SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 octobre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10882 F
Pourvoi n° Z 19-26.295
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021
1°/ La société Tandem expertise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ le comité d'entreprise de la société Caixa Geral de Depositos, dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° Z 19-26.295 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Caixa Geral de Depositos, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Caixa Geral de Depositos, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Tandem expertise, et du comité d'entreprise de la société Caixa Geral de Depositos, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Caixa Geral de Depositos, après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, assistée de Mme Catherine, greffier stagiaire,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Tandem expertise et le comité d'entreprise de la société Caixa Geral de Depositos aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Tandem expertise et le comité d'entreprise de la Caixa Geral de Depositos
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance rendue le 26 juin 2018 en ce qu'elle a partiellement rejeté les demandes de l'expert- comptable et du comité d'entreprise, d'AVOIR constaté l'absence de trouble manifestement illicite au jour où elle statuait et d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes formées par ceux-ci.AUX MOTIFS propres QUE les pièces versées aux débats par les parties démontrent que la procédure d'alerte a été mise en oeuvre à la suite d'un communiqué fait par la commission européenne le 10 mars 2017 qui a validé la nouvelle opération de recapitalisation présentée par l'Etat portugais, assortie d'un nouveau plan industriel de la banque, la déclarant conforme aux conditions du marché. L'examen de ce communiqué, comme du contenu de la décision de la commission européenne versée aux débats, n'évoque à aucun moment la situation particulière de la succursale française, visant des engagements financiers pris pour réduire l'endettement de la banque. Les élus invoquent également un communiqué de presse de l'agence Reuters du 12 mars 2017 qui annonce les opérations de recapitalisation et de restructuration de la banque pour assainir sa situation financière, et comporte une phrase attribuée au directeur général qui aurait déclaré que "la filiale française serait elle aussi sans doute vendue". Toutefois, si la société CDG n'a pas contesté l'alerte votée par les élus qui ont estimé qu'ils n'avaient pas reçu d'information sur un projet d'arrêt total des activités en France, force est de constater que cet extrait de communiqué de presse est très insuffisant pour démontrer la réalité de ce projet, alors que ce communiqué ne comporte que des indications très générales sur des objectifs de réduction des coûts et envisage de donner une priorité à la vente d'activités situées dans la zone Afrique. À la suite de ces déclarations, la CGD a mis en oeuvre un projet de transfert de l'activité Booking trésorerie développée en France pour la réintégrer au sein du siège à Lisbonne, pour lequel elle a lancé une procédure de consultation du CE de la succursale, procédure qui s'est soldée par un vote réputé négatif en juillet 2017, ce transfert ayant été effectif en janvier 2018. Le rapprochement entre les déclarations contenues dans le communiqué de presse du 12 mars 2017 et l'effectivité d'une réintégration de l'activité Booking-trésorerie au Portugal, permet de considérer qu'au moment de l'alerte et au jour où l'expert a sollicité les documents d'information, l'arrêt de l'activité réseau des agences de la CGD situées en France n'était pas envisagé, faute de preuve donnée sur ce point. Si le CE invoque des déclarations contraires faites par le gouvernement portugais et lors des conseils d'administration de la banque, il convient en revanche de constater au vu des pièces communiquées à cette fin, que lors du CA du 30 novembre 2017 seul est envisagé le transfert de l'activité Booking trésorerie, et que, interrogé le 21 mars 2018 par une députée sur la fermeture de la succursale en France, le président de la commission exécutive de la banque, M. [E], a déclaré que "la Caixa se battra pour garder l'opération française". Dans ce contexte, l'expert a adressé à la CGD le 25 juillet 2017 une liste de documents devant lui être communiqués, demande à laquelle la banque a partiellement fait suite, ce qui a motivé la saisine du juge des référés. [ ]. Si au jour où le juge a statué, la communication des plans industriels et des autres documents transmis à la commission européenne pouvait présenter un intérêt, pour s'assurer que l'arrêt de l'activité réseau en France était ou non envisagé, la cour doit néanmoins constater que, au jour où elle statue, la communication demandée par l'expert ne présente plus d'intérêt dès lors que le gouvernement portugais a annoncé à la commission européenne, en juillet 2018, que sa politique de réduction des coûts avait abouti à de bons résultats et que dans ce cadre, "la succursale française (est présentée) comme une activité importante pour les opérations du groupe CGD", que "la banque continuera à maintenir ses services bancaires de détail en France au bénéfice de la communauté portugaise de ce pays, tout comme ses activités bancaires." Par suite au vu de ces éléments, il convient de constater que le trouble manifestement illicite a cessé puisqu'il est acquis à ce jour, que l'arrêt des activités réseau en France n'est pas envisagé par la banque, l'expert ayant été en mesure en outre d'établir un rapport d'étape détaillé en deux tomes, en novembre 2017, en s'appuyant sur les documents communiqués par la CGD qui étaient donc suffisants. La cessation du trouble est encore avérée par le délai dans lequel le cabinet [P] a fait appel de l'ordonnance du 26 juin 2018, au 5 mars 2019. L'expert et le CE expliquent que la signification tardive de l'ordonnance a été motivée par l'intérêt commun de favoriser la médiation en cours sur le mouvement de grève initié par les salariés en avril 2018. Or cette explication paraît contraire à la demande d'informations sollicitée dans le cadre de l'alerte qui permettait d'appuyer les demandes faites par les salariés en grève, et il sera retenu que si la grève a cessé, c'est en raison des garanties données par la banque et l'Etat portugais sur le maintien de l'activité en France. Pour les mêmes motifs tirés de la cessation du trouble manifestement illicite au jour où la cour statue, les contestations portant sur la conformité des documents transmis par la banque, dont notamment ses statuts et ses organigrammes internes, seront rejetées, les demandes pouvant le cas échéant être présentées devant le juge du fond.
