SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 novembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10930 F
Pourvoi n° Z 19-23.190
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 06 mars 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 NOVEMBRE 2021
La société Suma, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-23.190 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [Y] [L], domicilié [Adresse 3], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Suma, de Me [S], avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur, Mme Le Lay, M. Barincou, conseillers, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Suma aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Suma et la condamne à payer à Me [S] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Suma.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SUMA à verser à M. [L] la somme de 74.900 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 13 mars 2014, afférente à la remise des bulletins de paie régularisés.
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur la recevabilité de l'action : La SARL se prévaut de l'article R. 1452-6 du code du travail, qui prévoyait la règle de l'unicité de l'instance. Toutefois, dans le présent litige, M. [L] a saisi la juridiction prud'homale le 24 janvier 2017, soit postérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 qui a abrogé, à compter du 1er août 2016, le principe de l'unicité de l'instance posé par les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail. Dès lors, l'article R. 1452-6, dans sa version antérieure au décret précité ne s'applique pas au litige. De même, la Sarl Suma ne peut valablement se prévaloir de la chose jugée, en l'absence de décision intervenue sur le fondement des prétentions de l'appelant. Par la suite, il convient de déclarer l'appel recevable ».
ALORS, en premier lieu, QUE toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font l'objet d'une seule instance ; que dès lors les causes d'un second litige, dérivant du même contrat de travail et opposant les mêmes parties, sont connues du salarié avant la clôture des débats devant les juges saisis de la première instance, de sorte que l'intéressé aurait eu la possibilité de présenter ses nouvelles prétentions devant cette juridiction, les juges du fond sont tenus de décider que la règle de l'unicité de l'instance s'oppose à l'introduction par le salarié d'une seconde instance devant le conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, pour dire que l'appel du salarié était recevable, la cour d'appel a retenu que la saisine de la juridiction prud'homale était intervenue le 24 janvier 2017, soit postérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 qui a abrogé, à compter du 1er août 2016, le principe de l'unicité de l'instance posé par les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail et en a déduit l'inapplicabilité des dispositions de l'article R. 1452-6, dans sa version antérieure au décret précité ; que pourtant, en l'espèce, il ressortait précisément des décisions rendues par le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre du 23 avril 2015 par la cour d'appel de Basse-Terre rendue en date du 3 octobre 2016, que le salarié joignait à ses écritures la décision du conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre du 13 mars 2014, de laquelle il ressortait que le conseil de prud'hommes s'était réservé le droit de liquider la dite astreinte ; que la date d'introduction de l'instance de cette procédure était antérieure au décret précité puisqu'elle était intervenue le 9 avril 2014 ; qu'il s'en déduisait que les causes d'un second litige, dérivant du même contrat de travail et opposant les mêmes parties, étaient connues du salarié avant la clôture des débats devant les juges saisis de la première instance, en sorte que l'intéressé aurait eu la possibilité de présenter ses nouvelles prétentions devant cette juridiction, et que les juges du fond auraient dû décider que la règle de l'unicité de l'instance s'opposait à l'introduction par le salarié d'une seconde instance ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 dans sa version antérieure au décret précité ;
ALORS, en deuxième lieu, QUE les juges sont tenus de respecter l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, pour dire que l'action du salarié était recevable, la cour d'appel a retenu que la société ne pouvait valablement se prévaloir de la chose jugée en l'absence de décision intervenue sur le fondement des prétentions de l'appelant ; que pourtant, tant dans la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre du 23 avril 2015 que dans celle de la cour d'appel de Basse-Terre rendue en date du 3 octobre 2016, les juges du fond ont expressément relevé que le salarié joignait à ses écritures la décision du conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre du 13 mars 2014, de laquelle il ressortait que le conseil de prud'hommes s'était réservé le droit de liquider la dite astreinte ; qu'il en ressortait que le salarié s'était prévalu de la question de la liquidation de l'astreinte et qu'en conséquence, en déboutant le salarié de l'ensemble de ses demandes autres que celles relatives à la rupture du contrat de travail, les juges du fond ont statué sur le fondement des prétentions du salarié relatives à la liquidation de l'astreinte pour laquelle ils avaient compétence ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble des articles L. 131-3 et s. du code de procédure civile ;
ALORS, en troisième lieu et en tout état de cause, QU'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'en retenant, pour dire que l'action du salarié était recevable, que la société ne pouvait valablement se prévaloir de la chose jugée en l'absence de décision intervenue sur le fondement des prétentions de l'appelant, quand il appartenait précisément au salarié, créancier d'une astreinte judiciairement prononcée et de la possibilité de la faire liquider immédiatement devant le conseil de prud'hommes, de présenter, dès l'instance relative à la contestation de la rupture du contrat de travail, les moyens relatifs à la liquidation de l'astreinte, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble des articles L. 131-3 et s. du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SUMA à verser à M. [L] la somme de 74 900 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 13 mars 2014, afférente à la remise des bulletins de paie régularisés ;
AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur la liquidation d'astreinte relative à la remise des bulletins de salaires : En première instance, a été ordonnée la remise sous astreinte des bulletins de paie conformes aux régularisations. Le jugement a été notifié le 31 mars 2014. La Sarl Suma ne saurait valablement se prévaloir d'une imprécision du jugement ordonnant l'astreinte, à défaut de précision d'objet et de période de temps relative aux régularisations visées, alors qu'il résulte des termes dudit jugement qu'elles portent sur les sommes allouées au titre desdites régularisations et précisées dans les motifs de la décision. La société ne peut davantage se prévaloir de l'absence de grief de M. [L], en particulier au regard de ses droits à la retraite, lié au défaut de remise des bulletins de paie litigieux, cette circonstance étant sans incidence dès lors que la liquidation de l'astreinte est liée au défaut d'accomplissement de cette formalité de remise des documents. Il n'est pas établi que lesdits bulletins de salaire auraient été remis au salarié avant la transmission par la société dans le cadre de la présente instance, d'une fiche de paie jointe aux conclusions de l'intimée. Par suite, la cour d'appel fait droit à la demande de liquidation de l'astreinte de M. [L] pour un montant de 74 900 euros correspondant à la période du 1er avril 2014 au 7 mai 2018 » ;
ALORS QUE qu'il appartient au juge saisi d'une demande de liquidation d'une astreinte de s'assurer, au besoin d'office, que l'astreinte a commencé à courir et de déterminer son point de départ ; qu'en matière d'astreinte, le point de départ de celle-ci commence à courir à compter de la signification de la décision au débiteur de l'astreinte ; qu'en retenant, pour condamner la société à verser à M. [L] la somme de 74 900 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 13 mars 2014, afférente à la remise des bulletins de paie régularisés, que le jugement avait été notifié le 31 mars 2014, quand cette notification n'était pas intervenue par signification, mais par voie ordinaire, la cour d'appel a violé les articles 503 et s. du code de procédure civile.