LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
MA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 septembre 2021
Rejet
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1087 F-D
Pourvoi n° J 19-25.016
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 SEPTEMBRE 2021
La société Smithers Oasis France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 19-25.016 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme [E] [R], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Smithers Oasis France, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme [R], après débats en l'audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présentes Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 octobre 2019), Mme [R], engagée le 11 mars 1998 en qualité de secrétaire commerciale par la société Smithers Oasis France, exerçait ses fonctions à Strasbourg. Par courrier du 24 juillet 2014, l'employeur l'a informée de sa mutation dans l'Aude, qu'elle a refusée par courrier du 9 septembre 2014. Le 30 septembre 2015, elle a été licenciée pour motif économique.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale afin de contester la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause économique réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que la lettre de licenciement qui fait état d'une réorganisation de l'entreprise et du refus, par le salarié, de la mutation géographique qui en résulte est suffisamment motivée, peu important qu'elle ne précise pas si cette réorganisation est justifiée par des difficultés économiques ou si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'il appartient au juge, en cas de litige, de rechercher si cette réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'en l'espèce, la lettre remise à la salariée, lorsque l'employeur lui a proposé un contrat de sécurisation professionnelle, expose que la procédure de licenciement engagée à son encontre est "motivée par le déménagement définitif du siège social de notre société de [Localité 2] à [Localité 1] impliquant le transfert des salariés en poste à [Localité 2]", le "refus de mutation" de la salariée et l'impossibilité de la reclasser ; que la lettre de licenciement reçue par la salariée avant qu'elle accepte le contrat de sécurisation professionnelle reprend les mêmes motifs, en précisant que la réorganisation vise "à optimiser les coûts et à améliorer la synergie du personnel" ; qu'en retenant, pour juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'employeur n'a pas "allégué que la réorganisation de l'entreprise (?) résultait de difficultés économiques, de mutations technologiques ou était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité", la lettre de proposition du contrat de sécurisation professionnelle étant silencieuse sur ce point et la lettre de licenciement faisant état d'une réorganisation ayant pour finalité une optimisation des coûts et l'amélioration de la synergie du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;
2°/ que la lettre de licenciement qui fait état d'une réorganisation de l'entreprise et du refus, par le salarié, de la mutation géographique qui en résulte est suffisamment motivée, peu important qu'elle ne précise pas si cette réorganisation est justifiée par des difficultés économiques ou si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'il appartient au juge, en cas de litige, de rechercher si cette réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Smithers Oasis France soutenait que le regroupement des activités de l'entreprise sur le site de [Localité 1] et le déménagement du siège social sur ce site était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, au regard notamment de "la baisse de chiffre d'affaires avérée, des prévisions et du déficit sur le bilan 2014" ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette réorganisation n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, au motif inopérant que cette précision ne figurait pas sur la lettre de proposition du contrat de sécurisation professionnelle et la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L.1222-6 du code du travail, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification.
5. Il en résulte que l'employeur qui n'a pas respecté ces formalités ne peut se prévaloir ni d'un refus, ni d'une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié.
6. La cour d'appel a relevé que l'employeur avait informé la salariée, par courrier du 24 juillet 2014, de la modification de son lieu de travail en application de la clause de mobilité prévue au contrat de travail et que la salariée avait informé l'employeur, par courrier du 9 septembre 2014, qu'elle n'acceptait pas cette mutation. Puis la cour d'appel a retenu que la clause de mobilité contractuelle ne permettait pas la mutation de la salariée hors du département du Bas-Rhin, qui constituait une modification du contrat de travail, que l'employeur avait renoncé le 22 juin 2015 à l'application de cette clause de mobilité et qu'il avait licencié la salariée aux motifs du déménagement du siège social de l'entreprise dans le cadre d'une réorganisation et du refus de mutation par la salariée.
