CIV. 2
DC5
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 décembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10635 F
Pourvoi n° M 19-10.712
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2021
La société Sine, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° M 19-10.712 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Groupama Rhône-Alpes Auvergne, dont le siège est [Adresse 6], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Sine, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la caisse régionale d'assurance mutuelle agricole Groupama Rhône-Alpes Auvergne, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2021 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, M. Besson, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Sine
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité du contrat d'assurance souscrit par la SCI Sine auprès de la société Groupama Rhône Alpes Auvergne à effet du 17 février 2012 et d'avoir débouté la société Sine de l'intégralité de ses demandes ;
Aux motifs que la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne soutient que les inexactitudes affectant la déclaration de l'assuré lors de la souscription du contrat, concernent :
- la surface réelle des bâtiments de 3.100 m², reconnue par l'assuré devant le juge des référés, plus importante que celle déclarée de 2.300 m²,
- les activités exercées à l'intérieur du bâtiment déclaré vide pour partie,
- l'existence de sinistres antérieurs.
Elle ajoute que de telles inexactitudes ont manifestement trompé l'assureur dans son évaluation du risque et de la prime correspondante et que s'il était considéré que ces inexactitudes et ces mentions n'ont pas été faites de mauvaise foi, la règle de proportionnalité des primes s'opposera alors également à la demande de l'assuré.
La SCI Sine soutient quant à elle que :
S'agissant des locaux assurés :
- le bâtiment assuré est situé au [Adresse 3] et non [Adresse 7] où se trouve le siège social de la SCI Sine, le cadastre n'ayant en tout état de cause qu'une valeur indicative,
- la surface totale exacte des bâtiments est fixée à 2.611 m² soit dans une proportion avoisinant celle de 2 300 m² déclarée,
- la nouvelle superficie indiquée à Groupama le 7 juin 2013, soit postérieurement au sinistre, n'a eu aucun impact ni sur l'application du contrat ni sur le montant de la prime d'assurance,
- aucune modification du risque assuré n'est donc établie de ce chef,
S'agissant de la nature des activités exercées :
- les activités de gym ou de danse effectivement exercées sont assimilables à l'enseignement du sport,
- si les locaux n'étaient pas totalement vacants à la souscription, ils étaient susceptibles de le devenir compte tenu de la nature précaire des contrats convenus, le courtier d'assurances ayant pris la peine de la faire opter pour une déclaration locaux vides pour partie quand bien même le montant de la prime serait plus élevé, S'agissant de l'existence de sinistres antérieurs :
- aucun élément du dossier n'est apporté en l'espèce par la compagnie qui occulte totalement son obligation de faire compléter un questionnaire par son assuré.
Sur ce :
Aux termes de l'article L.113-8 du code des assurances, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur. Il ressort des pièces produites au dossier des parties et notamment des relevés de propriété que la SCI Sine est propriétaire à Villeurbanne d'un tènement industriel de 7.974 m² composé notamment d'un bâtiment industriel ancien, dont l'accès se fait soit au [Adresse 4], soit au [Adresse 2]. Lors de la souscription du contrat d'assurance « multi risques propriétaire non occupant » à effet du 17 février 2012, la SCI Sine a déclaré assurer un bâtiment de « 2.300 m², comprenant « une salle d'enseignement du sport et des locaux vides », situé soit au [Adresse 4], soit au [Adresse 2] selon l'exemplaire du contrat détenu par l'assureur ou l'assuré. Le bâtiment industriel assuré se situe sur la parcelle CI [Cadastre 1] ; les constatations faites aux termes du rapport établi le 3 juillet 2012 par l'expert d'assurance Polyexpert, en présence de l'assurée représentée par sa gérante, produit au dossier et soumis à la critique des parties, permet de constater que la surface totale développée du bâtiment comportant un premier bâtiment élevé d'un étage sur rez-de-chaussée et un second bâtiment accolé à l'angle Nord-Est, doit être fixée à 3 119 m². Il s'avère par ailleurs que l'addition des surfaces louées aux termes des 3 conventions d'occupation précaire en vigueur au moment de la souscription du contrat permet de constater l'existence d'une surface globale de 3 000 m² en bâti outre 308 m² sur cour. Il est ainsi manifeste que la surface à assurer, déclarée par l'assurée à hauteur de 2.300 m² est inférieure de plus de 10 % à la surface développée réelle, seuil d'erreur maximum admis au titre du contrat. Il ressort en outre des trois conventions d'occupation précaire susvisées qu'au jour de la signature du contrat d'assurance, les locaux n'étaient pas partiellement vides mais tous donnés à bail contrairement aux déclarations de l'assuré. Il est ainsi établi qu'à la date de souscription du contrat, l'assurée a minoré la superficie des locaux assurés et omis de mentionner qu'ils étaient tous occupés, aucun élément ne permettant de constater comme elle le prétend qu'elle aurait ainsi opté pour une déclaration de locaux partiellement vides sur les seuls conseils de son courtier qui aurait alors souhaité prendre en compte le caractère précaire des conventions d'occupation. Le simple fait que la SCI Sine ait donné à bail les locaux litigieux établit le caractère intentionnel de ses fausses déclarations puisqu'elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle ignorait la superficie globale réelle des locaux grossièrement minorée et l'occupation effective de la totalité des bâtiments loués à la souscription du contrat. De telles déclarations ont nécessairement eu pour effet de modifier l'appréciation du risque par l'assureur dans la mesure où la minoration de la superficie au plancher minore nécessairement le risque pris par l'assureur d'avoir à assurer des dégâts en toiture en cas de sinistre tempête et où la vacance partielle de locaux minore également le risque pris par l'assureur au titre de la garantie perte de loyers, peu important à ce titre que les primes d'assurances soient plus élevées pour l'assurance de locaux vacants, donc non surveillés, en cas de dégâts subis. L'existence de fausses déclarations intentionnelles ayant eu pour effet de modifier l'appréciation du risque par l'assureur entraîne la nullité du contrat d'assurance en application des dispositions légales susvisées ; la SCI Sine doit en conséquence être déboutée de l'intégralité de ses demandes, y compris celle tendant au versement de dommages-intérêts pour résistance abusive.