AUX MOTIFS partiellement adoptés QU'[ ] en ce qui concerne la demande du CE et de l'expert aux fins de communication des rapports de gestion de 2013 à 2016 de la société CGD, cette dernière justifie avoir communiqué par message électronique du 22 septembre 2007 à la société Tandem quatre liens informatiques vers le site portugais de la société CGD, permettant la consultation des comptes consolidés et des rapports de gestion de 2013 à 2016. Ce poste de demande sera donc également rejeté. ( ) Dans ce message électronique du 22 septembre 2017, la société CGD a communiqué à la société Tandem les statuts à jour de la société CGD au Portugal, étant précisé que sa succursale française ne comporte pas de statuts particuliers, un organigramme fonctionnel des responsables des plus importantes directions de la société CGD au Portugal ainsi que cinq liens informatiques concernant la dernière liste disponibles des membres du conseil d'administration (en précisant notamment les nom et qualité des représentants de l'Etat portugais). Les postes de demande aux fins de communication concernant respectivement les statuts à jour de l'ensemble de la société CGD au Portugal et dans la succursale en France, le dernier organigramme financier détaillé du groupe CGD et le dernier organigramme fonctionnel des principales directions de la société CGD seront en conséquence rejetés pour objet déjà rempli.
1° ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les exposants soutenaient (v. concl. n° 4 du comité d'entreprise, pp. 16-20 et 40-41, et de la société Tandem, p. 22 et 52 et s.) que la communication des documents sollicitée avait pour objet de permettre à l'expert d'évaluer, de connaître et de suivre la situation du groupe CGD et de la succursale en France, d'évaluer les conséquences sur cette dernière des objectifs fixés au groupe CGD ainsi que de préciser les objectifs directement fixés à cette succursale ; qu'en retenant que la communication des documents ne présentait plus d'intérêt dès lors que le gouvernement portugais avait annoncé à la Commission européenne, en juillet 2018, que sa politique de réduction des coûts avait abouti à de bons résultats et que dans ce cadre, l'activité de la succursale française était maintenue, quand la communication demandée tendait non pas à déterminer si cette succursale serait maintenue mais à informer le comité d'entreprise sur les décisions qui ont été prises et lui permettre de connaître la situation de la succursale française ainsi que son avenir à court et moyen terme, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.
2° ALORS QUE constitue un trouble manifestement illicite le refus de communication de documents au comité d'entreprise et à l'expert désigné dans le cadre de l'exercice du droit d'alerte ; qu'il appartient au seul expert comptable désigné par le comité d'entreprise de déterminer les documents utiles à l'exercice de sa mission ; qu'en retenant la communication des plans industriels soumis à la Commission européenne ne présentait plus d'intérêt dès lors que l'activité de la succursale française était maintenue, de sorte que le trouble manifestement illicite avait cessé, quand l'expert comptable soulignait que la communication des documents, dont le plan industriel de restructuration, était nécessaires à l'exécution de sa mission qui consistait à évaluer la situation économique du groupe CGD et de la succursale française ainsi que les objectifs fixés à ces derniers dans le plan industriel, la cour d'appel a violé l'article 809 ancien du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2323-51 et L. 2325-35 anciens du code du travail.
3° ALORS QUE l'application de l'article 809 du code de procédure civile, alinéa 1er , n'est pas subordonnée à la preuve de l'urgence de la mesure sollicitée ; qu'en considérant que la cessation du trouble manifestement illicite était également avérée par le délai dans lequel l'expert comptable avait fait appel de l'ordonnance du 26 juin 2018, la cour d'appel a déduit la cessation du trouble manifestement illicite de l'absence d'urgence des mesures sollicitée et a derechef violé l'article 809 ancien du code de procédure civile.
