU' est nul l'engagement d'une caution ayant été induite en erreur sur la possibilité du débiteur cautionné, cessionnaire d'un fonds de commerce, d'exercer son activité sans concurrence du cédant durant un an ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [X], caution dirigeante de la société cessionnaire du fonds, de sa demande tendant à l'annulation de son engagement pour erreur, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'elle n'établissait pas s'être engagée sur le fondement « d'un chiffre d'affaires tronqué » (arrêt, p. 3 § 15) ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [X] faisant valoir que les manoeuvres dolosives de la société cédante et de sa gérante de fait, commises antérieurement ou concomitamment à la conclusion du contrat de cession du fonds, l'avaient induite en erreur sur la possibilité de la société cautionnée d'exercer son activité sans concurrence du cédant durant un an et, partant, sur la viabilité économique de l'opération (concl., p. 7 à 11), la cour d'appel a violé l'article 455 du code civil ;
3°) ALORS QU' est nul l'engagement d'une caution induite en erreur sur la viabilité économique de l'opération financée par le prêt cautionné, objectivement inatteignable dès la conclusion du contrat principal ; qu'en l'espèce, Mme [X], caution dirigeante de la société acquéreur du fonds, sollicitait la nullité de son engagement en raison de son erreur sur la rentabilité de l'opération cautionnée, évaluée sur le fondement des chiffres d'affaires prétendument réalisés par le cédant, très largement supérieurs à ceux obtenus ensuite par le cessionnaire (concl., p. 9 et s.) ; que pour rejeter sa demande, la cour d'appel s'est bornée à juger que « l'absence de sincérité » des montants des chiffres d'affaires fournis par le cédant n'était pas établie (arrêt, p. 3 § 17) ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si l'erreur de la caution sur la rentabilité de l'opération cautionnée pouvait se déduire des seuls résultats de l'activité du cessionnaire, très inférieurs aux résultats du cédant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, alors applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme [X] à payer au CIC la somme principale de 107.365,84 euros, portant intérêt au taux légal à compter du 26 mars 2014 ;
AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, devenu L. 332-1 du même code, l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution sous peine de déchéance de s'en prévaloir ; que ce texte s'applique à toute caution physique même aux dirigeants, qu'ils soient avertis ou non ; que la preuve de la disproportion incombe à la caution poursuivie ; qu'en l'espèce, dans la fiche patrimoniale qu'elle a remplie, Mme [X] a précisé avoir perçu, en 2008, un revenu annuel de 24.600 euros et être propriétaire d'une maison au Portugal d'une valeur de 110.000 euros ; qu'au regard du montant de l'engagement, c'est à bon droit que le tribunal de commerce a retenu la disproportion, le patrimoine de Mme [X] ne couvrant que trop partiellement la créance susceptible d'être appelée ; que la somme due à la banque s'élève cependant aujourd'hui à une somme inférieure à la valeur de ce bien de sorte que le CIC démontre que l'intimée est en mesure de respecter l'engagement pris, cette dernière ne contestant pas être toujours propriétaire de cet immeuble, précisant au contraire dans ses écritures qu'elle n'a aucun patrimoine immobilier en France (souligné dans les conclusions) de sorte que le jugement, qui a retenu la disproportion en raison du projet de l'intimée de vendre ce bien pour apporter les fonds à la société [O], alors qu'il n'y a pas été donné suite, doit être infirmé ; qu'il convient ainsi d'accueillir la demande du CIC et d'ordonner la capitalisation des intérêts qui est de droit ;
1°) ALORS QUE la possibilité, pour un créancier professionnel, de se prévaloir d'un cautionnement qui, lors de sa conclusion, était disproportionné par rapport aux ressources de la caution, implique de démontrer qu'au jour où elle est appelée, la caution est en mesure de faire face à ses engagements ; qu'en l'espèce, pour juger qu'au jour où elle était appelée, Mme [X], caution dont l'engagement était manifestement disproportionné lors de sa conclusion, était désormais à même de faire face à ses engagements, la cour d'appel a retenu qu'elle était propriétaire d'un bien immobilier d'une valeur de 110.000 euros, lui permettant de faire face au paiement de la somme de 107.365,84 (arrêt, p. 4 § 9) ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [X] faisant valoir que ce bien, acquis avec son ex-mari et devant être mis en vente pour cause de divorce mais entièrement financé par un emprunt et grevé d'une hypothèque (concl., p. 18 § 2 à 5), ce dont il résultait qu'elle ne pouvait disposer du prix de sa mise en vente, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, pour apprécier si, au moment où la caution est appelée, ses biens et revenus lui permettent de faire face à son engagement qui était manifestement disproportionné lors de sa conclusion, les juges doivent tenir compte de son endettement global, y compris celui résultant d'autres engagements de caution ; que pour retenir que Mme [X], dont l'engagement de caution était manifestement disproportionné lors de sa conclusion, était désormais à même de faire face à son