CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 septembre 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Décision n° 10486 F
Pourvoi n° E 20-11.745
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [C] veuve [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 novembre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2021
La Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-11.745 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre - protection sociale), dans le litige l'opposant à Mme [K] [C], veuve [T], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations écrites de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [C] veuve [T], après débats en l'audience publique du 30 juin 2021 où étaient présentes Mme Taillandier-Thomas, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, Mme Coutou, conseiller, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision déférée dans toutes ses dispositions, d'avoir débouté la CANSSM « de ses demandes contraires au présent arrêt » et de l'avoir condamné aux dépens.
Aux motifs propres que : « Sur le droit à pension de réversion : qu'en vertu de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, en cas de décès de l'assuré, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion à partir d'un âge et dans les conditions déterminées par décret si ses ressources personnelles ou celles du ménage n'excèdent pas des plafonds fixés par décret ; que la qualité de conjoint, en présence d'un élément d'extranéité, s'apprécie selon la loi désignée par la règle de conflit de loi applicable, laquelle peut être fixée par une convention internationale ou à défaut, par les règles françaises de droit international privé telles que fixées par les articles L. 202-1 et suivants du code civil ; qu'il n'appartient pas à la juridiction de la sécurité sociale d'apprécier la validité d'un mariage contracté à l'étranger entre personnes de nationalité étrangère au regard des règles fixées par les dispositions de l'article 47 du code civil, mais de déterminer les effets de ce mariage afin d'apprécier la possibilité pour la seconde épouse du pensionné de se prévaloir au statut de conjoint survivant ; qu'en l'absence d'annulation du mariage, la qualité de conjoint survivant est acquise ; qu'en l'espèce, Monsieur [L] [T] et Madame [K] [C], tous deux de nationalité marocaine, se sont mariés au Maroc le [Date mariage 1] 1985 ; qu'en vertu de la règle de conflit de loi applicable, la loi marocaine régit les conditions de validité du mariage célébré entre ces derniers, laquelle autorise la polygame ; que l'article 4 de la convention conclue entre la France et le Maroc, relative au statut des personnes et de la famille, ratifiée par décret du 27 mai 1983 dispose que " la loi de l'un des deux états désignés par la Convention ne peut être écartée par les juridictions de l'autre État que si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public
" ; qu'à cet égard, l'ordre public français ne fait pas obstacle à l'acquisition de droits en France sur le fondement d'une situation créée sans fraude à l'étranger, en conformité avec la loi ayant compétence en vertu du droit international privé ; que par ailleurs, il est établi que le premier mariage de Monsieur [L] [T] avec Madame [Y] [R] a été dissout par divorce, tandis que le second mariage de celui-ci avec Madame [K] [C] n'a pas été annulé, le délai pour ce faire étant expiré ; qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que Madame [K] [C] veuve [T] était fondée à se prévaloir de la qualité de conjoint survivant au sens de l'article L 353-1 du code de la sécurité sociale, et renvoyé [K] [C] veuve [T] à la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) pour régularisation de ses droits au regard de la demande de pension minière de réversion » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que : « Sur le droit à la pension de réversion : qu'en application de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, en cas de décès de l'assuré, son conjoint a droit à une pension de réversion à partir d'un âge et dans des conditions déterminées par décret si ses ressources personnelles ou celles du ménage n'excèdent pas des plafonds fixés par décret ; que la qualité de conjoint, en présence d'un élément d'extranéité, s'apprécie selon la loi désignée par la règle de conflit de loi applicable, laquelle peut être fixée par une convention internationale ou à défaut par les règles françaises de droit international privé telles que fixées par les articles L. 202-1 et suivants du code civil ; que s'il n'appartient pas au tribunal des affaires de la sécurité sociale d'apprécier la validité d'un mariage contracté à l'étranger entre personnes de nationalité étrangère au regard des règles fixées par les dispositions de l'article 147 du code civil, il lui revient de déterminer les effets de ce mariage afin d'apprécier la possibilité pour la seconde épouse du pensionné de se prévaloir du statut de conjoint survivant ; qu'il est, à ce titre, jugé de manière constante que la conception française de l'ordre public international s'oppose à ce que le mariage polygamique contracté à l'étranger par celui qui est encore l'époux d'une française produise ses effets à l'encontre de celle-ci et ce afin d'assurer la