COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 novembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10614 F
Pourvoi n° X 19-22.245
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 NOVEMBRE 2021
La société TFT, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 19-22.245 contre l'arrêt n° RG : 17/04259 rendu le 4 juillet 2019 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [X] [O], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société Hmong distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société TFT, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Hmong distribution, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. [O], et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 septembre 2021 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société TFT aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société TFT et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros et à la société Hmong distribution la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société TFT.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le constat d'huissier du 27 mai 2016 était nul et de nul effet ;
Aux motifs « que la société Hmong Distribution soutient que le principe du contradictoire n'a pas été respecté pour ne pas avoir reçu copie de la requête et de l'ordonnance autorisant le constat du 27 mai 2016 et n'avoir reçu copie que de l'ordonnance autorisant le constat du 10 mai 2016 ; qu'il est justifié par la société TFT de la signification le 27 mai 2016 à la personne du gérant de la société Hmong Distribution de l'ordonnance sur requête du 20 janvier 2016, étant précisé que l'acte d'huissier fait référence à la délivrance de 5 feuilles ce qui correspond à la requête + ordonnance ; qu'il sera dès lors rejeté la demande d'annulation des opérations de constat du 27 mai 2016 ; que s'agissant du constat du 10 mai 2016, l'huissier indique avoir remis copie de l'ordonnance au gérant de la société Hmong Distribution, sans plus de précisions ; qu'en application des articles 16 et 495 du code de procédure civile, le principe de la contradiction exige qu'une copie de la requête et de l'ordonnance sur requête soit remise à la personne qui supporte l'exécution de la mesure ordonnée ; que la preuve de la remise de la requête n'étant pas apportée, les opérations de constat du 27 mai 2016 sont nulles pour violation du principe du contradictoire. » (Arrêt attaqué, p. 6 à 7) ;
1) Alors que tout jugement doit être motivé et que tel n'est pas le cas en présence de motifs inintelligibles ou contradictoires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté la demande d'annulation du procès-verbal de constat du 27 mai 2016 puis affirmé que la preuve de la remise de la requête n'étant pas apportée, les opérations de constat du 27 mai 2016 étaient nulles, ce qu'elle a également précisé dans son dispositif ; qu'en se prononçant ainsi la cour d'appel a statué par des motifs intelligibles et contradictoires, privant par là-même sa décision de motivation en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2) Alors, en tout état de cause, que le principe de la contradiction exige qu'une copie de la requête et de l'ordonnance sur requête soit remise à la personne qui supporte l'exécution de la mesure ordonnée ; qu'en l'espèce, pour annuler le procès-verbal du 27 mai 2016 – en supposant qu'il s'agit bien de celui-là – la cour d'appel s'est bornée à relever que l'huissier indique avoir remis copie de l'ordonnance au gérant de la société Hmong Distribution sans plus de précisions sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé (conclusions de la société TFT, p. 5 et 6), s'il ne résultait pas du constat d'huissier et de la signification que cinq pages avaient été délivrées à la société Hmong ce qui correspondait bien à la requête et à l'ordonnance ; qu'en procédant pas à une telle recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 495 du code de procédure civile ;
