CIV. 1
NL4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 octobre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10763 F
Pourvoi n° V 20-16.681
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2021
1°/ M. [N] [Q],
2°/ Mme [T] [V], épouse [Q],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° V 20-16.681 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige les opposant à la société Saem banque Socrédo, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Bertrand, avocat de M. [Q], de Mme [V], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Saem banque Socrédo, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [Q] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [Q]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion ;
AUX MOTIFS QUE l'article L 311-37 du code de la consommation relatif au délai de forclusion biennale des actions en paiement en matière de crédit à la consommation est devenu l'article L 311-52 par application de la loi nº 2010-737 du 1er juillet 2010 (article 2-I-13º), qui l'a complété (article 19 de la loi) ; que l'article L 311-52 du code de la consommation dans sa rédaction issue de ce texte dispose que « Le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion » ; qu'en application de l'article 53 de cette même loi, le titre 1er du livre III du code de la consommation a été complété par un chapitre V, intitulé «dispositions relatives à l'outre-mer » instaurant un article L 315-1, selon lequel « 'le chapitre 1er du présent titre (est) applicable en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française et dans les Iles Wallis et Futuna ». L'article L 311-52 est visé par cette disposition nouvelle ; que par ailleurs, l'article 61 de cette même loi dispose que'«Les titres Ier (à savoir le « crédit à la consommation ») et II et le chapitre Ier du titre V (à savoir les « dispositions relatives à l'outre-mer » / « dispositions relatives au crédit ») entrent en vigueur le premier jour du dixième mois suivant celui de la publication de la présente loi ; que les deux premiers alinéas du présent titre s'appliquent aux contrats dont l'offre a été émise après leur date d'entrée en vigueur » ; qu'en outre, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'ordonnance nº 2011-1327 du 20 octobre 2011 n'a pas étendu partiellement la loi nº 2010-737 du 1er juillet 2010. Cette ordonnance a seulement modifié certaines dispositions relatives à l'outre-mer, et notamment l'article L 315-1 précité ; que la loi nº 2010-737 du 1er juillet 2010 a été publiée le 2 juillet 2010. L'article L 311-52 du code de la consommation dans sa rédaction issue de ce texte, invoqué par les appelants, n'est donc entré en vigueur sur le territoire métropolitain et en Polynésie française que le 1er mai 2011 et s'applique aux contrats dont l'offre a été émise après cette date ; que cette disposition n'est donc pas applicable aux offres antérieures à cette date ; que les contrats de prêt dont l'offre a été émise, comme en l'espèce, antérieurement au 1er mai 2011, date d'entrée en vigueur de la loi nº 2010-737 du 1er juillet 2010, demeurent régis par la loi nº 78-22 du 10 janvier 1978 promulguée en Polynésie française le 11 juin 1992 (arrêté de promulgation DRCL nº 625 du 1er juin 1992) ; que si la date d'émission de l'offre relative au prêt à la consommation nº 7192118 ne résulte pas des pièces produites, le contrat de prêt porte la date, non contestée par les appelants, du 15 décembre 2010 et la première échéance a couru le 31 janvier 2011 ; qu'en conséquence, l'article L 311-52 du code de la consommation sur lequel les appelants se fondent pour soutenir que l'action en paiement de la banque est forclose ne s'applique pas au prêt à la consommation nº 7192118 ; que la loi nº 78-22 du 10janvier 1978 n'est pas non plus applicable au prêt souscrit par Tetuanui Hamblin, le montant de l'emprunt souscrit, soit 3.500.000 FCP, étant supérieur au seuil fixé réglementairement (art. 3 de la loi, et décret nº 88-293 du 25 mars 1988, fixant le seuil à 2.565.631 FCP) ; que ce prêt est donc exclu du champ d'application de la loi et de la prescription biennale des actions en recouvrement qu'elle prévoit en son article 27 ; qu'en conséquence, il ne résulte d'aucun texte précité que l'action de la banque est soumise à un délai de forclusion biennale (arrêt attaqué pp. 6-7) ;
ALORS, d'une part, QUE la disposition qui prévoit un délai biennal de forclusion opposable à l'établissement de crédit agissant en paiement d'un solde débiteur a figuré à l'article L. 11-37 du code de la consommation, tel que modifié par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, puis à l'article L. 311-52 du même code, en raison d'une nouvelle numérotation ordonnée par la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ; que l'article L. 11-37 du code de la consommation était déjà applicable en Polynésie française par l'effet d'un arrêté n° 13 DRCL du Haut-Commissaire en Polynésie française du 16 janvier 2002 portant promulgation sur le territoire de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, ce que confirment les décisions rendues en ce domaine par la Cour de cassation ; qu'en considérant que M. et Mme [Q] ne pouvaient se prévaloir du délai biennal de forclusion, au motif que l'article L. 11-52 du code de la consommation était issu de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, laquelle n'était entrée en vigueur en Polynésie française que le 1er mai 2011, soit postérieurement à la date des prêts litigieux, quand le délai biennal de forclusion était en toute hypothèse prévu par l'article L. 11-37 du code de la consommation, applicable en Polynésie française à la date de ces prêts, la cour d'appel a violé ce dernier texte par refus d'application ;
ALORS, d'autre part, QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que dès lors qu'elle relevait que l'article L. 311-37 du code de la consommation, applicable en Polynésie française à la date des prêts litigieux, instituait un délai biennal de forclusion, la cour d'appel devait mettre en oeuvre ce texte et relever le cas échéant d'office la fin de non-recevoir tirée de cette forclusion, sans pouvoir se borner à retenir que l'article L. 311-52 du même code, qui avait succédé au texte initial, était entré en vigueur postérieurement à la date des prêts litigieux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de procédure civile de la Polynésie française.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir condamné M. [N] [Q] à payer à la Banque Socrédo au titre du prêt nº 7162561 la somme de 2.199.108 FCP avec intérêts au taux contractuel de 8,80%, au titre du prêt nº 7192118 la somme de 2.975.878 FCP avec intérêts au taux contractuel de 6,50%, au titre du prêt nº 7197019 la somme de 2.762.761 FCP avec intérêts au taux contractuel de 4 % et d'avoir condamné solidairement M. et Mme [Q] à payer à la Banque Socrédo la somme de 4.237.406 FCP avec intérêts au taux contractuel de 4.80 % au titre du prêt nº 7182638 et la capitalisation des intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1907 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française dispose que le taux d'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ; qu'en outre, en application de l'article 4 de la loi nº 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l'usure, aux prêts d'argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité (arrêté de promulgation nº 2088 AA du 20 juillet 1984), à laquelle les prêts en cause font référence par la mention « le taux effectif global déterminé comme il est dit (à l'article 3) doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente loi » ; que l'usage bancaire dit de l'année lombarde, qui prévoit que, en matière de prêt d'argent, le calcul des intérêts se fait sur une année de 360 et non sur l'année civile, est sanctionné par la Cour de cassation, au visa du premier de ces textes, et des anciens articles L 313-1, L 313-2 et R 313-1 du code de la consommation ; qu'en effet, selon la Cour de cassation, « en application combinée de ces textes, le taux d'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile » (Cass. Civ. 1ère, 19 juin 2013, nº 12-16.651, Cass. Civ. 1ère, 17 juin 2015, nº 14-14.326) ; que l'action des époux [Q], aux fins de voir prononcer la nullité de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel n'est pas prescrite, dès lors qu'ils ont la qualité de consommateurs et que les contrats de prêt ne comportent aucune indication leur permettant de déceler l'irrégularité qu'ils invoquent ; que les articles L 313-1 et L 313-2 du code de la consommation, bien que non applicables en Polynésie française aux prêts litigieux, reprennent les principes posés par la loi du 28 décembre 1966 ; que toutefois, l'article R 313-1 du même code précisant les modalités de calcul du taux effectif global qui doit, comme le taux d'intérêt conventionnel, être calculé sur l'année civile, n'a pas d'équivalent, à la date de souscription des prêts, sur le territoire polynésien ; qu'en effet, l'article R 313-1 du code de la consommation n'a été étendu en Polynésie française que par le décret nº 2012-1195 du 26 octobre 2012 ; que la jurisprudence de la Cour de cassation n'apparaît, en conséquence pas transposable ; qu'en outre, les appelants, emprunteurs, qui invoquent l'irrégularité du taux d'intérêt conventionnel ou du taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt et qui ont la charge de la preuve, ne la démontrent pas ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé, en ce qu'il a retenu l'application du taux d'intérêt légal pour les deux prêts à la consommation nº 7125261 et 7192118 et confirmé sur l'application du taux d'intérêt conventionnel sur les deux autres prêts, nº 7197019 et 7182638 (arrêt attaqué pp. 8-9) ;
ALORS, d'une part, QUE l'article R. 313-1, I, al. 5 du code de la consommation dispose notamment que « lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale » ; que ce texte est issu du décret n° 85-944 du 4 septembre 1985, relatif au calcul du taux effectif global, qui dispose dans son article 1er que « lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale » ; que ce décret du 4 septembre 1985 est applicable en Polynésie française par l'effet de l'article 5-1 du décret n° 85-944 du 4 septembre 1985 ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article 1er du décret du 4 septembre 1985, selon lesquelles le taux des intérêts conventionnels doit être calculé sur la base d'une année civile et non sur la base d'une année fictive de 360 jours (« année Lombarde »), étaient applicables en Polynésie française à la date des prêts litigieux, de sorte que la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la nullité des stipulations d'intérêt calculées sur la base de « l'année Lombarde » est transposable en l'espèce ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er du décret du 4 septembre 1985, par refus d'application ;
ALORS, d'autre part, QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en ne statuant pas d'office sur le fondement de l'article 1er du décret n° 85-944 du 4 septembre 1985, pourtant applicable en Polynésie française à la date des prêts litigieux, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
ALORS, enfin, QUE les prétentions respectives des parties déterminent l'objet du litige ; que dans ses conclusions récapitulatives d'appel (p. 11, al. 2), outre sa contestation infondée relative aux textes applicables sur le territoire de Polynésie française, la Banque Socrédo se bornait à soutenir que « les appelants n'ont jamais rapporté la preuve que le TEG a été calculé sur 360 jours et non sur 365 jours. La seule preuve a été rapportée que l'intérêt conventionnel seul a été calculé sur 360 jours. Or, le TEG n'est pas l'intérêt conventionnel » ; qu'en considérant que n'était pas démontrée « l'irrégularité du taux d'intérêt conventionnel ou du taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt » quand cette irrégularité était reconnue par la banque elle-même, puisque le taux d'intérêt conventionnel, dont la banque admettait qu'il avait été calculé sur le base de « l'année Lombarde », n'est qu'une composante du TEG, la cour d'appel a violé l'article 3 du code de procédure civile de la Polynésie française.