7. Il en résulte que l'employeur, qui n'avait pas soumis à la salariée une proposition de modification du contrat de travail en application de l'article L. 1222-6 du code du travail, ne pouvait se prévaloir du refus de cette dernière.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Smithers Oasis France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Smithers Oasis France et la condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé en l'audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un et signé par Mme Mariette, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Smithers Oasis France
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme [R] est dépourvu de cause économique réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Smithers Oasis France à lui payer les sommes de 8.089,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et 57.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « Il est constant que Mme [R] a adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle le 8 octobre 2015. Ce contrat lui ayant été proposé le 17 septembre 2015, son acceptation a entraîné la rupture du contrat de travail au terme du délai de réflexion de 21 jours dont elle disposait, soit le 8 octobre 2015. Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié, en application des premiers textes susvisés, lorsque le délai dont dispose le salarié pour faire connaître sa réponse à la proposition de contrat de sécurisation professionnelle expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail. En l'espèce, la Sarl Smithers Oasis France a motivé la proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle par le déménagement définitif du siège social de l'entreprise et le refus de mutation de Mme [R]. La lettre de licenciement reprend les mêmes motifs en précisant que le déménagement du siège social de l'entreprise intervient dans le cadre d'une réorganisation ''visant notamment à optimiser [les] coûts et à améliorer la synergie du personnel'', le refus de mutation de la salarié et l'absence de possibilités de reclassement. La clause de mobilité insérée dans le contrat de travail se limitant au Bas-Rhin, la mutation de la salariée dans le département de l'Aude, soit à plus de 900 kilomètres de [Localité 2] dans un autre bassin d'emploi, constituait une modification de son contrat de travail. Le seul refus par la salariée d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. La rupture du contrat de travail résultant du refus par cette dernière d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique. L'employeur n'a pas allégué que la réorganisation de l'entreprise qui justifiait cette mutation résultait de difficultés économiques, de mutations technologiques ou était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise afin de prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi. La lettre de proposition du contrat de sécurisation professionnelle est silencieuse sur ce point, tandis que la lettre de licenciement fait état d'une réorganisation ayant pour finalité une optimisation des coûts et l'amélioration de la synergie du personnel, ce qui n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 1233-3 du code du travail. En conséquence, le licenciement de Mme [R] est dépourvu d'une cause économique réelle et sérieuse » ;
1. ALORS QUE la lettre de licenciement qui fait état d'une réorganisation de l'entreprise et du refus, par le salarié, de la mutation géographique qui en résulte est suffisamment motivée, peu important qu'elle ne précise pas si cette réorganisation est justifiée par des difficultés économiques ou si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'il appartient au juge, en cas de litige, de rechercher si cette réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'en l'espèce, la lettre remise à la salariée, lorsque l'employeur lui a proposé un contrat de sécurisation professionnelle, expose que la procédure de licenciement engagée à son encontre est « motivée par le déménagement définitif du siège social de notre société de [Localité 2] à [Localité 1] impliquant le transfert des salariés en poste à [Localité 2] », le « refus de mutation » de la salariée et l'impossibilité de la reclasser ; que la lettre de licenciement reçue par la salariée avant qu'elle accepte le contrat de sécurisation professionnelle reprend les mêmes motifs, en précisant que la réorganisation vise « à optimiser les coûts et à améliorer la synergie du personnel » ; qu'en retenant, pour juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'employeur n'a pas « allégué que la réorganisation de l'entreprise (?) résultait de difficultés économiques, de mutations technologiques ou était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité », la lettre de proposition du contrat de sécurisation professionnelle étant silencieuse sur ce point et la lettre de licenciement faisant état d'une réorganisation ayant pour finalité une optimisation des coûts et l'amélioration de la synergie du personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail ;
2. ALORS QUE la lettre de licenciement qui fait état d'une réorganisation de l'entreprise et du refus, par le salarié, de la mutation géographique qui en résulte est suffisamment motivée, peu important qu'elle ne précise pas si cette réorganisation est justifiée par des difficultés économiques ou si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'il appartient au juge, en cas de litige, de rechercher si cette réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Smithers Oasis France soutenait que le regroupement des activités de l'entreprise sur le site de [Localité 1] et le déménagement du siège social sur ce site était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, au regard notamment de « la baisse de chiffre d'affaires avérée, des prévisions et du déficit sur le bilan 2014 » (conclusions visées par la cour d'appel, p. 16) ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette réorganisation n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, au motif inopérant que cette précision ne figurait pas sur la lettre de proposition du contrat de sécurisation professionnelle et la lettre de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail.