COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 décembre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10698 F
Pourvoi n° C 19-23.998
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 DÉCEMBRE 2021
Mme [W] [G], épouse [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-23.998 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société SBCMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], et ayant un établissement secondaire [Adresse 3], en la personne de M. [T] [V], prise en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Horse Passion Management Ltd,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Caen, domicilié en son parquet général, [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [G], épouse [F], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société SBCMJ, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [G], épouse [F], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G], épouse [F], et la condamne à payer à la société SBCMJ, prise en la personne de M. [V], la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme [G], épouse [F].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a condamné Mme [F] à payer au liquidateur de la société HORSE PASSION MANAGEMENT LTD une somme de 100.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
AUX MOTIFS QUE « La mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce suppose la démonstration d'une insuffisance d'actif de la personne morale liquidée et d'une faute de gestion imputable à son dirigeant de droit ou de fait ayant contribué à cette insuffisance d'actif.
En l'espèce l'insuffisance d'actif de la société HPM n'est pas discutée, le passif admis s'élevant à 287 269,37 € selon l'état des créances produit pour un actif d'un montant de 123,50 € selon la comptabilité du mandat de la SELARL [V] soit une insuffisance d'actif de plus de 287 000 €
Alors même qu'ils n'intègrent pas une dette d'un montant de 200 000 € vis-à-vis d'une société Ticket caisse partners et n'imputent pas les pertes sur les capitaux propres les documents comptables produits créditent la société HPM d'un chiffre d'affaires de 10 760 € pour l'exercice 2012, 9 650 € pour l'exercice 2013 et 6 459 € pour l'exercice 2014, chiffres d'affaires révélateurs d'une absence d'activité, les pertes enregistrées s'étant élevées à - 77 473 € pour l'exercice 2012, - 141 915 € pour l'exercice 2013 et - 116 086 € pour l'exercice 2014.
La production du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société HPM en date du 18 février 2014 prouve qu'à cette date madame [F] est devenue la gérante de droit de la société en remplacement de monsieur [B] [N].
Dirigeante de droit de la société HPM madame [F] ne prétend pas avoir ignoré le caractère déjà déficitaire des exercices 2012 et 2013 et l'absence de réelle activité de la société. Madame [F] a néanmoins attendu le 2 septembre 2015 pour effectuer la déclaration de cessation des paiements.
Durant les exercices 2014 et 2015 madame [F] a ainsi poursuivi en connaissance de cause une exploitation gravement déficitaire aboutissant à des pertes 20 fois supérieures au chiffre d'affaires réalisé.
La faute de gestion consistant pour un dirigeant social à poursuivre une exploitation déficitaire n'est pas subordonnée à la constatation d'un état de cessation des paiements de la société antérieur ou concomitant à cette poursuite.
C'est donc à tort que le premier juge a considéré que la poursuite d'exploitation déficitaire jusqu'au 20 janvier 2015, date de cessation des paiements retenue par le jugement prononçant la liquidation judiciaire immédiate de la société, ne pouvait s'avérer constitutive d'une faute de gestion imputable à madame [F] dès lors qu'elle ne s'inscrivait pas dans un contexte de cessation des paiements.
La poursuite par madame [F] d'une exploitation déficitaire aggravant le passif au point d'aboutir à une situation irrémédiablement compromise débouchant sur la liquidation judiciaire immédiate de la société est une faute de gestion en lien de cause à effet avec l'insuffisance d'actif constatée dont elle doit supporter en partie le montant.
Madame [F] qui ne produit aucun justificatif de ses ressources et de ses charges, ne renseigne pas la cour sur sa situation matérielle et professionnelle actuelle.
Il a été rappelé que l'exercice 2014 correspondant à la gérance de la société par madame [F] à compter du 18 février 2014 s'est soldé par une perte de 116 086 € faisant suite à deux exercices déjà déficitaires et sans réelle activité.
Ces éléments justifient que madame [F] soit condamnée à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société Horse Passion Management à hauteur de la somme sollicitée de 100 000 €, le jugement déféré étant infirmé en conséquence.
