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22/09/2021 | FRANCE | N°19-24.960

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 22 septembre 2021, 19-24.960


COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 septembre 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président



Décision n° 10462 F

Pourvoi n° Y 19-24.960




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

La société Guinot, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 19-24.960 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2019 par la cour d'appe...

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 septembre 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président



Décision n° 10462 F

Pourvoi n° Y 19-24.960




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

La société Guinot, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 19-24.960 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [R] [E], société d'exercice libéral à responsabilité limité, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [R] [E], prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Prestige beauté,

2°/ à Mme [K] [T], épouse [I], domiciliée [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Guinot, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société [R] [E], ès qualités, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

Désistement partiel

1. Il y a lieu de donner acte à la société Guinot du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [K] [T], épouse [I].

2. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Guinot aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Guinot et la condamne à payer à la Selarl [R] [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige beauté, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Guinot.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande d'inscription au passif de la société Prestige Beauté des sommes de 7.219,79 € et de 126.818 €, d'avoir condamné la société Guinot à payer à la SCP [O] [E], prise en la personne de Maître [R] [E], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, au titre de la nullité du contrat la somme de 20.607,18 €, se décomposant en 7.000 € au titre du droit d'entrée à la franchise versé, 2.875,18 € au titre du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot, 6.032 € au titre des appareils pris à bail auprès de la société Guinot, 4.560 € au titre du mobilier cabine pris à bail auprès de la société Guinot, 140 € au titre de la location d'enseigne, et d'avoir condamné la société Guinot à payer à la SCP [O] [E], prise en la personne de Maître [R] [E], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, en réparation des préjudices subis la somme de 196.571 €, se décomposant en: 156.000 € au titre du prêt contracté auprès de M. [Q] [T], 7.500 € au titre du capital social, 33.071 € correspondant à la dette de compte courant de Prestige Beauté contracté auprès de Mme [I] ;

Aux motifs que : «Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 12 mars 2019 par la SCP [O]-[E] es qualités de liquidateur de la SARL Prestige Beauté (…) Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 13 novembre 2018 par la société Guinot aux fins de voir la cour : Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a: débouté la SCP [O]-[E] prise en la personne de Maître [R] [E] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté de toutes ses demandes; En tout état, débouter la SCP [O] [E] prise en la personne de Maître [R] [E] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté de toutes ses demandes; Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a rejeté les demandes d'inscription au passif de la société Prestige Beauté et, En conséquence : Ordonner l'inscription au passif de la société Prestige Beauté : - de la somme de 7.219,79 euros; -de la somme de 126.818 euros. Condamner la SCP [O] [E] prise en la personne de Maître [R] [E] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté à payer à la société Guinot la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 CPC outre les entiers dépens de l'instance dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique Etevenard Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile. Intimée, la société Guinot soutient que les demandes de l'appelant sont basées essentiellement sur un préjudice qu'elle estime établi pour les seuls besoins de la cause et dont elle avance qu'il relève des mauvais choix de gestion de l'appelante. Sur les demandes de l'appelant, elle fait valoir que la quasi-totalité, à l'exception de la somme de 20.607,18 euros concerne non pas des restitutions mais un préjudice et qu'il appartient donc à l'appelant de démontrer faute, dommage et lien de causalité dans les conditions habituelles de la responsabilité civile. Sur le préjudice, elle soutient qu'un franchisé est mal fondé à réclamer un préjudice né d'un contrat sensé n'avoir jamais existé, que la faute de la victime peut exonérer l'auteur de la faute, que les choix comptables de l'appelante ne leur sont pas opposables. Elle soutient encore que le franchisé ne peut réclamer l'indemnisation du défaut d'obtention de résultats espérés. Elle soutient que le préjudice exposé l'est pour les seuls besoins de la cause. Elle fait valoir que l'appelante a atteint le chiffre d'affaire prévisionnel, et l'a même dépassé pendant 6 des 10 mois observés. Elle fait observer que l'appelante a fait le choix de ne fonctionner au début qu'à deux cabines, puis à une seule cabine, alors même que l'institut était dimensionné pour 4 cabines. Elle rappelle que dès 2012 la société Guinot insistait sur la nécessité de recruter une esthéticienne en plus et d'accorder un variable aux esthéticiennes. Elle fait valoir que le premier bilan, au 31/12/2012 montre qu'il s'agit d'une exploitation mono cabine et que le second bilan, au 31/12/2013 est déjà un bilan de cessation d'activité avec provision pour risques et résultat exceptionnel négatif. Elle soutient que l'immixtion de Monsieur [I], époux de la gérante et ancien chef d'entreprise, dans la gestion de l'appelante et le manque d'investissement personnel de Madame [I] ainsi que leurs mauvais choix de gestion sont à l'origine des difficultés et exonèrent totalement la société Guinot de sa responsabilité. (…) Sur la demande d'inscription au passif de la société Prestige Beauté: Par application de l'article 631 du Code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non-atteinte par la cassation. Dans son arrêt du 13 juin 2018, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du chef de la nullité pour dol, de la condamnation de la société Guinot à payer à Madame [I] une certaine somme en indemnisation de son préjudice moral. En cassant l'arrêt de la présente cour du 16 novembre 2016 seulement en ce qu'il a condamné la société Guinot à payer certains dommages et intérêts alloués, la Cour de cassation a irrévocablement validé l'arrêt de cette cour dans ses chefs non-atteints par la cassation prononcée. Par jugement du 26 mars 2014 le tribunal de commerce a débouté la société Guinot de ses demandes d'inscription au passif de la société Prestige Beauté. Par arrêt du 16 novembre 2016 la cour d'appel a infirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Guinot. Dès lors, la demande d'inscription au passif de la société Prestige Beauté des sommes de 7.219,79 euros et de 126.818 euros est irrecevable.
Sur les demandes financières consécutives à la nullité du contrat d'affiliation: L'appelante réclame, à titre principal la somme de 413.515 euros au titre des pertes comptables cumulées par la société Prestige Beauté, en ce compris les sommes versées au franchiseur (20.607,18€), les investissements perdus (196.571€), le prêt non-remboursé (130.000€) et les dettes vis-à-vis des tiers, subsidiairement la somme de 216.571 € comprenant les restitutions consécutives à la nullité prononcée et la somme de 196.571 euros représentant la réparation du préjudice pour perte d'investissements. La société Guinot s'oppose à l'indemnisation d'un préjudice financier correspondant au défaut d'obtention des résultats commerciaux qu'elle eût été en droit d'attendre de l'exploitation de la franchise. Elle excipe de fautes de gestion de la victime dans la production du dommage l'exonérant en totalité de sa responsabilité dans la réalisation du dommage. Sur la faute de la société Guinot: La faute de la société Guinot est désormais irrévocablement reconnue et constituée par une réticence dolosive lors de la conclusion du contrat d'affilié. Il est constant que l'appelant a exposé des frais divers, en l'espèce des montants versés à la société Guinot, qui doivent faire l'objet de restitutions dès lors que le contrat d'affiliation est annulé, ces frais étant justifiés par les pièces produites aux débats. L'appelant sollicite l'allocation de dommages et intérêts au titre d'autres frais exposés pour les besoins de l'exploitation, à savoir un prêt familial contracté aux fins de création de l'institut de beauté, une somme versée au capital social, des montants versés à la société exploitante par Mme [I] dont celle-ci est créancière, les sommes versées au titre du capital social de la société, la dette de compte-courant représentant les sommes apportées à l'entreprise pour son fonctionnement. Il est établi par l'appelant un lien entre la faute et les pertes alléguées en ce que les apports en numéraires, nécessaires à la création et l'exploitation, ont été perdus par suite de l'annulation du contrat d'affilié, la réticence dolosive portant notamment sur l'état local du marché daté d'août 2011 rassemblant pour l'essentiel des statistiques anciennes datant de l'année 2007 et une analyse socio-démographique établie à partir d'informations d'évolution de population de 1999 à 2007, alors que le contrat d'affiliation a été signé en octobre 2011, plus de 4 ans plus tard, étant nature à affecter le chiffre d'affaires et la rentabilité prévisionnels de l'activité, nécessairement contrainte par la concurrence existante. En revanche, l'appelant ne démontre pas que les pertes comptables d'exploitation dont il demande réparation à titre principal, égales au montant des pertes comptables enregistrées dans le dernier bilan de la société, en dehors des montants restituables et des apports divers, sont en lien direct avec l'annulation du contrat de sorte que la demande est en voie de rejet. Sur l'insuffisance d'investissement personnel dans le projet d'entreprise: Il est amplement démontré par l'appelant, que madame [I], intervenant en qualité de gérante de la société sans pratiquer de soins sur la clientèle, a suivi l'ensemble des recommandations de la société Guinot, de présence suffisante dans les locaux ainsi qu'il résulte de la lettre de la société Guinot du 4 juin 2012, dans le recrutement des salariés, dans la mise en avant de l'entreprise, M. [I] son époux, s'occupant de la gestion administrative et comptable de l'entreprise, suivant une formation spécifique au début du mois de novembre 2011 ainsi qu'il lui avait été proposé par la société Guinot le 6 juillet 2011, sans que la société intimée qui exerçait un contrôle sur le suivi des préconisations notamment en faisant pratiquer des « visites bilans » une « visite mystère », ne formule de réserves pendant la période d'activité sur l'exploitation, en particulier l'exploitation des cabines de soins, la rémunération des employées, l'activité de la gérante.
Pour l'exploitation des cabines, Mme [I] a cependant procédé à l'embauche d'une salariée supplémentaire à temps partiel à compter du 28 août 2012, satisfaisant ainsi à la demande expresse de la société Guinot formée le 4 juin 2012, sans qu'une augmentation substantielle et durable de chiffre d'affaires ne soit pour autant constatée, en lien avec l'exploitation de la cabine. Le bilan pour l'année 2011/2012 ne fait pas apparaître un chiffre d'affaires supérieur au prévisionnel d'une part, et il n'est pas démontré de façon suffisamment circonstanciée par l'intimée que l'absence l'exploitation d'une cabine de soins supplémentaire a privé la société Prestige Beauté d'une augmentation de son chiffre d'affaires. Au surplus le tableau contenant les ratios fournis par l'intimée comme indicateurs du plafond des charges salariales laisse apparaître pour la première année d'exploitation, des ratios « salaires/ chiffre d'affaires» largement au delà du ratio de 35% préconisé, seul le mois de juin présentant un rapport inférieur, ce qui démontre le poids de la masse salariale dans un chiffre d'affaires réduit, ainsi qu'il résulte du carnet de rendez-vous clientèle démontrant que l'insuffisance de fréquentation de l'institut est la cause de la faiblesse du chiffre d'affaires et de l'absence de rentabilité, ce qui n'est pas utilement contredit par l'intimée, de sorte que l'absence d'exploitation d'une cabine de soins supplémentaire ne peut être imputée à faute à l'appelant. En l'absence de preuve d'une faute suffisamment grave pour présenter un caractère exonératoire de la responsabilité encourue par l'intimée, le bien fondé de la demande de réparation est rapporté. Sur les préjudices de la société Prestige Beauté: Il convient de condamner la société Guinot à restituer au titre de la nullité du contrat la somme de 20.607,18 euros, se décomposant en: -7.000 euros au titre du droit d'entrée à la franchise versé, - 2.875,18euros au titre du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot, -6.032 euros au titre des appareils pris à bail auprès de la société Guinot,- 4.560 euros au titre du mobilier cabine pris à bail auprès de la société Guinot,-140 euros au titre de la location d'enseigne, L'appelant ayant établi le lien de causalité entre la faute et le préjudice, la société Guinot sera condamnée à payer en indemnisation des préjudices subis, la somme de 196.571 euros, se décomposant en: -156.000 euros au titre du prêt contracté auprès de M. [Q] [T], -7.500 euros au titre du capital social, -33.071 euros correspondant à la dette de compte courant de Prestige Beauté contracté auprès de Mme [I].»;

Alors que les juges doivent statuer sur les dernières conclusions des parties; qu'au cas présent, en réponse aux conclusions de la SCP [O]-[E] ès qualités du 12 mars 2019, la société Guinot a déposé et notifié, le 11 juin 2019, des conclusions via le Réseau Privé Virtuel Avocat; qu'en statuant au visa des conclusions de la société Guinot du 13 novembre 2018 quand celle-ci avait ainsi déposé et notifié ultérieurement de nouvelles écritures dont il n'apparaissait pas qu'elles avaient été prises en compte, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Guinot à payer à la SCP [O] [E], prise en la personne de Maître [R] [E], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, au titre de la nullité du contrat la somme de 20.607,18 €, se décomposant en 7.000 € au titre du droit d'entrée à la franchise versé, 2.875,18 € au titre du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot, 6.032 € au titre des appareils pris à bail auprès de la société Guinot, 4.560 € au titre du mobilier cabine pris à bail auprès de la société Guinot, 140 € au titre de la location d'enseigne, et d'avoir condamné la société Guinot à payer à la SCP [O] [E], prise en la personne de Maître [R] [E], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, en réparation des préjudices subis la somme de 196.571 €, se décomposant en: 156.000 € au titre du prêt contracté auprès de M. [Q] [T], 7.500 € au titre du capital social, 33.071 € correspondant à la dette de compte courant de Prestige Beauté contracté auprès de Mme [I] ;

