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22/09/2021 | FRANCE | N°20-10989

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2021, 20-10989


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1012 F-D

Pourvoi n° G 20-10.989

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

M. [N] [X], domicilié [Adresse 2], a f

ormé le pourvoi n° G 20-10.989 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'oppos...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1012 F-D

Pourvoi n° G 20-10.989

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

M. [N] [X], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 20-10.989 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Antoine Moreau (EHPAD), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [X], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Antoine Moreau (EHPAD), et après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur ayant voix délibératoire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 22 novembre 2019), M. [X] a été engagé le 18 juin 2012, en qualité d'infirmier, par l'association Antoine Moreau, gestionnaire d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif du 31 octobre 1951.

2. Après avoir notifié au salarié deux avertissements en septembre puis octobre 2013, l'employeur lui a adressé un blâme en septembre 2015.

3. Le 10 septembre 2016, le salarié a été licencié pour faute grave.

4. Contestant les sanctions disciplinaires et son licenciement, M. [X] a saisi la juridiction prud'homale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à la condamnation de son employeur à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour sanctions injustifiées, alors :

« 1°/ que l'article L. 1333-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige portant sur une sanction disciplinaire prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié, l'employeur fournit au juge prud'homal les éléments retenus pour prendre la sanction, qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge prud'homal forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, et que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'il en résulte que le juge prud'homal ne peut se fonder uniquement, pour débouter le salarié de sa contestation d'une sanction disciplinaire prononcée à son encontre, sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, mais doit examiner les éléments retenus pour prendre la sanction disciplinaire que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'en se bornant, par conséquent, à énoncer, au sujet de la réalité des faits invoqués par l'association Antoine Moreau pour justifier les sanctions disciplinaires qu'elle avait prononcées à l'encontre de M. [X], pour débouter M. [X] de ses contestations des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre par l'association Antoine Moreau, que si M. [X] venait aujourd'hui contester les reproches fondant ces sanctions, il ne versait aux débats aucun élément de contrariété de faits ayant justifié des sanctions proportionnées, quand, en se déterminant de la sorte, elle se fondait, quant à la réalité des faits litigieux, uniquement sur l'insuffisance des preuves apportées par M. [X], la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail ;

2°/ que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer et ne peut, en conséquence, se déduire du silence ou de l'absence de contestation de son titulaire ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter M. [X] de ses contestations des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre par l'association Antoine Moreau, que M. [X] ne justifiait pas avoir contesté, sous quelque forme que ce soit, ces sanctions disciplinaires au moment où elles ont été prononcées ainsi que dans les mois, voire les années, qui ont suivi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Sous le couvert de griefs de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par laquelle la cour d'appel a retenu, sans inverser la charge de la preuve, que les faits reprochés étaient établis.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que la cour d'appel de Bourges ayant retenu que les faits reprochés à M. [X] constituaient une faute grave en raison, notamment, des sanctions disciplinaires qui avaient été antérieurement prononcées à son encontre, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera la cassation, par voie de conséquence, en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, de l'arrêt attaqué, en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes tendant à la condamnation de l'association Antoine Moreau à lui payer la somme de 2 630,89 euros à titre d'indemnité de licenciement, la somme de 6 219,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 6 21,96 euros au titre des congés payés sur préavis et la somme de 37 317,72 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2°/ que l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que les pouvoirs des organes d'une association sont fixés par les statuts de cette association ; qu'en l'absence de disposition statutaire contraire attribuant cette compétence à un autre organe de l'association, il entre dans les attributions du président d'une association de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié de cette association ; qu'il en résulte qu'en l'absence de disposition statutaire attribuant le pouvoir de licencier à un organe autre que le président de l'association, est privé de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par une lettre de licenciement signée par une personne ne disposant pas, de la part du président de l'association, d'une délégation du pouvoir de licencier conforme aux statuts de l'association ; qu'en se fondant, dès lors, pour écarter le moyen soulevé par M. [X] tiré de ce que la lettre de licenciement avait été signée par Mme [S], directrice salariée de l'association Antoine Moreau, et tiré du défaut de pouvoir de licencier de Mme [S], sur l'existence d'une délégation du pouvoir de licencier donnée à Mme [S] prévue par le contrat de travail de cette dernière, sans constater que les statuts de l'association Antoine Moreau attribuaient le pouvoir de licencier un salarié de l'association à un organe autre que le président de l'association Antoine Moreau, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [X], si les statuts de l'association Antoine Moreau ne subordonnaient pas le pouvoir du président de l'association Antoine Moreau de déléguer ses attributions à une autorisation du conseil d'administration de l'association Antoine Moreau ou, en cas d'urgence, au bureau de l'association Antoine Moreau, ni relever que le président de l'association Antoine Moreau avait délégué à Mme [S] le pouvoir de licencier un salarié de l'association Antoine Moreau avec l'autorisation du conseil d'administration ou du bureau de l'association Antoine Moreau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 et de l'article 1232-6 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause ;

3°/ que l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'absence de disposition statutaire contraire attribuant cette compétence à un autre organe de l'association, il entre dans les attributions du président d'une association de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié de cette association ; qu'il en résulte qu'en l'absence de disposition statutaire attribuant le pouvoir de licencier à un organe autre que le président de l'association, est privé de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par une lettre de licenciement signée par une personne ne disposant pas, de la part du président de l'association, d'une délégation du pouvoir de licencier conforme aux statuts de l'association ; qu'en se fondant, dès lors, pour écarter le moyen soulevé par M. [X] tiré de ce que la lettre de licenciement avait été signée par Mme [S], directrice salariée de l'association Antoine Moreau, et tiré du défaut de pouvoir de licencier de Mme [S], sur l'existence d'une délégation du pouvoir de licencier donnée à Mme [S] prévue par le contrat de travail de cette dernière, sans constater que les statuts de l'association Antoine Moreau attribuaient le pouvoir de licencier un salarié de l'association à un organe autre que le président de l'association Antoine Moreau, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [X], si les statuts de l'association Antoine Moreau n'autorisaient pas le président de l'association Antoine Moreau à déléguer ses attributions que par un pouvoir spécial et pour une durée limitée, ni relever que le président de l'association Antoine Moreau avait délégué à Mme [S] le pouvoir de licencier M. [X] par un pouvoir spécial d'une durée limitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 et de l'article 1232-6 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que la directrice avait reçu délégation du pouvoir de licencier conformément aux dispositions du code de l'action sociale et des familles et que les statuts de l'association ne prévoyaient pas de disposition contraire, a légalement justifié sa décision.

