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12/01/2022 | FRANCE | N°20-16.780

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 12 janvier 2022, 20-16.780


CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 janvier 2022




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVIN, président



Décision n° 10052 F

Pourvoi n° C 20-16.780






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022

M. [O] [P], domicil

ié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 20-16.780 contre l'arrêt rendu le 4 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la so...

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 janvier 2022




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVIN, président



Décision n° 10052 F

Pourvoi n° C 20-16.780






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022

M. [O] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 20-16.780 contre l'arrêt rendu le 4 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [B] [H] [D] [N], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié [Adresse 3],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [P], de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat, de Me Le Prado, avocat de la société [B] [H] [D] [N], après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société [B] [H] [D] [N] la somme de 3 000 euros et à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 2 500 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur [P] de de ses demandes tendant à voir déclarer l'Agent judiciaire de l'Etat responsable du délai excessif de la procédure et en conséquence de le condamner, solidairement avec la SCP [H] [N], au paiement de la somme de 225.200 euros au titre du préjudice tenant à la perte de chance d'avoir été jugé et relaxé en première instance du procès pénal pour une somme totale de 225.200 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. [P] expose que l'affaire a commencé en 2000, lui-même étant mis en examen et placé en détention le 4 octobre 2000, que l'instruction s'est achevée en 2003 mais que l'affaire n'a été jugée qu'à partir de janvier 2011 par le tribunal correctionnel de Paris; qu'il déclare qu'il n'a plus été entendu après 2001 et que les autres personnes impliquées n'ont plus été amenées à déposer après 2003 ; qu'il soutient que l'écoulement du temps entraîne une déperdition des informations et des souvenirs et que ce déni de justice a engendré un important préjudice ; que l'AJE relève que la production partielle des pièces effectuée par l'appelant, sur qui pèse la charge de la preuve du dysfonctionnement du service public de la justice, ne permet pas de retenir que le magistrat instructeur aurait négligé la procédure alors que la durée de celle-ci doit être appréciée en tenant compte de la complexité de l'affaire et de l'ensemble des diligences réalisées ; qu'il conclut que le seul écoulement du temps ne démontre pas l'existence d'un déni de justice ; qu'il ajoute qu'en l'absence de production du dossier de l'instruction par M. [P], la lecture du jugement ainsi que celle de l'arrêt de la cour d'appel mettent en évidence le nombre très important d'actes d'investigation réalisés dans plusieurs pays ainsi que la complexité du dossier et l'évolution de la saisine du juge d'instruction qui a été élargie au fur et mesure du déroulement de l'enquête ; que l'AJE rappelle en outre que M. [P] ne démontre pas avoir fait usage des droits que lui ouvrent les articles 82-1 et 175-1 du code de procédure pénale ; que le déni de justice est caractérisé par tout manquement de l'Etat à son devoir de permettre à tout personne d'accéder à une juridiction pour faire valoir ses droits dans un délai raisonnable et s'apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce en prenant en considération la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et les mesures prises par les autorités compétentes ; qu'il convient de relever que l‘absence de production du dossier d'instruction ne permet pas de mettre en évidence des manquements susceptibles de caractériser un déni de justice alors qu'il ressort des décisions du tribunal correctionnel et de la cour, lesquelles font respectivement 278 et 92 pages, ainsi que des explications non contestées de l'AJE que :

- les infractions (abus de confiance, complicité et recel, blanchiment par concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans, blanchiment aggravé par aide en bande organisée à la justification mensongère de l'origine des biens et revenus de l'auteur d'un délit, détention frauduleuse de faux documents administratifs, faux par altération frauduleuse de la vérité dans un écrit) étaient multiples, complexes et par nature dissimulées,
- elles ont donné lieu à treize réquisitoires supplétifs élargissant à chaque fois la saisine des deux juges d'instruction,
- les personnes impliquées étaient nombreuses : neuf mis en examen et trois parties civiles, - les investigations complexes et nécessitant notamment des diligences à l'étranger : une commission rogatoire aux autorités judiciaires belges, une aux autorités monégasques, une aux autorités luxembourgeoises, trois aux autorités suisses, deux aux autorités des Etats-Unis et trois au Canada, la dernière ayant été délivrée le 5 juillet 2006,
- l'instruction s'est ainsi poursuivie du 17 décembre 1999 au 7 juin 2010, date de l'ordonnance de renvoi et de non-lieu partiel, que l'affaire a été appelée pour fixation le 15 novembre 2010 et a été jugée du 17 janvier au 2 février 2011 puis appelée à l'audience d'appel le 21 février 2013 pour un arrêt rendu le 30 mai 2013, cassé sur les peines le 3 décembre 2014, ayant donc donné lieu à un nouvel arrêt à l'égard de M. [P] le 8 décembre 2015 ; que si ces délais sont longs, ils ne sont pas excessifs alors que le dossier d'instruction comportait plus de 8 000 pièces qui nécessitaient un temps d'étude et d' examen considérable ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande en ce qu'elle était fondée sur un déni de justice ;

AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE le déni de justice mentionné par l'article L. 14l-1 du code de l'organisation judiciaire correspond à un refus d'une juridiction de statuer sur un litige qui lui est présenté ou au fait de ne procéder à aucune diligence pour instruire ou juger les affaires ; il constitue une atteinte à un droit fondamental et, s'appréciant sous l'angle d'un manquement du service public de la justice à sa mission essentielle, il englobe, par extension, tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu, qui comprend celui de répondre sans délai anormalement long aux requêtes des justiciables, conformément aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'appréciation d'un allongement excessif du délai de réponse judiciaire, susceptible d'être assimilé à un refus de juger et, partant, à un déni de justice engageant la responsabilité de l'Etat, s'effectue de manière concrète, au regard des circonstances propres à chaque procédure, en prenant en considération les conditions de déroulement de la procédure, la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement des parties en cause, ainsi que l'intérêt qu'il peut y avoir pour l'une ou l'autre des parties, compte tenu de sa situation particulière, des circonstances propres au litige et, le cas échéant, de sa nature même à ce qu'il soit tranché rapidement ; qu'en l'espèce, contrairement à ce que Monsieur [O] [P] soutient, l'appréciation de la durée excessive de l'information judiciaire litigieuse ne peut se faire en considération de la seule durée globale de l'instruction, mais par référence au temps qui sépare chaque acte, en tenant compte, à chaque étape, de la complexité de l'affaire, démonstration qui n'est pas faite par le demandeur, alors qu'une telle preuve lui incombe ; qu'en toute hypothèse, la particulière complexité de l'affaire n'est pas discutée par Monsieur [O] [P], eu égard à la nature astucieuse des infractions reprochées, au nombre de personnes mises en cause, aux nombreux éléments d'extranéité, aux divers réquisitoires supplétifs, ou encore aux sommes en jeu; que par conséquent, le grief relatif à la durée de la procédure d'instruction ne sera pas non plus retenu; qu'il s'ensuit que l'ensemble des demandes indemnitaires de Monsieur [O] [P] doivent être rejetées;

ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que dans ses conclusions d'appel, l'exposant faisait valoir que « l'intégralité de l'instruction du dossier comportant plusieurs volets indépendants sera achevée en ce qui concerne les faits reprochés à Monsieur [P] et impliquant les autres intervenant avant la fin de l'année 2003 » (conclusions d'appel, p.10), soutenant ainsi que l'instruction du dossier était close à la fin de l'année 2003, soit huit ans avant que le jugement n'intervienne le 17 janvier 2011 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que l'instruction s'est poursuivie du 17 décembre 1999 au 7 juin 2010 conformément aux « explications non contestées de l'AJE » (arrêt attaqué p.4), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposant, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur [P] de sa demande tendant à voir déclarer l'agent judiciaire de l'Etat et la SCP [H] Deenen-Maurain solidairement responsables du défaut de citation de Monsieur [O] [P] devant le tribunal correctionnel de Paris et, en conséquence, de les condamner solidairement au paiement de la somme de 225.200 euros en réparation du préjudice tenant à la perte de chance d'avoir été jugé et relaxé en première instance du procès pénal dans lequel il a été impliqué ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. [P] expose qu'il a déménagé en 2006 à [Localité 4] pour occuper un nouvel emploi, qu'on lui a indiqué que son contrôle judiciaire n'avait plus lieu d'être et qu'il n'avait plus à venir à la gendarmerie de son ancien domicile ; qu'il déclare que depuis 2006, sa situation professionnelle et familiale n'a subi aucune modification et qu'il est facilement localisable notamnent par internet ; qu'il fait valoir que l'huissier de justice a trouvé son adresse pour la signification du jugement et que lui-même s'est immédiatement déplacé pour récupérer l'acte ; qu'il relève néanmoins que pour sa citation à comparaître, la SCP Zerdoun, Deenen-Laurain, saisie par un mandement de citation du procureur de la République à son ancien domicile, a rédigé un procès-verbal de perquisition mentionnant qu'il avait déménagé depuis 8 ans environ mais qu'il travaillait auprès de la société Sermat à Puymoyen (Charente), qu'elle a rédigé un deuxième procès-verbal en se rendant auprès de cette société qui lui a communiqué son adresse en Charente tout en signalant qu'il ne travaillait plus pour elle, que néanmoins, le 14 octobre 2010 sur la base d'un nouveau mandement du procureur de la République, elle a établi un procès-verbal de citation à son ancien domicile alors qu'elle était parfaitement informée qu'il ne s'y trouvait plus depuis de nombreuses années ; que M. [P] ajoute que le procureur de la République a demandé à la SCP d'huissiers de justice de ne pas effectuer de recherches ; qu'il estime que cette manière de procéder est fautive et qu'il s'est ainsi trouvé privé de la possibilité d'obtenir une relaxe en première instance ; qu'il explique en effet que s'il avait été cité à comparaître, il aurait pu être confronté à M [Y] [E] qui avait également été cité à son domicile alors qu'il était emprisonné pour une autre cause, qu'il aurait en effet été en mesure en consultant Internet de découvrir sa situation, d'en informer le tribunal et ainsi d'être confronté à ce co-prévenu et pouvoir démontrer son innocence ; qu'il invoque ainsi la perte du bénéfice du double degré de juridiction, le délai excessif de la procédure empêchant la confrontation avec ses co-prévenus qui ne sont plus présents en appel, le fait que ces derniers ont pu se décharger sur lui de sa responsabilité, l'impression négative que produit son absence de comparution en 1ère instance puis en appel sa condamnation à des peines très lourdes ; qu'il soutient que la SCP [H], [N] a manqué à ses obligations de diligence dans la délivrance de la citation en justice notamment en s'abstenant d'effectuer des recherches sur Google qui lui auraient permis de découvrir qu'il travaillait comme directeur administratif au sein de la société Escot telecom ; qu'il relève que l'huissier de justice a pu le trouver pour la signification du jugement en prenant contact avec son frère ; qu'il considère qu'il existe un lien de causalité entre cette faute et sa condamnation en première instance alors qu'il n'a pas été en mesure de se défendre et d'être confronté aux autres protagonistes, débat qui n'a pu avoir lieu en appel ; qu'il évalue son préjudice à 225 200 € et demande que la SCP [H], [N] soit condamnée à une réparation intégrale malgré le rôle du procureur de la République ; qu'il soutient par ailleurs qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir déclaré son adresse dans le cadre du contrôle judiciaire alors que l'affaire était pour lui un lointain souvenir ; que M. [P] fait également valoir que la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement de l'article L. l4l-1du code de 1'organisation judiciaire en raison de l'attitude du parquet qui a demandé à l'huissier de justice chargé de le citer de n'effectuer aucune recherche, en ne procédant pas à un suivi des changements d'adresse dans le cadre des contrôles judiciaires alors que selon lui, il a effectué la démarche auprès de la gendarmerie et en n'ayant aucune réaction en raison de sa carence dans l'exécution de ses obligations pendant plusieurs années entre 2006 et 2011 ; qu'il ajoute que le parquet n'a pas été en mesure de citer M. [Y] [E] et qu'il a cité M. [L] alors qu'il était décédé depuis 2008, tous deux également placés sous contrôle judiciaire; qu'il invoque le non-respect des articles 560 à 566 du code de procédure pénale et la faculté du parquet de faire entreprendre des recherches ; qu'il réclame l'indemnisation de son préjudice consistant dans les sommes versées à la partie civile (100 202,59 €), le montant de l'amende (50 000 €) et la somme de 75 000 € au titre de son préjudice moral résultant de l'opprobre subie, de l'inquiétude d'être incarcéré selon la première condamnation, de la contrainte résultant du sursis avec mise à l'épreuve, des conséquences sur sa vie familiale et son état de santé et du sentiment d'injustice ; que l'AJE invoquant les articles 116 et 179-1 du code de procédure pénale rappelle que la citation est effectuée à l'adresse déclarée et qu'il appartient à l'intéressé d'informer les autorités judiciaires de toute modification affectant celle-ci ; qu'il ajoute qu'en l'absence de tout changement signalé par M. [P], la citation ainsi que plus tard la signification du jugement ont régulièrement été effectuées à la dernière adresse qu'il avait déclarée ; qu'il relève que la Cour de cassation dans son arrêt du 3 décembre 2014 a retenu que M. [P] avait été régulièrement cité à la dernière adresse déclarée et qu'elle a également considéré que les juges du fond avaient caractérisé le délit dans tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel ; qu'il fait valoir que les décisions rendues ne peuvent être critiquées que par l'exercice des voies de recours ; que la SCP Zerdoun, [N] répond qu'elle a effectué des recherches qui se sont avérées infructeuses mais qu'elle a reçu des instructions du parquet qui lui a demandé de ne pas effectuer de procès-verbal de vaines recherches mais de délivrer la citation à l'adresse déclarée par M. [P] ; qu'elle relève que M. [P] ne verse aux débats aucune pièce susceptible d'établir qu'il aurait fait connaître sa nouvelle adresse à la gendarmerie alors qu'il avait été informé de son obligation de faire connaître ses changements d'adresse ; qu'elle ajoute que malgré les instructions reçues, elle avait effectué des recherches notamment auprès de l'ancien employeur de M. [P], que celles-ci n'ont pas abouti et que celui-ci ne démontre pas que des recherches sur Internet à l'époque des actes en question, auraient été plus fructueuses; qu'elle considère qu'elle s'est montrée particulièrement consciencieuse et déclare que les citations qu'elle a délivrées sont régulières ; qu'elle précise qu'elle a également signifié le jugement à l'adresse déclarée et que M. [P] a eu connaissance du courrier qu'elle lui a envoyé à cet endroit puisqu'il s'est présenté à l'étude pour se voir signifier le jugement rendu ; qu'à titre subsidaire, la SCP Zerdoun, [N] conteste tout préjudice en lien avec la faute qui lui est imputée alors que M. [P] qui avait été entendu par le juge d'instruction, a été jugé contradictoirement par la cour d'appel qui a retenu qu'il ne pouvait pas légitimement invoquer une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle conclut que M. [P] ne justifie pas d'une perte de chance ; qu'il y a lieu de constater que M. [P] ne justifie pas avoir avisé les services de la justice et de la gendarmerie de son changement d'adresse alors qu'il avait été informé de l'existence de cette obligation ; que par ailleurs il ne peut reprocher au juge d'instruction de ne pas avoir engagé des recherches lorsqu'il a cessé de remplir ses obligations de contrôle judiciaire alors que le juge n'est pas dans l'obligation d'effectuer des diligences de nature à affecter la liberté de la personne mise en examen ; qu'ainsi, il sera retenu que la citation à comparaitre, comme la signification du jugement, a régulièrement été effectuée à l'adresse déclarée par la personne mise en examen et que sa régularité ne peut être contestée ainsi qu'il ressort de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 décembre 2014 ; que la citation régulière d'une personne mise en examen ne peut être constitutive d'une faute lourde du service public de la justice et mettre en cause la responsabilité de l'Etat ;
