COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 octobre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10580 F
Pourvois n°
P 19-26.170
U 19-26.336 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 OCTOBRE 2021
M. [L] [S], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de président de la société Resin'Est, a formé les pourvois n° P 19-26.170 et U 19-26.336 contre un arrêt rendu le 30 octobre 2019 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l'opposant respectivement :
1°/ au procureur général près la cour d'appel de Nancy, domicilié [Adresse 3],
2°/ à Mme [E] [G], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Resin'Est,
défendeurs à la cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [G], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 19-26.170 et U 19-26.336 sont joints.
2. Le moyen de cassation identique annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. [S], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen identique produit aux pourvois par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [S].
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant prononcé contre M. [S] une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L. 653-5 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : 5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ; que l'article L. 653-8 du même code dispose que dans les cas prévus à cet article, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, une interdiction de gérer ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le 31 janvier 2018, Me [G], ès qualités, a remis en mains propres à M. [S], qui ne le conteste pas, trois courriers l'invitant à produire, sous 8 jours, les documents relatifs au bail de sous-location de ses locaux ainsi que les attestations d'assurance relatives à ses locaux et à sa responsabilité professionnelle et lui demandant d'établir des documents comptables ; qu'il est également établi que le mandataire liquidateur a adressé différents courriels à M. [S] à l'adresse de messagerie électronique qu'il utilise au sein de la société, ainsi que cela résulte de la pièce n°12 de Me [G] et non pas à l'adresse de son assistante : - le 5 février 2018 pour lui demander le versement de la somme mensuelle de 500 euros conformément à la décision du juge commissaire, - le 13 février 2018 pour réclamer à nouveau l'attestation d'assurance des locaux ainsi que le contrat de bail, - le 21 février pour demander production de l'intégralité des factures impayées par le clients afin de lui permettre de procéder à leur recouvrement, demande renouvelée par courrier envoyé par voie postale et par voie électronique le 28 mars 2018 ; que ces demandes de production de documents ont été réitérées par courriers recommandés des 23 et 26 février 2018 et 14 mai 2018 revenus non réclamés ; que de la même manière, M. [S] s'est abstenu de retirer le courrier recommandé du 6 avril 2018 par lequel Me [G], ès qualités, lui a adressé la liste des créances vérifiées ; qu'en réponse à ses demandes répétées, M. [S] déposait à l'étude du mandataire liquidateur quelques documents (devis, factures) les 26 mars et 26 avril 2018 et lui transmettait par courriel du 12 février 2018, utilisant à cette occasion l'adresse de messagerie électronique à laquelle le liquidateur lui envoyait ses demande, le projet de bilan établi par son expert-comptable ; qu'il n'est toutefois pas contesté que Me [G], ès qualités, n'a pu obtenir communication des attestations d'assurance locative ou décennale, du contrat de sous-location et de la liste des clients débiteurs, alors même que, selon le projet de bilan établi par le cabinet d'expertise comptable, le compte client de la société représentait un montant de 139 876,92 euros ; que de même M. [S] s'est abstenu de répondre à la transmission par Me [G], ès qualités, de sa requête en autorisation de ventes aux enchères publiques, alors même qu'il avait réceptionné le courrier recommandé le octobre 2018 ainsi qu'à sa demande de production d'une facture suite à la réclamation d'un client, M. [H], cette demande lui ayant été transmise par courriel du 26 avril 2018 et courrier simple du 29 mai 2018 ; que l'appelant ne peut utilement se retrancher derrière le départ impromptu de son assistante, à le supposer avéré, qui ne peut en aucun cas justifier sa carence dans la production de documents tels que le contrat de sous-location ou les attestations d'assurance ou l'absence de retrait des courriers recommandés qui lui étaient adressés ou de réponse à la requête