CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 janvier 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10037 F
Pourvoi n° R 20-14.630
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [M].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 28 février 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2022
Mme [E] [M], épouse [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-14.630 contre l'arrêt rendu le 19 juillet 2019 par la cour d'appel de [Localité 6] (1re chambre civile, section II), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [T] [P], domicilié [Adresse 4] (Belgique),
2°/ au procureur général près de la cour d'appel de [Localité 6], domicilié en son parquet général, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations écrites de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme [M], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour Mme [M].
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné le retour immédiat des enfants [F] [U] et [I] nés respectivement à [Localité 5] le 25 janvier 2016 et le 30 juin 2017 auprès de leur père au domicile familial situé à [Localité 3] (Belgique) ;
AUX MOTIFS QUE « aux termes de l'article deux du règlement CE n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale : "Aux fins du présent règlement on entend par (
) 11) "déplacement ou non-retour illicites d'un enfant" le déplacement ou le non-retour d'un enfant lorsque : a) il a eu lieu en violation d'un droit de garde résultant d'une décision judiciaire, d'une attribution de plein droit ou d'un accord en vigueur en vertu du droit de l'Etat membre dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour et b) sous réserve que le droit de garde était exercé effectivement, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'êut été si de tels évènements n'étaient survenus. La garde est considérée comme étant exercée conjointement lorsque l'un des titulaires de la responsabilité parentale ne peut, conformément à une décision ou par attribution de plein droit, décider du lieu de résidence de l'enfant sans le consentement d'un autre titulaire de la responsabilité parentale" ; l'article 12 de la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant, à laquelle renvoie ou fait référence le règlement du 27 novembre 2003 notamment dans ses articles 10 et 11 dispose que : " Lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l'article 3 et qu'une période d'au moins un an s'est écoulée à partir du déplacement ou du non-retour au moment de l'introduction de la demande devant l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat contractant où se trouve l'enfant, l'autorité saisie ordonne son retour immédiat ; l'autorité judiciaire ou administrative, même saisie après l'expiration de la période d'un an prévue à l'alinéa précédent, doit aussi ordonner le retour de l'enfant, à moins qu'il ne soit établi que l'enfant s'est intégré dans son nouveau milieu" ; il résulte par ailleurs de l'article 13 B de cette même convention que : "Nonobstant les dispositions de l'article précédent, l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque la personne, l'institution ou l'organisme qui s'oppose à son retour établit : a) que la personne , l'institution ou l'organisme qui avait le soin de la personne de l'enfant n'exerçait pas effectivement le droit de garde à l'époque du déplacement ou du non-retour ou avait consenti ou acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour ; ou b) qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable ; l'autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d'ordonner le retour de l'enfant si elle constate que celui-ci s'oppose à son retour et qu'il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion ; dans l'appréciation des circonstances visées dans cet article, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l'Autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant sur sa situation sociale" ; sur le caractère illicite du déplacement : pour rejeter la demande du procureur de la République visant à ce que soit ordonné le retour des enfants auprès de leur père, le premier juge a essentiellement retenu qu'il n'y avait pas en l'espèce déplacement illicite au sens de l'article trois de la Convention de la Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant dès lors que, si la résidence habituelle des enfants était fixée en Belgique avant le départ de Mme [E] [M], il n'y a pas eu de violation des droits de garde puisque M. [T] [P] avait continué à voir ses enfants régulièrement et qu'une action était engagée devant le juge aux affaires familiales en Belgique dans le cadre d'une procédure classique de séparation, ce juge ayant été saisi par M. [T] [P] avant la procédure engagée pour enlèvement international d'enfant ; il ne saurait être utilement souvenu qu'il n'y a pas eu violation en l'espèce du droit de garde de M. [T] [P] tel qu'il résulte du mariage célébré le 13 septembre 2014 alors que, s'il est exact que celui-ci ne s'est pas opposé au départ de son épouse avec les deux enfants communs le 4 août 2018 à la suite d'une dispute entre les deux époux, il n'en résultait pour autant, en l'état des éléments produits, aucun consentement à ce que ce départ soit définitif ; par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme [E] [M], la lecture des notes de l'audience tenue devant le premier juge n'établit en rien que M. [T] [P] aurait indiqué avoir consenti au départ en France et de façon pérenne de son épouse et de ses enfants ; la circonstance que, ultérieurement, il ait pu non seulement conservé un contact avec son épouse et ses enfants, mais également exercer un droit de visite puis un droit de visite et d'hébergement est par ailleurs sans incidence puisqu'il est constant que Mme [E] [M] est partie s'installer de façon définitive en France auprès de ses parents ; il importe peu enfin que M. [T] [P] ait, même