que la SCP Zerdoun, Deenen-Laurain, qui au surplus a effectué des diligences en vue de rechercher l'adresse de M. [P], n'a non plus commis aucune faute en se conformant aux instructions du parquet qui lui a demandé d'effectuer la délivrance des actes à l'adresse déclarée conformément aux règles de procédure pénale ; que le jugement du 18 décembre 2017 qui a débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes doit donc être confirmé; qu'il sera alloué à chacun des deux intimés la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QU' en application de l'article L. 141-1 du code de l‘organisation judiciaire, l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice en cas – sauf dispositions particulières – de faute lourde ou de déni de justice ; que la faute lourde s'entend de toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; qu'engage également sa responsabilité à l'égard des tiers sur le fondement de l'article 1382 – devenu 1240 – du code civil, l'huissier de justice qui commet un manquement dans l'exercice de sa mission légale de signification des actes judiciaires ; que par ailleurs, il résulte des dispositions du code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable au litige, que la personne mise en examen doit déclarer son adresse au moment de sa mise en examen et qu'elle est avisée, au moment de ladite mise en examen (article 116) ou si elle a été détenue, lorsqu'elle est remise en liberté ou placée sous contrôle judiciaire (article 148-3), qu'elle doit signaler au juge d'instruction, jusqu'à la clôture de l'information, par nouvelle déclaration ou lettre recommandée avec demande d'avis de réception, tout changement de l'adresse déclarée, et que toute notification ou signification faite à la dernière adresse déclarée sera réputée faite à sa personne ; que dans ces conditions, dans la mesure où Monsieur [O] [P] n'établit pas avoir signalé son changement d'adresse conformément aux dispositions susmentionnées – par déclaration ou lettre recommandée avec demande d'avis de réception au juge d'instruction - dont il avait été avisée à deux reprises lors de sa mise en examen et à l'occasion de sa mise en liberté avec placement sous contrôle judiciaire, il n'est pas fondé à soutenir que les citations qui lui ont été adressées à sa dernier adresse déclarée au juge d'instruction – [Adresse 7] – le 14 octobre 2010- en vue de l'audience de fixation du 15 novembre 2010 – et le 30 novembre 2010 – en vue de l'audience au fond du 17 janvier au 2 février 2011-, seraient constitutives d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat et de l'étude d'huissier chargée des citations, alors que ces derniers ont au contraire appliqué strictement les règles précitées du code de procédure pénale ; que ce grief sera ainsi écarté ; que Monsieur [O] [P] n'est pas davantage fondé à se prévaloir de son propre manquement aux obligations de son contrôle judiciaire – à savoir l'obligation de se présenter une fois par mois à la gendarmerie de [Localité 5] Porcheresse – à compter du mois d'août 2006, pour voir engager la responsabilité de l'Etat du fait de l'absence de réaction à ce manquement, étant du reste précisé qu'en application de l'article 141-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction n'est jamais tenu de révoquer le contrôle judiciaire en cas de soustraction volontaire de la personne mise en examen aux obligations de ce contrôle ; que ce grief sera également écarté ;

1° ALORS QUE les juges doivent motiver leur décision et mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ; que l'huissier de justice engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis des tiers lorsqu'il n'a pas effectué l'ensemble des diligences en vue de rechercher l'adresse du destinataire d'une citation à comparaitre ; qu'en retenant que la SCP Zerdoun, [N] n'engageait pas sa responsabilité, au motif général que la « SCP [H], [N] […] a effectué des diligences en vue de rechercher l'adresse de M. [P] », sans préciser la nature de ces diligences, privant ainsi la Cour de cassation de la possibilité d'exercer son contrôle, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel, en date du 26 avril 2018, l'exposant a fait valoir que la responsabilité de l'État était engagée au motif que« non seulement le Parquet ne fera pas effectuer de telles recherches simples mais enjoindra de plus fort l'huissier de n'entreprendre aucune recherche » (conclusions d'appel, p.37) ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de l'exposant pour rejeter la demande d'indemnisation pour faute lourde du service public de la justice, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 20-16.780
Date de la décision : 12/01/2022
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°20-16.780 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris C1


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 12 jan. 2022, pourvoi n°20-16.780, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.16.780
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