obligation, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'elle était propriétaire d'un bien d'une valeur de 110.000 euros (arrêt, p. 4 § 9) ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [X] faisant valoir qu'elle était également débitrice d'une somme de plus de 20.000 euros en raison d'un autre engagement de caution (concl., p. 18 § 11), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE pour juger qu'au jour de la décision l'engagement de caution de Mme [X] n'était pas disproportionné au regard de ses biens et revenus, la cour d'appel a énoncé que la propriété d'un bien immobilier d'une valeur de 110.000 euros lui permettait de faire face au paiement de la somme de 107.365,84 euros sollicitée par le CIC (arrêt, p. 4 § 9) ; qu'en statuant ainsi, quand la somme due à la banque, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2014, s'élevait en réalité à 157.800 euros, soit un montant largement supérieur au patrimoine de Mme [X], la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, alors applicable au litige, devenu l'article L. 332-1 du même code. Moyens produits au pourvoi incident et provoqué par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société MJA, ès qualités, et la société Des Planches.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Des Planches à relever et garantir Mme [X] des condamnations prononcées à son encontre et d'avoir condamné la société Des Planches à payer à Mme [X] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Aux motifs que « Sur l'appel en garantie de la société Des Planches ; que par arrêt irrévocable du 14 mars 2013, le pourvoi étant rejeté de ce chef, la présente cour a jugé que la société Des Planches, animée par la gérante de fait de la société Camille D avait commis des actes de concurrence déloyale : en débauchant les trois seuls salariés de la société [O], en conservant le fichier client de la société Camille D pour démarcher sa clientèle cédée à la société [O], en dénigrant la société [O], à proximité de laquelle elle s'était installée, tous agissements lui ayant permis de détourner sa clientèle ; que dans cette instance, Mme [X] produit encore une photographie de la devanture du salon exploité par la société Des Planches montrant, sous l'enseigne un bandeau de dimension conséquente précisant « Tout l'ancienne équipe vous attend » ; que ces agissements sont à l'origine de la déconfiture de la société [O] et donc des poursuites contre sa dirigeant caution de sorte que la demande de garantie est fondée et qu'il convient de l'accueillir » (arrêt attaqué, p. 4 et 5),
Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la société Des Planches ayant été condamnée à garantir Mme [X] des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière au profit du CIC, la cassation à intervenir sur le fondement du pourvoi principal, qui conteste les condamnations de Mme [X], devra s'étendre au chef de dispositif attaqué par le présent moyen, qui est dans la dépendance nécessaire de celui attaqué par le pourvoi principal, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Des Planches à relever et garantir Mme [X] des condamnations prononcées à son encontre et d'avoir condamné la société Des Planches à payer à Mme [X] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Aux motifs que « sur l'irrecevabilité des conclusions de la société Des Planches, cette dernière n'ayant pas acquitté son droit de timbre, il convient de déclarer ses conclusions irrecevables »,
Et que « Sur l'appel en garantie de la société Des Planches ; que par arrêt irrévocable du 14 mars 2013, le pourvoi étant rejeté de ce chef, la présente cour a jugé que la société Des Planches, animée par la gérante de fait de la société Camille D avait commis des actes de concurrence déloyale : en débauchant les trois seuls salariés de la société [O], en conservant le fichier client de la société Camille D pour démarcher sa clientèle cédée à la société [O], en dénigrant la société [O], à proximité de laquelle elle s'était installée, tous agissements lui ayant permis de détourner sa clientèle ; que dans cette instance, Mme [X] produit encore une photographie de la devanture du salon exploité par la société Des Planches montrant, sous l'enseigne un bandeau de dimension conséquente précisant « Tout l'ancienne équipe vous attend » ; que ces agissements sont à l'origine de la déconfiture de la société [O] et donc des poursuites contre sa dirigeant caution de sorte que la demande de garantie est fondée et qu'il convient de l'accueillir » (arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;
1) Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en soulevant d'office l'irrecevabilité des conclusions de la société Des Planches, en raison de l'absence d'acquittement du droit de timbre, sans avoir au préalable invité cette société à présenter ses observations sur cette fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
2) Alors que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que les agissements de concurrence déloyale reprochés à la société Des Planches « sont à l'origine de la déconfiture de la société [O] et donc des poursuites contre sa dirigeant caution », sans mieux étayer sa décision quant à l'existence d'un lien causal entre la faute reprochée à la société Des Planches et le préjudice invoqué par Mme [X], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.