avant d'avoir saisi l'autorité centrale belge, saisi la juridiction belge d'une demande de mesures provisoires au titre de l'article 223 du code civil belge en vertu duquel : "si l'un des époux manque gravement à ses devoirs, le tribunal de la famille ordonne, à la demande du conjoint, les mesure urgentes conformément aux articles 1253ter/4 à 1253ter/6 du Code judiciaire. Il en est de même à la demande d'un des époux, si l'entente entre eux est sérieusement perturbée" ; la situation de déplacement illicite est donc bien constituée au sens des dispositions de la Convention de La Haye contrairement à ce qu'a estimé le premier juge et contrairement à ce que soutient devant la cour Mme [E] [M] ; sur l'application de l'article 13B de la convention : Mme [E] [M] soutient qu'elle a quitté le domicile familial parce que M. [T] [P] aurait été violent envers elle-même et envers l'un des deux enfants, [F] ; toutefois, entendue par les services de police le 12 décembre 2018 au sujet notamment desdites violences pour laquelle elle avait procédé à une déclaration au registre de main courante du commissariat de police de [Localité 6] le 4 août 2018, elle indique n'avoir pas vu M. [T] [P] exercer des violences sur l'enfant mais avoir seulement vu son fils pleurer et avoir compris "qu'il l'avait tapé" ; elle indique aux policiers que M. [T] [P] l'aurait ensuite bousculée et giflée ; aucun certificat médical n'a été établi de nature à étayer ses affirmations ; Mme [E] [M] indique également que M. [T] [P] estimerait "détenir un droit de correction envers ses enfants et son épouse au titre de sa religion" ; lors de cette même audition par les services de police, interrogée sur la situation du couple avant cet incident, elle a indiqué : "ça allait mais depuis qu'il a la maison il se sentait vraiment libre et il faisait ce qu'il voulait. Les relations se sont dégradées entre nous
" ; elle n'a pas fait état de violences antérieures sur elle-même et sur ses enfants ; les attestations qu'elle produit , émanant de son entourage familial, ne font que rapporter les propos tenus par elle-même quant à l'incident du 4 août 2018 et n'établissent en rien la réalité des violences alléguées ; la seule attestation établie par [H], frère de Mme [E] [M], qui indique que, alors qu'il rendait visite à sa soeur en Belgique tous les deux mois, il avait constaté un comportement violent de M. [T] [P] envers [F] et s'être entretenu avec lui pour lui expliquer que son comportement n'étati pas adapté, est à cet égard insuffisante. M. [T] [P] produit quant à lui de très nombreuses attestations émanant notamment de ses collègues de travail – dont certains ont pu le voir en compagnie de ses enfants – le décrivant comme un père attentif et affectueux et comme une personne raisonnable ; en l'état de ces éléments, Mme [E] [M] ne prouve pas que le retour des enfants au domicile familial situé en Belgique serait de nature à les exposer à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne les place dans une situation intolérable ; enfin, l'exception d'intégration au sens de l'article 12 de la convention, à laquelle semble vouloir faire référence Mme [E] [M] en évoquant l'évolution favorable de l'aîné des enfants dans son milieu scolaire en France, ne saurait trouver application en l'espèce puisque M. [T] [P] a saisi l'autorité centrale avant l'expiration du délai d'un an à compter de la date du déplacement des enfants : il en résulte qu'il y a lieu d'ordonner le retour des enfants conformément à la demande de leur père » (cf. arrêt p. 3, dernier § - p. 6, § 3) ;
1°/ ALORS QUE, d'une part, lorsqu'en cas de déplacement ou de non-retour illicites d'un enfant, les juridictions de l'Etat membre dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites et qui conservent leur compétence pour statuer au fond sur la responsabilité parentale, ont été saisi pour statuer sur la garde de l'enfant, les juridictions de l'Etat de refuge ne peuvent ordonner le retour de l'enfant sans tenir compte de la procédure en cours et des motifs retenus par la juridiction de l'Etat membre d'origine, pour décider du retour de l'enfant ; qu'en l'espèce, Mme [M] avait indiqué dans ses conclusions que la décision des juridictions belges fixant les modalités d'hébergement des enfants devait intervenir le 20 juin 2019, soit avant que ne soit rendu l'arrêt attaqué mais postérieurement à la clôture des débats ; qu'en retenant que la circonstance qu'une telle procédure, initiée par M. [P], soit en cours devant la juridiction belge était indifférente quand, le 28 juin 2019, le juge aux affaires familiales belge a fixé la résidence habituelle des enfants chez Mme [M], en France, de sorte que l'exécution de l'arrêt attaqué est incompatible avec cette décision et porte atteinte à l'intérêt supérieur dès lors que la juridiction belge, seule compétente pour statuer sur la garde de l'enfant a considéré qu'il allait de l'intérêt des enfants qu'ils restent avec leur mère, la cour d'appel a violé les articles 8 et 10 du règlement (CE) n°2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale ensemble les articles 3, 10 et 17 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 et 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 ;
2°/ ALORS QUE, d'autre part et en tout état de cause, que le danger ou la situation intolérable au sens de l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 résulte aussi bien du nouveau changement des conditions de vie actuelles de l' enfant déplacé, que des conditions nouvelles ou retrouvées dans l'Etat de sa résidence habituelle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si un nouveau changement dans les conditions de vie actuelles des enfants, l'aîné étant parfaitement intégré en France et au sein de l'école, n'était pas de nature à créer un danger psychique ou une situation intolérable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989.