CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 septembre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10429 F
Pourvoi n° M 20-18.444
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2021
1°/ M. [C] [K], domicilié [Adresse 4], agissant à titre personnel et en qualité d'ayant droit de [T] [K], décédée,
2°/ [T] [R], épouse [K], ayant été domiciliée [Adresse 4], décédée, aux droits de laquelle viennent :
- Mme [X] [K], domiciliée [Adresse 3],
- M. [N] [K], domicilié [Adresse 1],
agissant tous deux en qualité d'ayants droit,
ont formé le pourvoi n° M 20-18.444 contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige les opposant :
1°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
2°/ à la société [D], anciennement dénommée [D]-[B], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Les Mas du Golf,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Le Prado, avocat des consorts [K], après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les consorts [K] ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les consorts [K]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Les consorts [K] reprochent à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la réception tacite, aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; que pour caractériser une réception tacite, la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir les travaux doit être démontrée ; que la preuve doit être rapportée de la prise de possession de l'ouvrage et du paiement des travaux, lesquels font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves ; qu'en l'espèce, M. et Mme [K] ne justifient pas du paiement intégral du marché de travaux convenu, alors qu'ils ont été condamnés par jugement du 25 novembre 2009 à payer à la société Les Mas du Golfe certaines sommes restant dues au titre du marché, empêchant ainsi qu'une réception tacite puisse être retenue ; que sur la réception judiciaire, pour solliciter et obtenir le prononcé d'une réception judiciaire il faut démontrer que l'ouvrage est en état d'être reçu et le refus injustifié, d'une des parties au marché de travaux, de procéder à sa réception ; qu'en l'espèce il apparaît que l'ouvrage est habitable et en état d'être reçu ; que la réception judiciaire peut donc être fixée à la date du 15 novembre 2004, correspondant à une première facture de communications téléphoniques attestant de la prise de possession des lieux, comme l'indique l'expert dans son rapport ; que la responsabilité des constructeurs peut donc être invoquée ; que sur les désordres de nature décennale, M. et Mme [K] forment leurs demandes d'indemnisation sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, invoquant le caractère décennal des désordres relatifs aux fissures sur la façade et au mur de soutènement ; que concernant les fissures, l'expert a relevé l'existence de fissures situées à droite de la fenêtre et de fissures verticales dues à l'absence de liaisonnement et de joint de dilatation entre le mur du garage et celui de la villa, ainsi qu'un tassement de la dalle du plancher du garage sur 1 cm ; qu'il a indiqué, après avoir mesuré la valeur des jauges posées, que ces désordres ne semblaient pas évolutifs et ne portaient pas atteinte à un élément constitutif de l'ouvrage ni n'en affectaient la solidité ; que se fondant sur un rapport d'expertise établi par Saretec le 22 mai 2015, après une réunion organisée sur site à laquelle la SARL Les Mas du Golfe a été régulièrement convoquée par l'intermédiaire de son liquidateur judiciaire, Me [A] [B], M. et Mme [K] concluent que les fissures se sont aggravées, que ces désordres proviennent d'une grave malfaçon dans la réalisation du mur de soubassement de la façade sud du garage, et que des travaux de reprise doivent être effectués ; que la lecture des jauges effectuées par Saretec démontre qu'entre septembre 2011, date à laquelle M. [H] a posé les jauges et mars 2015, date à laquelle M. [P] expert de Saretec a effectué les relevés, la jauge n° 1 est passée de 4,3 mm à 5,3 mm et la jauge n° 2 est passée de 6,5 mm à 7 mm ; que cette très légère évolution constatée en 3 ans 1/2 n'est pas significative d'un désordre structurel, de nature à constituer la gravité invoquée, d'autant qu'à la date du 6 mars 2015, le délai d'épreuve avait pris fin ; que s'agissant de la dalle du garage, l'expert n'a constaté aucune fissure ni aucune anomalie relative à l'épaisseur de la dalle ou aux armatures et a conclu à un désordre esthétique ; que les fissures invoquées et l'affaissement de la