CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 décembre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10952 F
Pourvoi n° B 20-17.446
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
1°/ M. [E] [J],
2°/ Mme [I] [Y], épouse [J],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° B 20-17.446 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2020 par la cour d'appel de Versailles (assistance éducative), dans le litige les opposant à l'Aide sociale à l'enfance du Val-d'Oise (ASE), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Le Prado, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de l'Aide sociale à l'enfance du Val-d'Oise, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [J] et les condamne in solidum à payer à l'Aide sociale à l'enfance du Val-d'Oise la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [J].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Les époux [J] font grief à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR confirmé le jugement du 26 juillet 2019 en ce qu'il a ordonné le placement des enfants [K], [B] et [T] [J] jusqu'au 31 juillet 2020 ;
1°) ALORS QU' aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi, qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire et que la mesure est proportionnée au but poursuivi ; que si le placement d'un enfant est une ingérence admise, cette mesure doit demeurer exceptionnelle, temporaire et proportionnée au but poursuivi qu'est la protection de l'enfant ; que la cour d'appel a confirmé le jugement du 26 juillet 2019 en ce qu'il a ordonné le placement des enfants [K], [B] et [T] [J], bien qu'elle ait ordonné, dans le même temps, la levée du placement de leurs soeurs [C] et [L] âgées respectivement de 10 et 8 ans (arrêt, p. et 26) et qu'elle ait constaté les efforts et progrès accomplis par les parents dans la prise en charge au quotidien des enfants restés à domicile pour améliorer leur cadre de vie et leur cadre éducatif avec des aides extérieures (TISF et associations arrêt, p. 27), dont un enfant âgé de 18 mois ; que la cour d'appel, qui n'a pas justifié du caractère nécessaire et proportionné de la mesure de placement des trois enfants au regard du but poursuivi et du droit fondamental au respect de la vie privée et familiale, a violé l'article 375-3 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
2°) ET ALORS QUE l'Etat a une obligation d'agir pour permettre aux liens familiaux de se développer normalement en adoptant des mesures raisonnables et adéquates permettant d'assurer un juste équilibre entre la protection de l'enfant et la nécessité de préserver son droit au respect de sa vie privée et familiale; qu'il appartient au juge de statuer en considération de ces différents intérêts en présence ; que la cour d'appel a confirmé le placement des enfants [K], [B] et [T] [J] aux motifs que les parents étaient déjà très occupés avec leur neuf enfants à domicile ([X] 18 mois, [L] 8 ans, [C] 9 ans et demi, [A] 13 ans, [W] 14 ans, [H] 16 ans et leurs 3 garçons majeurs ([Z], [S] et [R]), que le retour prématuré des trois enfants à domicile risquerait de mettre à néant le comblement de leur retard mais aussi tous les efforts accomplis par les parents avec des aides extérieures et d'interférer dans les enquêtes pénales en cours à la suite du présumé comportement déplacé de [D], ne vivant plus à domicile, sur sa petite soeur [T] (arrêt, p. 27) ; qu'en statuant par ces motifs qui ne sont pas de nature à caractériser la nécessité du placement des enfants auprès d'un service départemental de l'aide sociale à l'enfance au regard du but poursuivi, la cour d'appel a à nouveau violé l'article 375-3 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3°) ALORS, en toute hypothèse, QUE pour confirmer le placement des enfants [K], [B] et [T] [J], la cour d'appel s'est fondée sur les seuls rapports éducatifs établis par l'aide sociale à l'enfance ; que la cour d'appel n'a pas examiné les nombreuses pièces produites par les époux [J] qui démontraient leurs efforts incontestables et constants déployés avec l'aide de professionnels (CAF du Val d'Oise) et de membres d'associations extérieures (notamment l'association ATD Quart Monde) pour améliorer leurs conditions matérielles et pour assurer un cadre éducatif stable pour leurs enfants dans le but de proposer, en considération de leur intérêt supérieur, des mesures alternatives à la mesure radicale de placement dont ils souffraient ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Les époux [J] font grief à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR confirmé l'ordonnance du 12 février 2020 concernant [K], [B] et [T] en ce qu'elle a octroyé aux époux [J] un droit de visite au service ou de sortie en dehors du domicile en présence d'une TISF, une fois par semaine, au lieu et place de leur droit de sortie à domicile en présence d'une TISF, à organiser à l'amiable avec le service gardien et susceptible d'évolution en fonction du déroulement des visites et des sorties ;
1°) ALORS QUE les mesures d'assistance éducative doivent se conjuguer avec le maintien du lien familial et doivent être proportionnées de façon à faciliter la réunion de la famille et les liens personnels et directs entre parents et enfants ; que la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du 12 février 2020 concernant [K], [B] et [T] en ce qu'elle a octroyé aux époux [J] un droit de visite au service ou de sortie en dehors du domicile en présence d'une TISF, une fois par semaine, au lieu et place de leur droit de sortie à domicile en présence d'une TISF pour les enfants [K], [B] et [T] aux motifs adoptés d'un comportement présumé déplacé de [D] ne vivant plus au domicile parental, à l'égard de sa soeur [T] et d'une enquête pénale en cours relative à ces agissements (arrêt, p. 27 et 28, ordonnance, p. 1 et 2) ; qu'en statuant ainsi, bien que ces mesures très restrictives, d'ailleurs levées pour [C] et [L], entravaient de manière disproportionnée le maintien des liens familiaux, nécessaire à l'équilibre des enfants, ce qui était contraire à leur intérêt supérieur, la cour d'appel a violé l'article 375-7 du code civil, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ET ALORS, en toute hypothèse, QUE lorsque le juge décide que le droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre, il détermine la périodicité ainsi que la durée des rencontres ; que le service gardien doit être considéré comme un espace de rencontre ; qu'en s'abstenant de déterminer la durée des rencontres au sein du service gardien en présence d'une TISF entre les parents et les enfants, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé l'article 1180-5 du code de procédure civile.