LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 septembre 2021
Rejet
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1003 F-D
Pourvoi n° E 19-25.610
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021
La société Paprec Grand Île-de-France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 19-25.610 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [G] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Paprec Grand Île-de-France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [T], après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Duvallet, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 septembre 2019), Mme [T] a été engagée le 1er février 2008 en qualité d'attachée commerciale, par contrat de travail non écrit, par la société Metalarc, aux droits de laquelle vient la société Paprec Grand Île-de-France (la société).
2. La salariée a été licenciée le 16 avril 2013 pour faute lourde.
3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement pour faute lourde de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer des indemnités de rupture et un rappel de salaire et de congés payés afférents sur la mise à pied, alors « qu'il est constant que la salariée a été engagée par la société Metalarc à compter du 1er février 2008, sans contrat de travail écrit ; qu'en se bornant pourtant à retenir que les éléments produits aux débats sont insuffisants à rapporter la preuve que l'intéressée ait fait usage d'un faux contrat de travail, pour considérer que le contrat de travail revendiqué par elle était opposable à la société Paprec IDF et que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la salariée ne s'était pas prévalue d'un contrat de travail daté du 1er février 2008, lors de sa réclamation salariale du 12 mars 2013, contrat que seule la société Paprec avait produit au débat, le contrat produit par la salariée, en première instance comme en appel, étant daté du 24 janvier 2012, et non du 1er février 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016, et des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que les éléments produits aux débats par l'employeur étaient insuffisants à rapporter la preuve que la salariée avait fait usage d'un faux contrat de travail.
6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité de non- concurrence, alors « que la cour d'appel ayant estimé qu' '' il a déjà été retenu, selon les motifs susvisés, que la nullité et l'inopposabilité du contrat de travail écrit revendiqué par Mme [G] [T] ne peuvent être retenues'', pour considérer que la salariée pouvait prétendre à une indemnité de non-concurrence, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence celle du chef du dispositif ayant condamné la société Paprec IDF à payer à Mme [G] [T] la somme de 44 959,39 euros à titre d'indemnité de non-concurrence, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Le premier moyen ayant été rejeté, le moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence est sans portée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Paprec Grand Île-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Paprec Grand Île-de-France et la condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société Paprec Grand Île-de-France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement pour faute lourde de Mme [G] [T] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Paprec IDF à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (44 400 euros), une indemnité compensatrice de préavis (11 301,95 euros) et les congés payés afférents (1 130,19 euros bruts), une indemnité légale de licenciement, (6 077,26 euros), et un rappel de salaire sur la mise à pied (1 650,25 euros) outre les congés afférents (165,02 euros bruts) ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce, la lettre de licenciement reproche à Mme [T] l'usage d'un faux contrat de travail ayant donné lieu à la perception indue de commissions avec la complicité de l'ancien dirigeant de l'entreprise M. [E], son frère ; La société Paprec IDF se réfère aux circonstances, à la chronologie et au contexte des pièces produites par les parties, faisant valoir qu'il est impossible que le contrat de travail daté du 1er février 2008 qu'elle indique lui avoir été communiqué initialement par Mme [T] à l'appui de sa réclamation, ait été signé à cette date, que le contrat de travail daté du 24 janvier 2012 présente des divergences de présentation avec le précédent et avec ceux établis au sein du groupe Paprec, et conteste que les conditions contractuelles y figurant aient été transmises au groupe Paprec et à M. [M] en particulier ; Mme [T] conteste toute faute, estimant que le contrat de travail, ayant été régularisé le 24 janvier 2012, est parfaitement régulier et que la nouvelle direction de la société Metalarc était parfaitement informée de sa teneur et l'a appliqué sans difficulté pendant plus d'un an ; L'intimée produit le contrat de travail écrit daté du 24 janvier 2012 signé entre elle et la société Metalarc selon lequel la salariée occupait les fonctions d'attachée commerciale, avec une rémunération (qui) était constituée d'une partie fixe « correspondant au SMIC en vigueur, ainsi qu'une commission de 3 % sur toutes les commandes directes ou indirectes provenant de quelque façon que ce soit de son portefeuille clients » ; Si l'appelante soulève des incohérences matérielles, relatives au papier à en-tête utilisé par la société, au code NAF, au lieu du siège social, s'agissant du contrat de travail daté du 1er février 2008 qu'elle dit lui avoir été communiqué initialement par Mme [T], les premiers juges ont justement relevé qu'il n'est pas contesté par les parties que Mme [T] a bien été embauchée à effet du 1er février 2008 et que chacun des contrats produits (1er février 2008 et 24 janvier 2012) est signé par un représentant habilité de l'entreprise dont la qualité n'est pas contestée ; En outre, Mme [T] ne demande nullement l'application de ce contrat depuis 2008 et produit une attestation de Mme [O], qui occupait les fonctions d'assistante de direction selon laquelle le contrat de travail a été rédigé en janvier 2012 à la demande de M. [E] alors que Mme [T] faisait partie des salariés n'ayant pas de contrat de travail écrit et qu'il avait été daté par erreur de la date d'embauche de cette dernière, soit le 1er février 2008 au lieu de la date de son établissement, soit le 24 janvier 2012, ce qu'elle rectifiait ; Mme [O] ajoute qu'il lui a été demandé de transmettre le contrat régularisé à M. [M] ; M. [E] atteste dans le même sens ; par ailleurs, le contenu des stipulations contractuelles du contrat de travail daté du 1er février 2008 comme du 24 janvier 2012 produits aux débats sont les mêmes ; L'intimée rappelle que la société Metalarc a été rachetée en janvier 2012, que M. [M] en a été nommé directeur et que M. [E] a quitté son poste de président à la fin du mois d'octobre 2012 et souligne que le contrat régularisé le 24 janvier 2012 a été appliqué par la nouvelle direction pendant toute l'année 2012 ; Si M. [M] conteste dans son attestation avoir eu connaissance d'un contrat de travail tel que revendiqué par Mme [T], il demeure qu'il n'est pas justifié de contestation de l'entreprise sur la rémunération, très significativement supérieure, effectivement versée à compter de janvier 2012 et pendant toute l'année 2012, ainsi qu'il apparaît sur ses bulletins de salaire, à Mme [T] au titre des commissions, et non plus d'avances constantes et indépendantes de ses résultats commerciaux, étant rappelé que l'intimée justifie du processus de vérification et de validation de la pré-facturation sur la base de laquelle étaient calculées les commissions ; L'appelant soutient que le contrat de travail revendiqué par Mme [T] est radicalement différent des contrats établis au sein du groupe ; l'unique production du contrat de travail de M. [J] établi en mars 2013 est cependant insuffisant à en apporter la démonstration, étant observé que la société Paprec IDF n'a pas donné suite aux sommations de communiquer les contrats de travail et avenants des autres commerciaux délivrée par Mme [T] ; Compte tenu de ces éléments, l'inopposabilité du contrat de travail écrit revendiqué par Mme [T] ne peut être retenue ; En tout état de cause, les éléments produits aux débats sont insuffisants à rapporter la preuve que Mme [T] ait fait usage d'un faux contrat de travail ; En conséquence, la nullité et l'inopposabilité du contrat de travail écrit revendiqué par Mme [T] ne peuvent être retenues ; il n'y a pas lieu par suite à remboursement des rémunérations perçues par Mme [T] en application de ce contrat de travail ; la société Paprec IDF sera déboutée de ces demandes à ces titres et le jugement confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse (arrêt p. 5 à 8);
ALORS QU'il est constant que Mme [G] [T] a été engagée par la société Metalarc à compter du 1er février 2008, sans contrat de travail écrit ; qu'en se bornant pourtant à retenir que les éléments produits aux débats sont insuffisants à rapporter la preuve que Mme [G] [T] ait fait usage d'un faux contrat de travail, pour considérer que le contrat de travail revendiqué par la salariée était opposable à la société Paprec IDF et que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la salariée ne s'était pas prévalue d'un contrat de travail daté du 1er février 2008, lors de sa réclamation salariale du 12 mars 2013, contrat que seule la société Paprec avait produit au débat, le contrat produit par la salariée, en première instance comme en appel, étant daté du 24 janvier 2012 (pièce adverse n° 1), et non du 1er février 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016, et des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Paprec IDF à payer à Mme [G] [T] la somme de 44 959,39 euros à titre d'indemnité de non- concurrence ;
AUX MOTIFS QUE sur la clause de non-concurrence. Le contrat de travail prévoit en son article 9 une clause de non-concurrence et stipule notamment à ce titre qu' « en cas de rupture du présent contrat, quelle qu'en soit la cause, Mme [G] [T] s'interdit expressément d'exercer quelque activité professionnelle que ce soit sur des produits et services similaires et sur les secteurs et catégories de clients dont Mme [G] [T] était chargée de visiter et gérer au moment de la notification de la rupture du contrat » ; Elle prévoyait une contrepartie pécuniaire mensuelle spéciale d'un montant « égal à 50 % de mois durant les douze premiers mois, puis 30 % de mois les douze dernier mois d'application de la clause », étant précisé que la contrepartie financière était calculée « sur la rémunération moyenne mensuelle des douze derniers mois » ; Il a déjà été retenu, selon les motifs susvisés, que la nullité et l'inopposabilité du contrat de travail écrit revendiqué par Mme [G] [T] ne peuvent être retenues ; La stipulation de la clause de non-concurrence telle que rappelée comporte en outre une limitation territoriale, contrairement à ce qu'allègue l'appelante ; Mme [T] justifie avoir régulièrement fait parvenir à la société Metalarc ses avis de paiement Pôle emploi ; Au vu des pièces du dossier, les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties et une exacte évaluation du préjudice de la salariée en lui allouant la somme de 44 959,39 euros à titre d'indemnité de non-concurrence (arrêt p. 9) ;
ALORS QUE la cour d'appel ayant estimé qu' « il a déjà été retenu, selon les motifs susvisés, que la nullité et l'inopposabilité du contrat de travail écrit revendiqué par Mme [G] [T] ne peuvent être retenues », pour considérer que la salariée pouvait prétendre à une indemnité de non-concurrence, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence celle du chef du dispositif ayant condamné la société Paprec IDF à payer à Mme [G] [T] la somme de 44 959,39 euros à titre d'indemnité de non-concurrence, en application de l'article 624 du code de procédure civile.