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15/12/2021 | FRANCE | N°20-15.358

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 15 décembre 2021, 20-15.358


COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021




Rejet non spécialement motivé


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10732 F

Pourvoi n° H 20-15.358




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉC

ONOMIQUE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

1°/ M. [N] [F],

2°/ Mme [R] [T],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° H 20-15.358 contre l'arrêt rendu le 12 déc...

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021




Rejet non spécialement motivé


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10732 F

Pourvoi n° H 20-15.358




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

1°/ M. [N] [F],

2°/ Mme [R] [T],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° H 20-15.358 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F] et de Mme [T], de Me Le Prado, avocat de la société CIC Est, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, Mme Gueguen, premier avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [F] et Mme [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et Mme [T] et les condamne à payer à la société CIC Est la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [F] et Mme [T].

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, rendu sur renvoi après cassation, d'avoir débouté Monsieur [N] [F] et Madame [R] [T] de toutes leurs demandes de dommages-intérêts formées contre la banque CIC EST ;

Aux motifs, sur la responsabilité de la banque CIC EST :

que M. [N] [F] et Mme [R] [T] font grief à la société Banque CIC Est d'avoir manqué à ses engagements contractuels, en ne se conformant pas à son devoir général de conseil et de mise en garde sur la viabilité de leur projet financier et immobilier ; qu'ils reprochent ainsi à la banque de ne pas avoir attiré leur attention sur le caractère 'illusoire et fantaisiste' (selon les termes de l'expert) du chiffrage avancé par la société Baticréation, alors que selon eux, la seule consultation par la banque du dossier relatif à ce projet aurait dû la conduire à émettre des réticences à l'octroi des prêts sollicités et même à les leur refuser ;

qu'ils font valoir également que l'établissement bancaire n'a pas vérifié l'état d'avancement réel des travaux ; qu'il aurait dû se rendre compte de l'inadéquation entre les sommes débloquées et les travaux exécutés, lesquels faisaient l'objet d'importantes malfaçons qui ont été constatées ultérieurement par l'expert ;

que le devoir de mise en garde est défini comme étant l'obligation pour la banque à l'égard de l'emprunteur non averti, pour autant qu'il soit établi un risque caractérisé d'endettement né de l'octroi du crédit, d'opérer une vérification de la capacité financière de celui-ci, avant d'apporter son concours » et « que le prêteur est également tenu à un devoir de conseil, et doit s'assurer au préalable de la viabilité du projet des emprunteurs financé au moyen du crédit souscrit ;

que cette dernière obligation se limite cependant, en corrélation avec le devoir de non-immixion de la banque dans les affaires de son client, à s'assurer de la viabilité apparente du projet ; qu'elle n'impose pas à la banque de procéder à une expertise technique approfondie du projet, sauf dans l'hypothèse où une anomalie serait suffisamment apparente pour lui faire obligation alors de se livrer à une vérification complémentaire ;

qu'il n'est en particulier pas demandé à la banque, tenue à cet égard d'un simple devoir de vigilance, d'attirer l'attention des emprunteurs sur le caractère manifestement excessif du prix convenu d'une construction, laquelle suppose une analyse technique du projet qui ne relève pas de sa compétence ;

que M. [N] [F] et Mme [R] [T] soutiennent en l'espèce que la société Banque CIC Est a commis en faute, en ne les alertant pas sur l'inadéquation des prêts consentis à leur projet de construction, lequel prévoyait l'achat d'une parcelle de 835 m2 sur le territoire de la commune de [Localité 3] (Moselle), ainsi que l'édification sur celle-ci d'une maison d'une superficie de 126 m2, moyennant la somme de 257 649 euros financée au moyen de trois prêts d'un montant total de 247 649 euros et d'un apport personnel de 10 000 euros ;

