CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 juin 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10370 F
Pourvoi n° U 20-16.220
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021
La société Laval, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-16.220 contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [W] [T], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Mme [J] [V], domiciliée [Adresse 3], pris en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété du [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Laval, après débats en l'audience publique du 1er juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Laval aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Laval
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance querellée, d'AVOIR déclaré recevables les demandes de Mme [T], d'AVOIR condamné sous astreinte la SCI Laval à démolir les deux piliers implantés de chaque côté de son nouveau portail afin que leur hauteur ne dépasse pas celui d'origine, à supprimer toute ornementation sur le haut des piliers reconstruits, dit que la remise en état du portail devait se fait à la hauteur de la première fenêtre de l'immeuble dans sa partie basse tel que cela ressort du procès-verbal de l'huissier du 21 novembre 2017 (photographies 13 et 14), d'AVOIR condamné sous astreinte la SCI Laval à enlever les deux rideaux végétaux synthétiques et les quatre sculptures de lion installés sur le parement des façades avant et arrière du toit-terrasse de l'immeuble et d'AVOIR dit que toutes les astreintes étaient prononcées sans limitation de durée et portées à 500 euros par jour de retard à l'expiration du délai de huit jours suivant la signification de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 446-1 du code de procédure civile, les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien ; qu'il résulte de la lecture de la décision dont appel, confirmée par le plumitif produit par l'intimée, que Mme [T] était représentée par Maître Broca à l'audience du 9 janvier 2019, ce dernier ayant été autorisé à déposer son dossier en cours de délibéré ; qu'il a été sollicité l'entier bénéfice de l'assignation introductive d'instance de Mme [T] sauf à porter la demande au titre des frais irrépétibles à la somme de 4 000 euros et présenté oralement les moyens soutenus en demande ; qu'en conséquence, la nullité de l'ordonnance n'est pas encourue ; que les demandes de Mme [T] sont recevables ;
1°) ALORS QUE la procédure de référé étant orale et en l'absence de disposition particulière prévoyant que les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience, le dépôt par une partie d'observations écrites ne peut suppléer le défaut de comparution ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de nullité de l'ordonnance de référé formulée par la SCI Laval, que le conseil de Mme [T] avait été autorisé à déposer son dossier en cours de délibéré, quand aucune disposition particulière ne prévoit une telle autorisation dans la procédure de référé devant le tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé l'article 446-1 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'ordonnance du 6 février 2019 comporte le rappel des demandes et moyens de Mme [T] figurant dans ses conclusions écrites sans énoncer qu'ils ont été présentés oralement à l'audience ; que le procès-verbal de l'audience sur lequel la cour d'appel a fondé sa décision ne comporte aucune mention relative aux demandes ou aux moyens de Mme [T] et se borne à mentionner, après le résumé des demandes et moyens de la SCI Laval, « autorisation de dépôt du dossier du demandeur » ; qu'en retenant néanmoins, pour rejeter la demande de nullité de l'ordonnance de référé formulée par la SCI Laval, « qu'il a été sollicité l'entier bénéfice de l'assignation introductive d'instance de Mme [T] sauf à porter la demande au titre des frais irrépétibles à la somme de 4 000 euros et présenté oralement les moyens soutenus en demande », la cour d'appel a dénaturé l'ordonnance entreprise et le procès-verbal de l'audience produit par l'intimée, en violation du principe susvisé ;
3°) ALORS QUE la cassation de l'arrêt en ce qu'il a refusé d'annuler l'ordonnance, qui interviendra sur les deux premières branches du moyen du pourvoi, emportera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle des dispositions de l'arrêt attaqué, déclarant recevables les demandes de Mme [T], statuant au fond et condamnant la SCI Laval, dès lors qu'est nouvelle en cause d'appel et partant, irrecevable, la prétention qui n'a pas été soumise à la juridiction de premier degré, de sorte que Mme [T], n'ayant formé aucune demande devant le premier juge, était irrecevable à le faire devant la cour d'appel.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné sous astreinte la SCI Laval à démolir les deux piliers implantés de chaque côté de son nouveau portail afin que leur hauteur ne dépasse pas celui d'origine, à supprimer toute ornementation sur le haut des piliers reconstruits, dit que la remise en état du portail devait se fait à la hauteur de la première fenêtre de l'immeuble dans sa partie basse tel que cela ressort du procès-verbal de l'huissier du 21 novembre 2017 (photographies 13 et 14) et d'AVOIR dit que toutes les astreintes étaient prononcées sans limitation de durée et portées à 500 euros par jour de retard à l'expiration du délai de huit jours suivant la signification de l'arrêt ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'au vu des éléments contradictoirement soumis à l'appréciation de la cour, l'appelante reprend en cause d'appel au soutien de son recours les moyens initialement développés devant le premier juge et qui ont été écartés par des motifs pertinents, en fait et en droit, auxquels la cour se réfère expressément en décidant de les adopter sans les paraphraser inutilement, précision faite que la remise en état du portail doit se faire - non pas à 1m70 de hauteur - mais à la hauteur de la première fenêtre de l'immeuble en sa partie basse tel que cela ressort du procès-verbal d'huissier en date du 21 novembre 2017 (photographies 13 et 14) ; qu'à ces justes motifs, il convient d'ajouter que la SCI LAVAL a