CIV. 1
NL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 novembre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10821 F
Pourvoi n° P 19-25.043
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021
1°/ M. [K] [J],
2°/ Mme [O] [Y], épouse [J],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° P 19-25.043 contre l'arrêt rendu le 10 octobre 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [J], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit logement, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, en remplacement du conseiller empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [J]
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné solidairement les époux [J] à payer à la société Crédit Logement la somme de 153 895,65 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2016 au titre du crédit du 3 août 2010 et la somme de 104 695,59 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2016, au titre du crédit du 16 décembre 2010 et d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 7 mars 2016, soit pour la première fois le 7 mars 2017 ;
AUX MOTIFS QUE les époux [J] produisent les lettres en date des 18 janvier 2016 (quatre lettres) adressées par le Crédit Logement à chacun d'eux relativement aux prêts ci-dessus, faisant état du fait que la situation des débiteurs n'ayant pas été régularisée, la caution est amenée à rembourser aux lieu et place des débiteurs les sommes dues à la Société Générale d'Evreux soit la somme de 104.513,88 euros au titre du prêt N°M10112402701 et celle de 153.726,59 euros au titre du prêt N°M10065076101, à défaut de règlement de leur part sous huitaine ; que, néanmoins, les époux [J] font valoir que la caution a perdu tout recours effectif à leur égard faute de les avoir averti au préalable du paiement des prêts et ce au motif que l'envoi de lettres n'est pas suffisant alors qu'un seul accusé de réception est produit au nom de Mme [J] portant les références de deux prêts, aucun accusé de réception n'étant produit pour Monsieur [J] ; qu'or, dans le cadre de la solidarité entre les époux [J], il y a lieu de considérer que l'avis donné à l'un des codébiteurs produits ses effets s'agissant du second, le moyen n'étant pas fondé ; que, par ailleurs, l'article 2308 du code civil suppose pour son application que le débiteur démontre que la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, alors que ce dernier aurait eu des moyens de faire déclarer sa dette éteinte ; que, sur ce point, les époux [J] exposent que les deux quittances subrogatives attestant du paiement par la caution ont été émises le 20 janvier 2016, soit seulement deux jours après la lettre du Crédit Logement et qu'ils ont été privés de la possibilité de faire déclarer leur dette éteinte ; qu'or, le fait que le délai entre l'avis donné par la caution et le paiement n'est pas suffisant, est inopérant, les appelants ayant la charge de démontrer que le paiement a eu lieu alors qu'ils pouvaient faire valoir des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; que, pour ce faire, ils font valoir que la Société Générale, créancier principal, a manqué à son obligation de mise en garde à leur égard s'agissant d'emprunteurs non avertis, alors que le devoir de mise en garde concerne la caution et non les emprunteurs qui sont tenus dans les conditions du prêt qu'ils ont accepté ; que, par ailleurs, les époux [J] tentent de démontrer que la Société Générale a commis une faute à leur égard en leur consentant deux prêts alors que leur situation financière était obérée par plusieurs prêts contractés auprès du CIC à savoir : - un prêt immobilier CIC sur lequel il restait dû à la date des prêts litigieux la somme de 57 533 euros, - un prêt CIC sur lequel il restait dû à la date des prêts litigieux la somme de 93 816 euros, - un prêt CIC sur lequel il restait dû à la date des prêts litigieux la somme de 140 024,96 euros, - un prêt CIC sur lequel il restait dû à la date des prêts litigieux la somme de 8 836,91 euros ; qu'or, les appelants ne produisent pas les éléments ( contrats, décomptes) afférents aux prêts contractés auprès d'un tiers et ne démontrent pas que la Société Générale avait ou aurait dû avoir connaissance de leur situation, alors que le couple disposait de revenus de 67.334 euros en 2008 ainsi qu'il ressort de l'avis d'impôt sur le revenu 2009 qu'ils versent aux débats, les appelants précisant que Madame [J] était sans emploi et ce, depuis des années et que Monsieur [J] était gérant de la société REV HOME, le couple ayant deux enfants à charge au moment de l'octroi du prêt ; que les appelants ne produisent pas plus de pièces relativement au fait que Mme [J] aurait souscrit au moment de l'octroi du crédit à une assurance couvrant le risque d'incapacité de travail et que ce risque se serait réalisé de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir une faute de la banque qui aurait omis de mettre en oeuvre l'assurance afin d'obtenir la prise en charge du remboursement, au lieu de prononcer la déchéance du terme ; qu'ainsi, les époux [J] ne caractérisent pas une faute de la Société Générale leur ouvrant droit à dommages et intérêts qui se compenseraient exactement avec le montant des sommes dues au titre des prêts, soit la somme de 258.591,24 euros revendiquée dans leurs écritures ; que les appelants étant mal fondés à se prévaloir de l'article 2308 alinéa 2 du code civil pour s'opposer aux demandes formés par le Crédit logement, reprises telles qu'au jugement, ce dernier est fondé à obtenir paiement des sommes réglées à la Société Générale en exécution de son engagement de caution détaillées aux quittances du subrogative en date du 20 janvier 2016 pour la somme de 153.834,44 euros et pour la somme de 105.676,38 euros ; que, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article 2305 du code civil dispose que « La caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s'il y a lieu » ; que Monsieur [K] [J] et Madame [O] [Y] épouse [J] ont accepté le 3 août 2010 l'offre de crédit immobilier faite le 20 juillet 2010 par la SOCIETE GENERALE ; que ce crédit, souscrit solidairement, portait sur la somme de 181.181,33 €, remboursable en 180 mensualités au taux de 3,55% l'an, avec cinq phases de remboursement ; qu'il était garanti par la caution solidaire de la SA CREDIT LOGEMENT ; qu'après avoir mis en demeure les époux [J] de régler les échéances impayées par courrier du 4 décembre 2014, la banque a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé avec demande d'avis de réception le 2 octobre 2015 ; que la SA CREDIT LOGEMENT a été sollicitée en sa qualité de caution par la SOCIETE GENERALE ; qu'elle lui a réglé, selon quittances subrogatives des 27 février 2015 et 20 janvier 2016, respectivement les sommes de 6.120,06€ et 153.834,44€ ; que la SA CREDIT LOGEMENT a mis en demeure les époux [J] de lui régler lesdites sommes par courrier du 18 janvier 2016 ; que d'après le décompte produit, du 26 février 2016, il reste dû une somme de 154.322,60 €, comprenant le principal réglé par la SA CRÉDIT LOGEMENT outre les intérêts au taux contractuel depuis les règlements effectués ; qu'or, au titre de son recours, la caution n'a droit qu'aux intérêts légaux, ce qu'elle demande d'ailleurs pour la suite ; qu'elle n'explicite d'ailleurs pas pour quelle raison les intérêts contractuels ont été appliqués ; que dès lors, les intérêts seront calculés au taux légal tel qu'il a été appliqué par la SA CREDIT LOGEMENT pour l'autre prêt, depuis la date des paiements qu'elle a effectués et ceux effectués par les débiteurs ; qu'ainsi, après re-calcul, il resterait dû en principal la somme de 153.895,65 € ; que Monsieur [K] [J] et Madame [O] [Y] épouse [J] ont accepté le 16 décembre 20101 une offre de crédit immobilier faite le 2 décembre 2010 par la SOCIETE GENENRALE ; que ce crédit, souscrit solidairement, portait sur la somme de 141.568,55 €, remboursable en 144 mensualités de 1.233,72 €, au taux de 3,29% l'an ; qu'il était garanti par la caution solidaire de la SA CREDIT LOGEMENT ; qu'après avoir mis en demeure les époux [J] de régler les échéances impayées par courrier du 12 décembre 2014, la banque a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé avec demande d'avis de réception le 2 octobre 2015 ; que la SA CREDIT LOGEMENT a été sollicitée en sa qualité de caution par la SOCIETE GENERALE ; qu'elle lui a réglé, selon quittances subrogatives des 27 février 2015 et 20 janvier 2016, respectivement les sommes de 12.609,59€ et 105.676,38€ ; que la SA CREDIT LOGEMENT a mis en demeure les époux [J] de lui régler lesdites sommes par courrier du 18 janvier 2016 ; que d'après le décompte produit, du 26 février 2016, il reste dû une somme de 104.695,59 €, comprenant le principal réglé par la SA CRÉDIT LOGEMENT outre les intérêts au taux légal depuis les règlements effectués ; que les époux [J] opposent à la caution les fautes commises par la banque consistant en un manquement à son devoir de conseil et au non-respect des dispositions du code de la consommation quant aux formes requises pour l'acceptation des crédits ; que, néanmoins, si, dans le cadre du recours subrogatoire et selon l'article 1252 du code civil, le débiteur poursuivi peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire, tel n'est pas le cas en cas d'exercice par la caution de son recours personnel ; qu'or, dans le cas présent, dès son assignation, la SA CREDIT LOGEMENT a indiqué exercer son recours personnel sur le fondement des dispositions de l'article 2305 du code civil ; que si elle mentionne les quittances subrogatives, il n'apparaît pas qu'elle fonde sa demande dessus, celles-ci permettant simplement la preuve des paiements effectués par elle ; que, dès lors, la caution exerçant son recours personnel, les exceptions tirées de manquements du créancier principal à ses obligations ne lui sont pas opposables ; que les demandes tendant à voir constater lesdites fautes et à prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels seront donc rejetées ; qu'en conséquence, les époux [J] seront condamnés solidairement à payer à la SA CREDIT LOGEMENT les sommes suivantes : - au titre du crédit du 3 août 2010 : 153.895,65 €, déduction faite des intérêts contractuels indûment décomptés, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2016, - au titre du crédit du 16 décembre 2010 : 104.695,59€, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2016 ; que par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de dire que les intérêts échus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts, ce à compter du 7 mars 2016, date de la première demande en justice en ce sens, soit pour la première fois le 7 mars 2017 ;