dalle du garage sont des désordres de nature esthétique et aucun désordre affectant la solidité de l'ouvrage n'étant survenu dans le délai décennal, la responsabilité décennale du constructeur ne peut être engagée ; que concernant le mur de soutènement, M. [H] indique dans son rapport que la construction de cet ouvrage (absence de chaînage, construction en agglos creux etc ...) n'est ni conforme aux DTU ni aux règles de l'art. Elle porte atteinte de façon certaine à la solidité de l'ouvrage même si à ce jour, aucun désordre visible (déplacement, fissures) n'a été constaté lors des opérations d'expertise ; que les conclusions d'un expert judiciaire selon lesquelles la survenance d'un désordre futur dans le délai décennal est certain ne suffit pas à engager la responsabilité décennale du constructeur si aucun désordre ne s'est réalisé durant ce délai d'épreuve ; qu'au jour du dépôt du rapport définitif, il n'apparaissait aucun désordre, l'expert judiciaire n'ayant caractérisé aucun dommage existant au sens de l'article 1792 du code civil, et à ce jour, le délai d'épreuve étant expiré, il n'est pas justifié de la survenance d'un désordre affectant le mur de soutènement ; que la responsabilité de l'article 1792 du code civil ne peut dès lors pas être invoquée ; que les dispositions du jugement ayant débouté M. [C] [K] et Mme [T] [K] de leurs demandes d'indemnisation sur ce fondement doivent être confirmées ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les dispositions de l'article 1794 du Code civil disposent que : « Le maître peut résilier, par sa simple volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise » ; qu'il est établi que par jugement définitif du 25 novembre 2009, le tribunal de céans a condamné M. et Mme [K] à payer à la société Les Mas du golfe notamment les sommes de 15 857,90 € au titre des travaux effectués et de 79 555,52 € au titre des gains manqués du fait de la résiliation unilatérale du marché de travaux conclu le 8 septembre 2003 ; qu'il n'est pas justifié de l'exécution de cette décision, de sorte qu'à ce jour il n'est pas justifié du règlement des travaux effectués, condition indispensable au prononcé d'une réception tacite de l'ouvrage, de sorte que M. et Mme [K] seront déboutés de leur demande de ce chef ; que M. et Mme [K] échouent à démontrer que l'évolution de l'ouverture des fissures du garage serait imputable à la société Les Mas du golfe, puisqu'il résulte du rapport de l'expert judiciaire [H] que ces fissures n'ont pas évolué entre 2009 et 2013, alors même que les constatations faites à la fois par un huissier et par un expert amiable l'ont été suites à des travaux de terrassement réalisés à l'aval du garage, ce qui induit, selon toute vraisemblance, que l'évolution de l'ouverture des fissures peut résulter d'un mouvement provoqué par la décompression des terres du fait dudit terrassement, totalement étranger à la partie défenderesse ; que l'expert judiciaire reconnaît en page 33 de son rapport que, s'agissant du mur de soutènement, aucun désordre n'a été constaté, un seul désordre devant s'analyser en une simple non-conformité au DTU, sans dommage décennal ; que le tribunal relève que les ouvrages ont été réalisés en 2003/2004, soit il y a plus de 10 ans, de sorte que le caractère évolutif du dommage, dans le délai décennal, n'est pas établi ; qu'il convient en conséquence de rejeter l'ensemble des demandes formées par M. et Mme [K] ;
1°) ALORS QUE tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en relevant, pour écarter la responsabilité décennale du constructeur, que même si l'expert judiciaire avait constaté dans son rapport que la construction du mur de soutènement portait atteinte de façon certaine à la solidité de l'ouvrage, au jour du dépôt du rapport comme au jour où elle statuait, aucun désordre affectant le mur de soutènement ne s'était manifesté, alors que la mise en oeuvre de la garantie décennale n'est subordonnée qu'à la seule survenance, dans le délai de dix ans, d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;