protection de cette dernière ; qu'en revanche, les effets d'un mariage célébré à l'étranger entre deux personnes de nationalité étrangère dont l'une est le conjoint d'une personne de nationalité française et alors que les liens de ce mariage n'ont été dissous que postérieurement à la célébration du second mariage, ne sont pas remis en cause par la conception française de l'ordre public international dès lors que la première épouse ne se prévaut pas de sa qualité de conjoint survivant sur le fondement de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale ; qu'enfin, en l'absence d'annulation du mariage, il est dorénavant jugé que la qualité de conjoint survivant est acquise (Cass. Civ 2ème, 9 octobre 2014, pourvois n° 13.22-499 et 13.20-864) ; que ceci exposé, [L] [T] et sa seconde épouse née [K] [C], tous deux de nationalité marocaine, se sont mariés au Maroc le [Date mariage 1] 1985 ; qu'à ce titre, la convention conclue entre la République française et le Royaume du Maroc relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire ratifiée par décret du 27 mai 1983 prévoit en son article 5 que « les conditions de fond du mariage telles que l'âge matrimonial et le consentement de même que les empêchements, notamment ceux résultant des liens de parenté ou d'alliance, sont régies pour chacun des futurs époux par la loi de celui des deux États dont il a la nationalité » ; qu'en l'espèce, la règle de conflit de loi désigne donc la loi marocaine pour régir les conditions de validité du mariage célébré entre les époux [T]-[C], laquelle autorise la polygamie, à la différence du droit français ; qu'il est prévu en outre par l'article 4 de la même convention que « la loi de l'un des deux États désignés par la présente convention ne peut être écartée par les juridictions de l'autre État que si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public » ; que la caisse invoque précisément dans le cas présent la contrariété à la conception française de l'ordre public international en ce que celle-ci prohiberait, de manière générale, la polygamie et empêcherait ainsi à tout mariage contracté dans ces conditions de produire ses effets à l'égard des tiers ; qu'en réalité, ladite conception française de l'ordre public international interdit à tout mariage contracté dans ces conditions de produire ses effets à l'égard de la première épouse c'est à dire en l'espèce [Y] [R] ; que pour autant, il n'est pas contraire à cette conception de l'ordre public international de laisser le second mariage produire ses effets à l'égard des tiers des lors que la première épouse ne se prévaut pas de sa qualité de conjoint survivant et que le premier mariage a finalement été dissous ; qu'en l'espèce, la caisse ne justifie nullement avoir accordé à [Y] [R] une pension de réversion ; qu'en outre, il est constant que le mariage des époux [M] a été dissout par divorce tandis que celui des époux [T]-[C] n'a pas été annulé et que le délai de contestation est dorénavant expiré ; que dans ces conditions, [K] [T] est fondée à se prévaloir de sa qualité de conjoint survivant au sens de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale et à solliciter le bénéfice d'une pension de réversion » ;
1) Alors que la conception française de l'ordre public international s'oppose à ce que le mariage polygamique contracté à l'étranger par celui qui est encore l'époux d'une française produise des effets en France ; qu'en cas de mariage polygamique de l'assuré, la pension de réversion ne peut être partagée au bénéfice de la deuxième épouse, liée par une union contraire à l'ordre public international ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le mariage entre Madame [C] et Monsieur [T] a été célébré au Maroc alors que ce dernier était encore marié avec Madame [R] en France ; que pour reconnaître à Madame [C] la qualité de conjoint survivant, les juges d'appel ont constaté que le premier mariage de Monsieur [T] avec Madame [R] a été dissout par divorce et que le second mariage n'avait pas été annulé, le délai étant expiré ; que la cour d'appel a en outre retenu que l'ordre public français ne fait pas obstacle à l'acquisition de droits en France sur le fondement d'une situation créée sans fraude à l'étranger, en conformité avec la loi ayant compétence en vertu du droit international privé ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel, qui a méconnu l'ordre public international français, a violé l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale.
2) Alors que la conception française de l'ordre public international s'oppose à ce que le mariage polygamique contracté à l'étranger par celui qui est encore l'époux d'une française produise des effets en France ; que, conformément au code de la sécurité sociale, le conjoint divorcé peut légitimement se prévaloir du bénéfice de la pension de réversion tant qu'il ne s'est pas remarié ; que pour reconnaître à Madame [C] la qualité de conjoint survivant, la cour d'appel s'est bornée à constater que le premier mariage de Monsieur [T] avec Madame [Y] [R] a été dissout par divorce ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à attribuer à Madame [C] la qualité de conjoint survivant, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 353-3 du code de la sécurité sociale.