d'autorisation de vente aux enchères publiques ; qu'au surplus, l'explication qu'il fournit révèle une carence totale de sa part dans le suivi de la tenue de la comptabilité de l'entreprise et du recouvrement des créances clients, témoignant de son incapacité à assurer la gestion d'une entreprise que son jeune âge ne saurait suffire à expliquer ; que le grief d'abstention de coopération avec les organes de la procédure ayant entravé le bon déroulement de la procédure collective, prévu par l'article L. 653-5 5° du code de commerce est ainsi suffisamment établi, tout comme son caractère volontaire qui résulte de l'inertie dont a fait preuve M. [S] face aux demandes multiples du mandataire liquidateur alors même que l'importance du compte clients, au demeurant anormalement élevé pour un chiffre d'affaires de 258 496 euros, pouvait permettre d'envisager une clôture pour extinction du passif, les créances déclarées totalisant en effet 60 689,55 euros ; que la gravité des manquements reprochés à M. [S], outre la circonstance de la SARLU Maison Reniv'54 qu'il avait précédemment créée en mars 2012 ait également fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif le 1er mars 2016 et que de même la société Iso Confort Grand Est créée par lui en juillet 2013 fasse également l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire depuis le 18 janvier 2018, ainsi que le fait qu'il ait poursuivi son activité nonobstant la résiliation de son assurance décennale le 12 janvier 2018 ou le prononcé de la liquidation judiciaire par l'établissement d'un devis le 6 avril 2018 avec encaissement d'un acompte, justifient pleinement la sanction prononcée en application de l'article L. 653-5 5° du code de commerce, tant en ce qui concerne sa nature que sa durée ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'après avoir examiné la requête du ministère public et les pièces produites, le tribunal relève : Sur l'absence de collaboration aves les organes de la procédure : que M. Le procureur expose que M. [S] s'est abstenu de collaborer avec les organes de la procédure comme le démontrent les différents courriers et mails adressés par le mandataire à M. [S] ; qu'en réponse, le conseil de M. [S] prétend que celui-ci était désarmé, sans possibilité d'accès aux renseignement sollicités et qu'il s'est efforcé en toute bonne foi de coopérer avec les organes de la procédure ; qu'il ajoute que M. [S] a transis l'intégralité de ce qu'il était en mesure de transmettre et d'identifier ; que le tribunal retient que le mandataire a adressé à M. [S] pour le recouvrement des factures clients : - un message électronique en date du 21 février 2018, - un courrier le 22 février 2018, - une LR/AR du 23 février 2018, retournée par la poste « pli avisé non réclamé », - une lettre simple le 23 février 2018, - un courrier à l'avocat de M. [S], Me [N], du 13 mars 2018, - un courrier du 27 mars 2018, - une LR+AR du 14 mai 2018, retournée par la poste « pli avisé non réclamé », - une lettre simple le 14 mai 2018 ; que le tribunal note que le compte client s'élève dans le projet de bilan au 31 décembre 2017 à 139 876 euros et contrairement à ses allégations, M. [S] n'apporte aucune pièce justifiant de sa collaboration avec les organes de la procédure, notamment sur l'envoi au mandataire de document avant le 6 juin 2018 ; qu'en conséquence, le tribunal retient l'absence volontaire de collaboration avec les organes de la procédure ; Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours : que bien que la déclaration de cessation des paiements n'ait pas été effectuée dans le délai de 45 jours mais 18 mois avant l'ouverture de la procédure, le tribunal ne retient pas ce moyen qui ne relève pas d'une condamnation en faillite personnelle ; que le conseil de M. [S] précise que le tribunal peut sanctionner le débiteur en interdiction de gérer plutôt qu'en faillite personnelle ; que le tribunal note que M. [S] a poursuivi son activité malgré la résiliation d'assurance dont il a fait l'objet à la date du 12 janvier 2018 ; que le tribunal note également que M. [S] a fait signer le 17 avril 2018 un devis établi le 6 avril 2018 sur un papier à entête Resin'Est postérieurement à la liquidation judiciaire de ses deux sociétés (Resin'Est en liquidation judiciaire le 20 février 208 et Iso Confort Grand Est en liquidation judiciaire le 16 janvier 2018) ; qu'il constate que ce papier à l'entête de la société Resin'Est indique le numéro Siret de la société Iso Confort Grand Est ; qu'il constate également qu'un acompte a été versé à M. [S] à la signature de ce devis ; qu'il note que M. [S] n'a fourni aucune explication sur ces faits et sur la poursuite d'une activité après le prononcé des deux liquidations ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il ressort que M. [S] doit être sanctionné pour l'ensemble des fautes commises qui sont significatives ainsi que pour son comportement ne relevant pas de simples négligences et qui justifient le prononcé d'une sanction ; qu'en conséquence, le tribunal condamne M. [S] à une mesure de faillite personnelle pour une durée de 15 ans ;
1° ALORS QUE seule l'abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure peut être sanctionnée par une mesure de faillite personnelle ; qu'en se bornant à affirmer que M. [S] n'avait répondu que tardivement et de manière partielle et incomplète aux demandes du mandataire judiciaire, et que l'impossibilité dans laquelle il s'était trouvé de répondre correctement au mandataire judiciaire résulterait d'une mauvaise gestion de sa part, sans établir le caractère volontaire du défaut de coopération avec les organes de la procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 653-5 6° du code de commerce ;
2° ALORS QUE l'abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure suppose une mauvaise foi du dirigeant et ne peut résulter de la seule impossibilité d'y procéder ; qu'en déduisant le caractère volontaire du défaut de coopération de l'inertie de M. [S] face aux demandes multiples du mandataire liquidateur et d'une carence dans la gestion de l'entreprise, quand cela n'établissait qu'une impossibilité de répondre rapidement et de façon complète et exacte au mandataire, quand bien même cette impossibilité résulterait d'une mauvaise gestion de sa part, et non un comportement volontaire, la cour d'appel a violé l'article L. 653-5 6° du code de commerce ;
3° ALORS QU'une mesure de faillite personnelle ne peut être prononcée que pour sanctionner les manquements limitativement énumérés par les articles L. 653-1 et suivants du code de commerce ; qu'en jugeant que M. [S] devait être sanctionné par une faillite personnelle d'une durée de 15 ans non seulement au regard de la gravité de son abstention à coopérer avec les organes de la procédure collective, mais également « pour l'ensemble des fautes commises qui sont significatives ainsi que pour son comportement ne relevant pas de simples négligences », à savoir que la société Maison Renov'54 créée par M. [S] en mars 2012 avait également fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif le 1er mars 2016, que la société Iso Confort Grand Est créée par par M. [S] en juillet 2013 faisait également l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire depuis le 18 janvier 2018, que M. [S] avait poursuivi son activité malgré la résiliation des contrats d'assurance et que M. [S] avait poursuivi l'activité de la société Resin'Est après la liquidation judiciaire puisqu'il avait fait signer un devis et perçu un acompte, la cour d'appel, qui a sanctionné par une mesure de faillite personnelle d'autres manquements que ceux limitativement énumérés par les articles L. 653-1 et suivants du code de commerce, a violé les articles L. 653-5 et L. 653-11 du code de commerce ;
4° ALORS QU'un fait qui a déjà été sanctionné par une mesure de faillite personnelle, ne peut justifier une nouvelle mesure de faillite personnelle à l'encontre de la même personne ; qu'en se fondant, pour prononcer à l'encontre de M. [S] une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans, sur les mêmes « fautes » et le même « comportement » qui avaient déjà justifié le prononcé d'une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans à l'encontre de M. [S] par arrêt du 30 octobre 2019 (RG 19/01479), la cour d'appel a violé l'article L. 653-11 du code de commerce et le principe non bis in idem ;
5° ALORS QUE le tribunal qui est saisi par le mandataire judiciaire, le liquidateur, le ministère public, ou la majorité des créanciers nommés contrôleurs en cas de défaillance du mandataire judiciaire, et ne peut se saisir d'office d'une mesure de faillite personnelle, ne peut, en en fixant la durée, excéder la durée demandée par celui qui l'a saisi ; qu'en confirmant le jugement qui avait condamné M. [S] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans quand le ministère public qui avait saisi le tribunal de commerce par requête du 18 octobre 2018 demandait qu'elle soit fixée à 10 ans, la cour d'appel a violé les articles L. 653-1 et L. 653-11 du code de commerce.