COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 décembre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 891 F
Pourvoi n° V 19-21.875
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
M. [R] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 19-21.875 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société PSAV, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société PSAV a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [D], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société PSAV, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation du pourvoi principal et celui du pourvoi incident annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [D].
Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif, d'avoir condamné M. [D] à payer à la société PSAV la somme de 26 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du dol, d'avoir condamné M. [D] à payer à la société PSAV à titre de dommages et intérêts la somme de 800 euros au titre du préjudice subi du fait du montant des droits d'enregistrement ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « la cour relève que l'article 5 du protocole d'accord signé entre les parties le 18 février 2015 stipule que pendant la période entre la signature de ce protocole et la signature de l'acte de cession "le Cédant s'engage (...) À ne réaliser aucune opération dépassant le cours normal des affaires (...). Au cours de cette période le Cédant ne pourra, sans l'accord préalable et écrit du de la cessionnaire, sollicitée par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre reçu (...) procéder à aucune opération significative et/ou exceptionnelle (...).
Il n'est pas contesté que Monsieur [D] a vendu pendant cette période intermédiaire quatre véhicules, un véhicule Isuzu, un véhicule Jumper et deux quads. Selon la facture produite aux débats en date du 31 octobre 2015 les véhicules ont été cédés à Monsieur [D] personnellement par la société [D] Courtaux pour un prix HT de 14.766 euros. Une autre facture montre que ces véhicules ont ensuite été cédés à la société Presta Vigne, société constituée par un ancien salarié de la société [D] Courtaux.
Monsieur [D], qui était tenu par l'obligation stipulée à l'article 5 du Protocole n'établit pas que Monsieur [P] avait eu connaissance de la cession de ces véhicules et que le prix de cession avait été renégocié pour cette raison.
Peu importe que les parties aient renoncé à la garantie de passif, l'obligation à laquelle Monsieur [D] était tenu étant indépendante d'une telle obligation. Monsieur [D] a donc délibérément violé ce protocole.
Selon l'article 1116 du code civil alors applicable, le silence ou la réticence peuvent être constitutif d'un dol si il est établi que sans le silence délibéré de son cocontractant le cessionnaire n'aurait pas acheté le bien objet du contrat ou n'aurait pas conclu la vente aux conditions où elle a eu lieu.
Il appartient à celui qui l'invoque de l'établir.
En l'espèce la société PSAV ne sollicite qu'une réfaction du prix de vente du fait de la cession des véhicules. Elle démontre avec l'attestation de la société SAGEC, expert comptable, que le prix avait été déterminé en fonction de la situation nette au 31 octobre 2015, de la valeur du fonds de commerce et de la plus value latente sur immobilisation corporelles. Les véhicules constituaient sans nul doute une partie du prix de cession, environ 10% de celui-ci selon les estimations de Monsieur [D] lui-même. De plus, il ressort des pièces du débat que la baisse du prix entre la signature du protocole et l'acte de cession est essentiellement due à une baisse du résultat attendu et non à la vente des véhicules.
Il est certain que les véhicules, éléments du fonds de commerce étaient compris dans la valeur de la société.
Or Monsieur [D] a cédé ces véhicules sans obtenir l'accord préalable du cessionnaire et sans même l'en informer, la facture n'ayant pas été transmise à la société PSAV avant la cession. Si la société PSAV avait eu connaissance de cette cession elle aurait négocié à nouveau le prix de cession des parts sociales.
La demande fondée sur le dol sera en conséquence admise et le jugement attaqué infirmé sur ce point.
Le préjudice résultant de ce dol est égal à la valeur des véhicules cédés sans autorisation, étant précisé que le montant du prix de cession n'a pas été remboursé à la société [D] Courtaux par Monsieur [D]. La cour condamnera en conséquence Monsieur [D] à payer à la société PSAV la somme de 26.000 euros, somme représentant la valeur des quads, estimés à 1.500 euros et la valeur des deux autres véhicules selon l'estimation basse produite par la société PSAV.
La cour condamnera également Monsieur [D] à payer à la société PSAV la somme de 700 euros représentant la différence entre les droits d'enregistrement payés sur la valeur de la cession et ceux qu'elle aurait dû payer si le prix des véhicules avait été soustraits du prix de cession » ;
ALORS en premier lieu QUE lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ; que la promesse synallagmatique de vente conclue le 18 février 2015 avait été conclue sous la condition suspensive que la société PSAV obtînt, au plus tard le 30 septembre 2015, le financement nécessaire à l'acquisition de la société [D] Courtaux ; qu'en faisant produire des effets à cette promesse de vente sans vérifier si la condition suspensive avait été réalisée, la cour d'appel a violé l'ancien article 1176 du Code civil ;
ALORS en deuxième lieu QUE lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ; que la promesse synallagmatique de vente conclue le 18 février 2015 avait été conclue sous la condition résolutoire qu'en cas de réalisation de la condition suspensive, les parties ne se remissent pas des documents déterminés ; qu'en faisant produire des effets à cette promesse de vente alors que la condition résolutoire avait été réalisée, la cour d'appel a violé l'ancien article 1176 du Code civil ;
ALORS en troisième lieu QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant que « l'article 5 du protocole d'accord signé entre les parties le 18 février 2015 stipule que pendant la période entre la signature de ce protocole et la signature de l'acte de cession "le Cédant s'engage" », alors que dans cet acte il est écrit « entre la date du présent contrat et le jour de la cession », la cour d'appel a dénaturé l'accord conclu le 18 février 2015 par adjonction d'une condition qu'il ne comportait pas ; qu'ainsi elle a violé l'ancien article 1134 du Code civil ;
ALORS en quatrième lieu QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en retenant que M. [D] « était tenu par l'obligation stipulée à l'article 5 du Protocole [du 18 février 2015] », alors que l'acte de cession du 10 novembre 2015 ne se référait aucunement à une telle obligation, la cour d'appel a dénaturé ce dernier acte par adjonction d'une obligation qu'il ne comportait pas ; qu'ainsi elle a violé l'ancien article 1134 du Code civil ;
ALORS en cinquième lieu QUE le jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que M. [D] faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la promesse de vente du 18 février 2015 « était de toutes les façons caduque puisque le délai du 30 septembre 2015 était dépassé » et que « la société PSAV ne rapporte ainsi aucune preuve de l'existence d'une obligation qui aurait été violée par rapport aux conditions contractuelles revues et négociées [le 10 novembre 2015] » ; qu'en s'abstenant de toute réponse sur ce moyen péremptoire de M. [D], la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS en sixième lieu QU'un motif elliptique ou imprécis équivaut à une absence de motifs ; qu'en se bornant à affirmer, par un motif particulièrement elliptique au regard de la déduction apparemment faite, que « peu importe que les parties aient renoncé à la garantie de passif, l'obligation à laquelle Monsieur [D] était tenu étant indépendante d'une telle obligation. Monsieur [D] a donc délibérément violé ce protocole », la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS en septième lieu QUE le silence gardé par une partie ne peut suffire à caractériser une réticence dolosive que s'il présente un caractère intentionnel ; qu'en se bornant à relever que le silence gardé par M. [D] sur la vente des véhicules constituait une manoeuvre dolosive, sans qu'il ne résulte de ses constatations que ce silence avait été gardé intentionnellement dans le but de tromper la société PSAV et de la déterminer à conclure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1116 du Code civil ;
ALORS subsidiairement QUE le préjudice réparable du contractant qui fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat à la suite du dol dont il dit avoir été victime correspond uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; que l'indemnisation de la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses suppose, dans un premier temps, de reconstituer le processus de négociation pour rechercher le prix qu'aurait pu obtenir le cessionnaire si les informations litigieuses n'avaient pas été dissimulées et, dans un second temps, d'appliquer à la différence entre ce prix et le prix convenu un coefficient de probabilité exprimant la mesure de la chance perdue ; qu'en l'espèce, après avoir jugé que la société PSAV avait été victime d'un dol lors de la cession des actions de la société [D] Courtaux du 10 novembre 2015, faute pour M. [D] de l'avoir informée de la vente de quatre véhicule, la cour d'appel a condamné le cédant à payer à la cessionnaire la somme totale de 26 800 euros, dont 26 000 euros « en réparation du préjudice subi du fait du dol », préjudice évalué à « la valeur des véhicules cédés sans autorisation » ; qu'en se déterminant par de tels motifs, la cour d'appel, qui n'a pas reconstitué la négociation qui se serait déroulée entre les parties si la vente des quatre véhicules avait été évoquée, ni appliqué un coefficient de probabilité afin de déterminer la chance qui aurait été perdue par la société PSAV d'obtenir la réduction du prix fixé, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu l'article 1240, du Code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société PSAV.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevable la demande de la société PSAV relative au remboursement du compte courant ;
Aux motifs que « sur le remboursement du solde débiteur de monsieur [D], la société PSAV sollicite le remboursement par monsieur [D] de son solde débiteur de 28 114,96 euros au sein de la société [D] Courtaux ; monsieur [D] soutient que l'appelant a énoncé un moyen nouveau concernant la demande de remboursement du solde débiteur, ce qui en vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile, est irrecevable ; de plus, ce solde n'est pas confirmé par le cabinet d'expertise comptable, comme l'a indiqué monsieur [D] dans un courrier du 31 janvier 2016 à la société PSAV ; la cour relève que cette demande n'avait pas été soumise aux premiers juges et qu'elle est donc irrecevable car nouvelle en vertu des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile » (arrêt, p. 6, in fine, à p. 7, in limine) ;
1°) Alors que l'article 910-4 du code de procédure civile ne sanctionne d'irrecevabilité que les prétentions présentées en cause d'appel ultérieurement à celles formées dans les conclusions d'appel visées par les articles 905-2 et 908 et 910 du même code, savoir notamment les premières conclusions d'appelant ; que la société PSAV avait formé, dès ses premières conclusions d'appelant, une prétention tendant au remboursement par monsieur [D] du solde débiteur de son compte courant d'associé au sein de la société [D] Courtaux ; qu'en retenant pourtant qu'une telle demande était irrecevable en vertu des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°) Alors, subsidiairement, qu'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel, est tenue de l'examiner, au besoin d'office, au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en ne recherchant pas si la demande, formée par la société PSAV, en paiement de la somme de 28 114,96 euros au titre du remboursement du solde débiteur du compte courant d'associé de monsieur [D] au sein de la société [D] Courtaux, n'était pas complémentaire de celle présentée devant le tribunal de commerce, tendant à obtenir réparation du préjudice causé par le non-respect par monsieur [D] de ses obligations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile ;
3°) Alors, encore plus subsidiairement, que n'est pas irrecevable en cause d'appel la demande en réparation d'un préjudice causé par un manquement contractuel, complémentaire et tendant en tout état de cause aux mêmes fins de réparation, présentée en première instance, des préjudices causés par ledit manquement ; qu'en retenant au contraire que la demande présentée par la société PSAV en remboursement par monsieur [D] de son compte courant d'associé débiteur était nouvelle en cause d'appel, quand une telle demande était complémentaire et tendait en tout état de cause aux mêmes fins que celle, présentée devant le tribunal de commerce, en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels imputés à monsieur [D], la cour d'appel a violé les articles 565 et 566 du code de procédure civile.