CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 novembre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10842 F
Pourvoi n° M 20-13.890
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 31 décembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2021
M. [V] [X], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-13.890 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à Mme [M] [R], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Richard, avocat de M. [X], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 28 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. [X]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé recevable la demande de Madame [M] [R] de voir modifier les modalités d'exercice de l'autorité parentale à l'égard de [E] [X], puis d'avoir dit que Madame [R] exercera seule l'autorité parentale à l'égard de l'enfant mineur, [E] [X], d'avoir suspendu le droit de visite et d'hébergement de Monsieur [V] [X] à l'égard de son fils et d'avoir ordonné à Monsieur [X] de remettre à Madame [R] la carte nationale d'identité et le passeport tunisien de [E] [X] ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article 7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et l'arrêté du 16 mars 2017 désignant les juridictions habilitées à expérimenter la tentative de médiation familiale préalable obligatoire à la saisine du juge en matière familiale, dont le Tribunal de grande instance de Rennes, les décisions fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ainsi que les stipulations contenues dans la convention homologuée peuvent être modifiées ou complétée à tout moment par le juge, à la demande du ou des parents ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non ; qu'à peine d'irrecevabilité que le juge peut soulever d'office, la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d'une tentative de médiation familiale, sauf : 1° si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l'homologation d'une convention selon les modalités fixées à l'article 373-2-7 du Code civil ; 2° si l'absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ; 3° si des violences ont été commises par l'un des parents sur l'autre parent ou sur l'enfant ; qu'en l'espèce, il est constant qu'un jugement en date du 5 décembre 2013 était précédemment intervenu pour fixer les modalités de l'exercice de l'autorité parentale s'agissant de l'enfant [E], né le 13 décembre 2007, et que Madame [R] a ressaisi, par assignation en référé du 12 octobre 2018, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Rennes pour voir modifier ces dispositions, sans que cette saisine ait été précédée par une tentative de médiation familiale ; que pour autant, la demande de Madame [R], visant à voir dire qu'elle était recevable en sa demande initiale de première instance faute d'avoir satisfait à cette obligation, doit être confirmée, par substitution de motifs, en ce que Madame [R] réside sur [Localité 5] et Monsieur [X] sur [Localité 6] et que cette distance géographique, séparant les lieux de résidence respectifs des parents, constitue nécessairement un motif légitime dispensant Madame [R] de justifier d'une tentative de médiation familiale préalable ;
ALORS QUE, à peine d'irrecevabilité que le juge peut soulever d'office, la saisine du juge par un parent afin d'obtenir une décision fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale doit être précédée d'une tentative de médiation familiale, sauf, notamment, si l'absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ; qu'en se bornant à affirmer que la distance géographique entre les villes de Rennes et de Vitry-sur-Seine constituait nécessairement un motif légitime dispensant Madame [R] de justifier d'une tentative de médiation préalable, sans constater que Monsieur [X], qui résidait à Vitry-sur-Seine, aurait refusé ou se serait déclaré incapable de se déplacer à Rennes afin de mettre en oeuvre cette tentative de médiation préalable, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et de l'arrêté du 16 mars 2017 désignant les juridictions habilitées à expérimenter la tentative de médiation préalable obligatoire à la saisine du juge en matière familiale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, d'avoir déclaré Madame [M] [R] recevable en sa demande, puis d'avoir dit qu'elle exercera seule l'autorité parentale à l'égard de l'enfant mineur, [E] [X], d'avoir suspendu le droit de visite et d'hébergement de Monsieur [V] [X] à l'égard de son fils et d'avoir ordonné à Monsieur [X] de remettre à Madame [R] la carte nationale d'identité et le passeport tunisien de [E] [X] ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article 1073 du Code de procédure civile, le juge aux affaires familiales peut exercer la fonction de juge des référés ; que l'article 808 du même code dispose que : « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend » ; qu'en l'espèce, Madame [R] s'est prévalue d'une urgence à statuer, avant le début des vacances scolaires de Noël, compte tenu de la violation de l'interdiction de sortie du territoire avec l'enfant commise par Monsieur [X] au mois d'août 2018 et des fraudes à la délivrance de documents d'identité de l'enfant ; que le premier juge a considéré que « les circonstances de fait fondant l'instance démontrent que l'interdiction posée a été parfaitement opérante et que Monsieur [X] n'a pas pu quitter le territoire national » et que, dans ces conditions, il a retenu qu'il n'existait aucune urgence nouvelle justifiant de statuer en référer ; que pour autant, la cour relève qu'il n'est pas contestable que l'interdiction posée n'a pas été opérante puisque Monsieur [X] a passé la frontière française pour se rendre en train à Genève ; que Monsieur [X] l'a lui-même reconnu aux termes du courrier adressé au juge aux affaires familiales le 19 novembre 2018 et l'enfant [E] a, lui aussi, décrit de manière précise son périple pour se rendre en Suisse avec son père lors de son audition devant le premier juge ; qu'il n'existe dès lors aucune contestation sérieuse sur le fait qu'il y a eu violation de l'interdiction de sortie du territoire national qui avait été posée par l'autorité judiciaire ; que la décision entreprise sera donc réformée et Madame [R] sera déclarée recevable en sa demande en référé ;
ALORS QUE le juge aux affaires familiales statuant en référé peut ordonner, dans tous les cas d'urgence, toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; que tant en première instance qu'en appel, l'existence d'un cas d'urgence s'apprécie au jour où le juge des référé statue ; qu'en se bornant à relever que Monsieur [X] aurait enfreint à une occasion, environ un an auparavant, l'interdiction de sortie du territoire de l'enfant, sans constater qu'il existait, au jour où elle a statué, un risque actuel de violation de l'interdiction de sortie du territoire constitutif d'une urgence propre à permettre d'ordonner des mesures provisoires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 808, devenu 834, du Code de procédure civile, ensemble l'article 1073 du même code.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, d'avoir décidé que Madame [M] [R] exercera seule l'autorité parentale à l'égard de l'enfant mineur, [E] [X] ;
AUX MOTIFS QUE l'autorité parentale est un ensemble de droits et devoirs, conféré aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant, qui a pour finalité l'intérêt de l'enfant et non la satisfaction des désirs des parents ; que l'article 371-1 alinéa 2 du Code civil dispose que l'autorité parentale doit être exercée dans un but de protection de l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ; que toutefois, à titre exceptionnel et en dehors des cas limitativement énumérés par la loi où le parent perd de plein droit l'exercice de son autorité parentale, si l'intérêt de l'enfant le commande, les articles 373-2-1 et 373-2-8 du Code civil permettent au juge, saisi par l'un des parents ou le ministère public, de modifier les conditions d'exercice de l'autorité parentale et notamment d'en confier l'exercice à l'un seulement des deux parents ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler qu'une interdiction de sortie du territoire de l'enfant sans autorisation des deux parents a été ordonnée, à l'égard de [E], depuis un jugement du 4 juillet 2013 ; qu'il n'est pas contestable que dès le mois d'août 2018, Monsieur [X] a emmené son fils en train pour Genève depuis [Localité 4] pour tenter de partir en Tunisie depuis l'aéroport de [Localité 3] ; que l'enfant a lui-même confirmé ce départ et les circonstances de son périple lors de son audition devant le juge ; que [E] a précisé qu'il avait eu très peur « quand son père lui précisé que la prochaine fois, on passera autrement pour aller en Tunisie sans que personne ne le sache » ; qu'au-delà de la violation d'une décision de justice, cette attitude du père démontre que Monsieur [X] agit en contradiction avec l'intérêt de l'enfant puisqu'il a été demandé à [E], âgé de dix ans, de mentir, de cacher l'interdiction de sortie du territoire aux agents de l'aéroport et de voyager dans des conditions clandestines particulièrement traumatisantes ; qu'il est d'ailleurs justifié par la mère que depuis le 1er septembre 2018, [E] est suivi par un psychologue à raison d'une fois tous les quinze jours ; qu'elle justifie surtout qu'à plusieurs reprises, alors que le père venait chercher l'enfant pour exercer ses droits de visite et d'hébergement, Monsieur [X] l'a menacé d'emmené [E] en Tunisie ; qu'au surplus, Monsieur [X] n'a jamais réglé de manière habituelle et spontanée la contribution à l'entretien et l'éducation de son fils, malgré les médiations pénales initiées devant le délégué du procureur ; que l'absence de respect par Monsieur [X] des décisions de justices, pourtant rendues dans le seul intérêt de l'enfant, démontre qu'il n'est pas apte à suivre cet intérêt et justifie de confier à Madame [R] exclusivement l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant mineur [E] ;
ALORS QUE, l'exercice en commun de l'autorité parentale par les deux parents, même séparés, est de principe ; que le juge ne peut en décider autrement qu'à titre exceptionnel, lorsqu'il est justifié que l'intérêt de l'enfant commande que l'exercice de l'autorité parentale ne soit confiée qu'à un seul des parents ; qu'en se bornant à relever, pour décider que Madame [R] exercera seule l'autorité parentale à l'égard de [E] [X], qu'il existait un risque que Monsieur [X] emmène son fils en Tunisie sans l'accord de Madame [R], en violation de l'interdiction de sortie du territoire, sans indiquer en quoi le retrait de l'exercice de l'autorité parentale de Monsieur [X], qui a pour effet d'exclure ce dernier de toutes les décisions concernant l'éducation et le développement personnel de son fils, était nécessaire afin de prévenir un tel risque, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 373-2-1 et 373-2-13 du Code civil, ensemble l'article 808, devenu 834, du Code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir suspendu le droit de visite et d'hébergement de Monsieur [V] [X] à l'égard de son fils [E] [X] ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article 373-2 du Code civil, la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale ; que chacun des père et mère doit maintenir des relations avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent ; que l'article 373-2-1 du même code prévoit que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; que l'appréciation des motifs graves justifiant la limitation du droit de visite et la suppression du droit d'hébergement s'apprécie à la date à laquelle le juge statue ; qu'en l'occurrence, pour des motifs strictement identiques à ceux évoqués précédemment, il importe de suspendre le droit de visite et d'hébergement du père afin de s'assurer du maintien de l'enfant auprès de sa mère, en France ;
ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le troisième moyen de cassation, du chef du dispositif de l'arrêt ayant dit que Madame [M] [R] exercera seule l'autorité parentale à l'égard de l'enfant mineur [E] [X] entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt par lequel la Cour d'appel a suspendu le droit de visite et d'hébergement de Monsieur [V] [X] à l'égard de [E], en retenant les mêmes motifs que ceux l'ayant conduite à décider que Madame [R] exercera seule l'autorité parentale, ces chefs étant liés par un lien de dépendance nécessaire, et ce, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à Monsieur [V] [X] de remettre à Madame [M] [R] la carte nationale d'identité et le passeport tunisien de l'enfant [E] [X] ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur [X] détient un passeport tunisien depuis 2009 et une carte d'identité de l'enfant [E] établie frauduleusement par lui, en 2012. Du fait de l'existence de cette carte d'identité, madame [R] s'est vue opposer un refus pour en obtenir une nouvelle et se retrouve sans pièce d'identité pour l'enfant ; que rien ne justifie aujourd'hui que Monsieur [X] détienne ces documents ; que, compte tenu de son refus de restitution à la mère, en dépit des demandes officielles, il apparaît donc nécessaire d'ordonner la restitution de la carte d'identité et du passeport tunisien de l'enfant à la mère, sans qu'il soit opportun d'ordonner une astreinte ;
ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le troisième moyen de cassation, du chef du dispositif de l'arrêt ayant dit que Madame [M] [R] exercera seule l'autorité parentale à l'égard de l'enfant mineur [E] [X], entraînera par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt par lequel la Cour d'appel a ordonné à Monsieur [V] [X] de remettre à Madame [M] [R] la carte nationale d'identité et le passeport tunisien de l'enfant [E], ces chefs étant liés par un lien de dépendance nécessaire, et ce, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.