CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 décembre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10911 F
Pourvoi n° J 20-20.673
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2021
M. [C] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-20.673 contre le jugement rendu le 28 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Castres, dans le litige l'opposant à la société [J] [K], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [D], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société [J] [K], après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [D].
[C] [D] fait grief au jugement attaqué d'AVOIR rejeté l'ensemble de ses demandes principales et subsidiaires à l'encontre de la société [J] [K] ;
AUX MOTIFS QUE sur l'action en résolution, M. [D] demande à titre subsidiaire la résolution du contrat de la cause, c'est à dire son effacement juridique rétroactif, pour inexécution des obligations de [J] [K] ; qu'il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 1217 du code civil « la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté peut : refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, provoquer la résolution du contrat, obtenir une réduction de prix, demander réparation des conséquences de l'inexécution » ; qu'il résulte en outre des dispositions de l'article 1224 du code civil que la résolution d'un contrat peut résulter d'une décision de justice « en cas d'inexécution suffisamment grave », et, des dispositions de l'article 1229 du même code, que lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant de contracter et, « lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas la résolution est qualifiée de résiliation » ; qu'en l'espèce, M. [D] s'est trouvé lié par sa lettre du 5 juillet 2019 par laquelle il a notifié à la Société [J] [K] la résiliation de son engagement en proposant à cette dernière qu'elle lui rembourse la somme de 750 €, montant de la demande figurant d'ailleurs dans sa déclaration au greffe ; que M. [D], qui exerce les fonctions de conciliateur de justice, n'a pu ignorer la portée de cette correspondance et de son acte introductif d'instance, par lesquels il a admis la rémunération, au moins partielle, des prestations effectuées par l'agence matrimoniale et non celui de l'anéantissement rétroactif du contrat avec ses conséquences de droit, objet de la première demande subsidiaire ; que dès lors, après avoir révoqué la convention de la cause, M. [D] ne pouvait en demander sa résolution (voir en ce sens, en matière de contrat de location, l'arrêt de principe de la Cour de Cassation annoté sous l'art. 1184 ancien du C.C. 3° chambre civile du 19 mai 2010 n° 09-13.296 : doit être rejetée la demande en résolution d'un bail expiré en vertu d'un congé) ; que la prétention du demandeur aux fins de résolution ne sera donc pas reçue ; qu'en effet, si le juge civil peut requalifier un moyen de droit présenté au soutien d'une demande en ce, il ne peut requalifier l'objet même de cette demande en vertu de l'article 5 du code de procédure civile disposant que « le juge doit se prononcer uniquement sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé » ; que surabondamment, si l'action résolutoire avait été recevable, elle aurait été rejetée au fond car la résolution régie par l'article 1224 du code civil ne peut être prononcée qu'en cas d'inexécution « suffisamment grave » des obligations, alors que la nature même des griefs formulés par M. [D] ne peut emporter cette qualification juridique ; qu'ainsi, seule la deuxième prétention subsidiaire de M. [D] tendant à obtenir la somme de 500 € de dommages et intérêts, non motivée en droit mais implicitement fondée sur l'article 1231-1 du Code Civil est susceptible d'être examinée ; qu'or, il ressort de l'examen des pièces versées aux débats que la société [J] [K] a correctement rempli ses obligations en mettant en relation son client, durant environ neuf mois, avec quatorze personnes que ce dernier a effectivement rencontrées, que si aucun contact n'a pu aboutir à un début de liaison, cela semble moins tenir à la qualité des diligences de [J] [K] qu'aux exigences trop élevées de son client et, accessoirement, à son comportement affirmé à l'égard du genre féminin ; qu'il ne peut donc être reproché à la Société [J] [K], tenue d'une obligation de moyens et non de résultat, une faute engageant sa responsabilité contractuelle ; qu'enfin, il convient de relever que la Société [J] [K] a, ab initio, consenti à M. [D] une « assurance réussite » dans le cas où il ne contracterait pas une union stable à l'issue du contrat souscrit, par laquelle l'agence matrimoniale s'engageait à le proroger durant une année supplémentaire sans aucune contrepartie financière, de sorte ; que sur les seuls besoins du raisonnement, à supposer que les prestations de [J] [K] n'aient pas été parfaitement fournies, cet avantage indéniable, refusé par Monsieur [D], aurait alors offert à ce dernier une large compensation lui permettant de rechercher l'âme soeur avec patience, puis de découvrir la passion avec les nobles sentiments que l'amour exige, ce que l'intéressé doit entendre ;
1) ALORS QUE la résolution peut en toute hypothèse être demandée en justice ; qu'en retenant que M. [D] « s'est trouvé lié par sa lettre du 5 juillet 2019 par laquelle il a notifié à la société [J] [K] la résiliation de son engagement en proposant à cette dernière qu'elle lui rembourse la somme de 750 € » et qu' « après avoir révoqué la convention de la cause, M. [D] ne pouvait en demander la résolution », quand la résolution peut être demandée en justice, même si une procédure de résiliation par notification a été engagée, le tribunal a violé l'article 1227 du code civil ;
2) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes dépourvus de toute équivoque ; qu'en retenant que M. [D] n'était pas recevable à demander la résolution du contrat pour la seule raison qu'il avait notifié le 5 juillet 2019 à la société [J] [K] sa résiliation avec une demande de remboursement seulement partiel et que, ne pouvant ignorer la portée de son courrier en raison de ses fonctions de conciliateur de justice, il avait ainsi « admis la rémunération, au moins partielle, des prestations effectuées par l'agence matrimoniale et non celui de l'anéantissement rétroactif du contrat avec ses conséquences de droit », quand une telle décision ne caractérisait pas une renonciation au droit de solliciter la résolution judiciaire, avec remboursement intégral, dans le cas où le débiteur dénierait tout effet à la résiliation ainsi prononcée, le tribunal a violé les articles 1103 et 1224 du code civil ;
3) ALORS QUE si l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions en défense, il peut être modifié par des demandes incidentes ; qu'en l'espèce, dans sa déclaration initiale au greffe, M. [D] a demandé la condamnation de la société [J] [K] à lui verser 750 euros à titre principal et 500 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'il a modifié ses prétentions dans ses conclusions écrites déposées ultérieurement, et a demandé au tribunal de « prononcer la résolution », de « condamner la société [J] [K] à [lui] rembourser [
] la somme de 1.540 € » correspondant au prix payé par lui, de « condamner la société [J] [K] à [lui] verser [
] la somme de 500 € complémentaire au titre du préjudice subi » ; qu'en retenant qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur la demande de résolution au prétexte que « si le juge civil peut requalifier un moyen de droit présenté au soutien d'une demande en ce, il ne peut requalifier l'objet même de cette demande en vertu de l'article 5 du code de procédure civile disposant que ‘‘le juge doit se prononcer uniquement sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé'' », le tribunal a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu'en réponse à M. [D], qui soutenait que la société [J] [K] lui avait présenté des personnes qui, pour la plupart, ne correspondaient pas au profil défini lors de la conclusion du contrat, cette société soutenait, en premier lieu, que M. [D] avait signé un document annexé au contrat précisant qu'il recherchait « une femme entre 50 et 60 ans, domiciliée dans le département du Tarn (81), ne travaillant pas, avec un style décontracté, et certaines qualités telles que la convivialité, la tolérance, la franchise » (concl. [J] [K], p. 4, § 4) et, en second lieu, qu'elle lui avait présenté « pas moins de treize femmes [
] toutes dans la tranche d'âge demandée, résidant à proximité [
] et partageant les mêmes centres d'intérêts et les mêmes valeurs » (concl. [J] [K] p. 7, § 4) ; qu'elle ajoutait que si malgré cela aucune relation amoureuse n'avait pu être nouée, c'était en raison des trop grandes exigences de M. [D] et de son comportement à l'égard des femmes avec lesquelles il avait été mis en relation (concl. [J] [K], p. 6, avant-dernier §) ; que pour toute preuve de l'exécution de son obligation, la société [J] [K] s'appuyait, d'une part, sur une liste des treize personnes présentées établie par elle seule, qui ne précisait ni leur âge, ni leurs centres d'intérêts et valeurs et qui, au surplus, indiquait un autre département que le Tarn comme lieu de résidence pour sept femmes et mentionnait que neuf d'entre elles étaient encore actives (pièce n° 2 de [J] [K]), et, d'autre part, sur des messages envoyés par son gérant, aux termes desquels l'agence « rempli[ssait] parfaitement son rôle » et M. [D] était simplement trop exigeant au regard de son physique « de taille moyenne
plus beaucoup de cheveux
des rondeurs certaines
», avait une attitude inappropriée avec les femmes présentées, certaines ayant prétendument évoqué « un sens aigu de la critique » et « une attitude peu chevaleresque », et devait faire preuve de plus d'humilité, de tolérance et de bienveillance (pièce n° 5 de [J] [K] correspondant à la pièce n° 9 de M. [D]) ; qu'en retenant, pour en déduire que la société [J] [K] n'avait pas commis de manquement suffisamment grave pour justifier une résolution mais avait au contraire parfaitement exécuté ses obligations en présentant treize personnes à M. [D], que « si aucun contact n'a pu aboutir à un début de liaison, cela semble moins tenir à la qualité des diligences de [J] [K] qu'aux exigences trop élevées de son client et, accessoirement, à son comportement affirmé à l'égard du genre féminin » (jugement, p. 4, § 4), le tribunal, qui ne s'est fondé que sur des éléments de preuve émanant de la société [J] [K] elle-même, à qui incombait pourtant la preuve de l'exécution de son obligation, a violé l'article 1353 du code civil et le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;
5) ALORS QUE l'inexécution est sanctionnée par la résolution du contrat, l'exécution forcée en nature, la réduction du prix et/ou la réparation du préjudice qui en est résulté ; qu'en retenant, pour débouter M. [D] de sa demande de résolution, qu'à supposer que la société [J] [K] eût imparfaitement exécuté ses obligations, la faculté qu'elle lui avait reconnue de proroger le contrat pendant un an et à titre gratuit dans le cas où il n'aurait pas contracté une union stable à son échéance, constituait ainsi un « avantage indéniable » et une « large compensation lui permettant de rechercher l'âme soeur avec patience, puis de découvrir la passion avec les nobles sentiments que l'amour exige », quand la prorogation d'un contrat ne constitue pas un remède à son inexécution pour le créancier, le tribunal a violé l'article 1217 du code civil.