COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 janvier 2022
Rejet non spécialement motivé
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10058 F
Pourvoi n° V 19-19.414
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 JANVIER 2022
M. [S] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 19-19.414 contre l'arrêt rendu le 21 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur général des finances publiques, domicilié en cette qualité [Adresse 1],
2°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié en cette qualité [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. [E], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le condamne à payer au directeur général des finances publiques et au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour M. [E].
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouter Monsieur [S] [E] de ses demandes de dégrèvement des droits et pénalités mis à sa charge au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune,
Aux motifs que « les sociétés holding animatrices sont considérées comme telles lorsqu'elles participent activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales et le cas échéant, rendent à titre interne des services spécifiques, administratifs et juridiques, comptables, financiers et immobiliers ; qu'elles se distinguent des sociétés holding passives, simples gestionnaires d'un portefeuille immobilier ; que la preuve du rôle d'animation effective de la société incombe au contribuable ; que M. [E] justifie en cause d'appel de sa rémunération en versant les avis d'imposition sur le revenu 2007 à 2010 et ses bulletins de salaire ; qu' il a perçu en moyenne en sa qualité de président de la SAS JG2M une rémunération nette d'environ 51 500 euros ; qu' il en ressort une rémunération nette mensuelle d'environ 4 300 euros ; que la rémunération de M. [E] est modeste ; qu' elle ne peut pas être considérée comme normale, son montant n'étant pas en rapport avec la rémunération courante des personnes exerçant pleinement les fonctions qu'il décrit, compte tenu de la nature et de l'importance de l'activité de l'entreprise ainsi que de ses résultats ; qu' en ce qui concerne l'activité professionnelle exercée par la société JG2M, l'administration fiscale fait valoir que cette société a débuté son activité pour exercer une activité de holding en 2000, ayant bénéficié d'apport de titres de sociétés commerciales (Lav' machine, Jugremic, Absolul technology) ; qu'à partir des années 2004/2005 elle a cédé une partie importante de ses titres de sociétés commerciales pour investir dans des SCI immobilières (SCI le Coustellet, la SCI Les Remparts, la SCI Marcus, la SARL Jamarpau, marchande de biens immobiliers, la SA Coustellet distribution et la SCI L'Etape), de sorte que ce changement s'est traduit par une réduction importante du montant des participations au 31 décembre 2004 qui est passé ainsi de 21 660 536 euros à 311 027 euros ; que l'administration ajoute que ces unités foncières ont été ensuite louées à des sociétés commerciales et notamment des hypermarchés, mais que la plupart de ces projets ne se sont pas concrétisés ; que les années à considérer dans le cadre du présent litige étant les années imposables 2007 à 2010, il n'y a pas lieu de tenir compte de projets qui sont postérieurs à l'année 2010 et donc aux années rectifiées ; que le moyen de Monsieur [E] tiré de ce que ces années correspondraient à la mise en place de l'activité de la société est inopérant dès lors que celle-ci ne satisfait pas aux critères exigés pour en faire une société holding animatrice aux dates considérées ; que l'achat le 8 mars 2012 par la société JG2M d'un bien immobilier revendu après rénovation ne peut ainsi être retenu pour qualifier l'activité qu'elle exerçait durant les années considérées ; qu'il en va de même pour la SCI de l'Etape qui a acquis un terrain pour un projet de construction d'un immeuble de commerce et de bureaux en 2011 seulement et a construit les bureaux et les locaux commerciaux revendus en février 2016 ; que la participation de la SAS JG2M à la création de la société BN'J, de la même manière, ne date que de l'année 2012 ; qu'en ce qui concerne la SCI La Carreterie la vente des 21 studios n'est datée que du 18 décembre 2013 ; que cette société a inscrit dans son actif immobilisé une maison d'habitation sise à [Localité 3] qui fait l'objet d'une location, de sorte que son activité avait pour les années considérées un caractère civil ; que de surcroît il est à relever que l'administration fiscale avait déjà remis en cause le caractère professionnel des parts détenues à titre personnel par M. [E] dans cette société La Carreterie, et que le rappel de droits avait été accepté par M. [E] en septembre 2009, les services fiscaux ayant démontré que les parts de cette SCI apportées à la société JG2M n'en faisaient pas des biens professionnels exonérés ; que s'agissant des SCI Les remparts, Pont de l'Étoile, Un bijou, Marcus, les comptes-rendus du comité stratégique, faisant le point sur ces filiales et leurs perspectives de développement, montrent soit l'absence de projet les concernant (sociétés Les remparts, Un Bijou) soit, pour la société Pont de l'Étoile, qu'il s'agissait de « renouveler le bail avec une extension des locaux qui seraient financée par la SCI avec mise à la disposition du locataire dans le cadre d'un aménagement du bail commercial. Dans ce contexte, c'est le locataire lui-même qui a décidé de déposer la CDAC dont l'autorisation sera bien évidemment ensuite intégrée à l'immobilier de la SCI. Le dossier avance favorablement » ; qu'elle est donc propriétaire du foncier qu'elle donne à bail à des sociétés commerciales exploitant ; que pour la société Marcus, il s'agit également de solliciter les autorisations pour construire une extension des locaux commerciaux et de les mettre à disposition de ce locataire ; qu'en ce qui concerne le projet Coustellet de création d'un supermarché, la SCI Le Coustellet est propriétaire du terrain et des murs, mais l'activité de la société JG2M ne porte là encore que sur la construction des locaux et l'obtention des autorisations administratives nécessaires, et non sur l'animation de la société commerciale exploitante ; que l'administration est fondée à soutenir que l'activité réalisée par la société JG2M dans ce projet ne peut pas davantage s'apparenter aux activités commerciales réalisées par la suite par l'hypermarché ; qu'en ce qui concerne le projet Jamarpau, il s'agissait d'un projet de création d'unités foncières qui s'analyse comme une activité civile par laquelle la société Jamarpau a acquis des terrains et devait construire un centre de vie composé d'une surface de vente alimentaire et de logements d'habitation ; que ce projet est similaire à celui du Coustellet et n'est resté qu'à l'état de projet n'ayant pas reçu les autorisations nécessaires ; qu'en toute hypothèse, on aurait affaire à une activité civile par laquelle la société Jamarpau aurait consenti un bail à une société exploitante ; qu'en ce qui concerne les projets Bel retail et Bel perfume, M. [E] affirme « qu'il ' est très actif dans le développement de ces activités. Il se rend régulièrement en Thaïlande au moins 3 fois par an pour s'informer au quotidien du développement des structures et participe à toutes les prises de décision stratégiques. Rappelons qu'il est impossible pour un étranger de détenir plus de 49 % du capital au sein d'une société thaïlandaise. La société JG2M ayant un partenaire non thaïlandais, la participation de la société JG2M a donc été limitée à 25 %. Cela n'enlève rien à l'implication et au rôle actif que joue M. [E] et la SAS JG2M dans le projet. Le travail, les échanges quotidiens et les sommes investies s'élèvent à plusieurs millions d'euros. La société JG2M est présente au conseil d'administration, via son dirigeant, demande des comptes, participe à la prise de décisions tant stratégiques que commerciale » ; mais que ces projets stratégiques concernent des sociétés installées et immatriculées en Thaïlande sur lesquelles l'administration fiscale déplore qu'il ne lui a été fourni aucun renseignement tels la date de création, les bilans déposés les dirigeants etc., les seuls documents adressés à l'administration fiscale étant en anglais pour la plupart et en thaïlandais ; que la pièce n° 25 versée aux débats relative à ces sociétés ne contient que des échanges de mails datant des années 2013, 2014 et 2015 ainsi que des photographies d'employées affairées au packaging et à l'entreposage de cartons de ces sociétés ; qu'en toute hypothèse, M. [E] ne dispose que de 25 % du capital et qu'il n'occupe pas un poste de direction ; qu'il n'est pas démontré que la société JG2M jouerait un rôle actif au sein des deux sociétés thaïlandaises, même si M. [E] se rend trois fois par an dans ce pays ; que lorsqu'une holding animatrice détient à l'actif uniquement des parts de sociétés civiles immobilières, ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine immobilier, les parts ou actions de la holding ne sauraient être éligibles à l'exonération des biens professionnels ; que la société JG2M a comme activité principale la gestion du patrimoine foncier des différentes SCI ; que ses filiales pour la plupart n'ont pas une activité de promotion immobilière mais acquièrent des terrains et construisent des unités foncières qui seront ensuite louées à des sociétés commerciales, et notamment à des hypermarchés ; qu'elles optimisent leur patrimoine immobilier, en demandant des permis de construire, l'obtention de CDAC, etc. ; que la société Cabinet BRIARD/PM/85336MA JG2M ne saurait bénéficier des dispositions prévues en faveur d'une holding animatrice d'un groupe ; que l'attestation du comptable de la société JG2M indiquant « que les investissements directement liés à de la promotion immobilière via des sociétés civiles se sont élevés à la somme de 4 746 000 € sur la période de l'année 2001 à 2013 inclus » est insuffisante à davantage démontrer l'existence d'une activité de marchand de biens ; qu'en définitive, les parts détenues par M. [E] dans la société JG2M ne peuvent être considérées comme un bien professionnel conformément aux dispositions de l'article 885 O bis du code général des impôts ; »
1° Alors, en premier lieu, que conformément aux dispositions de l'article 885 O bis du code général des impôts sont considérés comme biens professionnels les parts et actions de sociétés détenues par un des dirigeants de la société désignés au 1° de cet article, à la double condition d'une part, que les fonctions énumérées donnent lieu à une rémunération normale et d'autre part, que cette rémunération représente plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu ; que pour décider que la rémunération de M. [E], qui a perçu en moyenne en sa qualité de président de la SAS JG2M une rémunération nette d'environ 51 500 euros, soit une rémunération nette mensuelle d'environ 4 300 euros, n'était pas normale, l'arrêt retient que son montant n'était pas en rapport avec la rémunération courante des personnes exerçant pleinement les fonctions qu'il décrit, compte tenu de la nature et de l'importance de l'activité de l'entreprise ainsi que de ses résultats ; qu'en se déterminant par de tels motifs sans relever que l'administration fiscale a procédé à aucune comparaison interne en appréciant la rémunération de Monsieur [E] par rapport à l'ensemble des rémunérations versées par la société JG2M et n'a procédé à aucune comparaison externe en appréciant cette même rémunération par rapport à celle de dirigeants d'entreprises ayant un chiffre d'affaires comparables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 885 O bis du code général des impôts ;