sollicité une scission de la copropriété par division foncière, ce qui lui a été refusé lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 3 avril 2019 et que la SCI LAVAL a été condamnée à plusieurs reprises pour des travaux effectués dans les parties communes de la copropriété sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'elle ne démontre pas s'être exécutée depuis la première décision si bien qu'il est justifié d'augmenter le montant de l'astreinte et ce sans limitation de durée ; que, dans ces conditions, l'ordonnance déférée sera confirmée sauf à préciser la hauteur pour la remise en état du portail et à modifier les modalités des astreintes ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur la remise en état du portail implanté sur les parties communes de [l'immeuble] en copropriété, qu'il est constant que la SCI Laval, souhaitant modifier le portail implanté à l'arrière de l'immeuble en copropriété, a sollicité l'autorisation de [W] [T] laquelle, par courrier du 22 mai 2015, a répondu dans ces termes "je vous confirme notre entretien téléphonique, à savoir que je suis d'accord pour que vous agrandissiez ce portail dans sa partie basse afin d'assurer une fermeture convenable de votre propriété, que les autres dimensions de ce portail (hauteur et longueur) ne devront pas être modifiées" ; que la SCI Laval n'a pas respecté l'autorisation claire et exempte de toute ambiguïté ainsi donnée et érigé deux piliers de plus de trois mètres de haut de part et d'autre du portail alors existant ; que [W] [T] a reçu, le 7 juillet 2017, une nouvelle demande relative au remplacement de l'ancien portail d'un 1m70 de haut par un autre portail dont la hauteur n'était pas précisée ; qu'elle a fait part de son absence d'autorisation dans un courrier du 11 juillet 2017 ; qu'elle a néanmoins édifié le portal ainsi qu'il ressort du procès-verbal de constat dressé le 21 novembre 2017 par Maître [W], huissier de justice ; que la réalisation de ce portail imposait l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires au regard des dispositions du règlement de copropriété et état descriptif de division du 8 juin 1962 ; qu'en effet, il résulte de cet acte notarié que le sol des constructions et le terrain attenant, sauf réserve de jouissance du jardin, une bande de terrain de 36,44 m2, le mur de clôture séparatif des deux villas jumelées, les murs de clôture de l'entière propriété, sont réputées choses communes ; que le terrain constituant le "jardin" du lot n° 1 appartenant à la SCI Laval n'est nullement la propriété exclusive de cette société mais constitue une partie commune sur laquelle elle bénéficie d'un droit de jouissance privatif ; que le portail a incontestablement été érigé sur une partie commune à jouissance privative et exclusive dont le titulaire dispose d'un simple droit d'usage et de jouissance ; que les parties communes réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire ne constituent pas des parties privatives et restent des parties communes (Cass. Civ. 3, 22 mai 1972, Bull, civ. III, n° 359 ; Civ. 3, 26 juin 1974, Bull. Civ, III, n° 269) ; qu'ainsi que le juge des référés l'a jugé dans une ordonnance du 6 avril 2011, confirmée par un arrêt de la cour d'appel du 1er mars 2012, le droit de jouissance d'une partie commune n'emporte pas le droit de construire et nécessite une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 pour les constructions légères et 26 de cette loi pour les constructions en dur ; que le portail constituant un ouvrage permanent, la majorité requise était celle de l'article 26 ; qu'il importe peu que la SCI Laval l'ait érigé aux lieu et place de l'ancien. Il est incontestablement de dimensions beaucoup plus importantes que l'ancien et prend appui en outre sur le mur façade de l'immeuble en copropriété sur une hauteur plus importante comme le démontrent les photographies de l'ancien et du nouveau ; que les considérations d'ordre esthétiques sont indifférentes dès lors qu'il s'agit seulement de savoir si le portail érigé pouvait l'être sans l'autorisation préalable de l'assemblée générale ; que, par sa dimension, hors de proportion avec le précédent, il porte atteinte à l'aspect extérieur de l'immeuble ; que la réalisation de tels travaux sur une partie commune, non autorisés par l'assemblée générale dont la SCI Laval n'a à aucun moment sollicité l'inscription à l'ordre du jour, constituent un trouble manifestement illicite que le juge des référés a le devoir de faire cesser ; que la demande telle que formulée par [W] [T] n'est pas disproportionnée, la seule mesure susceptible de mettre fin à ce trouble manifestement illicite résidant dans la démolition des deux piliers implantés de chaque côté de son nouveau portail afin que leur hauteur ne dépasse pas celui d'origine (1m70), à supprimer toute ornementation sur le haut des piliers reconstruits, à réduire la hauteur du portail lui-même à 1,70 in (en ce compris la grille fixe installée au-dessus des vantaux), à réduire la hauteur de la "grille", prenant appui sur la façade de l'immeuble à 1,70 m ; que la SCI Laval sera condamnée à ces mesures » ;
ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que dans ses conclusions d'appel, la SCI Laval faisait valoir (p. 14, §§ 1 à 3) que « l'autre pilier (celui de gauche) se trouve sur un autre morceau du terrain qui ne fait même pas partie de la copropriété », réfutait la possibilité pour le juge des référés de « prononcer une mesure de démolition d'un ouvrage à l'encontre d'une société, tandis qu'une partie de cet ouvrage (le pilier) se trouve sur un terrain qui ne fait même pas partie de la copropriété » et ajoutait qu'« il est incontestable que la SCI Laval, étant également le propriétaire de ce terrain voisin, ne pourra en aucun cas être contrainte de faire démolir ce pilier par le juge des référés dans le cadre de la présente instance » ; qu'en ordonnant la démolition des deux piliers implantés de chaque côté du nouveau portail afin que leur hauteur ne dépasse pas celui d'origine sans répondre au moyen pris de ce que l'un des piliers n'était pas édifié sur le terrain appartenant à la copropriété, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.