CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 décembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10624 F
Pourvoi n° E 20-18.162
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2021
1°/ M. [L] [R], domicilié [Adresse 2] (Luxembourg),
2°/ Mme [O] [J], épouse [R], domiciliée [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° E 20-18.162 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Metz (3e chambre civile, droit local), dans le litige les opposant à la société Orange Bank, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Bouthors, avocat de M. [R] et Mme [J] épouse [R], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Orange Bank, et après débats en l'audience publique du 13 octobre 2021 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [R] et Mme [J] épouse [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour M. [R] et Mme [J] épouse [R]
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné l'adhésion de la société Orange Bank à la procédure d'exécution forcée concernant les immeubles inscrits au livre foncier de Koenigsmaker appartenant aux époux [R] en recouvrement de la somme principale de 495.007,72 € outre intérêts, frais et accessoires dont la somme de 938 495,99 € en intérêts échus au taux légal au 26 mars 2017, due en vertu du jugement prononcé le 27 octobre 1994 par le tribunal de commerce de Paris et de l'arrêt de la cour de Paris prononcé le 26 février 1997 signifié avec commandement aux parties débitrices par acte d'huissier du 3 octobre 2017 pour M. [R] et du 10 octobre 2017 pour Mme [R] ;
aux motifs propres que : « Sur l'existence d'un titre exécutoire : Il est constant que par arrêt du 26 février 1997 non susceptible de recours suspensif, la cour d'appel de Paris a condamné M. [E] [R] à payer à la Compagnie Générale de Garantie aux droits de laquelle vient la SA Orange Bank, la somme de 5.000.000 de francs diminuée de la valeur des nantissements accordés à cette société par la SA Caapinter sur son compte à terme ouvert à la SA Banque Kolb et sur le fonds de garantie remis à la société Facto France Heller que sur la réserve de l'Urssaf éventuellement détenue par cette société et ce avec intérêts au taux conventionnel à compter du 24 mars 1992 jusqu'au 16 novembre 1992 puis au taux légal. Il n'est pas davantage contesté et il résulte des pièces produites par la requérante que cet arrêt muni de la clause exécutoire a été signifié le 11 septembre 1997 à M. [R] Le titre dont se prévaut la SA Orange Bank étant constitué par une décision de justice, sont applicables les dispositions des articles L 111-2 et L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et non les dispositions de l'article L111-5 et la jurisprudence citée s'y rapportant, relatives aux actes établis par un notaire de l'un des trois départements alsaciens mosellans « lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée, et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate ». Selon l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. L'article L111-6 du code des procédures civiles d'exécution dispose que la créance est liquide lorsqu'elle peut être évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation. La créance dont se prévaut la société SA Orange Bank résulte d'une décision de justice passée en force de chose jugée munie de la clause exécutoire et signifiée aux débiteurs. La SA Orange Bank dispose donc bien d'un titre exécutoire constatant une créance exigible. Cette créance est liquide sans que le créancier ait à engager de nouvelles procédures visant à faire constater la compensation qui est de droit entre les dettes réciproques, dès lors qu'elle peut être évaluée en argent grâce aux éléments contenus à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 février 1997, Mr [R] ayant été condamné au paiement d'une somme de 5.000.000 de francs dont à déduire le montant des deux nantissements conférés par la société Caapinter caution, à la banque créancière. Au demeurant, la créancière a versé aux débats un décompte sous forme de tableau détaillé des sommes dues en euros, décompte qui aurait été selon la requérante, annexé au commandement de payer du 3 octobre 2017 et portant mention du principal en euros, des déductions opérées concernant le compte à terme ouvert à la SA Banque Kolb par la société Caapinter et le fonds de garantie remis par celle-ci à la société Facto France Heller, des intérêts courus et des frais. M. et Mme [R] n'ont pas critiqué en la présente procédure ce décompte dont ils ont eu connaissance. Leur contestation relative au seul caractère exécutoire du titre n'est pas fondée et sera en conséquence rejetée. / Mme [R] fait valoir qu'elle doit être mise hors de cause dès lors que la SA Orange Bank ne dispose d'aucun titre à son encontre, celle-ci n'ayant pas été attraite en la procédure sur le fondement de laquelle l'exécution forcée est recherchée. Toutefois aux termes de l'article 1415 du code civil, l'époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint. Mme [R] ne conteste pas avoir, ainsi que le