2° Alors, en deuxième lieu, que les juges d'appel ne peuvent modifier l'objet du litige, qui est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il résulte des conclusions récapitulatives de M. [E] que ce dernier avait abandonné son moyen tiré de ce que la société JG2M était une société holding animatrice pour soutenir que la société JG2M exerçait, pendant les années 2007 à 2010, une activité professionnelle c'est-à-dire de nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (conclusions pages 6 et suivantes) ; qu'il en résulte que le juge d'appel devait apprécier si, pendant la période considérée en l'occurrence les années 2007 à 2010, la société JG2M avait exercé une activité professionnelle et en particulier une activité commerciale de marchands de biens ou si elle avait uniquement géré un patrimoine immobilier ; que dans la première hypothèse, les titres détenus par Monsieur [E] au sein de cette société rentraient alors dans la catégorie des biens professionnels exonérés de l'impôt de solidarité sur la fortune et, dans la seconde hypothèse, dans la catégorie des biens non professionnels soumis à l'assujettissement de cette imposition ; que M. [E] faisait valoir, en appel, que la société JG2M pouvait être qualifiée de professionnel de l'immobilier par son activité de marchand de biens et que cette activité était une activité professionnelle exonérée d'impôt de solidarité sur la fortune (conclusions, pages 6 et suivantes) ; que toutefois pour confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et rejeter les demandes de Monsieur [E], l'arrêt n'a retenu que des motifs liés aux critères de l'existence ou non d'une société holding animatrice (arrêt, page 5, § 3 et § 6 ; page 6, § 3 ; page 7, § 1, § 2 et § 7), alors même que M. [E] ne soutenait plus cette argumentation ; qu'à la lecture des motifs de l'arrêt, la cour d'appel ne s'est prononcé qu'au regard des critères relatifs à une société holding animatrice et non au regard des critères relatifs à la notion de marchand de biens ; qu'en statuant comme elle a fait, alors que dans ses conclusions Monsieur [E] soutenait que les conditions quant à sa fonction et sa rémunération dans la société étaient remplies et que la société JG2M exerçait une activité professionnelle de par la nature, l'ampleur et la particularité des investissements réalisés, en particulier une activité de marchand de biens, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3° Alors, en troisième lieu, qu'il résulte de la combinaison des articles 885 O quater et 35 du code général des impôts que les parts d'une société de marchand de biens n'ont pas la qualité de biens professionnels qu'à la condition expresse que soit réfutée la présomption qui s'attache aux opérations réalisées par une telle société, selon laquelle l'ensemble de ses opérations est présumé se rattacher à son activité de marchand de biens, de sorte qu'en analysant uniquement, pour apprécier si l'activité prépondérante de la société JG2M relevait d'une activité professionnelle, notamment de marchand de biens, les critères relatifs à l'existence ou non d'une société holding animatrice, sans rechercher si la société JG2M réalisait de manière habituelle des opérations spéculatives à court terme d'achat et de revente de biens immobiliers, dans un but de profit, et sans rechercher si l'administration, qui supportait la charge de la preuve en application des articles L. 55 et L. 192 du livre des procédures fiscales, avait réfuté la présomption s'attachant aux opérations réalisées par la société JG2M, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
4° Alors, en quatrième lieu, qu' il résulte de la combinaison des articles 885 O quater et 35 du code général des impôts que les parts d'une société de marchand de biens n'ont pas la qualité de biens professionnels qu'à la condition expresse que soit réfutée la présomption qui s'attache aux opérations réalisées par une telle société, selon laquelle l'ensemble de ses opérations est présumé se rattacher à son activité de marchand de biens ; que pour apprécier le caractère professionnel ou non d'une activité de marchand de biens, le juge ne peut pas se limiter à considérer les seules cessions intervenues sur la période redressée ; qu'à cet égard, dans ses conclusions (pages 14 et suivantes), M. [E] a décrit l'ensemble des projets créés ou mis en oeuvre sur la période qui démontraient que la société JG2M exerçait une activité professionnelle par le biais de ses filiales ou directement par son implication ; que s'agissant notamment des seules sociétés civiles, il a été apporté la preuve de la réalisation d'une activité commerciale (achat, éventuellement promotion, valorisation, revente) ; qu'en retenant, toutefois, que les années à considérer dans le cadre du présent litige étant les années imposables 2007 à 2010, il n'y avait pas lieu de tenir compte de projets qui sont postérieurs à l'année 2010 et donc aux années rectifiées, la cour d'appel a violé les articles 885 O quater et 35 du code général des impôts.