SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 décembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 11070 F
Pourvoi n° F 20-15.288
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
M. [Y] [G] [A], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 20-15.288 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Maître [H], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations écrites de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [A], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Maître [H], Mme Molina, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Lavigne , greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [A] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [A] ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. [A]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [A] de sa demande de requalification de la relation contractuelle en relation de travail et, par conséquent, de l'avoir débouté de l'ensemble de ses prétentions et de l'avoir condamné au paiement d'une indemnité de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article L. 8221-6 du code du travail, dans leur version applicable aux faits de la cause, «I. - Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ; 2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ; 3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; II. - L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5 ; que le donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d'emploi salarié a été établie» ; qu'il en résulte, ce qui est admis par les deux parties au litige, que :
– M. [A], gérant de l'EURL Free manager immatriculée au registre du commerce et des sociétés, est présumé ne pas être lié avec la société Maître [H] par un contrat de travail pour l'exécution de l'activité confiée par la société Maître [H] à la société Free manager dans le cadre du contrat de prestation de services conclu entre les deux sociétés le 22 mars 2010 ;
– cette présomption peut néanmoins être renversée par M. [A], à charge pour lui de justifier qu'il a fourni des prestations à la société Maître [H] dans des conditions qui l'ont placé dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celle-ci ; que toutefois, en vertu du principe selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, M. [A] ne peut, en l'espèce, sérieusement et valablement revendiquer la requalification du contrat de prestation de services souscrit entre la société Free manager, dont il est le gérant, et la société Maître [H], en un contrat de travail entre lui et la société Maître [H] ainsi que la condamnation subséquente de la société Maître [H] à lui payer d'importantes sommes à ce titre dès lors qu'il résulte indiscutablement des pièces produites et de la chronologie des faits que c'est à l'initiative et sur l'insistance de M. [A] et afin d'échapper à des poursuites fiscales engagées à son encontre qu'il a été mis fin au contrat de travail le liant à la société Maître [H] en qualité de directeur opérationnel et qu'il lui a été substitué un contrat de prestation de services entre l'EURL Free manager - créée pour les besoins de la cause - et la société Maître [H] ; que force est en effet de relever que :
– la démission de M. [A], au terme de son courrier du 22 mars 2010, est parfaitement claire et non équivoque ;
– cette décision non équivoque est corroborée, d'une part, par les courriers électroniques du 27 janvier 2010 et du 15 mars 2010 et, d'autre part, par le courrier adressé par M. [A] à la société Maître [H] le 2 avril 2010 ;
– l'insistance de M. [A] pour la modification du statut juridique de la relation contractuelle entre lui et la société Maître [H] est attestée par M. [M] ;
– il résulte clairement du message électronique adressé par M. [A] le 10 mars 2010 à Mme [I] qu'il est bien à l'origine de cette modification du statut juridique de la relation contractuelle dès lors qu'il précise « suite à entretien avec M. [F] et M. [M], j'ai reçu accord de lancer la démarche « prestataire ». Je peux donc donner ma démission pour la fin du mois, et commencer en « free-lance » au 1er avril » ;
– M. [A] reconnaît d'ailleurs, dans le courrier du 2 avril 2010 avoir « préféré choisir un statut de profession libérale » pour des raisons « qui me sont tout à fait personnelles », ce qui exclut toute notion de pression de la société Maître [H] ;
– M. [A] ne verse aux débats strictement aucun élément de nature à accréditer ses allégations quant aux pressions dont il aurait été victime de la part de la société Maître [H] ;
– c'est suite à la notification de l'avis à tiers détenteur à la société Maître [H] le 15 janvier 2010 pour paiement d'une somme de 335 459,24 euros due par M. [A] à l'administration fiscale et au rejet de la demande de délais de paiement notifié à M. [A] le 20 janvier 2010 par le conciliateur fiscal - lequel lui réclame alors des versements mensuels de 1 500 euros pour échapper aux poursuites - qu'à peine plus d'un mois plus tard, à savoir le 3 mars 2010, M. [A] a créé la société Free manager, immatriculée ultérieurement le 30 mars 2010 ;
– c'est à peine quelques jours après la réception de cet avis du conciliateur fiscal que M. [A] a envisagé sa démission puisque le 27 janvier 2010, il lui était adressé par Mme [L], manifestement à sa demande, le « calcul fait sur un départ et une ancienneté au 28 février 2010 » ;
– il ressort des relevés de compte produits par M. [A] et de l'examen des documents comptables de la société Free manager que la modification du statut de la relation contractuelle a permis à celui-ci d'obtenir, d'une part, l'arrêt des poursuites fiscales dont il faisait l'objet - l'avis à tiers détenteur ne pouvant plus être exécuté - et, d'autre part, un accord sur des modalités de remboursement de sa dette fiscale à hauteur de seulement 250 euros par mois (le montant des rémunérations stricto sensu versées par la société Free manager étant bien inférieur à celui des rémunérations qu'il percevait initialement dans le cadre de son contrat de travail) ; que la décision du conseil de prud'hommes d'Agen du 31 août 2018 sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté M. [A] de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamné au paiement d'une indemnité de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ; qu'il serait cependant inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer dans cette instance, en cause d'appel, évalués à la somme de 2 000 euros. M. [A] sera en conséquence condamné à lui payer ladite somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que M. [A] sera enfin condamné au paiement d'une amende civile de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile au regard du caractère particulièrement abusif de son action précédemment démontré ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU' il est de jurisprudence constante que la partie se prévalant de l'existence d'un contrat de travail en apporter la preuve ; que dans le cas d'espèce, Monsieur [A] apporte un faisceau d'indices pouvant laisser entendre l'existence de ce type de relation contractuelle entre les parties ; que cependant, Monsieur [A] a créé la société Free Manager avant la démission de ses fonctions chez Maitre [H], et n'a jamais discuté de la question du contrat de prestation de services pendant les 7 années de son exécution ; que de plus, le contrat de prestation de services est signé le même jour que la démission de Monsieur [A] ; que la date de début du contrat de prestation est actée au lendemain du dernier jour de Monsieur [A] en tant que salarié chez Maitre [H], ne lui créant ainsi aucune période de vacances non rémunérées entre ses deux activités ; que la volonté de chacune des parties de vouloir mettre en place un contrat de prestation de services ne peut donc être remise en cause et aucune des deux parties ne peut être reconnue comme ayant l'initiative de la déclaration en travailleur indépendant ; que par ailleurs, pour le Conseil de prud'hommes de céans, ce type de montage pourrait être destiné à soustraire le demandeur à sa dette fiscale, notamment par la perception d'une rémunération n'étant pas assimilée à des salaires et donc ne pouvant faire l'objet de saisie ; qu'ainsi, Monsieur [A] n'apporte pas la preuve qu'il existe un lien de subordination entre Free Manager et Maitre [H] ; que par conséquent, Monsieur [A] sera débouté de sa demande de requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail et de toutes ses demandes associées ;
1°) ALORS QUE l'adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude »
interdit à une partie d'invoquer un acte immoral pour en faire un principe d'action ; qu'en l'espèce, en retenant qu'en vertu de ce principe, M. [A] ne pouvait valablement pas revendiquer la requalification du contrat de prestation de services souscrit entre la société Free manager et la société Maître [H] en un contrat de travail entre lui et la société Maître [H], dès lors qu'il résultait des pièces produites que c'est à la demande de M. [A] et afin d'obtenir l'arrêt des poursuites fiscales engagées à son encontre et un accord sur les modalités de remboursement de sa dette fiscale qu'il a été mis fin au contrat de travail le liant à la société Maître [H] et qu'il lui a été substitué un contrat de prestation de services entre l'EURL Free manager et la société Maître [H], la cour d'appel n'a nullement caractérisé un comportement immoral justifiant l'application de l'adage précité, le fait pour un salarié de démissionner pour poursuivre les relations contractuelles avec son employeur sous forme d'un contrat de prestation de services, fut-ce en vue d'obtenir de nouvelles modalités de remboursement d'une dette fiscale, n'ayant rien d'immoral ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé pas fausse application le principe susvisé ;
2°) ALORS QUE l'application de l'adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » ne fait pas obstacle à la recevabilité de l'action mais seulement aux demandes en découlant ; qu'en refusant au salarié le droit de prouver qu'après avoir démissionné, fut-ce de manière claire et non équivoque dans le but d'obtenir de nouvelles modalités de remboursement de sa dette fiscale, il avait poursuivi, en tant que prestataire de services, ses activités sous la subordination de la société Maître [H], dans les mêmes conditions que celles mises en oeuvre dans le cadre de son contrat de travail, au prétexte que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, quand la revendication de ce principe ne pouvait pas constituer un obstacle à son action en requalification mais seulement éventuellement un obstacle à ses demandes subséquentes, la cour d'appel a de plus fort violé ledit adage ;
3°) ALORS QUE, par des écritures restées sans réponse, M. [A] faisait valoir que la société Maître [H] avait, pour sa part, pleinement profité de sa démission et de la mise en place d'un contrat de prestation de services lui permettant d'échapper au paiement des cotisations sociales assises sur son salaire, sans que, pour autant, il y ait eu la moindre modification dans les conditions d'exercice des fonctions confiées à l'exposant, de sorte que la société Maître [H] ne pouvait valablement se prévaloir de l'adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » (p.22) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'il appartient aux juges du fond de se prononcer au moins sommairement sur les documents régulièrement versés aux débats et soumis à leur examen ; que M. [A] soutenait et démontrait que, postérieurement à sa démission, malgré la signature d'un contrat de prestations de services entre la société Maître [H] et la société Free Manager, il avait continué à exercer les mêmes fonctions dans des conditions en tous points similaires à celles qu'il exerçait jusqu'au jour de sa démission, et notamment sous la subordination de la société Maître [H] ; qu'en affirmant, par confirmation du jugement, que M. [A] n'apportait pas la preuve d'un lien de subordination sans aucune analyse même sommaire des nombreux éléments produits aux débats par M. [A], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile