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08/09/2021 | FRANCE | N°19-14.545

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 08 septembre 2021, 19-14.545


SOC.

ZB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 septembre 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10747 F

Pourvoi n° C 19-14.545




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021


1°/ la société Pomona, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Kimar, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé...

SOC.

ZB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 septembre 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10747 F

Pourvoi n° C 19-14.545




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

1°/ la société Pomona, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société Kimar, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° C 19-14.545 contre l'arrêt rendu le 1er février 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [A] [W], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société Kissao, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Pomona et de la société Kimar, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Pomona et Kimar aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Pomona et Kimar et les condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du président empêché, en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les sociétés Pomona et Kimar


PREMIER MOYEN DE CASSATION :


Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que la société POMONA était l'employeur de Monsieur [A] [W] au même titre que sa filiale la société KIMAR et d'avoir en conséquence prononcé des condamnations à son encontre ;

AUX MOTIFS QUE sur la mise en cause de la SA POMONA : que Monsieur [A] [W] soutient qu'au vu de l'avenant au contrat de directeur signé le 1er octobre 2002 entre les représentants de la société POMONA et le salarié, l'existence d'un lien de subordination entre POMONA et Monsieur [W] est établie, en ce que :- c'est la société POMONA qui confie à Monsieur [W] la direction d'une succursale (articles 1 et 2), - c'est POMONA qui met à la disposition du salarié les éléments nécessaires au fonctionnement de la succursale (article 4), - Monsieur [W] reçoit les appointements bruts de directeur fixés par le directoire de POMONA (article 5), - en fin de contrat, il est prévu que Monsieur [W] doit rendre compte à la société POMONA (article 9), - la société POMONA peut nommer Monsieur [W] à la direction d'une autre succursale ou lui confier d'autres postes dans le groupe POMONA (article 12), - l'article 13 prévoit la nature et le montant des indemnités de licenciement à la charge de la société POMONA, - la résiliation de plein droit est prévue en cas de dissolution ou suspension d'activité de la société POMONA (articles 14 et 15), ce qui démontre selon le demandeur que la société POMONA a bien un pouvoir total de direction sur le salarié ; qu'il fait valoir par ailleurs que c'est la société POMONA qui lui a payé la participation (pièces 127 et 128 - courriers du 12 novembre 2014 en provenance du groupe POMONA lui adressant le décompte de sa participation de directeur au titre de l'exercice 2013/2014) ; qu'il verse également un avis de virement effectué le 28 novembre 2014 par « POMONA » avec pour motif « complément paie mai 2014 » d'un montant de 4 747,31euros (pièce 165) ; que Monsieur [A] [W] soutient en dernier lieu qu'il n'existe nulle part un quelconque engagement de porte fort de la société POMONA envers sa future filiale ; que la société POMONA réplique qu'elle n'a jamais été l'employeur de Monsieur [W], que c'est la société KIMAR (dont l'extrait K bis est versé en pièce 2) qui était son employeur, que la société POMONA a simplement consenti à Monsieur [W] un engagement de faire consistant à lui permettre d'obtenir un engagement de sa filiale KIMAR, anciennement KISSAO, à son profit, qu'elle s'est ainsi portée fort que Monsieur [W] serait recruté par la société KIMAR, anciennement KISSAO, et a loyalement exécuté sa promesse de porte fort puisque sa filiale à bien embauché Monsieur [W] en qualité de directeur et qu'elle doit être mise hors de cause ; qu'il ressort de l'« avenant au contrat de travail de Monsieur [W] » en date du 4 juillet 2001 conclu entre la société POMONA et Monsieur [W], employé de la société POMONA IMPORT depuis le 13 septembre 1993 selon contrat de travail du 30 août 1993 et avenant du 1er janvier 1999 conclus avec la SA POMONA, que : « 1º) La société POMONA confie à Monsieur [W] qui accepte, la direction du site de [Localité 1] de la succursale dénommée "FRUIDOR OUTRE-MER" exploitée par les sociétés POMONA-IMPORT et FRUIDOR?En sa qualité de directeur du site de [Localité 1], Monsieur [W] bénéficie d'une délégation de pouvoirs pour organiser les services de la succursale, assumer la direction commerciale, la direction administrative et financière, la direction du personnel et la responsabilité des biens meubles et immeubles affectés à ladite succursale. En conséquence de ses fonctions et de la délégation consentie, Monsieur [W] a l'obligation de veiller à l'application des lois et règlements : les moyens nécessaires sont mis à sa disposition par le siège social pour satisfaire à cette obligation. 2º) Monsieur [W] est nommé directeur du site de [Localité 1] à compter du 4 août 2001?5º) Monsieur [W] reçoit les appointements bruts de directeur de succursales de sa catégorie, dont le montant est fixé par le directoire - Annexe 1 au présent contrat... 14º) Le présent contrat est à durée indéterminée. Chaque partie peut y mettre fin à tout moment, à charge pour elle de signifier sa volonté à l'autre en respectant un préavis de six mois. Au cas où la société POMONA licencierait Monsieur [W] pour un motif autre qu'une faute grave ou une faute lourde, la société POMONA lui verserait à titre d'indemnité de licenciement. 15º ) Le présent contrat sera résilié de plein droit en cas de dissolution de la société POMONA, sauf application des dispositions de l'article L 122-12 du code du travail [...] » ; que sont également prévues dans ledit avenant du 4 juillet 2001 des dispositions relatives à l'intéressement du salarié sur les bénéfices de la succursale FRUIDOR OUTRE-MER et à un complément de rémunération fixé par le directoire de la société POMONA en fonction du bilan de Monsieur [W], étant précisé que des pénalités peuvent être décidées par le Directoire « pour infraction aux ordres donnés en matière de crédit clientèle » (article 9), des dispositions relatives au maintien de sa rémunération en cas de suspension du contrat par suite de maladie ou d'accident (article 17) et des dispositions applicables en cas de décès ou d'invalidité absolue ou définitive du salarié ; qu'un nouvel « avenant au contrat de directeur de Monsieur [W] » a été signé le 1er octobre 2002 entre la SA POMONA et Monsieur [W] pour lui confier « la direction de la succursale d'importation de [Localité 1] exploitée par les sociétés POMONA-IMPORT et FRUIDOR, filiales de POMONA SA », avec une délégation de pouvoirs et mandat confié de directeur général de la société de droit ivoirien INTER-AGRI ; qu'on y retrouve, comme dans l'avenant du 4 juillet 2001, des dispositions identiques relatives aux appointements du directeur de succursale, fixés par le directoire, à l'intéressement sur les bénéfices de la succursale d'importation de [Localité 1], au complément de rémunération fixé par le directoire de la société POMONA, au calcul de l'indemnité de licenciement « au cas où la société POMONA licencierait Monsieur [W] », à la résiliation de plein droit du contrat en cas de dissolution de la société POMONA « sauf application des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail », au maintien de la rémunération en cas de suspension du contrat par suite de maladie ou d'accident et aux droits en cas de décès ou d'invalidité du salarié ; qu'il est par ailleurs annexé au contrat de travail du 1er octobre 2002 un document « Annexe nº 1 » fixant les appointements bruts annuels de Monsieur [W] à « 76 225 euros à compter du 1er octobre 2002 » ; que si Monsieur [W] s'est vu établir des bulletins de paie par la société KISSAO, filiale de la société POMONA (ex FRUIDOR OUTRE-MER), il ressort cependant des dispositions contractuelles que la société mère POMONA ne s'est pas portée fort pour sa filiale FRUIDOR OUTRE-MER, devenue KISSAO, en promettant l'engagement par cette dernière de Monsieur [W] en qualité de directeur, engagement dont POMONA n'a pas été déchargé dès l'embauche de Monsieur [A] [W] par sa filiale ; que la société POMONA s'est engagée directement pour elle-même dans la conclusion et l'exécution du contrat de travail signé avec le salarié, disposant du droit disciplinaire ultime de licenciement du salarié, en sorte qu'elle était bien l'employeur de Monsieur [W] ; qu'il convient, en conséquence, d'écarter le moyen soutenu par la société POMONA selon lequel elle ne serait engagée envers Monsieur [W] que par une promesse de porte fort et de rejeter sa demande de mise hors de cause ;

1° ALORS QUE le porte-fort, débiteur d'une obligation de résultat autonome, est tenu envers le bénéficiaire de la promesse, des conséquences de l'inexécution de l'engagement promis ; qu'en cas de non-ratification, celui qui s'est porté fort est tenu de verser des dommages-intérêts ; qu'en décidant qu'il ressortait des dispositions contractuelles que la société mère POMONA ne s'était pas portée fort pour sa filiale FRUIDOR OUTRE-MER, devenue KISSAO, en promettant l'engagement par cette dernière de Monsieur [W] en qualité de directeur, mais que la société POMONA s'était engagée directement pour elle-même dans la conclusion et l'exécution du contrat de travail signé avec le salarié, disposant du droit disciplinaire ultime de licenciement du salarié, en sorte qu'elle était bien l'employeur de Monsieur [W], quand il résultait de l'avenant du 1er octobre 2002 que « la société POMONA se portant fort de l'exécution des présentes par les autres sociétés du groupe présentement existantes et futures, la société POMONA confie à Monsieur [A] [W] qui l'accepte la direction d'une succursale d'importation à Marseille exploitée par les sociétés POMONA-IMPORT et FRUIDOR, filiales de la société POMONA », la cour d'appel a violé l'article 1120 du code civil, ensemble l'article 1134 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2° ALORS QUE l'existence de la relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail est exécutée nonobstant l'absence de réclamation durant la relation contractuelle ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives à son subordonné, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ; qu'en décidant que la société POMONA était l'employeur de Monsieur [A] [W] au seul examen des contrats de travail et avenants versés aux débats sans rechercher les conditions de fait dans lesquelles l'activité du salarié étaient exercée, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un lien de subordination existant entre la société POMONA et le salarié, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail,

3° ALORS QUE le salarié est celui qui accomplit une mission rémunérée pour le compte d'autrui dans le cadre d'une relation impliquant un lien de subordination ; qu'en décidant que la société POMONA était l'employeur de Monsieur [A] [W] quand elle avait pourtant constaté qu'il s'était vu établir des bulletins de paie par la société KISSAO, devenue la société KIMAR, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1221-1 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION :


Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que la société POMONA était l'employeur de Monsieur [A] [W] au même titre que sa filiale la société KIMAR, d'avoir constaté la collusion frauduleuse entre la société POMONA, la société KIMAR et la société KISSAO dans l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, d'avoir dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [W] était dépourvue de cause réelle et sérieuse, et d'avoir, par conséquent, condamné in solidum les sociétés POMONA, KIMAR et KISSAO à payer à Monsieur [W] les sommes de 5 962 euros brut de complément d'indemnité de préavis, 596 euros brut de congés payés sur complément d'indemnité de préavis, 145 000 euros brut d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 15 000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE Sur le transfert du contrat de travail : que Monsieur [A] [W] invoque une fraude aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et une collusion des sociétés POMONA et KISSAO (anciennement NOSIBE-ELH2), faisant valoir que la vente du fonds de commerce lui a été annoncée avec reprise de l'ensemble du personnel excepté lui, qu'il lui a été proposé par POMONA une mutation comme directeur des achats, poste constituant une rétrogradation de son statut et entraînant une diminution de sa rémunération et qu'il a donc refusé, qu'il a été informé le 28 mai que la cession était signée et qu'il faisait partie du personnel transféré, qu'il a immédiatement été mis dans l'impossibilité de travailler et dispensé d'activité le 3 juin 2014 pour être finalement licencié pour motif économique ; que les sociétés POMONA et KIMAR soutiennent que le contrat de travail de Monsieur [W] a été transféré de façon parfaitement régulière, l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail s'imposant, et qu'il ne peut être reproché aux sociétés concluantes une fraude alors que c'est la société KISSAO anciennement ELH II qui a décidé de licencier pour motif économique le salarié ; que la société KIMAR souligne que le contrat de travail de Monsieur [W] a bien été transféré, comme cela était prévu expressément selon la liste des salariés annexée à l'acte de cession ; que Monsieur [W] produit un message du 23 janvier 2014 du responsable administratif et financier de KISSAO (filiale de POMONA devenue KIMAR) transmettant à Monsieur [W] des « documents demandés pour cession KISSAO », avec des fichiers joints dont un fichier en annexe 5 intitulé « trame Liste des personnels » (pièce 10) et un document intitulé « Annexe 5 Liste des personnels au 15/01/2014 » (pièce 84), Monsieur [W] n'apparaissant pas sur cette liste ; que si les sociétés intimées contestent la valeur probante de ce tableau versé en pièce 84, qui selon elles correspond à un tableau tronqué des effectifs de la société cédante, les sociétés POMONA et KIMAR ne proposent pas pour autant de verser aux débats les « documents demandés pour cession KISSAO » qui ont été envoyés par mail à Monsieur [W] le 23 janvier 2014 ; que Monsieur [W] verse d'autres pièces aux fins de justifier que la cession du fonds de commerce de la société KISSAO (devenue KIMAR) à la société ELH II (devenue KISSAO, appartenant au groupe NOSIBE) avait été prévue en excluant le transfert de son contrat de travail, dont notamment les pièces suivantes : - un courriel d'[L] [T], directeur de branche du groupe POMONA, adressé le 9 janvier 2014 à Monsieur [W] afin de de lui fournir des indications sur les annonces à faire aux délégués du personnel et au personnel pour leur présenter le projet du rachat de KISSAO par NOSIBE « au 1er février 2014 » et précisant que Monsieur [D] « a prévu de reprendre l'ensemble du personnel sauf le Directeur », lequel est « en train de voir quelles opportunités il peut y avoir au sein du Groupe POMONA » (pièce 6) ; - le courriel du 19 février 2014 de « proposition d'évolution » adressé par [L] [T] à Monsieur [W] en ces termes : « suite à nos récents entretiens, je vous confirme notre proposition de rejoindre la succursale Provence Languedoc pour prendre le poste de Directeur des Achats aux conditions suivantes : Statut : Cadre Supérieur, RAB 70K€ annuel, Variable (selon les règles en vigueur chez TerreAzur)?Après cette longue période chez KISSAO, avec en particulier 3 derniers exercices très difficiles, nous pensons que cette opportunité est une superbe occasion pour vous permettre de rebondir au sein de POMONA » (pièce 8) ; - le courriel du 10 mars 2014 en réponse de Monsieur [W] à [L] [T] suite à la proposition de mutation sur le poste de directeur des achats à la succursale Provence Languedoc, le salarié rappelant qu'il avait été contacté le 2 janvier 2014 pour venir le plus rapidement possible au siège le 6 janvier, qu'il avait appris « avec surprise qu'une lettre d'intention d'achat avait été faite par la société NOSIBE pour le rachat de la société KISSAO. Que le projet était très avancé et que la cession allait se faire le 1er février 2014. Le repreneur garderait l'ensemble du personnel, sauf le Directeur », étant observé que cette version donnée par le salarié n'a pas été contestée par l'employeur dans les jours ou les semaines qui ont suivi ; que Monsieur [W] informait par ailleurs son employeur qu'il n'acceptait pas la proposition de mutation, ne pouvant « accepter une modification à la baisse de (sa) rémunération. Je ne considère pas que la proposition que vous me faites soit une "évolution", ni une "opportunité" et encore moins "une superbe occasion"» (pièce 73) ; - un échange de courriels entre salariés du groupe POMONA du 13 janvier 2014 au sujet de l' « offre KISSAO », [E] [Q] demandant à [N] [I] : « et ils parlent de garder tout le monde j'espère » et la réponse : « tous sauf [A] mais qui sait pour la suite » (pièce 65) ; - la liste des questions posées par les délégués du personnel pour la réunion prévue le 28 janvier 2014, ceux-ci demandant notamment si « l'employé qui le souhaite pourra-t-il s'entretenir avec le nouveau directeur dans un délai de 15 jours afin de faire un point sur sa situation » (pièces 50) et la réponse apportée par [J] [R], dans son courriel du 27 janvier 2014 : « le repreneur nous a informé de son intention de rencontrer, individuellement, les salariés qui le souhaiteront, après la cession par POMONA » (pièce 51) ; - le courriel du 24 janvier 2014 de [J] [R] adressant à Monsieur [W] les horaires des entretiens des différents salariés repris (le 29 janvier de 8h à 17h30) avec Y?, Président de la SAS ELH II (pièce 41), Monsieur [W] n'étant pas sur cette liste ; - le courriel du 24 janvier 2014 de [J] [R] adressé à [X] [S] ayant pour objet « documents demandés pour cession KISSAO », pour demander la préparation d'une copie des 12 derniers bulletins de paie et d'une copie des contrats de travail « de tous les salariés (hors [A]) » (pièce 48) ; - le planning des congés payés communiqué au repreneur le 26 mai 2014, sur lequel n'apparaît pas Monsieur [W] (pièces 44) ; - le courriel du 22 janvier 2014 de [J] [R] transmettant « la liste des immos KISSAO transmise par E. DERST », de laquelle est expressément exclu « le véhicule Ford S max... Ce véhicule restera la propriété du Groupe POMONA », s'agissant du véhicule de fonction de Monsieur [W] (pièce 42), qui sera finalement cédé à ce dernier le 22 septembre 2014 (pièces 42, 47 et 168) ; qu'au vu des éléments versés par l'appelant, il est établi que la reprise du contrat de travail de Monsieur [A] [W] au sein du repreneur n'était pas prévue par les sociétés KISSAO (filiale de POMONA) et ELH II (filiale du groupe NOSIBE, devenue KISSAO) ; que si ces deux sociétés ont finalement organisé le transfert du contrat de travail de Monsieur [W] (sans pour autant prévoir dans le cadre de l'acte de cession du 28 mai 2014 le transfert du véhicule de fonction du directeur, selon la liste des véhicules cédés et cartes grises annexées), ce transfert a manifestement été décidé quelques jours avant la cession en date du 28 mai ou, à tout le moins, n'a pas été annoncé au directeur avant cette date, puisque le calendrier des congés payés du personnel repris, ne faisant pas état de Monsieur [W], a été communiqué à la société ELH II le 26 mai 2014 ; que si comme rappelé par les sociétés POMONA et KIMAR, les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient réunies en l'espèce et que le cédant et le cessionnaire d'une entité économique autonome ne pouvaient se soustraire à cette règle d'ordre public, ces sociétés ainsi que la société ELH II s'étaient malgré tout manifestement entendues, pendant plusieurs mois de janvier à mai 2014, pour se soustraire à l'obligation de transférer le contrat de travail de Monsieur [W] ; que la société ELH II, devenue KISSAO, a finalement repris le contrat de travail de Monsieur [W] à la date du 28 mai 2014 ; que par courrier du 3 juin 2014 remis en main propre au salarié, la société KISSAO a dispensé ce dernier d'activité et, par courrier du 5 juin 2014, elle annonçait au salarié être « contraint d'envisager très rapidement une réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité. Cette réorganisation m'amène à envisager votre licenciement pour motif économique » ; que par courrier du 6 juin 2014, Monsieur [W] a été convoqué à un entretien préalable pour le 23 juin à une mesure de licenciement pour motif économique ; que par co rrier du 23 juin 2014 de proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, la société KISSAO (anciennement ELH II) a énoncé « les circonstances économiques qui nous conduisent envisager votre licenciement. Vous n'êtes pas sans ignorer que le fonds de commerce KISSAO a été acquis auprès du Groupe POMONA par l'entreprise alors que ses résultats au titre des derniers exercices comptables sont largement déficitaires. La restructuration qu'impose la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise nous amène à devoir réorganiser la structure de celle-ci, en supprimant le poste de directeur que vous occupez. Les résultats déficitaires enregistrés ces dernières années commandent en effet une modification de l'organisation de l'effectif qui nous conduit à une réattribution de vos tâches en interne » ; que le salarié a accepté le 11 juillet 2014 le contrat de sécurisation professionnelle ; que son contrat a pris fin le 15 juillet 2014 ; que la société ELH II, devenue KISSAO, qui a pendant plusieurs mois manifesté la volonté de ne pas reprendre le directeur, a très tardivement décidé de le reprendre le 28 mai 2014 et ce, alors même que le poste de directeur était déjà occupé par le Président de la société, Monsieur [W]. Ce dernier avait rencontré, dès le 29 janvier 2014, le personnel repris qui avait manifesté le souhait de rencontrer « le nouveau directeur » et a organisé la reprise du fonds de commerce de janvier jusqu'à fin mai 2014 ; qu'alors que Monsieur [W] avait déjà été remplacé sur son poste de directeur, raison pour laquelle le cessionnaire ne voulait pas reprendre le salarié, la société ELH II ne peut prétendre avoir découvert après l'acquisition du fonds de commerce, que les résultats déficitaires des derniers exercices comptables (résultats cités dans l'acte de cession pour les exercices 2010/2011, 2011/2012 et 2012/2013) nécessitaient une réorganisation de la structure et la suppression du poste de directeur aux fins de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'il s'ensuit que le licenciement pour motif économique de Monsieur [W], remplacé sur son poste avant même le transfert, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que la société ELH II, devenue KISSAO, s'était manifestement entendue avec le cédant pour accepter le transfert du contrat de travail de Monsieur [W] et, très rapidement, dès le 3 juin 2014, le dispenser d'activité et engager à son encontre une procédure de licenciement pour motif économique ; que cette collusion entre le cédant et le cessionnaire est confortée par la proposition immédiatement faite à Monsieur [W], dans le courrier de KISSAO (anciennement ELH II) du 5 juin 2014, de réexaminer la proposition du groupe POMONA qui lui avait été faite « avant la cession » d'une mutation, le dirigeant de KISSAO indiquant : « il m'a semblé qu'il m'incombait dès lors d'insister sur cette possibilité qui s'offre à vous de rester dans un Groupe important et reconnu comme POMONA compte tenu de la réorganisation hélas inévitable que KISSAO envisage de mettre en oeuvre. La dispense d'activité rémunérée qui vous a été notifiée est donc mise à profit actuellement dans ce but. Je pense ainsi être en mesure demain de vous faire une proposition de transfert de votre contrat de travail au sein du Groupe POMONA, mais je serai également contraint en parallèle au délai de réflexion dont vous disposerez pour accepter ce ou ces postes d'engager une procédure de licenciement pour motif économique que j'espère ainsi ne pas devoir mener jusqu'à son terme » ; que par courrier du 6 juin 2014, la société KISSAO proposait ainsi à Monsieur [W] « deux postes actuellement disponibles » au sein du groupe POMONA ; qu'alors que le transfert du contrat de travail de Monsieur [W] au sein de la société ELH II n'avait pas été prévu jusqu'à fin mai 2014, que le salarié n'avait pas accepté la proposition de mutation du 19 février 2014 de la société POMONA, entraînant pour lui une rétrogradation de son statut et une diminution de ses ressources, et qu'aucune autre proposition n'avait été présentée au salarié par la société POMONA, sa filiale KISSAO et la société ELH II ont manifestement agi en fraude des droits du salarié pour le transférer au sein de la société ELH II, bien que cette dernière avait déjà un directeur en place et qu'elle avait donc l'intention d'engager immédiatement la procédure de licenciement pour suppression du poste de Monsieur [W], lequel a été fortement incité à accepter le « transfert de son contrat de travail au sein du groupe POMONA » par le biais de deux propositions de reclassement externe ; qu'au vu de la collusion entre les sociétés POMONA, KISSAO (devenue KIMAR) et ELH II (devenue KISSAO) aux fins de ne pas organiser dans un premier temps le transfert du contrat de travail de Monsieur [W], et ensuite, sans information du salarié, de transférer son contrat de travail au sein de ELH II pour immédiatement engager une procédure de licenciement pour motif économique et l'inciter à accepter un nouveau transfert au sein du groupe POMONA, ces trois sociétés, qui par leur action commune ont contribué à l'entier préjudice subi par le salarié par suite de la perte de son emploi, seront condamnées in solidum au paiement des indemnités découlant du licenciement sans cause réelle et sérieuse de Monsieur [W] ; qu'au vu des bulletins de paie versés par Monsieur [W] sur les 12 mois précédant la rupture de son contrat de travail, soit de juillet 2013 à juin 2014, le salaire mensuel moyen brut du salarié s'élève à 9 699 euros ; qu'il convient d'accorder à Monsieur [W], sur la base du salaire moyen brut de 9 699 euros, un complément d'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 5 962 euros brut (29 097 € de préavis de trois mois, déduction faite de la somme de 23 135 euros versée), ainsi que 596 euros de congés payés afférents ; que Monsieur [W] produit ses relevés de compte sur la période de septembre et octobre 2014, le tableau d'amortissement de son prêt bancaire, son jugement de divorce du 11 juillet 2011, un état des créances et des dettes au titre de l'exercice 2015 de la société TROPILINE qu'il a créée et une attestation fiscale délivrée par le Pôle emploi mentionnant un montant de 55 764 euros de ressources à déclarer au titre de l'année 2015 ; qu'il ne verse pas d'élément sur l'évolution de sa situation professionnelle postérieurement à décembre 2015, ni sur ses ressources ; qu'en considération des éléments fournis sur son préjudice, de l'ancienneté du salarié de 20 ans dans l'entreprise occupant plus de 10 salariés et du montant de son salaire mensuel brut, la cour accorde à Monsieur [W] la somme de 145 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'alors que le salarié a été laissé dans l'incertitude quant au transfert de son contrat de travail pendant plusieurs mois, puis a été informé tardivement de ce transfert pour voir immédiatement son contrat de travail rompu, en méconnaissance de ses droits et en violation de l'obligation contractuelle de loyauté dans l'exécution du contrat de travail, la Cour lui accorde la somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral résultant des circonstances brutales et vexatoires ayant entouré la rupture de son contrat de travail ;

1° ALORS QUE le licenciement décidé par le cessionnaire, à qui le contrat de travail a été transféré de plein droit par l'effet de l'article L. 1224-1 du code du travail, ne peut être imputé à faute au cédant en l'absence d'une collusion frauduleuse entre les employeurs successifs, ou d'une fraude ; qu'en décidant qu'il avait existé une collusion frauduleuse entre les employeurs successifs pour éluder les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail cependant qu'elle avait constaté que le contrat de travail de Monsieur [W] avait été transféré au sein de la société KISSAO, anciennement ELH II, dès la reprise par cette dernière de l'entité économique, la cour d'appel, qui ne pouvait par conséquent faire peser la responsabilité de la rupture sur la société POMONA, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2° ALORS QUE lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; qu'après avoir rappelé que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient réunies en l'espèce et que le cédant et le cessionnaire d'une entité économique autonome ne pouvaient se soustraire à cette règle d'ordre public (cf. arrêt attaqué p. 9 § 2), la cour d'appel a relevé que « la société POMONA, sa filiale KISSAO et la société ELH II ont manifestement agi en fraude des droits du salarié pour le transférer au sein de la société ELH II, bien que cette dernière avait déjà un directeur en place et qu'elle avait donc l'intention d'engager immédiatement la procédure de licenciement pour suppression du poste de Monsieur [W], lequel a été fortement incité à accepter le "transfert de son contrat de travail au sein du groupe POMONA" par le biais de deux propositions de reclassement externe » (cf. arrêt attaqué p. 10 §avant-dernier) ; qu'en décidant que la société POMONA, sa filiale KISSAO et la société ELH II ont manifestement agi en fraude des droits du salarié pour le transférer au sein de la société ELH II, quand elle avait constaté que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient réunies en l'espèce et que le cédant et le cessionnaire d'une entité économique autonome ne pouvaient se soustraire à cette règle d'ordre public, de sorte que le transfert du contrat de travail de Monsieur [W] devait nécessairement s'opérer, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

3° ALORS QUE par des écritures demeurées sans réponse, la société POMONA faisait valoir que « Monsieur [W] apparaissait bel et bien sur la liste officielle et définitive des salariés transférés en annexe 5 de l'acte de cession du fonds. En sa qualité de "dirigeant" de la société, sa situation n'a bien évidemment pas été traitée exactement comme celles des autres salariés (organisation d'une entretien) puisqu'il était au coeur des négociations » (cf. prod n° 3, p. 11 § 5) ; qu'en décidant néanmoins qu'il existait une collusion frauduleuse entre les employeurs successifs au prétexte que le nouvel employeur n'aurait pas demandé dans son courriel du 24 janvier 2014 qu'il lui soit adressé une copie du contrat de travail de Monsieur [W] et que le nom du salarié n'aurait pas figuré sur la liste des entretiens, quand elle aurait dû à tout le moins répondre au moyen déterminant des écritures d'appel de la société POMONA, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4° ALORS QUE la dénaturation par omission donne ouverture à cassation ; que tel est le cas lorsque les juges du fond ont fait abstraction d'un document régulièrement produit aux débats et de nature à avoir une incidence sur la solution du litige ; qu'en bornant à énoncer que « le courriel du 24 janvier 2014 de [J] [R] adressant à Monsieur [W] les horaires des entretiens des différents salariés repris (le 29 janvier de 8h à 17h30) avec Y?, Président de la SAS ELH II (pièce 41), Monsieur [W] n'étant pas sur cette liste » sans même constater qu'il ressortait de cet élément de preuve régulièrement versé aux débats que Monsieur [D] souhaitait pouvoir prendre contact avec Monsieur [W], la cour d'appel a dénaturé par omission la déclaration rectificative de radiation du 26 novembre 2009 et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

5° ALORS QUE les sociétés immatriculées appartenant à un même groupe disposent chacune d'une personnalité juridique propre, de sorte qu'en principe elles répondent seules des obligations qu'elles contractent ; qu'en condamnant solidairement les sociétés POMONA et KIMAR à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-14.545
Date de la décision : 08/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre sociale, arrêt n°19-14.545 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 08 sep. 2021, pourvoi n°19-14.545, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.14.545
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