CIV. 1
NL4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 novembre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10790 F
Pourvoi n° Y 20-15.603
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 NOVEMBRE 2021
Mme [A] [K], épouse [B], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-15.603 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'Agent judiciaire de l'État, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 3] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [K], de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Agent judiciaire de l'État, après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [K] et la condamne à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme [K]
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté madame [K], épouse [B], de ses demandes tendant à voir dire que le service public de la justice a été défectueux en son fonctionnement, dire l'État responsable de ce fonctionnement défectueux, le condamner à lui verser la somme de 1.274.307 euros en réparation du préjudice financier et moral résultant de la faute lourde et du déni de justice dont elle a été victime ;
Aux motifs propres que « les premiers juges ont exactement rappelé le cadre légal dans lequel la responsabilité de l'État peut être engagée pour dysfonctionnement du service public de la justice, s'il y a eu faute lourde ou déni de justice ; qu'une action en responsabilité contre l'État ne peut aboutir à faire rejuger l'affaire initiale, la cour n'en ayant aucunement le pouvoir, mais permet seulement de rechercher l'existence d'une faute lourde ou d'un déni de justice dans la procédure antérieurement suivie ; l'appelante fait le grief aux décisions survenues d'avoir renversé la charge de la preuve et ignoré des pièces essentielles ; Mme [K] ne peut contester que son moyen principal était de soutenir que les administrateurs de la SPS avaient commis un dol ; les juges en première instance et en appel ont dès lors dû appliquer la règle de preuve qui met à la charge de celui qui prétend à l'existence d'un dol d'en rapporter l'existence, ce qu'ils ont estimé n'être pas le cas, compte tenu notamment de la chronologie des événement (date des pactes d'actionnaires postérieurs à la cession de 2002, à l'exception du premier qui était mentionné dans un procèsverbal d'assemblée générale et nécessairement connu des actionnaires, discussions entre Le Seuil et La Martinière toutes postérieures à la cession d'actions litigieuse) ; il ne peut sérieusement être soutenu que les ordonnances de référé, lesquelles n'ont pas autorité de la chose jugée au principal, auraient, comme il a été soutenu devant le juge de la mise en état, pu disparaître du dossier de la cour, en 2009, dans la mesure où c'est le propre avocat de l'appelant qui, en matière civile, communique à la juridiction toutes les pièces qu'il estime utiles, dont il lui remet dans un dossier la copie, avant ou au moment de l'audience de plaidoirie, de sorte qu'il est impossible à quiconque de soustraire quelque pièce que ce soit, d'autant moins qu'elles sont toutes énumérées sur le bordereau de communication de pièces établi par le même avocat ; les juges de la 9ème chambre ont, dans leur décision du 28 août 2007, expressément rappelé que les demandeurs, invoquaient, à titre subsidiaire, le manquement des administrateurs à leurs obligations de loyauté, de diligence et d'information ; même si aucun paragraphe n'est expressément consacré à la motivation subsidiaire, il ne peut être contesté qu'ils ont expressément estimé dans leur motivation, après s'être livré à une longue analyse des pièces, notamment des rapports des divers experts financiers, que les demandeurs, dont il ont rappelé qu'ils occupaient pour la plupart des postes de cadres supérieurs au sein du Seuil et connaissaient bien l'économie du secteur dans laquelle ils avaient travaillé toute leur vie (page 11 du jugement), avaient bien disposé de toutes les informations (page 13 de la décision) ; Mme [K] a pu, comme les autres demandeurs, contester la décision du tribunal devant la cour d'appel, laquelle a, elle-aussi, rappelé, en page 5 de son arrêt, qu'il était demandé de juger que les administrateurs avaient manqué à leur obligation de loyauté ; dans ses motifs, la cour d'appel a répondu aux griefs adressés par les appelants aux administrateurs qui ne les auraient pas assez informés (page 7, 3ème paragraphe, dernier et avant dernier paragraphe) ; cette décision de la cour d'appel a été soumise à la Cour de cassation, notamment le grief sur l'inversion de la charge de la preuve ; la Cour de cassation, qui dit le droit et dont la jurisprudence peut évoluer, a expressément jugé qu'il n'y avait pas eu, de la part de la cour d'appel, d'inversion de la charge de la preuve ; par ailleurs il ne peut être retenu que les indemnités pour compenser leurs frais irrépétibles allouées par les juridictions aux adversaires de Mme [K], à l'exclusion de toute amende civile et de tous dommages et intérêts, seraient à ce point élevées, qu'elles constitueraient des fautes lourdes de la part des magistrats les ayant décidées ; sur les autres griefs tenant à la redistribution de l'affaire, la distribution d'une affaire civile doit respecter les prévisions de l'ordonnance de roulement prise chaque année par le chef de juridiction (tribunal ou cour d'appel), après avis de l'assemblée générale des magistrats, qui organise la juridiction par types de contentieux, y répartissant les magistrats dans les chambres et les services ; toute affaire nouvelle est orientée par le greffe central au vu d'une première analyse de l'affaire ; le président de chaque chambre et/ou le magistrat de la mise en état doivent ensuite vérifier l'exactitude de cette orientation et la conformité de la distribution de l'affaire aux dispositions de l'ordonnance de roulement, d'autant que les juridictions parisiennes sont très spécialisées et qu'il convient de faire traiter chaque affaire par la chambre strictement compétente ; c'est ainsi que la réorientation de l'affaire en cause est intervenue, au vu de l'ordonnance de redistribution versée aux débats pour la première instance, non pas sur l'ordre du président du tribunal, qui aurait retiré l'affaire à la chambre, mais à la demande du juge de la mise en état, afin que l'affaire, compte tenu de sa nature soit affectée, non pas à la 5ème chambre qui n'avait aucun titre à la traiter mais à la 9ème chambre, qui est, ce que personne ne conteste, la chambre civile financière du tribunal de grande instance de Paris, orientation logique compte tenu de la nature du litige portant sur le montant d'un prix de cession d'actions ; il convient de souligner que si la redistribution, mesure d'administration judiciaire, comme telle insusceptible de recours, intervient le plus souvent à l'initiative du président de la chambre ou du magistrat assurant la mise en état, elle peut tout aussi bien avoir lieu à la demande d'un avocat de la cause ; il peut encore arriver qu'une redistribution soit contestée, ce qui donne alors lieu à un débat devant le magistrat ; il doit être observé que dans l'affaire en cause personne ne s'est opposé à la redistribution purement administrative intervenue en première instance ; les mêmes règles trouvent à s'appliquer devant la cour d'appel, l'affaire ayant été redistribuée à une chambre indiscutablement financière du pôle 5, pôle des affaires commerciales, sans que cela ait suscité la moindre discussion ou opposition des conseils ; Mme [K] ne peut contester le fait que l'affaire la concernant ait été discutée devant une formation à laquelle appartenait Mme [U], celle-ci à laquelle elle adresse des reproches relatifs à son rôle supposé dans des affaires pénales n'ayant aucun rapport avec le présent dossier, n'étant pas interdite de siéger dans une composition civile en matière financière, au demeurant collégiale, le fait que l'affaire ait été évoquée devant deux magistrats rapporteurs, n'enlevant pas cet aspect collégial, puisque les magistrats présents à l'audience doivent faire rapport du dossier et des débats à celui qui n'a pas assisté à l'audience, la décision prise étant l'oeuvre des trois magistrats ; à nouveau, il faut relever qu'il n'y a eu aucune opposition du conseil de Mme [K], qui pouvait s'y opposer, à ce que l'audience soit prise devant deux magistrats rapporteurs et aucune demande de récusation n'a été formulée à l'encontre d'un quelconque des magistrats ayant siégé ; la plainte ultérieurement adressée au Conseil supérieur de la magistrature contre Mme [U] n'a pas été jugée recevable ; s'agissant de la désignation de M. [C] en qualité de conseiller rapporteur, il doit être indiqué, d'une part, que celui-ci, qui n'a pas siégé dans l'affaire en cause alors qu'il était conseiller à la cour d'appel, n'a pas davantage fait l'objet d'une récusation et que, d'autre part, la décision de la Cour de cassation a été, comme c'est toujours le cas, prise collégialement, notamment par le président de la chambre et le doyen de la chambre, qui représentent la majorité des membres de la composition et sont des magistrats expérimentés, ayant nécessairement vérifié l'argumentation soutenue par le conseiller rapporteur ; enfin la Cour de cassation n'est jamais liée par l'avis du parquet général, de sorte qu'il ne saurait être tiré argument du fait que la Cour n'a pas suivi l'avis de cassation rendu par l'avocat général ; dans ces conditions, le jugement du tribunal de grande instance de Paris, ne peut qu'être confirmé dans toutes ces dispositions » (arrêt, pp. 8 à 10) ;
Et aux motifs adoptés que « l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales prévoit en son premier alinéa que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, l'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ; cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ; un déni de justice correspond à un refus d'une juridiction de statuer sur un litige qui lui est présenté ou au fait de ne procéder à aucune diligence pour instruire ou juger les affaires ; il constitue une atteinte à un droit fondamental et, s'appréciant sous l'angle d'un manquement du service public de la justice à sa mission essentielle, il englobe, par extension, tout manquement de l'État à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu, qui comprend celui de répondre sans délai anormalement long aux requêtes des justiciables, conformément aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; la faute lourde est définie comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; constitue ainsi une faute lourde l'acte qui révèle une erreur manifeste et grossière d'appréciation des éléments de droit ou de fait soumis et qui procède d'un comportement anormalement déficient et qui doit s'apprécier non au regard des événements postérieurement survenus et non prévisibles à la date de la décision, mais dans le contexte soumis au juge ; enfin, si, prises séparément, aucune des éventuelles négligences relevées ne s'analyse en une faute lourde, le fonctionnement défectueux du service de la justice peut résulter de l'addition de celles-ci et ainsi caractériser une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'État ; au cas d'espèce, Madame [K] énonce plusieurs griefs dont certains sont fondés autant sur l'existence d'une faute lourde que sur celle d'un déni de justice ; ils seront examinés successivement ; sur la violation des règles de droit par le tribunal de grande instance de Paris, la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation, Madame [K] élève critique contre les décisions de justice d'avoir inversé la charge de la preuve et d'avoir mal apprécié son préjudice ; il ne revient pas au tribunal, dans le cadre d'une action engageant la responsabilité de l'État, de remettre en cause des décisions de justice définitives dès lors qu'il ne s'agit pas d'une voie de recours supplémentaire ; la présente juridiction ne peut dès lors qu'examiner l'existence d'erreurs grossières et manifestes qui résulteraient d'un grave manquement au comportement normalement attendu du juge ; au cas d'espèce, les décisions rendues par le tribunal de grande instance de Paris, la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation sont critiquées pour avoir adopté la même analyse erronée des règles de charge de la preuve, avoir méconnu des pièces essentielles des demandeurs et avoir minimisé l'ampleur des préjudices subis ; s'agissant du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en sa 9ème chambre, la décision a retenu qu'il revenait aux demandeurs, dont Madame [K] de rapporter la preuve du dol sur le fondement de l'article 1116 du code civil dans sa version applicable au litige ; c'est à l'issue d'une motivation détaillée et fondée sur des pièces identifiées que le tribunal a estimé que la réticence dolosive dont les demandeurs se prévalaient n'était pas suffisamment établie ; la cour d'appel a suivi le même raisonnement en rappelant que le pacte d'actionnaires avait été évoqué préalablement à la cession et n'avait donc pas été dissimulé aux demandeurs et en considérant que les administrateurs avaient satisfait à leur obligation d'information