COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 janvier 2022
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10039 F
Pourvoi n° Q 20-19.965
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 JANVIER 2022
M. [S] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-19.965 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 2],
2°/ à la société Bally MJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Europe Petrol station,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [O], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [O] ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. [O].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [O] fait grief à l'arrêt attaqué DE l'AVOIR débouté de ses demandes de nullité de l'assignation et du jugement, D'AVOIR, en conséquence, confirmé le jugement entrepris « en ce qu'il avait retenu les griefs d'omission consciente de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et d'absence de comptabilité régulière » et D'AVOIR prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée de 12 ans ;
1. ALORS QUE lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte ; que lorsque le destinataire personne physique est recherché en qualité de dirigeant d'une société commerciale placée en procédure collective, aux fins d'infliction d'une sanction personnelle, il appartient à l'huissier instrumentaire de consulter les différents documents sociaux disponibles au greffe du tribunal de commerce à l'effet de déterminer son adresse personnelle, faute de quoi il ne peut être considéré qu'il a mis en oeuvre les diligences suffisantes avant de dresser un procès-verbal de recherches infructueuses ; qu'au cas d'espèce, en jugeant suffisantes les diligences relatées par l'huissier dans son procès-verbal de recherches infructueuses, quand il était constant, d'une part, que l'adresse à laquelle l'huissier avait tenté de signifier était celle de la société Europe Petrol Station, placée en liquidation judiciaire, d'autre part, qu'il n'avait consulté ni l'état d'endettement de la société, ni les statuts de celle-ci, déposés au greffe du tribunal de commerce, qui mentionnaient l'un et l'autre l'adresse personnelle de M. [O], la cour d'appel a violé l'article 659 du code de procédure civile ;
2. ALORS, subsidiairement, QU'en s'abstenant, dans les circonstances qui précèdent, d'expliquer pour quelles raisons l'huissier instrumentaire pouvait se dispenser de consulter les documents sociaux disponibles au greffe du tribunal de commerce et si cette consultation ne lui aurait pas permis, comme le soutenait M. [O], de déterminer son adresse personnelle, qui figurait tant dans l'état d'endettement de la société Europe Petrol Station que dans les statuts de celle-ci, la cour d'appel n'a en tout cas pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 659 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE la circonstance que le destinataire de l'acte n'ait pas de lui-même communiqué son adresse ne dispense l'huissier instrumentaire d'aucune des diligences mises à sa charge avant de dresser un procès-verbal de recherches infructueuses ; qu'en l'espèce, en retenant encore que M. [O] n'aurait communiqué à aucun moment son adresse aux organes de la procédure collective de la société ni au greffe du tribunal de commerce, pour juger régulière la délivrance de l'assignation selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé ce dernier texte ;
4. ALORS, subsidiairement, QUE M. [O] soutenait que son adresse personnelle figurait tant dans l'état d'endettement de la société Europe Petrol que dans les statuts de celle-ci, déposés au greffe du tribunal de commerce ; qu'en retenant que l'intéressé n'aurait communiqué à aucun moment son adresse aux organes de la procédure collective de la société ni au greffe du tribunal de commerce, sans s'expliquer sur les documents sociaux susvisés, qui étaient bien déposés au greffe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 659 du code de procédure civile ;
5. ALORS, plus subsidiairement, QU'ayant relevé que durant la période d'observation consécutive à l'ouverture de la procédure collective de la société Europe Petrol Station, M. [O] se trouvait en détention provisoire, en s'abstenant de rechercher si, en tout état de cause, cette circonstance ne justifiait pas qu'il n'ait pas communiqué avec les organes de la procédure collective ou avec le greffe du tribunal de commerce en vue de faire connaître son adresse personnelle, la cour d'appel n'a pas davantage donné de base légale à sa décision au regard de l'article 659 du code de procédure civile ;
6. ALORS QUE les chefs de l'arrêt ayant statué sur la sanction personnelle infligée à M. [O] étant sous la dépendance nécessaire du chef ayant préalablement rejeté ses demandes d'annulation de l'assignation et du jugement, la censure de ce dernier chef entraînera par voie de conséquence celle des premiers, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire au premier)
M. [O] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris « en ce qu'il avait retenu les griefs d'omission consciente de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et d'absence de comptabilité régulière » et D'AVOIR prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée de 12 ans ;
1. ALORS QUE le jugement entrepris n'avait pas retenu à la charge du défendeur le grief d'omission consciente de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours ; qu'en confirmant un chef inexistant, la cour d'appel a violé les articles 561 et 562 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE le jugement entrepris énonçait qu'il ressortait du rapport du juge-commissaire, d'une part, que M. [O] aurait fait disparaître des documents comptables, ou n'aurait pas tenu de comptabilité, ou aurait tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière, d'autre part, qu'il aurait détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale, sans viser l'omission consciente de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours (jugement entrepris, p. 2) ; qu'en confirmant le jugement « en ce qu'il avait retenu les griefs d'omission consciente de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours ( ) », la cour d'appel l'a dénaturé et, partant, violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(également subsidiaire au premier)
M. [O] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris « en ce qu'il avait retenu les griefs d'omission consciente de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et d'absence de comptabilité régulière » et D'AVOIR prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée de 12 ans ;
1. ALORS QUE si la sanction de l'interdiction de gérer peut être infligée au dirigeant de la personne morale en procédure collective qui a omis sciemment de demander l'ouverture de la procédure dans les 45 jours à compter de la cessation des paiements, c'est à la condition que soit identifiée la connaissance certaine de la cessation des paiements dans le chef du dirigeant au cours de la période ainsi définie ; qu'en l'espèce, en retenant un tel grief à la charge de M. [O], après avoir relevé que la date des cessation des paiements avait été fixée par le tribunal de commerce au 4 février 2016, en s'appuyant, par reprise des conclusions du ministère public, d'une part, sur « le nombre et l'ancienneté de certaines créances » sans aucune précision, d'autre part, sur un jugement du 4 novembre 2016 ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du local abritant le fonds de commerce, soit un élément ne caractérisant pas l'omission consciente par le dirigeant de déclarer la cessation des paiements dans la période de 45 jours suivant la date de celle-ci telle que fixée par le tribunal de commerce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 653-8 du code de commerce ;
2. ALORS, subsidiairement, QU'il résultait des propres conclusions du ministère public (p. 3) que si un jugement du 4 novembre 2016 avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du local abritant le fonds de commerce, la même décision avait accordé des délais de paiement au débiteur qui n'avaient pas été respectés à compter de janvier 2017 ; que cet élément pouvait dès lors d'autant moins fonder la condamnation de M. [O] à une interdiction de gérer pour avoir sciemment omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours à compter du 4 février 2016 ; que de ce point de vue encore, l'arrêt est privé de base légale au regard de l'article L. 653-8 du code de commerce ;
3. ALORS QUE la condamnation à l'interdiction de gérer ayant été prononcée en considération de plusieurs faits, la cassation encourue à raison de l'un d'entre eux entraînera, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire au troisième)
M. [O] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée de 12 ans ;
ALORS QUE le juge qui prononce une mesure d'interdiction de gérer doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l'intéressé ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour infliger à M. [O] la sanction d'interdiction de gérer pour une durée de 12 ans, à faire état, de manière générale et non personnalisée, de la « nature » des griefs retenus à son encontre, ainsi que de l'importance du passif, sans donner aucun détail sur les fautes commises et la situation de l'intéressé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 653-8 du code de commerce, ensemble le principe de proportionnalité.