2°) ALORS en toute hypothèse QU'en retenant, pour écarter la responsabilité décennale du constructeur, que si l'expert judiciaire avait constaté dans son rapport que la construction du mur de soutènement portait atteinte de façon certaine à la solidité de l'ouvrage, au jour du dépôt de ce rapport comme au jour où elle statuait, aucun désordre affectant le mur de soutènement ne s'était manifesté, sans s'expliquer, comme elle y était invitée par M. et Mme [K], sur l'existence de désordres affectant non pas le mur de soutènement lui-même mais le mur maçonné soutenant remblai de la terrasse, l'angle du mur supérieur et le chaînage en partie haute et dus, ainsi que cela résultait du rapport d'expertise et des constats d'huissier au défaut de solidité du mur de soutènement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Les consorts [K] reprochent à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur les désordres de nature décennale, M. et Mme [K] forment leurs demandes d'indemnisation sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, invoquant le caractère décennal des désordres relatifs aux fissures sur la façade et au mur de soutènement ; que concernant les fissures, l'expert a relevé l'existence de fissures situées à droite de la fenêtre et de fissures verticales dues à l'absence de liaisonnement et de joint de dilatation entre le mur du garage et celui de la villa, ainsi qu'un tassement de la dalle du plancher du garage sur 1 cm ; qu'il a indiqué, après avoir mesuré la valeur des jauges posées, que ces désordres ne semblaient pas évolutifs et ne portaient pas atteinte à un élément constitutif de l'ouvrage ni n'en affectaient la solidité ; que se fondant sur un rapport d'expertise établi par Saretec le 22 mai 2015, après une réunion organisée sur site à laquelle la SARL Les Mas du Golfe a été régulièrement convoquée par l'intermédiaire de son liquidateur judiciaire, Me [A] [B], M. et Mme [K] concluent que les fissures se sont aggravées, que ces désordres proviennent d'une grave malfaçon dans la réalisation du mur de soubassement de la façade sud du garage, et que des travaux de reprise doivent être effectués ; que la lecture des jauges effectuées par Saretec démontre qu'entre septembre 2011, date à laquelle M. [H] a posé les jauges et mars 2015, date à laquelle M. [P] expert de Saretec a effectué les relevés, la jauge n° 1 est passée de 4,3 mm à 5,3 mm et la jauge n° 2 est passée de 6,5 mm à 7 mm ; que cette très légère évolution constatée en 3 ans 1/2 n'est pas significative d'un désordre structurel, de nature à constituer la gravité invoquée, d'autant qu'à la date du 6 mars 2015, le délai d'épreuve avait pris fin ; que s'agissant de la dalle du garage, l'expert n'a constaté aucune fissure ni aucune anomalie relative à l'épaisseur de la dalle ou aux armatures et a conclu à un désordre esthétique ; que les fissures invoquées et l'affaissement de la dalle du garage sont des désordres de nature esthétique et aucun désordre affectant la solidité de l'ouvrage n'étant survenu dans le délai décennal, la responsabilité décennale du constructeur ne peut être engagée [...] ; que les dispositions du jugement ayant débouté M. [C] [K] et Mme [T] [K] de leurs demandes d'indemnisation sur ce fondement doivent être confirmées ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE M. et Mme [K] échouent à démontrer que l'évolution de l'ouverture des fissures du garage serait imputable à la société Les Mas du golfe, puisqu'il résulte du rapport de l'expert judiciaire [H] que ces fissures n'ont pas évolué entre 2009 et 2013, alors même que les constatations faites à la fois par un huissier et par un expert amiable l'ont été suites à des travaux de terrassement réalisés à l'aval du garage, ce qui induit, selon toute vraisemblance, que l'évolution de l'ouverture des fissures peut résulter d'un mouvement provoqué par la décompression des terres du fait dudit terrassement, totalement étranger à la partie défenderesse [...] ; que le tribunal relève que les ouvrages ont été réalisés en 2003/2004, soit il y a plus de 10 ans, de sorte que le caractère évolutif du dommage, dans le délai décennal, n'est pas établi ; qu'il convient en conséquence de rejeter l'ensemble des demandes formées par M. et Mme [K] ;
ALORS QUE s'ils ne sont pas de nature décennale, les désordres esthétiques peuvent engager la responsabilité contractuelle du constructeur de l'ouvrage qui en est affecté ; qu'en se bornant à juger que la responsabilité décennale de la société Les Mas du golfe ne pouvait être engagée du chef des désordres qu'elle qualifiait d'esthétiques tenant au tassement de la dalle du plancher du garage, à des fissures à droite de la fenêtre et à des fissures verticales dues à l'absence de liaisonnement et de joint de dilatation entre le mur du garage et celui de la villa, sans rechercher si ces désordres ne justifiaient pas la mise en cause de la responsabilité contractuelle du constructeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu article 1231-1.