10. Le moyen, privé de portée en sa première branche par suite du rejet du premier moyen, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Barincou, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. [X]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. [N] [X] de sa demande tendant à la condamnation de l'association Antoine Moreau à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanctions injustifiées ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. [X] conteste d'abord la possibilité pour son employeur de prononcer les sanctions d'avertissement et de blâme, faute de justifier d'un règlement intérieur régulier. / Si en application des dispositions de l'article L. 1311-2 du code du travail, la sanction disciplinaire, autre que le licenciement, ne peut être prononcée par un employeur d'au moins 20 salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur, lequel est soumis aux formalités de l'article L. 1321-4 du même code, il apparaît qu'en l'espèce ces conditions étaient réunies. / En effet, l'employeur a versé aux débats la copie du règlement intérieur de l'établissement daté du 14 mars 2012 et qui, contrairement aux affirmations de M. [X], a été soumis pour avis aux délégués du personnel en réunion le 14 mars 2002 et adressé à l'inspection du travail de Bourges, accompagné de l'avis, ainsi que déposé au conseil de prud'hommes de Bourges, respectant ainsi les prescriptions légales. / Ce règlement intérieur prévoit expressément en ses articles 32 et 3 » une liste, non exhaustive, des actes troublant la discipline, où figurent d'ailleurs le manque de respect aux personnes accueillies et au personnel de l'établissement ainsi que la mauvaise volonté dans l'exécution du travail, ainsi que l'échelle des sanctions prononçables incluant les fautes légères dont la sanction peut consister en un avertissement, un blâme ou encore une mise à pied. / Quant à la validité des sanctions prononcées sur le fonde, les dispositions de l'article L. 1332-1 du code du travail imposent à l'employeur de formuler par écrit les griefs reprochés qui doivent être suffisamment précis. / Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que les deux avertissements et le blâme infligés à M. [X] ont chacun fait l'objet d'un écrit, que notamment le blâme a été notifié après un entretien préalable et au vu de faits circonstanciés datés des 7 août, 14, 15 et 19 juillet 2015 évoquant l'intimidation d'une aide-soignante, une erreur de prescription médicale, une information erronée donnée à la famille d'une résidente quant à sa réorientation et un refus de se déplacer pour constater l'état de santé d'une résidente qui a dû être hospitalisée. / Si M. [X] vient contester aujourd'hui les reproches fondant ces sanctions, il ne verse aux débats aucun élément de contrariété de ces faits ayant justifié des sanctions proportionnées prononcées en 2013 et 2015 qu'il ne justifie pas avoir contestées sous quelque forme que ce soit dans les mois, voire années, qui ont suivi. / C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté M. [X] de ses prétentions sur ce point » (cf., arrêt attaqué, p. 3 et 4) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'« au moment où les sanctions lui ont été infligées, M. [X] n'a pas contesté les griefs invoqués. / En conséquence, il sera débouté de sa demande d'annulation de sanctions disciplinaires » (cf., jugement entrepris, p. 5) ;

ALORS QUE, de première part, l'article L. 1333-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige portant sur une sanction disciplinaire prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié, l'employeur fournit au juge prud'homal les éléments retenus pour prendre la sanction, qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge prud'homal forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, et que si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'il en résulte que le juge prud'homal ne peut se fonder uniquement, pour débouter le salarié de sa contestation d'une sanction disciplinaire prononcée à son encontre, sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, mais doit examiner les éléments retenus pour prendre la sanction disciplinaire que l'employeur est tenu de lui fournir ; qu'en se bornant, par conséquent, à énoncer, au sujet de la réalité des faits invoqués par l'association Antoine Moreau pour justifier les sanctions disciplinaires qu'elle avait prononcées à l'encontre de M. [N] [X], pour débouter M. [N] [X] de ses contestations des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre par l'association Antoine Moreau, que si M. [N] [X] venait aujourd'hui contester les reproches fondant ces sanctions, il ne versait aux débats aucun élément de contrariété de faits ayant justifié des sanctions proportionnées, quand, en se déterminant de la sorte, elle se fondait, quant à la réalité des faits litigieux, uniquement sur l'insuffisance des preuves apportées par M. [N] [X], la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail ;