4° ALORS au demeurant QUE le comité d'entreprise exposant expliquait (concl. pp 22 et 23) la date tardive de signification de l'ordonnance du 26 juin 2018 non seulement par la volonté de favoriser la procédure de médiation entreprise dans le cadre du mouvement de grève des salariés de la succursale, mais aussi par le fait que la banque ayant saisi le juge des référés en rétractation de l'ordonnance en ce qu'elle avait partiellement fait droit à la demande de communication le 4 septembre 2018, il était nécessaire d'attendre l'issue de cette procédure avant de relever appel de l'ordonnance ; qu'en se bornant à écarter le motif tirée de l'intérêt commun de favoriser la médiation en cours sans répondre sur le second point portant sur l'assignation en rétractation, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance rendue le 26 juin 2018 en ce qu'elle a partiellement rejeté les demandes de l'expert- comptable et du comité d'entreprise, d'AVOIR constaté l'absence de trouble manifestement illicite au jour où elle statuait et d'AVOIR rejeté l'ensemble des demandes formées par ceux-ci.AUX MOTIFS QUE, s'agissant des documents dont la communication a été ordonnée par le premier juge, qui concerne les procès-verbaux des conseils d'administration depuis 2013 et leurs documents préparatoires, un document de synthèse sur le budget 2017, et un document de synthèse récapitulant les documents remis au CE et au CHSCT depuis janvier 2017, il convient de rechercher si cette communication était justifiée au jour où le juge s'est prononcé. La communication des procès-verbaux des conseils d'administration n'était pas justifiée dès lors que l'objet de cette communication était de vérifier si la décision de transfert des activités françaises avait été prise, alors que l'objet de l'expertise portait non pas sur la prise de décision, mais sur les éléments comptables et financiers de la banque, et qu'il n'est pas contesté que des documents comptables avaient bien été communiqués à l'expert. La communication d'un document de synthèse sur le budget 2017 était inutile dès lors que l'expert détenait ce document, tel que cela résulte du contenu des annexes du tome 2 du rapport d'étape, le document transmis étant en outre suffisamment détaillé.
La communication d'un document de synthèse récapitulant les documents remis au CE et au CHSCT depuis janvier 2017 n'est plus demandée en appel, alors que la banque estime que ce document n'existe pas, ce qui permet de considérer que l'expert avait reçu l'information réclamée, les annexes du tome 2 comportant d'ailleurs une présentation du transfert de l'activité booking au siège qui a fait l'objet de la consultation et de la communication demandée, aucun développement n'étant fait sur ce point par le cabinet Tandem et le CE dans leurs conclusions, qui réclament les documents transmis à la commission européenne, les statuts et organigrammes internes de la société. Par suite au vu de ces éléments, la communication ordonnée par le premier juge n'était pas justifiée et l'ordonnance du 26 juin 2018 sera infirmée sur ce point.
1° ALORS QUE l'expert-comptable du comité d'entreprise est seul juge de l'utilité des documents dont il réclame la communication ; que dans sa lettre du 27 mai 2019 (v. concl. n° 4 du comité d'emprise p. 18 et s.), l'expert désigné a rappelé, face à la résistance de la banque à sa demande de communication, que les documents demandés pour exécuter sa mission, en ce compris les procès-verbaux des conseil conseils d'administration depuis 2013, étaient utiles à sa mission pour « évaluer, au sein des objectifs fixés au Groupe CGD, ceux ayant des conséquences indirectes sur l'organisation, l'activité ou les résultats de la succursale France » et « préciser l'ensemble des objectifs directement fixés à la succursale France » ; qu'en retenant néanmoins que la communication des procès-verbaux des conseils d'administration n'était pas justifiée pour la raison que cette communication avait pour objet de vérifier que la décision de transfert des activités françaises avait été prise tandis que l'expertise portait non pas sur la prise de décision mais sur les éléments comptables et financiers de la banque, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-50 et L. 2325-37 anciens du code du travail, ensemble l'article 809 ancien du code de procédure civile.
2° ALORS QU'en retenant qu'il résultait du contenu des annexes du tome 2 du rapport d'étape que l'expert détenait le document de synthèse du budget 2017, de sorte que sa communication était inutile cependant que les annexes du tome 2 du rapport d'étape ne contiennent pas ce document, la cour d'appel a dénaturé les annexes du tome 2 du rapport d'étape et a méconnu le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.
3° ALORS QUE la communication d'un document de synthèse récapitulant les documents remis au CE et au CHSCT depuis janvier 2017 a été demandée en appel dans le cadre de la demande de confirmation de l'ordonnance entreprise qui en avait ordonné la communication (concl. de la société Tandem, p. 67, concl. récap. n° 4 du comité d'entreprise, pp. 24 et 52) ; qu'en retenant que la communication d'un document de synthèse récapitulant les documents remis au CE et au CHSCT depuis janvier 2017 n'était plus demandée en appel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.