Aux motifs que : « L'appelante réclame, à titre principal la somme de 413.515 euros au titre des pertes comptables cumulées par la société Prestige Beauté, en ce compris les sommes versées au franchiseur (20.607,18 €), les investissements perdus (196.571€), le prêt non-remboursé (130.000 €) et les dettes vis-à-vis des tiers, subsidiairement la somme de 216.571 € comprenant les restitutions consécutives à la nullité prononcée et la somme de 196.571 euros représentant la réparation du préjudice pour perte d'investissements. La société Guinot s'oppose à l'indemnisation d'un préjudice financier correspondant au défaut d'obtention des résultats commerciaux qu'elle eût été en droit d'attendre de l'exploitation de la franchise. Elle excipe de fautes de gestion de la victime dans la production du dommage l'exonérant en totalité de sa responsabilité dans la réalisation du dommage. Sur la faute de la société Guinot: La faute de la société Guinot est désormais irrévocablement reconnue et constituée par une réticence dolosive lors de la conclusion du contrat d'affilié. Il est constant que l'appelant a exposé des frais divers, en l'espèce des montants versés à la société Guinot, qui doivent faire l'objet de restitutions dès lors que le contrat d'affiliation est annulé, ces frais étant justifiés par les pièces produites aux débats. L'appelant sollicite l'allocation de dommages et intérêts au titre d'autres frais exposés pour les besoins de l'exploitation, à savoir un prêt familial contracté aux fins de création de l'institut de beauté, une somme versée au capital social, des montants versés à la société exploitante par Mme [I] dont celle-ci est créancière, les sommes versées au titre du capital social de la société, la dette de compte-courant représentant les sommes apportées à l'entreprise pour son fonctionnement. Il est établi par l'appelant un lien entre la faute et les pertes alléguées en ce que les apports en numéraires, nécessaires à la création et l'exploitation, ont été perdus par suite de l'annulation du contrat d'affilié, la réticence dolosive portant notamment sur l'état local du marché daté d'août 2011 rassemblant pour l'essentiel des statistiques anciennes datant de l'année 2007 et une analyse socio-démographique établie à partir d'informations d'évolution de population de 1999 à 2007, alors que le contrat d'affiliation a été signé en octobre 2011, plus de 4 ans plus tard, étant nature à affecter le chiffre d'affaires et la rentabilité prévisionnels de l'activité, nécessairement contrainte par la concurrence existante. En revanche, l'appelant ne démontre pas que les pertes comptables d'exploitation dont il demande réparation à titre principal, égales au montant des pertes comptables enregistrées dans le dernier bilan de la société, en dehors des montants restituables et des apports divers, sont en lien direct avec l'annulation du contrat de sorte que la demande est en voie de rejet. Sur l'insuffisance d'investissement personnel dans le projet d'entreprise: Il est amplement démontré par l'appelant, que madame [I], intervenant en qualité de gérante de la société sans pratiquer de soins sur la clientèle, a suivi l'ensemble des recommandations de la société Guinot, de présence suffisante dans les locaux ainsi qu'il résulte de la lettre de la société Guinot du 4 juin 2012, dans le recrutement des salariés, dans la mise en avant de l'entreprise, M. [I] son époux, s'occupant de la gestion administrative et comptable de l'entreprise, suivant une formation spécifique au début du mois de novembre 2011 ainsi qu'il lui avait été proposé par la société Guinot le 6 juillet 2011, sans que la société intimée qui exerçait un contrôle sur le suivi des préconisations notamment en faisant pratiquer des « visites bilans » une « visite mystère », ne formule de réserves pendant la période d'activité sur l'exploitation, en particulier l'exploitation des cabines de soins, la rémunération des employées, l'activité de la gérante.
Pour l'exploitation des cabines, Mme [I] a cependant procédé à l'embauche d'une salariée supplémentaire à temps partiel à compter du 28 août 2012, satisfaisant ainsi à la demande expresse de la société Guinot formée le 4 juin 2012, sans qu'une augmentation substantielle et durable de chiffre d'affaires ne soit pour autant constatée, en lien avec l'exploitation de la cabine. Le bilan pour l'année 2011/2012 ne fait pas apparaître un chiffre d'affaires supérieur au prévisionnel d'une part, et il n'est pas démontré de façon suffisamment circonstanciée par l'intimée que l'absence l'exploitation d'une cabine de soins supplémentaire a privé la société Prestige Beauté d'une augmentation de son chiffre d'affaires. Au surplus le tableau contenant les ratios fournis par l'intimée comme indicateurs du plafond des charges salariales laisse apparaître pour la première année d'exploitation, des ratios « salaires/ chiffre d'affaires » largement au-delà du ratio de 35% préconisé, seul le mois de juin présentant un rapport inférieur, ce qui démontre le poids de la masse salariale dans un chiffre d'affaires réduit, ainsi qu'il résulte du carnet de rendez-vous clientèle démontrant que l'insuffisance de fréquentation de l'institut est la cause de la faiblesse du chiffre d'affaires et de l'absence de rentabilité, ce qui n'est pas utilement contredit par l'intimée, de sorte que l'absence d'exploitation d'une cabine de soins supplémentaire ne peut être imputée à faute à l'appelant.
En l'absence de preuve d'une faute suffisamment grave pour présenter un caractère exonératoire de la responsabilité encourue par l'intimée, le bien fondé de la demande de réparation est rapporté. Sur les préjudices de la société Prestige Beauté: Il convient de condamner la société Guinot à restituer au titre de la nullité du contrat la somme de 20.607,18 euros, se décomposant en: -7.000 euros au titre du droit d'entrée à la franchise versé, - 2.875,18 euros au titre du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot, -6.032 euros au titre des appareils pris à bail auprès de la société Guinot, -4.560 euros au titre du mobilier cabine pris à bail auprès de la société Guinot, -140 euros au titre de la location d'enseigne, L'appelant ayant établi le lien de causalité entre la faute et le préjudice, la société Guinot sera condamnée à payer en indemnisation des préjudices subis, la somme de 196.571 euros, se décomposant en:-156.000 euros au titre du prêt contracté auprès de M. [Q] [T],-7.500 euros au titre du capital social, -33.071 euros correspondant à la dette de compte courant de Prestige Beauté contracté auprès de Mme [I].»;

1°) Alors que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'une décision et a été tranché par le dispositif; que seule la mention de la décision figurant dans le dispositif d'un arrêt non atteint par la cassation, est définitive; qu'au cas présent, pour condamner la société Guinot à verser la somme de 196.571 € en indemnisation des préjudices prétendument subis par l'affiliée, la cour de renvoi s'est fondée sur ce que: «la faute de la société Guinot est désormais irrévocablement reconnue et constituée par une réticence dolosive lors de la conclusion du contrat d'affilié » (arrêt attaqué p. 8, § pénultième), pour en déduire qu'un lien de causalité était établi entre la faute du franchiseur et les pertes alléguées par le franchisé (arrêt attaqué p. 9, § 2) ; qu'en statuant ainsi quand l'arrêt du 16 novembre 2016 ne comportait pas, dans son dispositif, un chef spécifique à la responsabilité du franchiseur, la société Guinot, la cour de renvoi a violé les articles 480, 623, 625 et 638 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1355 dudit code;

2°) Alors que la contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs; qu'au cas présent, pour considérer que la preuve d'une faute du franchisé n'aurait pas été rapportée, la cour de renvoi a retenu que la société Guinot n'avait pas « formul(é) de réserves pendant la période d'activité sur l'exploitation, en particulier l'exploitation des cabines de soins, la rémunération des employées, l'activité de la gérante » (arrêt attaqué p. 9, § 4 in fine) ; qu'en statuant ainsi après avoir par ailleurs relevé que « Mme [I] (avait…) procédé à l'embauche d'une salariée supplémentaire à temps partiel à compter du 28 août 2012, satisfaisant ainsi à la demande expresse de la société Guinot formée le 4 juin 2012 » (arrêt attaqué p. 9, § 5); ce dont il ressortait que la société Guinot avait précisément émis des réserves sur l'exploitation insuffisante des cabines de soins, la cour de renvoi a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) Alors que la faute de la victime ayant concouru à la production du dommage peut exonérer l'auteur du dommage de sa responsabilité ; que selon courriel du 30 juillet 2012, la société Guinot ainsi qu'elle le faisait valoir dans ses dernières conclusions récapitulatives (p. 15, § pénultième), s'était inquiétée auprès de la société Prestige Beauté de l'insuffisance d'exploitation des cabines de soins, en insistant sur la nécessité de procéder à des recrutements supplémentaires: « Cela fait maintenant depuis notre dernière réunion que nous avons abordé la nécessité d'un recrutement, et plus vous attendez, plus la décision sera délicate à prendre » ; qu'en considérant cependant que la société Guinot n'avait pas formulé de réserves pendant la période d'activité sur l'exploitation, en particulier, celle des cabines de soins sans avoir nul égard à ce courriel (arrêt attaqué p. 9, § 4), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, transposé à l'article 1240 dudit code ;

4°) Alors, en tout état de cause, que Il appartient à la partie qui invoque des faits à titre d'exception, d'en rapporter la preuve ; qu'au cas présent, le franchiseur démontrait que l'affilié n'avait exploité qu'une cabine de soins sur les trois cabines à tout le moins prévues; ce choix de gestion ayant pesé sur la rentabilité de l'institut de beauté; qu'en reprochant dès lors au franchiseur de ne pas avoir démontré «que l'absence d'exploitation d'une cabine de soins supplémentaires a privé la société Prestige Beauté d'une augmentation de son chiffre d'affaires » (arrêt attaqué p. 9, § pénultième), quand il appartenait à l'affilié de prouver le fait par lui allégué à titre d'exception, soit que l'exploitation de plusieurs cabines n'aurait pas entraîné une meilleure rentabilité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1353 dudit code.
Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-24.960
Date de la décision : 22/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique, arrêt n°19-24.960 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris J2


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte rnsm/na, 22 sep. 2021, pourvoi n°19-24.960, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24.960
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