ALORS QUE, de seconde part, la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer et ne peut, en conséquence, se déduire du silence ou de l'absence de contestation de son titulaire ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter M. [N] [X] de ses contestations des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre par l'association Antoine Moreau, que M. [N] [X] ne justifiait pas avoir contesté, sous quelque forme que ce soit, ces sanctions disciplinaires au moment où elles ont été prononcées ainsi que dans les mois, voire les années, qui ont suivi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 1103 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. [N] [X] de ses demandes tendant à la condamnation de l'association Antoine Moreau à lui payer la somme de 2 630, 89 euros à titre d'indemnité de licenciement, la somme de 6 219, 62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 621, 96 euros au titre des congés payés sur préavis et la somme de 37 317, 72 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'appelant soutient que la signataire de sa lettre de licenciement, en l'occurrence Mme [S], directrice de l'établissement, ne disposait pas du pouvoir pour la signer. / Cependant, ni les statuts ni le règlement intérieur de l'établissement ne prévoient de dispositions contraires au principe que la notification du licenciement doit émaner de l'employeur ou de son représentant et il est admis que la délégation du pouvoir de licencier peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement. / Le contrat de travail de Mme [S] prévoit une délégation de pouvoir spéciale qui lui confie le soin d'assurer la procédure de recrutement, l'établissement et la signature des contrats de travail, de même qu'il précise qu'elle est responsable de la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire et que " concernant d'éventuelles mesures de licenciement, elles doivent être approuvées préalablement par le président ". / Il s'en évince, comme l'a retenu justement le conseil de prud'hommes, que Mme [S] avait bien qualité pour signer la lettre de licenciement à la seule condition de l'autorisation préalable du directeur pour licencier. Sur ce point, sachant qu'aucune forme particulière n'était exigée, il résulte de manière suffisante des échanges antérieurs à la lettre de licenciement du 10 septembre 2016, que non seulement la présidente de l'association avait été informée de l'intention de licencier M. [X] mais qu'ainsi qu'elle l'explique dans son attestation, dont la régularité n'est pas critiquable, elle avait donné son accord pour le licencier. / Ainsi le licenciement était bien régulier en la forme. / Au fond. / Il sera liminairement rappelé qu'en vertu des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement, lesquels fixent les limites du litige soumis au juge auquel il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs ainsi invoqués et délimités par l'employeur, en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Il est également précisé que la faute grave suppose qu'elle rende impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et que la preuve d'une telle gravité incombe à l'employeur qui s'en prévaut. / L'association Antoine Moreau a licencié M. [X] par lettre en date du 10 septembre 2016 dans les termes suivants : " Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 7 septembre 2016, nous vous notifions par la présente votre licenciement sans préavis ni indemnité pour faute grave et ceci pour les motifs exposés lors de cet entretien, à savoir votre défaillance fautive dans la réalisation de votre prestation de travail ainsi que voter attitude déplacée, lesquelles se caractérisent de la manière suivante. Vous occupez l'emploi d'infirmier au sein de notre maison de retraite depuis le 18 juin 2012. Dans le cadre de vos missions, vous êtes notamment amené à : -poser un diagnostic infirmier et prendre l'initiative des soins relevant de votre rôle propre ; - gérer les soins ainsi que le dossier de soins infirmiers ; - assister et soulager les personnes qui ne peuvent faire seules les actes ordinaires de la vie courante ; - être en relation avec les usagers et leurs familles, missions qui nécessitent bienveillance, attention et discrétion. Nous avons cependant relevé les griefs suivants : - votre légèreté dans l'accomplissement de vos missions : Vous ne respectez pas les prescriptions médicales des usagers. À titre d'exemple, le 31 août 2016, nous avons notamment été alertés sur le fait que vous ne donnez pas le traitement médical complet de l'une des résidentes, Mme X. Cette dernière est contrainte, régulièrement, de vous demander le comprimé manquant de Comadine. Ce même jour, une autre résidente a dû vous réclamer son traitement au déjeuner. Le 8 juillet, l'animatrice vous a rappelé car lors de son animation, une usagère, Madame X, se plaignait d'avoir mal à l'oreille. Après lui avoir indiqué que vous la rejoindrez rapidement, vous êtes arrivé 20 minutes après son appel pour regarder l'animation. La salariée a dû insister pour que vous examiniez Mme X. Le docteur [R] a même refusé de prendre en charge l'une de nos résidentes pour ne pas travailler avec vous. Enfin, nous sommes toujours dans l'attente de l'accomplissement de vos missions en votre qualité de référent Répertoire opérationnel des ressources de la région Centre qui consistent en la mise à jour du plan canicule et à la transmission sur le site internet dédié et ce en dépit de nos nombreuses relances et de celles de l'ARS ; - votre comportement irrespectueux envers les usagers et les salariés de la maison de retraite : Nous avons récemment appris que vous preniez des photographies des résidents et de vos collègues de travail sans leur autorisation. Ainsi, le 22 juillet, vous avez pris une photographie de votre collègue de travail Mme [I] laquelle aidait au repas de l'une des usagères, Mme S. Nous avons récemment appris qu'il ne s'agissait pas d'un fait isolé puisque le 9 mai 2016, vous avez pris des photographies de l'unité Alzheimer et ce tant des résidents que de leur environnement et tout particulièrement une photographie de M. P pendant que ce dernier mangeait avec ses mains. Votre attitude est irrespectueuse des personnes dépendantes et fragiles qui nous sont confiées et indigne de votre profession. Vous avez même déclaré que vous vous " faisiez chier " dans l'unité Alzheimer. Un autre jour, vous aviez décidé de jeter le bouquet de fleurs reçu par l'une des résidentes en déclarant qu'" il y en avait trop dans le service et que c'est laid ". Vous apercevant que la fille de cette résidente était présente, vous vous êtes ravisé. Vos collègues de travail nous ont également fait part du temps passé au cours de vos journées de travail avec votre téléphone portable personnel à envoyer des messages électroniques. Ce n'est malheureusement