1°- Alors que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société Sine versait aux débats une attestation établie par M. [W] géomètre qui démontre que la salle de gymnastique a une surface de 1237 m2 au lieu des 1407 m2 mesurées par l'expert de l'assureur, ainsi que deux nouvelles attestations de superficie du bâtiment litigieux établies par le cabinet de géomètre expert Agate les 6 juin 2018 et 3 septembre 2018 démontrant que la superficie de ce bâtiment n'est pas de 3.200 m² comme l'avait mesuré l'expert de l'assureur mais de 2.588 m2 et que dès lors la superficie déclarée se situe dans la limite de la marge d'erreur de 10% autorisée ; qu'en retenant la superficie de 3.200 m2 mesurée par l'expert de l'assureur pour en déduire une fausse déclaration de la superficie des locaux sans examiner ces éléments de preuve, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°- Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'il ne résulte pas du rapport de l'expert de l'assureur, le cabinet Polyexpert, que la société Sine représentée par sa gérante aurait été présente lors de ses constatations ; qu'en énonçant que les constatations faites aux termes du rapport établi le 3 juillet 2012 par l'expert d'assurance l'auraient été en présence de l'assurée représentée par sa gérante, la Cour d'appel a dénaturé ce rapport en violation du principe susvisé ;
3°- Alors que pour démontrer que les superficies indiquées par le rapport de l'expert de l'assureur sont erronées, la société Sine faisait valoir que ce dernier s'est contenté de mesurer une surface au sol et de la multiplier par deux pour tenir compte des deux niveaux du bâtiment sans vérification de la superficie de chaque niveau et qu'il a inclus dans la superficie calculée un autre bâtiment de 300 m2 situé au nord est, qui n'est pas concerné par la garantie souscrite (conclusions p. 14 et 16) ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°- Alors que c'est à l'assureur qui invoque la nullité du contrat, qu'il incombe de démontrer le caractère intentionnel d'une déclaration inexacte de l'assuré et sa mauvaise foi ; qu'en énonçant que la société Sine ne pourrait soutenir qu'elle ignorait la superficie globale réelle des locaux, la Cour d'appel qui a ainsi fait peser le risque de la preuve sur la société Sine, a violé les articles L 113-8 du code des assurances et 1315 ancien devenu 1353 du code civil ;
5°- Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en entérinant les affirmations de l'assureur qui prétendait que son opinion du risque aurait été modifiée par le fait qu'à la date de la souscription du contrat, « un seul local », en l'occurrence « la salle de sport principale » était considérée comme occupée à l'exclusion du reste des locaux, quant au titre de la nature de l'occupation du bâtiment, le contrat d'assurance énonçait « enseignement du sport et locaux vides » sans aucune mention de limitation des locaux occupés à une seule salle, la Cour d'appel a dénaturé les stipulations du contrat d'assurance en violation du principe susvisé ;
6°- Alors que l'assureur prétendait que son opinion du risque aurait été modifiée par le fait qu'à la date de la souscription du contrat, « un seul local », en l'occurrence « la salle de sport principale » était considérée comme occupée à l'exclusion du reste des locaux en invoquant ainsi cette proportion d'occupation limitée à la salle de sport principale comme déterminante de son opinion du risque ; qu'en supposant que la Cour d'appel ait considéré que c'est la stipulation par le contrat d'une vacance partielle des locaux dans une proportion indéterminée qui aurait modifié l'opinion du risque pour l'assureur, en se déterminant de la sorte, la Cour d'appel a dénaturé le cadre du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
7°- Alors qu'en n'expliquant pas en quoi l'indication d'une vacance partielle des locaux sans aucune mention concernant la proportion vacante et la proportion occupée des locaux ni aucune précision concernant les baux en cours et les loyers perçus, aurait pu être de nature à modifier l'opinion du risque pour l'assureur concernant les loyers impayés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 113-8 du code des assurances.