1°) ALORS QUE le banquier est tenu à l'égard de l'emprunteur non averti d'un devoir de mise en garde contre les risques d'endettement excessif nés de l'octroi du crédit ; qu'en retenant le contraire (arrêt, p. 4, al. 7) pour juger que les époux [J] n'auraient pas eu de moyens pour faire déclarer leur dette éteinte, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 2308 du même code ;
2°) ALORS QUE sauf anomalie apparente, les capacités financières de l'emprunteur s'apprécient au regard de l'endettement global déclaré par l'emprunteur à la banque ; qu'en retenant, pour juger que les époux [J] n'auraient pas eu de moyens pour faire déclarer leur dette éteinte en raison du manquement de la banque à son devoir de mise en garde, qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de quatre prêts souscrits auprès de la banque CIC dont l'encourt global s'élevait en fin d'année 2010 à la somme de 300 210,87 euros dès lors que les époux [J] « ne produis(aient) pas les éléments (contrats, décomptes) afférents aux prêts contractés auprès d'un tiers et ne démontr(aient) pas que la (banque) avait ou aurait dû avoir connaissance de leur situation » quand ils versaient aux débats leur demande de prêt (pièce n° 9) dans laquelle ces quatre prêts avaient été déclarés et dont la caution n'a jamais soutenu qu'elle aurait été entachée d'une anomalie apparente, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs impropres à écarter tout manquement de la banque à son devoir de mise en garde justifiant la déchéance du recours de la caution, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 2308 du même code ;
3°) ALORS QUE dans leurs dernières conclusions, les époux [J] soutenaient que Mme [J] n'avait reçu qu'une seule lettre d'avertissement de la caution, relative au premier prêt uniquement, de sorte que la caution ne démontrait pas l'avoir avertie qu'elle s'était aussi spontanément exécutée pour le second (leurs conclusions, p. 5, antépen. al. à p. 6, al. 4) ; qu'en jugeant que les époux [J] faisaient valoir que la caution avait perdu tout recours contre eux « au motif qu'un seul accusé de réception (était) produit au nom de Mme [J] portant les références de deux prêts » (arrêt, p. 4, al. 2), la cour d'appel a dénaturé les conclusions des époux [J] et, ainsi, violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE la date retenue pour savoir si l'avertissement a été délivré à temps n'est pas l'émission du courrier par la caution mais la date de sa réception par le débiteur principal ; qu'en jugeant que la lettre d'avertissement adressée par la caution était antérieure à l'émission des deux quittances subrogatives par la banque le 20 janvier 2016 (4, al. 5 et 6, in fine), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions des exposants, p. 6, al. 7) si cette lettre n'avait pas été distribuée à Mme [J] que huit jours après, le 28 janvier 2016, ainsi que cela s'évinçait de son accusé réception, de sorte que l'avertissement ne lui avait pas été délivré à temps, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2308 du code civil ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, la caution qui entend payer le créancier sans être poursuivie doit avertir le débiteur dans un délai suffisant pour lui permettre de faire déclarer sa dette éteinte ; qu'en jugeant, pour condamner les époux [J] à rembourser à la caution les sommes qu'elle avait spontanément payées au créancier, que le fait que le délai entre « l'avis donné par la caution et le paiement », de deux jours, « n'(était) pas suffisant » était inopérant (arrêt, p. 4, al. 6), la cour d'appel a violé l'article 2308 du code civil ;
6°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut relever d'office un moyen sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations ; qu'en retenant, pour juger que M. [J] avait été averti par la caution qu'elle entendait spontanément payer le créancier, qu'il importait peu qu'il ait été personnellement averti dès lors que « dans le cadre de la solidarité entre les époux [J], l'avis donné à l'un des codébiteurs (avait) produit ses effets s'agissant du second » (arrêt, p. 4, al. 3) de sorte que l'avertissement donné à son épouse avait produit effet à son égard, sans provoquer les observations des parties sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QU'en toute hypothèse, la caution qui entend payer le créancier sans être poursuivie doit avertir personnellement chacun des codébiteurs principaux ; qu'en jugeant au contraire que « dans le cadre de la solidarité entre les époux [J], l'avis donné à l'un des codébiteurs (avait) produit ses effets s'agissant du second » (arrêt, p. 4, al. 3), la cour d'appel a violé l'article 2308 du code civil.