3) Alors, en tout état de cause, que le principe de la contradiction exige qu'une copie de la requête et de l'ordonnance sur requête soit remise à la personne qui supporte l'exécution de la mesure ordonnée ; qu'en l'espèce, pour annuler le procès-verbal du 10 mai 2016 – en supposant que c'est en réalité celui-là que la cour d'appel entendait annuler – la cour d'appel s'est bornée à relever que l'huissier indique avoir remis copie de l'ordonnance au gérant de la société Hmong Distribution, sans plus de précisions sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé (conclusions de la société TFT, p. 6) s'il ne résultait pas du constat que l'huissier avait remis à la société dès son arrivée copie de l'ordonnance sur requête au gérant et que, comme pour le constat du 27 mai 2016, l'ordonnance et la requête ne formait qu'un seul et unique document, ce document étant annexé en son intégralité au procès-verbal de constat ; qu'en annulant le procès-verbal du 10 mai 2016 sans rechercher si l'ordonnance sur requête ne faisait pas corps avec la requête elle-même, ce qui permettait d'établir que la remise de la copie de l'ordonnance sur requête emportait nécessairement remise de la copie de la requête, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 495 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société TFT de ses demandes dirigées contre M. [O] et contre la société Hmong Distribution ;
Aux motifs « qu'il est établi par le constat du 27 mai 2016 que M. [O] travaille à temps partiel pour le compte de la société Hmong Distribution en tant que commercial selon contrat à durée indéterminée du mois de novembre 2015 ; que M. [O] indique dans ce constat : "ma tâche consiste à me rendre au marché de [Localité 1] le matin afin d'y effectuer entre autres les achats pour le compte de la société Hmong Distribution, il m'arrive ensuite de passer à l'établissement de la société Hmong Distribution situé à Maillanes le matin ou l'après midi et j'organise mes horaires comme bon me semble dans le cadre de ce mi-temps." ; que la seule qualité de salarié travaillant dans une société proche géographiquement et concurrente - tel est bien le cas au vu des Kbis des deux sociétés en cause - ne suffit pas à démontrer la violation de la clause de non-concurrence ; qu'aussi la société TFT verse aux débats des sommations interpellatives de la société Riviera, de la société Besson Frères, de la société Cruchaudet Granjean et de la société Escoffïer implantées à [Localité 6] pour tenter d'apporter cette démonstration ; que les parties adverses répliquent à juste titre que ces sociétés sont implantées dans des zones non concernées par la clause de non-concurrence ; que la société TFT se limite à répondre sur ce point que "toutefois les actes ne restent pas moins condamnables sur le fondement de l'obligation de garantie et l'interdiction de la concurrence déloyale" ; qu'il s'ensuit que la preuve de la violation de la clause de non-concurrence, qui est limitée géographiquement, n'est pas rapportée par la société TFT et que c'est à tort que le jugement déféré a condamné M. [O] sur ce fondement ; que les articles 1625 et suivants du code civil emportent pour le vendeur d'un fonds de commerce le devoir de s'abstenir de tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé ; que si le vendeur est une personne morale, cette obligation pèse non seulement sur elle mais aussi sur son dirigeant ; que le fait que M. [O], en tant que commercial, salarié de la société Hmong Distribution, ait démarché des sociétés à [Localité 6] est tout à fait normal dans le cadre d'une activité de vente en gros de fruits et légumes ; qu'il appartient à la société TFT de démontrer que ce démarchage avait pour objet ou pour effet de détourner la clientèle de TFT ; qu'or, la société Riviera ne dit rien sur l'existence de relations antérieures avec le cédant ou le cessionnaire ; idem pour la société Escoffïer Frères qui fait seulement état de relations commerciales depuis le 10 décembre 2015 avec M. [O] et la société Hmong Distribution ; que la société Besson Frères et la société Cruchaudet Granjean ne connaissent pas M. [O] ; que la société TFT ne rapporte même pas la preuve qu'elle travaillait avec ces sociétés avant l'embauche de M. [O] par la société Hmong Distribution ; que ne démontrant aucun détournement de clientèle, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande en paiement sur le fondement de la garantie légale d'éviction ; qu'une action en concurrence déloyale suppose la démonstration d'une faute, d'un lien de causalité et d'un préjudice ; qu'il a été vu ci-dessus que la société TFT ne justifiait pas que la société Riviera, la société Escoffier Frères, la société Besson Frères et la société Cruchaudet Granjean faisaient partie de sa clientèle ; que dès lors, elle échoue à caractériser une faute consistant en un détournement de clientèle de la part de M. [O] ou de la société Hmong Distribution ; qu'enfin, la société TFT n'apporte pas la moindre démonstration du débauchage de son ancien salarié par la société Hmong Distribution de sorte qu'elle sera déboutée de l'intégralité de ses demandes, sans qu'il n'y ait lieu de statuer sur une éventuelle responsabilité au visa de l'article L. 1237-3 du code du travail qui n'est plus soutenue par la demanderesse. » (Arrêt attaqué, p. 7 à 9).