pas la première fois que nous avons à déplorer de tels manquements dans l'exécution de vos missions et vos attitudes irrespectueuses et déplacées, vous êtes ainsi en état de récidive et ce malgré le fait que nous ayons déjà attiré votre attention sur vos manquements. Les sanctions suivantes vous ont déjà été notifiées un avertissement le 24 septembre 2013, un avertissement le 8 octobre 2013, un blâme le 7 septembre 2015. Force est de constater que votre comportement demeure inchangé. Les manquements sus détaillés à vos obligations contractuelles sont constitutifs d'une faute grave. En effet, votre attitude et votre manque de sérieux sont inadmissibles et incompatibles avec l'exécution de vos fonctions, dans la mesure où vous devez comprendre que nous sommes en droit d'attendre une attitude respectable et responsable alors que nous prônons un climat serein au sein de notre association et qu'une image de qualité et de confiance doit être donnée à nos résidents ainsi qu'à leur famille et à tout autre interlocuteur de notre maison de retraite. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'association s'avère impossible et ces faits justifient la rupture immédiate de votre contrat de travail ". / Il s'évince des termes de la lettre de licenciement que les faits reprochés sont suffisamment précis et détaillés, l'employeur communique les attestations circonstanciées et concordantes de Mme [P], [J], [W], [Q] exactement analysées et appréciées par les premiers juges, la cour se référant aux motifs développés sur ce point dans la décision déférée, ces pièces suffisant pour établir la réalité des faits reprochés répétés et ce malgré deux avertissements et un blâme antérieurs manifestement insuffisants pour contraindre M. [X] à adopter un comportement adéquat dans l'exercice de ses fonctions tant vis-à-vis des résidents que de ses collègues. / M. [X], s'il conteste ou minimise les faits imputés, ne verse aucun élément aux débats permettant de contredire les attestants, se contentant de produire une attestation ([M]) qui évoque de manière générale son professionnalisme et vient dire que la prise de photographies était courante à l'occasion d'activités et ce aux fins d'exposition dans la structure, alors cependant que le reproche qui est fait à M. [X] est d'avoir pris des photos de résidents, en dehors de toute activité, et dans des situations qui ne le justifiaient pas au regard du contexte, tel que photographier un résident aveugle mangeant avec ses mains. / Les manques de précaution élémentaires dans ses rapports avec les résidents et collègues traduisant un manque de respect envers eux ainsi que le désintérêt manifesté pour son travail, que révèlent ces attestations, constituent bien une faute inacceptable de la part d'un salarié, justifiant d'une certaine expérience professionnelle, dans l'exercice de fonctions le mettant en relation avec des personnes hébergées dans un Ehpad et donc par hypothèse dépendantes. / C'est donc sans pertinence que M. [X] conteste la gravité de la faute suffisamment démontrée par la répétition de manquements dans l'exercice même de la mission d'infirmier susceptibles de conséquences médicales sérieuses ainsi que dans le comportement envers les collègues et résidents, et ce malgré deux avertissements et un blâme préalables. / En conséquence de ces motifs, la cour confirme la décision déférée en ce qu'elle a dit le licenciement exactement fondé sur une faute grave et débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes » (cf., arrêt attaqué, p. 4 à 7) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « M. [X] soutient que son licenciement est injustifié pour irrégularité de la signature de la lettre de licenciement et que les motifs de son licenciement sont injustifiés. / Sur la signature de la lettre de licenciement. / Pour justifier la régularité de la signature de la lettre de licenciement, l'Ehpad Antoine Moreau fournit le contrat de travail de la directrice et un document unique de délégation qu'elle dit annexé au contrat. / M. [X] soutient que la directrice, Mme [S], n'avait aucune délégation de pouvoir de la part de Mme [L], présidente de l'Ehpad Antoine Moreau. / Que le document unique de délégation n'était pas annexé au contrat de la directrice. / Que la délégation de pouvoir signée en 2010 est irrégulière. / Le contrat de travail de Mme [S] prévoit dans son article 3 - Fonctions - " en votre qualité de directrice, vous devez mener à bonne fin notamment des missions dans les quatre domaines suivants sur délégation de la présidente ou du conseil d'administration?gestion et administration des ressources humaines?". / La gestion des ressources humaines intervient à tous les stades de la vie des collaborateurs dont l'entrée et la sorte dans l'entreprise. / Cette mission est précisée dans un document unique de délégation écrit et remis à la directrice, Mme [S], conformément aux dispositions de l'article D. 312-1 du code de l'action sociale qui dispose que la personne morale qui confie à un professionnel la direction d'un établissement doit préciser par écrit dans un document unique les compétences et missions confiées à ce personnel. / Il entrait donc dans les missions de Mme [S] de pouvoir embaucher M. [X] par contrat du 18 juin 2012 et de pouvoir le licencier. / En conséquence, M. [X] ne peut se prévaloir de l'irrégularité de la signature de Mme [S] sur la lettre de licenciement pour que le licenciement soit réputé sans cause réelle ni sérieuse. / Sur les faits reprochés. / M. [N] [X] a été licencié aux motifs suivants : " Légèreté dans l'accomplissement de vos missions : Vous ne respectez pas les prescriptions médicales. À titre d'exemple, le 31 août 2016, nous avons notamment été alertés sur le fait que vous ne donnez pas le traitement médical complet de l'une des résidentes. Une autre résidente a dû vous réclamer son traitement. Le 8 juillet, l'animatrice vous a rappelé pour une usagère, vous êtes arrivé 20 minutes après son appel. Le docteur [R] refuse de travailler avec vous. Nous sommes en attente de l'accomplissement de vos missions en votre qualité de référent Répertoire opérationnel des ressources de la région Centre?et ce en dépit de nos nombreuses relances et de celles de l'ARS ; - votre comportement irrespectueux envers les usagers et les salariés de la maison de retraite : vous avez pris des photos des résidents et de vos collègues de travail sans leur autorisation. Votre attitude est irrespectueuse des personnes dépendantes et fragiles qui nous sont confiées. Vous êtes en état de récidive et ce, malgré le fait que nous ayons déjà attiré votre attention sur vos manquements. Des sanctions vous ont été notifiées : avertissements du 24 septembre 2013 et du 8 octobre 2013, blâme du 7 septembre 2015 ". / Sur la légèreté blâmable dans son statut d'infirmier. / » (cf., jugement entrepris, p. 5) ;

ALORS QUE, de première part, la cour d'appel de Bourges ayant retenu que les faits reprochés à M. [N] [X] constituaient une faute grave en raison, notamment, des sanctions disciplinaires qui avaient été antérieurement prononcées à son encontre, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera la cassation, par voie de conséquence, en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, de l'arrêt attaqué, en ce qu'il a débouté M. [N] [X] de ses demandes tendant à la condamnation de l'association Antoine Moreau à lui payer la somme de 2 630, 89 euros à titre d'indemnité de licenciement, la somme de 6 219, 62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 621, 96 euros au titre des congés payés sur préavis et la somme de 37 317, 72 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE, de deuxième part, l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que les pouvoirs des organes d'une association sont fixés par les statuts de cette association ; qu'en l'absence de disposition statutaire contraire attribuant cette compétence à un autre organe de l'association, il entre dans les attributions du président d'une association de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié de cette association ; qu'il en résulte qu'en l'absence de disposition statutaire attribuant le pouvoir de licencier à un organe autre que le président de l'association, est privé de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par une lettre de licenciement signée par une personne ne disposant pas, de la part du président de l'association, d'une délégation du pouvoir de licencier conforme aux statuts de l'association ; qu'en se fondant, dès lors, pour écarter le moyen soulevé par M. [N] [X] tiré de ce que la lettre de licenciement avait été signée par Mme [K] [S], directrice salariée de l'association Antoine Moreau, et tiré du défaut de pouvoir de licencier de Mme [K] [S], sur l'existence d'une délégation du pouvoir de licencier donnée à Mme [K] [S] prévue par le contrat de travail de cette dernière, sans constater que les statuts de l'association Antoine Moreau attribuaient le pouvoir de licencier un salarié de l'association à un organe autre que le président de l'association Antoine Moreau, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [N] [X], si les statuts de l'association Antoine Moreau ne subordonnaient pas le pouvoir du président de l'association Antoine Moreau de déléguer ses attributions à une autorisation du conseil d'administration de l'association Antoine Moreau ou, en cas d'urgence, au bureau de l'association Antoine Moreau, ni relever que le président de l'association Antoine Moreau avait délégué à Mme [K] [S] le pouvoir de licencier un salarié de l'association Antoine Moreau avec l'autorisation du conseil d'administration ou du bureau de l'association Antoine Moreau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 et de l'article 1232-6 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause ;

ALORS QUE, de troisième part, l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'absence de disposition statutaire contraire attribuant cette compétence à un autre organe de l'association, il entre dans les attributions du président d'une association de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié de cette association ; qu'il en résulte qu'en l'absence de disposition statutaire attribuant le pouvoir de licencier à un organe autre que le président de l'association, est privé de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par une lettre de licenciement signée par une personne ne disposant pas, de la part du président de l'association, d'une délégation du pouvoir de licencier conforme aux statuts de l'association ; qu'en se fondant, dès lors, pour écarter le moyen soulevé par M. [N] [X] tiré de ce que la lettre de licenciement avait été signée par Mme [K] [S], directrice salariée de l'association Antoine Moreau, et tiré du défaut de pouvoir de licencier de Mme [K] [S], sur l'existence d'une délégation du pouvoir de licencier donnée à Mme [K] [S] prévue par le contrat de travail de cette dernière, sans constater que les statuts de l'association Antoine Moreau attribuaient le pouvoir de licencier un salarié de l'association à un organe autre que le président de l'association Antoine Moreau, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée par M. [N] [X], si les statuts de l'association Antoine Moreau n'autorisaient pas le président de l'association Antoine Moreau à déléguer ses attributions que par un pouvoir spécial et pour une durée limitée, ni relever que le président de l'association Antoine Moreau avait délégué à Mme [K] [S] le pouvoir de licencier M. [N] [X] par un pouvoir spécial d'une durée limitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 et de l'article 1232-6 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-10989
Date de la décision : 22/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 22 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 sep. 2021, pourvoi n°20-10989


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10989
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