et à leur devoir de loyauté ; l'avocat général près la Cour de cassation a estimé dans son avis que l'arrêt d'appel n'avait pas suffisamment caractérisé les informations dont avaient bénéficié les demandeurs et que partant, l'obligation d'information, dont la charge de la preuve incombait aux dirigeants sociaux, n'avait pas été remplie ; contrairement à ce que soutient la demanderesse, la Cour de cassation n'a pas tenu de raisonnement contraire s'agissant de la charge de la preuve mais a considéré que l'identification des informations transmises aux actionnaires et, partant, le fait de savoir si l'obligation d'information avait été satisfaite relevait du pouvoir souverain du juge du fond échappant à son contrôle ; il ne ressort pas de ces décisions de négligences intentionnelles ou d'erreurs grossières telles qu'elles permettraient au présent tribunal d'identifier un comportement fautif des magistrats étant par ailleurs rappelé qu'il ne lui revient pas de remettre en cause une décision définitive par une seule appréciation différente du fond du droit ; nonobstant la persistance d'un désaccord avec l'analyse juridique déployée par les trois juridictions ayant eu à connaître de l'affaire, Madame [K] échoue ainsi à démontrer que la divergence d'interprétation du droit positif doit amener à caractériser une erreur de la part des magistrats et plus encore un comportement anormalement déficient ; il en va de même des sommes mises à la charge de Madame [K] dans le cadre des différentes instances ; ces décisions ne révèlent donc pas une incapacité du service public de la Justice à assurer sa mission ; sur la redistribution des procédures en première instance et en appel, l'article 758 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal désigne la chambre à laquelle l'affaire est distribuée par une mesure d'administration judiciaire étant précisé que l'article 820 précise que le président peut déléguer ce pouvoir ; les articles 904 et 965 du même code prévoient les mêmes dispositions en cause d'appel pour le premier président de la cour ; ces dispositions permettent ainsi aux chefs de juridiction ou à leurs délégataires de répartir le dossier entre les chambres au début de l'instance mais également en cours ; il s'agit d'une modalité d'organisation qui ne contrevient pas aux droits fondamentaux des parties sauf à être mise en oeuvre arbitrairement pour influer sur la solution du litige ou à donner l'apparence d'arbitraire dans la répartition ; au cas d'espèce, Madame [K] reproche aux juridictions d'avoir opérer des changements de désignation des chambres tant en première instance qu'en appel ; outre le fait que cette redistribution n'est pas suffisamment établie devant la cour, Madame [K] n'établit pas en quoi cette décision a été motivée par une autre considération que le bon fonctionnement de la juridiction ou la spécialisation des compositions et surtout pour quelle raison elle aurait été amenée à en déduire un manque d'impartialité ; contrairement à ce qui est soutenu en demande, les chambres ayant jugé étaient compétentes pour connaître du litige dès lors que la 9ème chambre du tribunal de grande instance de Paris est spécialisée dans le droit bancaire et financier et que la 8ème chambre du pôle 5 de la cour traite, certes des procédures collectives mais aussi du droit des sociétés ; s'agissant d'un litige portant sur la cession d'actions, la distribution du litige à ces deux formations ne présente aucune incohérence ; les compositions désignées in fine pour connaître du litige ne l'ont pas été pour des motifs qui pouvaient légitimement entamer leur impartialité, subjective ou objective ; aucune faute ne peut donc être retenue de ce fait ; sur la partialité de la cour d'appel de Paris et de Madame [U], conseillère à la cour d'appel de Paris, les développements relatifs aux fonctions occupées antérieurement par Madame [U] sont inopérants dès lors qu'elles sont sans lien avec le présent litige ; par ailleurs, le grief général tenant à l'existence d'un réseau d'influence de cette magistrate qui lui permettrait d'influencer la solution apportée au litige n'est pas prouvé par la demanderesse ; quant au fait que Madame [U] ne bénéficie pas de la crédibilité suffisante pour être maintenue en activité, il s'agit d'une appréciation subjective portée par Madame [K] indifférente à caractériser une faute lourde, ce d'autant que ce grief ne relève pas du fonctionnement du service public de la Justice ; les relations entre Madame [U] et Monsieur [C] sont critiquées par la demanderesse mais qui n'établit en réalité que le fait que ces deux magistrats ont été amenés à siéger ensemble à la cour d'appel de Paris dans plusieurs procédures mais pas dans celle en cause ; la connaissance du dossier par la présidente de chambre est critiquée par la demanderesse mais n'est étayée par aucun élément si ce n'est le ressenti de Madame [K] lors de l'audience ; d'ailleurs, Madame [K] pouvait tout à fait solliciter le remplacement de ces magistrats mais s'en est abstenue ; s'agissant de la partialité de la cour d'appel, les développements relatifs aux griefs formés contre l'arrêt et à la répartition du dossier suffisent à écarter ce moyen ; sur la collégialité de la cour d'appel de Paris, l'article 786 du code de procédure civile dispose que le juge de la mise en état ou le magistrat chargé du rapport peut, si les avocats ne s'y opposent pas, tenir seul l'audience pour entendre les plaidoiries ; il en rend compte au tribunal dans son délibéré ; en l'espèce, l'arrêt mentionne expressément le recours à la pratique de la tenue de l'audience à double magistrats rapporteurs en mentionnant les noms de la présidente et de la conseillère chargées d'instruire l'affaire ; il est également précisé que les magistrats présents à l'audience ont rendu compte des plaidoiries à la formation collégiale composée de trois magistrats : Madame Cabat, présidente, Madame [U], conseillère et Monsieur Loos, conseiller ; il s'ensuit qu'aucun manquement au principe de la collégialité ne peut être reproché à la cour d'appel de Paris ; sur la partialité de la Cour de cassation et Monsieur [C], conseiller à la Cour de cassation, la partialité de la chambre commerciale de la Cour de cassation ne peut résulter du seul fait qu'elle se soit opposée à l'avis de l'avocat général dès lors qu'elle ne saurait être tenue par l'avis du parquet général ; s'agissant du fond de la décision, ainsi qu'il a été dit, le tribunal ne peut y déceler une faute lourde ; la désignation de Monsieur [C], conseiller, en qualité de rapporteur est critiquée dès lors que la demanderesse considère qu'il entretenait des liens étroits avec Madame [U] pour avoir été amenée à siéger avec elle en cour d'appel et qu'il faisait partie de la chambre de la cour d'appel désignée pour connaître de l'affaire ; toutefois, il est établi que lorsque la cour d'appel a été amenée à statuer sur l'affaire de Madame [K], Monsieur [C] avait déjà été nommé et installé aux fonctions de conseiller à la Cour de cassation donc qu'il avait quitté la cour d'appel et rien n'indique qu'il aurait eu à connaître de l'affaire lorsqu'il était encore conseiller à la cour d'appel ; la demanderesse n'apporte aucune preuve de ce que la relation entre les magistrats [C] et [U] soit à l'origine d'une quelconque partialité dans leurs décisions, ce d'autant que ni l'un, ni l'autre n'ont été amenés à statuer seuls mais ont toujours statué en formation collégiale ; madame [K] n'a par ailleurs formé aucune requête visant à obtenir le remplacement du magistrat en temps utile ; sur la motivation de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, l'article 455 du code de procédure civile fonde l'obligation de motiver les décisions de justice ; ce principe est, de surcroît, reconnu tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour européenne des droits de l'Homme qui a pu énoncer que l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales oblige les tribunaux à motiver leurs décisions ; toutefois, le devoir de motivation ne peut se comprendre comme une exigence de réponse précise et détaillée à chaque argument des parties étant précisé que le niveau de motivation doit être adapté à l'espèce, à la présentation usuelle des décisions et également aux coutumes ; au cas d'espèce, la Cour de cassation, dans son arrêt, a rappelé les fondements juridiques de sa réponse après avoir synthétisé les moyens soutenus et a opéré son contrôle en droit en considérant que les griefs ne visaient qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond insusceptible d'être remise en cause par le juge de cassation ; les deux réponses apportées par la Cour de cassation à l'égard des moyens soulevés, sont les suivantes : "Mais attendu que l'arrêt retient que, pour n'avoir été constituée qu'en 2002, la société Éditions du Seuil ne peut avoir commis des manoeuvres dolosives en 2001 et 2002 de nature à déterminer le consentement de Mmes [N]..., [G]..., [R]..., [S]..., [P]... et de MM. [W]... et [O]... à la vente de leurs actions et qu'il en est de même en ce qui concerne Mmes [J]... et [H]..., MM. [L] et [T] [H]... et M. [D]... à l'égard de la société Friedland Investissement ; que par ces seuls motifs, qui répondent aux conclusions invoquées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé" ; "Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de l'article 1382 du code civil, de l'article 1353 du même code et de l'article 455 du code de procédure civile, de manque base légale, de dénaturation et d'inversion de la charge de la preuve, le moyen ne tend, en ses diverses branches, qu'à discuter les constatations et appréciations par lesquelles les juges du fond ont estimé, dans l'exercice de leur pouvoir souverain, qu'il n'était pas établi que des informations de nature à influer sur le consentement des actionnaires de la société SPS avaient été dissimulées à ces derniers à l'occasion des cessions de titres intervenues en 2002 ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches" ; le tribunal constate que ces deux motivations permettent d'apporter une réponse suffisante à l'ensemble des griefs soulevés à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris ; l'exigence de motivation a donc été respectée, la Cour de cassation n'ayant ainsi commis aucune faute ; sur les manquements des experts, l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire dispose que "L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. / Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice." ; En droit, la faute lourde est définie comme toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; ainsi, constitue une faute lourde l'acte qui traduit une erreur manifeste et grossière d'appréciation des moyens de fait ou de droit en débat, qui procède d'un comportement anormalement déficient, lequel doit s'apprécier non au regard des événements postérieurement survenus et non prévisibles à la date de la décision, mais dans le contexte soumis au juge ; en outre, lorsque aucune des éventuelles négligences relevées, prises séparément, n'est susceptible de s'analyser en une faute lourde, l'addition de celles-ci peut caractériser une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'État ; dans tous les cas, la mise en cause de la responsabilité de l'État à raison du fonctionnement du service public de la justice ne saurait avoir pour finalité de contester le fond des décisions adoptées par les juges, ni de porter atteinte à l'autorité de la chose jugée ; or, ici, il s'agit de remettre en cause la compétence et la probité d'experts, collaborateurs occasionnels du service public de la Justice, qui doivent répondre de leurs fautes éventuelles par leur propre responsabilité civile et non par le truchement de celle de l'État ; en outre, les experts en cause, s'ils sont inscrits sur la liste de la Cour de cassation, ne sont pas intervenus aux procédures litigieuses en qualité d'experts judiciaires comme ayant été désignés par une juridiction mais comme experts privés pour le compte du groupe Éditions du Seuil ; dès lors, il ne revient pas au tribunal sur le fondement précité d'évaluer d'éventuelles fautes des experts et a fortiori de les imputer à faute à l'État, seul défendeur ; sur la décision du parquet général près la Cour de cassation de ne pas engager de poursuite disciplinaire à l'encontre des experts, le principe d'opportunité des poursuites, résultant des articles 40 et 401 du code de procédure pénale, donne pouvoir au ministère public d'apprécier les plaintes et dénonciations qui lui sont faite et de décider de leur suite ; ce principe est applicable dans les hypothèses dans lesquelles le ministère public dispose d'un pouvoir de poursuite disciplinaire ; en l'espèce, le procureur général près la Cour de cassation a répondu à la plainte en faisant part de sa décision de ne pas entamer de poursuites disciplinaires à l'encontre des experts mobilisés par les adversaires de Madame [K] ; ce faisant, il a exercé l'opportunité des poursuites sans qu'il n'apparaisse que sa décision soit fondée sur quelque autre élément que son appréciation des faits dénoncés, des circonstances de l'espèce et son évaluation de la pertinence de telles poursuites ; l'exercice de son pouvoir qui n'empêche d'ailleurs pas que la responsabilité des experts puisse être mise en cause par d'autres voies ne peut donc constituer une faute ; sur la décision du Conseil supérieur de la magistrature, la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature prévoit en son article 18 que : "L'examen des plaintes dont les justiciables saisissent le Conseil supérieur de la magistrature est confié à une ou plusieurs commissions d'admission des requêtes. Chaque commission d'admission des requêtes est composée, pour chaque formation du Conseil supérieur, de quatre de ses membres, deux magistrats et deux personnalités extérieures au corps judiciaire, désignés chaque année par le président de la formation. / Le président de la commission d'admission des requêtes est désigné par le président de la formation. / Les membres de la commission d'admission des requêtes ne peuvent siéger dans la formation siégeant en matière disciplinaire lorsque celle-ci est saisie d'une affaire qui lui a été renvoyée par la commission d'admission des requêtes à laquelle ils appartiennent ou lorsque le Conseil supérieur de la magistrature est saisi, par les autorités mentionnées aux articles 50-1, 50-2 et aux deux premiers alinéas de l'article 63 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, de faits identiques à ceux invoqués par un justiciable dont la commission d'admission des requêtes a rejeté la plainte. / La commission d'admission des requêtes examine les plaintes présentées par les justiciables, dans les conditions prévues aux articles 50-3 et 63 de la même ordonnance. / La commission d'admission des requêtes délibère valablement si trois de ses membres sont présents. / Elle se prononce à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, l'examen de la plainte est renvoyé à la formation compétente du Conseil supérieur" ; l'article 50-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature précise : "Tout justiciable qui estime qu'à l'occasion d'une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un magistrat du siège dans l'exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature. La saisine du Conseil supérieur de la magistrature ne constitue pas une cause de récusation du magistrat. / La plainte est examinée par une commission d'admission des requêtes composée de membres de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, dans les conditions prévues par l'article 18 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 précitée. / A peine d'irrecevabilité, la plainte : -ne peut être dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010] ; / -ne peut être présentée après l'expiration d'un délai d'un an suivant une décision irrévocable mettant fin à la procédure ; / -doit contenir l'indication détaillée des faits et griefs allégués ; -doit être signée par le justiciable et indiquer son identité, son adresse ainsi que les éléments permettant d'identifier la procédure en cause. Le président de la commission d'admission des requêtes peut rejeter les plaintes manifestement infondées ou manifestement irrecevables. Lorsque la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur déclare la plainte recevable, elle en informe le magistrat mis en cause. La commission d'admission des requêtes sollicite du premier président de la cour d'appel ou du président du tribunal supérieur d'appel dont dépend le magistrat mis en cause ses observations et tous éléments d'information utiles. Le premier président de la cour d'appel ou le président du tribunal supérieur d'appel invite le magistrat à lui adresser ses observations. Dans le délai de deux mois de la demande qui lui en est faite par la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur, le premier président de la cour d'appel ou le président du tribunal supérieur d'appel adresse l'ensemble de ces informations et observations au Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu'au garde des sceaux, ministre de la justice. / La commission d'admission des requêtes peut entendre le magistrat mis en cause et, le cas échéant, le justiciable qui a introduit la demande. Lorsqu'elle estime que les faits sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur renvoie l'examen de la plainte au conseil de discipline. / En cas de rejet de la plainte, les autorités mentionnées aux articles 50-1 et 50-2 conservent la faculté de saisir le Conseil supérieur de la magistrature des faits dénoncés. / Le magistrat visé par la plainte, le justiciable, le chef de cour visé au neuvième alinéa du présent article et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont avisés du rejet de la plainte ou de l'engagement de la procédure disciplinaire. / La décision de rejet n'est susceptible d'aucun recours" ; en l'espèce, par une décision du 19 mars 2013, la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur de la magistrature a jugé la plainte des salariés actionnaires comme manifestement irrecevable ainsi que le permettaient les textes susvisés ; pour le surplus, la décision n'était pas produite aux débats, le présent tribunal n'est pas en mesure d'identifier une éventuelle violation grave du droit ou une appréciation manifestement erronée des critères de recevabilité ; sur l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris le 2 mai 2017, l'article 770 du code de procédure civile dispose que le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces ; l'article 146 du même code énonce qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver et précise qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ; en l'espèce, le juge de la mise en état a considéré que les demandes de Madame [K] visaient à obtenir la preuve de faits qui n'étaient nullement établis - pour lesquels elle présentait donc une carence - ou à solliciter des pièces dont l'existence n'était pas certaine ; le rejet des demandes est donc motivé sans qu'aucune erreur grossière ne puisse être décelée ; au surplus, aucun appel n'a été interjeté à l'encontre de cette décision en sorte que Madame [K] n'a pas mis le service public de la Justice, pris dans sa globalité, en mesure d'examiner les critiques formées aujourd'hui ;l'ordonnance ne révèle ainsi aucun élément fautif ; l'ensemble de ces considérations doit conduire à conclure qu'il n'existe ni faute lourde ni déni de justice et que la responsabilité de l'État ne peut conséquemment être exposée »(jugement, pp. 8 à 16) ;
1°) Alors que la faute lourde résulte d'une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; qu'en procédant à une appréciation séparée de chacun des faits invoqués par madame [B], sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, pp. 19 et s.), si, pris dans leur ensemble, ces griefs étaient de nature à caractériser un fonctionnement défectueux du service public de la justice emportant la responsabilité de l'État pour faute lourde, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;
2°) Alors qu'en se bornant à relever, pour exclure toute faute du service public de la justice prise d'un renversement de la charge de la preuve, que le moyen principal soutenu par madame [B] avait trait au dol imputé aux administrateurs de la société SPS, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 14), si madame [B] ne soutenait pas également, à titre principal en appel, un manquement à leur obligation de loyauté et d'information, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;
3°) Alors que tout jugement doit être motivé ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen clair et opérant par lequel madame [B] faisait valoir (conclusions, pp. 14 et 15) que les juges du fond, dans le litige qui l'avait opposé aux administrateurs de la SPS, avait dénaturé les faits de manière délibérée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) Alors qu'il est fait interdiction au juge de modifier les termes du litige ; que madame [B] soutenait (conclusions, p. 14) que les deux ordonnances de référé rendues par le tribunal de grande instance et les quatre pactes d'actionnaires signés de façon occulte par les administrateurs de SPS avaient été mentionnées à 29 reprises dans ses conclusions récapitulatives d'appel soutenues à l'occasion du litige l'ayant opposé aux administrateurs de SPS, de sorte qu'il était impossible que ces pièces et ces arguments aient échappé à l'attention d'un juge normalement diligent, et que pourtant, ces éléments capitaux n'avaient fait l'objet d'aucune discussion par les juges du fond ; qu'en considérant que madame [B] soutenait que les pièces avaient été soustraites du dossier de plaidoiries, quand une telle assertion ne correspondaient pas à l'argumentation soutenue par madame [B], la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.