1) Alors que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu'engage sa responsabilité contractuelle, le débiteur d'une clause de non concurrence qui méconnait les termes de son engagement en travaillant pour une entreprise concurrente du créancier de la clause et située dans la zone géographique visée par la clause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société Hmong, nouvel employeur de M. [O], était une société concurrente de la société TFT située dans la même zone géographique, qu'en excluant pour autant toute violation de la clause de non concurrence par M. [O], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a, ce faisant, méconnu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause ;
2) Alors que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu'engage sa responsabilité contractuelle, le débiteur d'une clause de non concurrence qui méconnait les termes de son engagement en travaillant pour une entreprise concurrente du créancier de la clause et située dans la zone géographique visée par la clause ; qu'en excluant toute violation de la clause de non-concurrence par M. [O] alors que cette clause interdisait à ce dernier de gérer ou d'exploiter, directement ou indirectement, soit pour son propre compte soit pour le compte de tiers, ou même comme simples associés, dans un fonds de vente de fruits et légumes pendant une durée de 5 ans à compter du jour de l'entrée en jouissance de la société TFT et après avoir relevé qu'il avait été engagé par une entreprise directement concurrente et située dans la zone géographique visée par la clause, sans rechercher quelle était la nature exacte de l'activité exercée par M. [O], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code dans leur rédaction applicable à la cause.
3) Alors que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu'engage sa responsabilité contractuelle, le débiteur d'une clause de non concurrence qui méconnait les termes de son engagement en travaillant pour une entreprise concurrente du créancier de la clause et située dans la zone géographique visée par la clause ; que pour exclure toute violation de la clause de non concurrence, la cour d'appel a refusé de tenir compte des sommations interpellatives produites par la société TFT aux motifs que les sociétés démarchées n'étaient pas situées dans la zone géographique visée par la clause ; qu'en se prononçant ainsi, quand il importait seulement que le débiteur de la clause ait démarché ces sociétés au profit d'une société située dans la zone en question, la cour a statué par des motifs inopérants et a, une fois encore, violé les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction application à la cause.
4) Alors que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en affirmant, pour exclure toute responsabilité de M. [O] au titre de la garantie d'éviction, que la société TFT ne démontrait pas l'existence de relations antérieures avec la société Escoffier Frères, lorsque cette société avait clairement affirmé dans la sommation interpellative avoir été démarchée par M. [O] pour le compte de la société Hmong Distribution en expliquant que ce dernier lui avait expliqué ne plus travailler pour la société TFT ou la société Les Primeurs du Roy René ce dont il résultait un détournement de clientèle par M. [O], la cour d'appel a dénaturé la sommation interpellative de la société Escoffier Frères, violant par là-même l'article 1192 du code civil, ensemble l'article 1103 du même code.
5) Alors que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en affirmant, pour exclure toute responsabilité de M. [O] et de la société Hmong pour concurrence déloyale, que la société TFT ne démontrait pas l'existence de relations antérieures avec la société Escoffier Frères, lorsque cette société avait clairement affirmé dans la sommation interpellative avoir été démarchée par M. [O] pour le compte de la société Hmong Distribution en expliquant que ce dernier lui avait expliqué ne plus travailler pour la société TFT ou la société Les Primeurs du Roy René ce dont il résultait un détournement de clientèle par M. [O], la cour d'appel a dénaturé la sommation interpellative de la société Escoffier Frères, violant par là-même l'article 1192 du code civil, ensemble l'article 1103 du même code.