que sur la base de plusieurs annonces de ventes immobilières correspondant à des biens présentant les mêmes caractéristiques, la société Banque CIC Est justifie cependant que le prix de revient de l'immeuble, avec l'achat du terrain, ne présentait aucune anomalie flagrante, étant conforme au prix du marché ; que seule l'expertise de M. [W] [S], architecte, a permis de révéler, après calcul du ratio au m2 pour chaque lot, que la société Baticréation avait largement sous-évalué dans son budget prévisionnel le coût global du projet ;

que l'erreur commise par cette société en charge du projet de construction n'était pas décelable par la banque, laquelle ne disposait, pas plus que M. [N] [F] et Mme [R] [T], des compétences techniques nécessaires pour la découvrir, ou même la suspecter ; qu'il ne peut donc être reproché à la société Banque CIC Est de ne pas avoir alerté ces derniers sur l'inadéquation des prêts consentis à leur projet de construction ;

que l'article L. 213-10 du code de la construction et de l'habitation dispose qu'aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l'article L. 231-2 qui doivent y figurer au moment où l'acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds, s'il n'a pas communication de l'attestation de garantie livraison ;

qu'en l'espèce, il convient de relever préliminairement que les obligations prévues par ce texte ne peuvent en l'espèce être imposées à la société Banque CIC Est, en l'absence d'un contrat de construction de maison individuelle conclue entre les emprunteurs et la société Baticréation, laquelle n'avait pas en effet la qualité de constructeur, mais de simple mandataire des emprunteurs, aux termes d'une convention dite de 'mandat de recherche' établie le 1er mars 2008 ;

que si la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle offrait indéniablement plus de garanties que celles prévues dans les autres contrats de construction, la banque qui est tenue à un devoir de non-immixion dans les affaires de son client ne pouvait exiger des intimés la signature d'un tel contrat, avant d'accorder les prêts immobiliers litigieux ;

qu'en sa qualité de dispensateur de crédit, la société Banque CIC Est n'était pas non plus dans l'obligation de conseiller ses clients sur les avantages de la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle, au regard des garanties offertes, alors que ces derniers avaient fait le choix de mandater la société Baticréation, afin de désigner les artisans ou les entreprises intervenant sur le chantier ; que l'établissement d'un tel mandat n'était pas prohibé par les dispositions du code de la construction et de l'habitat, lesquelles n'imposent la signature d'un contrat de construction de maison individuelle qu'aux seuls constructeurs ;

qu'il n'est pas allégué en cause d'appel que ce mandat, ainsi que le budget prévisionnel y afférent, n'auraient pas été communiqués à la banque, en vue de l'établissement des prêts litigieux ; que les informations contenues dans ces documents, jointes à celles figurant dans la demande de permis de construire étaient à elles seules suffisantes pour permettre à la banque d'apprécier la viabilité apparente du projet des intimés ; que ces documents contenaient en effet tous les renseignements sur la nature et le coût de la construction poste par poste ;

qu'en l'absence de signature d'un contrat de construction de maison individuelle, conformément au choix opéré par les emprunteurs qui ont préféré mandater la société Baticréation, et non désigner un constructeur, la société Banque CIC Est n'avait pas l'obligation de recueillir auprès de ces derniers les renseignements exigés par l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitat ; qu'elle n'a donc commis aucune faute en s'abstenant de le faire ;

que la société Banque CIC Est ne peut enfin être tenue responsable des malfaçons qui ont été constatées par l'expert ; que ne pouvant s'immiscer dans les fonctions du maître de l'ouvrage, il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir assuré la surveillance du chantier et de ne s'être pas rendue compte que la société Bati Création, investie d'une mission de courtage, avait outrepassé ses missions en s'imposant comme le maître d'oeuvre sur le chantier ;

que la banque n'a enfin commis aucune faute dans le déblocage des fonds, qu'elle a effectué au fur et à mesure de l'exécution des travaux, à la demande expresse des emprunteurs, sur la base des factures qui lui étaient communiquées par ces derniers

qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a dit que la société Banque CIC Est avait commis une faute à l'origine d'une perte de chance de M. [N] [F] et Mme [R] [T] et condamné celle-ci à leur payer la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Alors, d'une part, que Monsieur [F] et Madame [T] dénonçaient la sous-évaluation manifeste du budget prévisionnel des travaux de construction, qui était clairement mise en évidence par le rapport d'expertise judiciaire, qualifiant le ratio de construction mentionné par la société BATI CREATION de « fantaisiste voir illusoire pour ne pas dire trompeur », et, partant, celle du prêt qui leur avait été consenti pour les réaliser ; qu'en relevant que « la société Banque CIC Est justifie cependant que le prix de revient de l'immeuble, avec l'achat du terrain, ne présentait aucune anomalie flagrante, étant conforme au prix du marché », soit que le coût total de leur projet immobilier, dans son ensemble, correspondait au prix du marché, et qu'il ne pouvait être « reproché à la société Banque CIC Est de ne pas avoir alerté ces derniers sur l'inadéquation des prêts consentis à leur projet de construction », la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu les articles 1217 et 1231-1, du code civil ;

Alors, d'autre part, qu'en se bornant à relever que si que le coût des travaux mentionné dans le budget prévisionnel de la société BATI CREATION était « largement sous-évalué », « l'erreur commise par cette société en charge du projet de construction n'était pas décelable par la banque, laquelle ne disposait, pas plus que M. [N] [F] et Mme [R] [T], des compétences techniques nécessaires pour la découvrir, ou même la suspecter », sans répondre aux conclusions qui lui étaient soumises, selon lesquelles le rapport d'expertise judiciaire indiquait que le ratio de construction au m2 mentionné par la société BATI CREATION, inférieur de moitié au coût réel usuel d'une construction, était « fantaisiste voir illusoire pour ne pas dire trompeur », la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, de troisième part, que le banquier prêteur est tenu, à l'égard de l'emprunteur auquel il consent un prêt afin de réaliser une construction, d'un devoir de renseignement, d'information et de conseil ; que s'il ne peut s'immiscer dans la convention passée entre son client et l'entreprise à laquelle celui-ci s'adresse à cet effet, il doit lui conseiller de recourir à un contrat de construction de maison individuelle, à même de le faire bénéficier des règles protectrices instituées par le code de la construction et de l'habitation ; qu'en considérant « qu'en sa qualité de dispensateur de crédit, la société Banque CIC Est n'était pas non plus dans l'obligation de conseiller ses clients sur les avantages de la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle, au regard des garanties offertes », la Cour d'appel a violé de l'article 1147, devenu les articles 1217 et 1231-1, du code civil ;

Et alors, enfin, que le banquier prêteur est tenu, à l'égard de l'emprunteur auquel il consent un prêt afin de réaliser une construction, d'un devoir de renseignement, d'information et de conseil ; qu'en se bornant à retenir « qu'en sa qualité de dispensateur de crédit, la société Banque CIC Est n'était pas non plus dans l'obligation de conseiller ses clients sur les avantages de la conclusion d'un contrat de construction de maison individuelle, au regard des garanties offertes », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la banque CIC EST ne devait pas à tout le moins avertir Monsieur [F] et Madame [T] des risques inhérents au mandat de recherche d'artisans ou entreprises en vue de la construction d'une maison d'habitation qu'ils avaient donné à la société BATI CREATION, par lequel ils s'obligeaient à accepter toute entreprise proposée par celle-ci, pour un budget prévisionnel, selon un devis établi par elle, de 138.579 euros TTC, en considération duquel ils avaient sollicité le prêt destiné aux travaux de construction, « mandat » qui recouvrait en réalité une maitrise d'ouvrage déléguée ainsi qu'une maitrise d'oeuvre partielle, comme l'avait souligné l'expert judiciaire, en ajoutant que la mission de la société BATI CREATION était « sibylline », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu les articles 1217 et 1231-1, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 20-15.358
Date de la décision : 15/12/2021
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, arrêt n°20-15.358 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 15 déc. 2021, pourvoi n°20-15.358, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15.358
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