Partie perdante madame [F] doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée aux dépens de première instance et d'appel » ;
ALORS QUE, premièrement, à supposer que l'action visant le dirigeant à raison d'une insuffisance d'actif relevait bien du droit français, en tant que loi de la procédure collective, de toute façon, la faute de gestion ne pouvait être identifiée pour sa part sans consultation de la lex societatis régissant le fonctionnement de la société, et donc la manière dont le dirigeant devait se comporter au sein de celle-ci ; qu'en s'abstenant de vérifier, le liquidateur ayant la charge de prouver la faute de gestion, si un manquement pouvait être retenu à l'encontre de Mme [F] au regard de la loi anglaise, dès lors que la société, constituée sous l'empire de la loi anglaise, avait son siège en Angleterre, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce et du principe suivant lequel les règles gouvernant le fonctionnement des sociétés sont soumises à la lex societatis ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, aucun accord procédural tacite ne pouvait être opposé à Mme [F], au motif qu'elle aurait elle-même mentionné la loi française, dès lors que le droit à réparation de la procédure collective à l'encontre du dirigeant, qui relève de l'ordre public, n'est pas un droit disponible ; qu'ainsi l'arrêt doit être censuré pour défaut de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce et du principe suivant lequel les règles gouvernant le fonctionnement des sociétés sont soumises à la lex societatis.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a condamné Mme [F] à payer au liquidateur de la société HORSE PASSION MANAGEMENT LTD une somme de 100.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif ;
AUX MOTIFS QUE « La mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce suppose la démonstration d'une insuffisance d'actif de la personne morale liquidée et d'une faute de gestion imputable à son dirigeant de droit ou de fait ayant contribué à cette insuffisance d'actif.
En l'espèce l'insuffisance d'actif de la société HPM n'est pas discutée, le passif admis s'élevant à 287 269,37 € selon l'état des créances produit pour un actif d'un montant de 123,50 € selon la comptabilité du mandat de la SELARL [V] soit une insuffisance d'actif de plus de 287 000 €
Alors même qu'ils n'intègrent pas une dette d'un montant de 200 000 € vis-à-vis d'une société Ticket caisse partners et n'imputent pas les pertes sur les capitaux propres les documents comptables produits créditent la société HPM d'un chiffre d'affaires de 10 760 € pour l'exercice 2012, 9 650 € pour l'exercice 2013 et 6 459 € pour l'exercice 2014, chiffres d'affaires révélateurs d'une absence d'activité, les pertes enregistrées s'étant élevées à - 77 473 € pour l'exercice 2012, - 141 915 € pour l'exercice 2013 et - 116 086 € pour l'exercice 2014.
La production du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société HPM en date du 18 février 2014 prouve qu'à cette date madame [F] est devenue la gérante de droit de la société en remplacement de monsieur [B] [N].
Dirigeante de droit de la société HPM madame [F] ne prétend pas avoir ignoré le caractère déjà déficitaire des exercices 2012 et 2013 et l'absence de réelle activité de la société. Madame [F] a néanmoins attendu le 2 septembre 2015 potir effectuer la déclaration de cessation des paiements.
Durant les exercices 2014 et 2015 madame [F] a ainsi poursuivi en connaissance de cause une exploitation gravement déficitaire aboutissant à des pertes 20 fois supérieures au chiffre d'affaires réalisé.
La faute de gestion consistant pour un dirigeant social à poursuivre une exploitation déficitaire n'est pas subordonnée à la constatation d'un état de cessation des paiements de la société antérieur ou concomitant à cette poursuite.
C'est donc à tort que le premier juge a considéré que la poursuite d'exploitation déficitaire jusqu'au 20 janvier 2015, date de cessation des paiements retenue par le jugement prononçant la liquidation judiciaire immédiate de la société, ne pouvait s'avérer constitutive d'une faute de gestion imputable à madame [F] dès lors qu'elle ne s'inscrivait pas dans un contexte de cessation des paiements.
La poursuite par madame [F] d'une exploitation déficitaire aggravant le passif au point d'aboutir à une situation irrémédiablement compromise débouchant sur la liquidation judiciaire immédiate de la société est une faute de gestion en lien de cause à effet avec l'insuffisance d'actif constatée dont elle doit supporter en partie le montant.
Madame [F] qui ne produit aucun justificatif de ses ressources et de ses charges, ne renseigne pas la cour sur sa situation matérielle et professionnelle actuelle.
Il a été rappelé que l'exercice 2014 correspondant à la gérance de la société par madame [F] à compter du 18 février 2014 s'est soldé par une perte de 116 086 € faisant suite à deux exercices déjà déficitaires et sans réelle activité.
Ces éléments justifient que madame [F] soit condamnée à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société Horse Passion Management à hauteur de la somme sollicitée de 100 000 €, le jugement déféré étant infirmé en conséquence.
Partie perdante madame [F] doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée aux dépens de première instance et d'appel » ;
ALORS QUE la poursuite d'une activité déficitaire ne révèle une faute à la charge du dirigeant que si elle est abusive ; que l'abus ne peut être mis en évidence qu'au regard de la nature et des caractéristiques de l'activité exercée ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur l'activité de la société HORSE PASSION MANAGEMENT Ltd. à l'effet de rechercher si l'intérêt économique de l'activité devait être appréhendé exercice par exercice, ou si au contraire il ne postulait pas, du fait de la nature de cette activité, de prendre en compte d'une période regroupant plusieurs exercices, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce.