COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 octobre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10585 F
Pourvoi n° Y 20-15.166
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 OCTOBRE 2021
La société Hutchinson, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-15.166 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Ceva Freight Management France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations écrites de Me Soltner, avocat de la société Hutchinson, de la SARL Corlay, avocat de la société Ceva Freight Management France, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hutchinson aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Hutchinson et la condamne à payer à la société Ceva Freight Management France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par Me Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Hutchinson.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, confirmant le jugement entrepris, condamné la société Hutchinson à payer à la SAS Ceva une somme de 28.722,76 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2015, et de l'AVOIR déboutée de ses demandes indemnitaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Il ressort des explications des parties et des factures produites que la société Ceva était chargée des opérations de transit par la société Hutchinson. La société Ceva a donc agi en qualité de transitaire. Il s'agit d'un intermédiaire qui accomplit les opérations juridiques et matérielles, nécessitées par le passage de marchandises en transit. Comme le soutient la société Ceva, l'accomplissement des formalités douanières était compris dans sa mission plus générale de transitaire. Sa mission n'était donc pas, contrairement à ce que soutient la société Hutchinson, celle de commissionnaire en douane. Le transitaire échappe à toute réglementation, il est considéré comme un mandataire et obéit aux règles de droit commun du mandat selon les articles 1994 et suivants du code civil. Sa responsabilité n'est engagée que s'il commet une faute personnelle dans l'accomplissement de son mandat et si elle est en relation directe de cause à effet avec le dommage. Sa responsabilité n'est pas engagée du fait de ses substitués. Ainsi, dans sa mission de transitaire la société Ceva ne peut répondre d'une responsabilité du fait de ses substitués mais seulement d'une faute personnelle. En l'espèce, la société Hutchinson reproche une arrivée tardive de ses marchandises pour les deux transports référencés n°OL83-000126 et n°OL83-000128 sur navires Maersk. Il est en effet constant que le chargement du conteneur référencé OL83- 000126 qui était prévu le 20 avril 2015 et celui du conteneur référencé OL83-000128 qui était prévu au 4 mai 2015, ont tous deux étés reportés au 19 mai 2015. Au vu des échanges d'emails entre la société Ceva et Maersk versés aux débats, il apparaît que ces retards sont dus à une panne informatique subie par le transporteur maritime l'ayant empêché de transmettre un document douanier appelé «AMS » (automated manifest system: enregistrement de la marchandise 24h avant son départ pour les EtatsUnis). La société MAERSK a reconnu sa défaillance (pièces 14,7 et 16 de Hutchinson). La société Ceva, en sa qualité de transitaire, n'est pas tenue d'une défaillance commise par autrui, soit le transporteur maritime. Concernant la responsabilité personnelle de la société Ceva, comme tout professionnel et tout mandataire, le transitaire est tenu d'un devoir général de conseil envers son client. Les obligations particulières du transitaire tiennent à sa qualité d'agent de liaison entre différentes phases du transport. Comme tout mandataire, le transitaire est tenu de rendre compte de sa mission et d'informer son mandant de toutes les péripéties qu'il peut rencontrer et au besoin, solliciter de nouvelles instructions. Sur l'accomplissement de la formalité douanière « AMS »: De l'échange des emails produits entre la société Ceva et la société Maersk, il ressort le fait que la société Ceva a envoyé dès le 17 avril 2015 (conteneur OL83-000126) et le 30 avril 2015 (conteneur OL83-000128 ) les instructions de B/L (Bill of landing ou le connaissement maritime) à la société MAERSK, le transporteur. Il résulte aussi de ces échanges entre les sociétés Ceva et Maersk qu'il appartenait à cette dernière au vu du B/L envoyé par la société Ceva de transmettre le document « AMS ». Il n'est donc pas démontré que la société Ceva a été défaillante dans l'exécution d'une des obligations particulières que lui imposait sa mission de transitaire. Sur le devoir de conseil et de compte rendu de sa mission: La société Ceva justifie avoir informé la société Hutchinson des retards d'embarquement concernant les deux transports litigieux par email du 13 mai 2015, soit dès le jour où le transporteur l'a informée de ce report. La société CEVA a donc rempli son devoir en rendant compte immédiatement à son mandant des difficultés rencontrées. En outre, au vu de l'email adressé à la société Ceva par la société Hutchinson le 18 mai 2015, cette dernière n'a pas souhaité opter pour un transport aérien pour ces deux conteneurs, suite à la proposition qui lui a été faite par Ceva Roissy (pièce 35 Ceva). La société Ceva a rempli son obligation de conseil en proposant une solution alternative au fret maritime qui posait difficulté. Par conséquent, la société Hutchinson échoue à démontrer l'existence d'une faute commise par la société CEVA dans l'exercice de son mandat en sa qualité de transitaire. La décision des 1ers juges sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société Hutchinson de toutes ses demandes en dommages et intérêts.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE qu'il n'est pas contesté que CEVA n'agit pas en qualité de commissionnaire de transport mais bien en qualité de transitaire ; que Ceva n'est donc pas de plein droit responsable des fautes qui aurait pu être commises par ma Maersk. Attendu toutefois qu'Hutchinson verse aux débats de déclaration relative au transport de marchandises devant être chargé sur les navires Maersk Kure le 20 avril 2015 d'une part et Maersk Kukura le 5 mai 2015 d'autre part. Il apparaît que sur ces deux documents le déclarant en douane est Ceva. Il apparaît ainsi que Ceva, qui est commissionnaire agréé en douane sous le numéro d'agrément 483, est mandaté par Hutchinson pour procéder aux opérations de déclaration en douane ; attendu cependant qu'il ressort des échanges entre Maersk et Ceva que cette dernière n'a pas procédé aux déclarations en douane et a au contraire délégué cette prestation Maersk. Qu'elle a ainsi commis une faute dont la conséquence est que le deuxième containers n'a pu être embarqué dans Maersk Kukura. Attendu ensuite qu' il ressort des pièces versées aux débats que Ceva a régulièrement informé Hutchinson, a été diligente vis-à-vis de Maersk, a cherché à obtenir des informations sur les chargements dans les navires des conteneurs comme par exemple par mail du 28 avril à 11h50 ; que par ailleurs Ceva a proposé à Hutchinson dès le 13 mai 2015 une solution de remplacement par un transport aérien qui aurait garantir la livraison dans le délai prévu initialement et qui a été refusé par Hutchinson par mail le 18 mai et qui pourtant prétend obtenir des dommages et intérêts au titre des pertes de production et d'heures supplémentaires du fait du retard dans les livraisons sans justification d'ordre financier. Qu'il résulte de tout ce qui précède que le tribunal dira l'opposition non fondée et la déboutera de sa demande ;
1°) ALORS QUE le mandataire répond de celui qu'il s'est substitué dans sa gestion quand il n'a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu'un, ou lorsque ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d'une personne, et que celle dont il a fait choix était notoirement incapable ou insolvable ; qu'en l'espèce, la société Hutchinson faisait valoir que la société Ceva devait répondre des fautes commises dans l'accomplissement des opérations de déclarations en douane par la société Maersk, que la société Ceva s'était substituée pour l'exécution de ces formalités sans y avoir été autorisée par la société Hutchison ; qu'en énonçant que dans sa mission de transitaire, la société Ceva ne pouvait répondre du fait de ses substitués mais seulement d'une faute personnelle, et en en déduisant que la défaillance de la société Maersk, mandataire substitué, ne pouvait engager sa responsabilité à l'égard de la société Hutchinson, la cour d'appel a violé l'article 1994 du code civil ;
2°) ALORS QUE même lorsqu'il s'est substitué un tiers pour l'exécution d'une partie de ses obligations, le transitaire demeure personnellement tenu d'une obligation de suivi et de contrôle de la bonne fin de sa mission ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que la société Ceva était en faute pour ne pas avoir vérifié elle-même que les marchandises avaient embarqué à la date prévue, sans attendre que la société Maersk l'informe le 13 mai seulement que cet embarquement n'avait pas eu lieu et avait été reporté, soit 7 jours et 23 jours après la date à laquelle les marchandises étaient censées avoir quitté le port, ce grave retard ayant placé la société Hutchinson dans l'impossibilité de prévenir le destinataire et de prendre toute disposition de nature à limiter son dommage ; qu'en se contentant d'indiquer que la société Ceva avait transmis à la société Hutchinson l'information selon laquelle l'embarquement des marchandises n'avait pu avoir lieu, le jour où la société Maersk l'en avait informé, constatation impropre à établir que la société Ceva avait correctement effectué les diligences qui lui incombait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1994 et 1231-1 du code civil.
3°) ALORS QUE la victime n'est pas tenu de minimiser son dommage, en sorte qu'en retenant, subsidiairement, que bien que la défaillance de la soci9été Maersk dans l'accomplissement des formalités de douanes ait été à l'origine de l'impossibilité d'embarquer les conteneurs de marchandises dans les délais prévus, la société Hutchinson ne pouvait s'en plaindre dès lorsqu'elle avait refusé le solution de remplacement consistant en un fret aérien que la société Ceva lui avait proposé, la cour d'appel a violé les articles 1231-1 et 1994 du code civil ;
4°) ALORS QUE, vainement, invoquerait-on l'article 1263 du code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 selon lequel « Sauf disposition particulière, le juge peut réduire les dommages et intérêts lorsque la victime n'a pas pris les mesures sûres, raisonnables et proportionnées, notamment au regard de ses facultés contributives, propres à éviter l'aggravation de son préjudice » ; qu'en effet, outre que ce texte n'était pas applicable aux contrats en cause concluent avant son entrée en vigueur, il n'autorise le juge à réduire les dommages intérêts que dans le cas où la victime n'a pas pris « les mesures sûres, raisonnables et proportionnées », ce dont il appartient au responsable de rapporter la preuve ; que ce texte, enfin, ne permet pas au juge de supprimer le droit à réparation mais simplement de le réduire, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 16 de la loi du la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018
5°) ALORS QU'en tout état de cause, la cour d'appel, qui laisse sans réponse le moyen des conclusions de la société Hutchison qui faisait valoir que la substitution d'un fret aérien à un fret maritime n'était pas satisfaisante en raison de son coût, du reconditionnement nécessaire des marchandises qu'elle impliquait, et de l'obligation de transférer les conteneurs à l'usine, ce qui engendrait de multiples transports par route, les avions ne transportant pas de conteneurs mais des palettes spécialement conditionnées, ce dont elle déduisait que la proposition de la Sas CEVA était irréaliste et ne présentait aucun intérêt pour la Snc Hutchinson, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.