soutient la SA Orange Bank, consenti au cautionnement souscrit par son mari à l'égard de la société Compagnie Générale de Garantie le 2 juillet 1991. Dès lors le créancier qui agit en vertu d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, régulièrement signifié le 11 septembre 1997, est fondé à poursuivre l'exécution forcée sur le bien commun immobilier. Les demandes de M. et Mme [R] sont rejetées de ce chef. / Sur la régularité de la procédure M. et Mme [R], titulaires de la nue-propriété de l'immeuble sis à [Localité 5], objet de la procédure d'adjudication forcée immobilière, soutiennent de première part que la procédure serait nulle en l'absence de notification du commandement de payer aux usufruitiers. Toutefois aucune disposition légale ou réglementaire n'impose au créancier de notifier aux usufruitiers le commandement de payer signifié aux seuls débiteurs nu - propriétaires en sorte que le moyen manque en droit et sera en conséquence rejeté. / Les époux [R] contestent de seconde part la validité du commandement de payer délivré le 3 octobre 2017 au motif que celui-ci ne répondrait pas aux dispositions de l'article R 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, prévues à peine de nullité. Il est acquis en jurisprudence que la requête aux fins d'exécution forcée immobilière de droit local doit être précédée de la signification au débiteur d'un commandement de payer signifié par huissier de justice, l'article 2217 ancien du code civil demeurant applicable dans les trois départements de la [Localité 8], du [Localité 4] et du [Localité 6]. Toutefois, il sera cependant relevé que l'article 21 de l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006, devenu l'article L 341-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que celle-ci ne modifie pas les dispositions applicables dans les départements de la [Localité 8], du [Localité 4] et du [Localité 6], ce dont il suit que l'article R 321-3 du même code issu de l'article 15 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, pris pour l'application de cette ordonnance ne peut s'appliquer au commandement de payer prévu à l'article 2217 ancien du code civil, toujours applicable dans ce département (cour de cassation 2e chambre civile du 14 novembre 2013). Les exigences formelles du commandement valant saisie telles qu'imposées en droit général par les articles R 321-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution applicables à la saisie et à la vente d'immeuble en droit général ne sont donc pas applicables au commandement de payer de droit local. Il est toutefois admis que le commandement de payer de droit local doit contenir notamment l'indication de la date et de la nature du titre exécutoire, le décompte des sommes réclamées en principal, intérêts et frais échus, l'indication du taux des intérêts moratoires, l'avertissement que le débiteur doit payer ces sommes dans le délai de huit jours et qu'à défaut de paiement la procédure à fin de vente de l'immeuble se poursuivra, la désignation de chacun des biens ou droits sur lesquels porte la saisie immobilière ainsi que la possibilité pour le débiteur personne physique en état de surendettement de saisir la commission de surendettement des particuliers et de bénéficier pour la procédure de saisie de l'aide juridictionnelle s'il en remplit les conditions. Le commandement litigieux comporte l'ensemble des mentions requises. Toutefois, M et Mme [R] font état de ce que le commandement de payer qui leur a été signifié ne comporte pas le détail et le calcul du décompte d'intérêts alors qu'il est porté en compte à ce titre une somme de 938 495,99 euros et que tout paiement s'imputant par préférence sur les intérêts, l'absence de précision concernant le mode de calcul de ces intérêts leur fait nécessairement grief. Toutefois, le commandement de payer apparaît suffisamment explicite dès lors que le décompte établi pour un montant total de 1 463 687,19 euros, ventile les sommes réclamées, en principal à hauteur de 495 007,72 euros, en frais pénalités et accessoires à hauteur de 14 030,68, en intérêts échus au taux légal au 26 mars 2017 à hauteur de 938 495,99 euros, en intérêts courus du 27 mars 2017 au 29 septembre 2017 sur 495 007,72 euros au taux de 5,90 % à hauteur d'un montant de 14 962,79 euros, en frais de l'acte et du montant du complément de droit recouvrement (505,09 euros et 338,24 euros). Le commandement de payer fondant la poursuite immobilière apparaît donc régulier en la forme. Le moyen non fondé est rejeté. La requête en exécution forcée immobilière étant en définitive fondée, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise ayant ordonné la vente par voie d'adjudication forcée du bien immobilier inscrit au Livre foncier de [Localité 7], section 46 n° 0303/0185 appartenant à M. [E] [R] et à Mme [O] [R] née [J]. Dès lors que l'ordonnance déférée est confirmée, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle fois la vente du bien en cause par voie d'adjudication forcée. » (arrêt attaqué p. 6, dernier § à p. 10, § 1 à5).
et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que : la demande est fondée et qu'il convient d'y faire droit » (ordonnance p. 2, § 2) ;
1°) alors, d'une part, qu'aux termes de l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution qu'un créancier ne peut poursuivre l'exécution forcée des biens de son débiteur que s'il détient un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible; qu'au cas présent, l'arrêt définitif du 26 février 1997 de la cour d'appel de Paris disposait que Monsieur [R] devait payer à titre de caution de la SA Caapinter à la SA Compagnie Générale de Garantie une somme de 5 000 000 Frs diminuée de la valeur des nantissements que lui avait accordés la SA Caapinter ; que par des motifs décisoires, cet arrêt relevait que les nantissements étaient pris par acte du 8 juillet 1991 sur le solde de son compte ouvert à la banque Kolb à concurrence de 1 000 000 Frs plus les agios et par acte du 2 juillet 1991 sur le fonds de garantie de 4 000 000 Frs remis à la société Facto France Heller au titre d'un contrat d'affacturage (arrêt du 26 février 1997 p.4 § 3) ; qu'ainsi la valeur de ces nantissements correspondait précisément à la somme cautionnée de 5 000 000 Frs par Monsieur [R] qui devait donc en être déchargé; que la cour d'appel qui retient que pour évaluer la créance, il convient de se référer expressément « aux éléments contenus à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 février 1997 » ne pouvait considérer que la SA Orange Bank était fondée à poursuivre l'exécution forcée sur le bien immobilier des consorts [R] en vertu du titre exécutoire constitué par l'arrêt du 26 février 1997 faisant état d'une créance liquide et exigible sans s'expliquer plus avant sur la subsistance de la créance au regard de l'arrêt du 26 février 1997 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;
2°) alors qu'en toute hypothèse, et à supposer que la banque puisse faire valoir une créance à l'encontre de Monsieur [R], l'article L 111-2 du code civil disposant qu'un créancier ne peut poursuivre l'exécution forcée des biens de son débiteur que sur un montant qui n'est pas seulement déterminable mais déterminé, les requérants faisaient valoir dans leurs conclusions (conclusions p. 10 – prod.) que la créance de la SA Orange Bank n'était pas déterminée en ce que le dispositif de l'arrêt du 26 janvier 1997 se bornait à faire état d'une compensation à opérer entre une créance reconnue au profit de la banque avec la valeur de fonds nantis au titre d'un contrat d'affacturage sous réserve du désintéressement complet de la société d'affacturage, ainsi que sur la réserve détenue par la même société d'affacturage, affectée au règlement de l'Urssaf, après paiements intervenus auprès de cet organisme ; qu'ils indiquaient expressément que ce point n'avait jamais été tranché ni même communiqué par la banque demanderesse ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait confirmer la décision ordonnant la vente par voie d'adjudication forcée du bien appartenant aux époux [R] sans répondre au moyen déterminant de l'exposant démontrant que la créance alléguée par Orange Bank n'était pas déterminée, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°) alors que, par ailleurs, il résulte de l'article 1315 ancien (1353 nouveau) du code civil que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même; qu'en l'état de la contestation de la caution faisant valoir être totalement déchargée de son engagement, la cour d'appel ne pouvait, comme elle l'a fait, déterminer la créance litigieuse en se fondant sur un décompte établi unilatéralement sous forme de tableau détaillé des sommes dues en euros par la seule créancière sans violer l'article susvisé ;
4°) alors qu'en outre, une décision de justice étant exécutoire à partir du moment où elle passe en force de chose jugée, c'est à la date de l'arrêt qu'il convient de se placer, pour évaluer le montant des droits résultant des condamnations prononcées par la cour d'appel; qu'au cas présent, la cour d'appel ne pouvait considérer que la société Orange Bank était fondée à poursuivre l'exécution forcée sur les biens communs des époux [R] sur le fondement de l'arrêt du 26 février 1997 ayant condamné M. [R] au paiement de la somme de 5.000.000 frs (762.245 €) diminuée de la valeur des nantissements, tout en constatant que la société Orange Bank, réclamait en 2017 au titre de cet arrêt une somme beaucoup plus importante que celle éventuellement due par M. [R] au jour du prononcé de l'arrêt en 1997 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations a violé les dispositions des articles L. 111-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble celles des articles 500 et 501du code de procédure civile ;
5°) alors que, de plus, le commandement de payer de droit local doit comporter un décompte précis des sommes réclamées en principal, intérêts et frais échus et l'indication du taux des intérêts moratoires ainsi que l'a elle-même retenu la cour d'appel (arrêt attaqué p.9, § 4) ; que la cour d'appel a cependant considéré que le commandement de payer fondant la poursuite sur les biens communs des époux [R] et portant mention sans autre précision ni détail, d'intérêts échus au 26 mars 2017 à hauteur de la somme considérable de 938.495,99 €, était régulier (arrêt attaqué p. 10, § 2) ; qu'en statuant ainsi quand le commandement ne faisait apparaître ni le montant détaillé des taux d'intérêts pratiqués ni le mode de calcul appliqué, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2217 ancien du code civil, de l'article 673 de l'ancien code de procédure civile, ensemble celles des articles L. 321-1 et R. 321-1 et suivants du code de procédure civile d'exécution.
6°) alors enfin qu'il résulte des articles 545, 599 et 621 du code civil que le nu-propriétaire ne peut nuire aux droits de l'usufruitier et qu'en cas de vente forcée d'un bien immobilier grevé d'usufruit, le juge ne peut à la demande du créancier personnel du nu-propriétaire ordonner la vente en pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pu valider en l'espèce la procédure de saisie au motif erroné qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait aux créanciers de notifier aux usufruitiers le commandement de payer signifié au seul débiteur, nu-propriétaire quand la procédure de saisie immobilière ayant abouti au prononcé de la vente forcée du bien litigieux avait nécessairement porté atteinte aux droits de l'usufruitier ; que faute d'avoir recherché si la procédure de saisie avait été portée à la connaissance de l'usufruitier, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés.