CIV. 1
NL4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 juin 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10559 F
Pourvoi n° R 19-25.482
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021
La société Talama, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 19-25.482 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à l'association Aéroclub de Valenciennes Hainaut, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations écrites de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Talama, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de l'association Aéroclub de Valenciennes Hainaut, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Talama aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Talama et la condamne à payer à l'association Aéroclub de Valenciennes Hainaut la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Talama
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement et condamné la société Talama à payer et porter à l'association aéroclub de Valenciennes Hainaut la somme de 7.622,58 ?.
1°) AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte clairement de la lecture des procèsverbaux de réunion du comité directeur de l'aéroclub que ladite association a initialement projeté d'acheter l'avion en cause au moyen d'un prêt au taux de 2 % que [F] [F], membre de l'association, a proposé de lui consentir (PV du 12 octobre 2013) ; qu'au final, il a été convenu que [F] [F] achète l'avion via sa société Talama et en devienne ainsi propriétaire, l'aéroclub sollicitant la conclusion d'un contrat de location avec option d'achat, déclarant que "l'objectif de cette opération est que l'aéroclub devienne propriétaire de l'aéronef" (PV du 18 janvier 2014) ; que toutefois [F] [F], bien qu'ayant promis lors de la réunion du 15 novembre 2014 qu'il allait s'en occuper, n'a jamais consenti à la régularisation d'un contrat de location avec option d'achat en dépit des relances qui lui ont été adressées au terme de chaque réunion du comité directeur de l'aéroclub ; que le projet de contrat de location que la société Talama verse au débat confirme qu'elle n'a pas entendu s'engager dans les liens d'un contrat de location avec option d'achat mais d'un simple contrat de location, ce projet, que [F] [F] a adressé par mail au président de l'aéroclub [M] [T] le 5 janvier 2015, ne contenant en effet aucune option d'achat au profit du locataire mais un simple "droit de préférence", "pour le cas où le loueur se déciderait à vendre l'avion" ; que ce projet de contrat de location avec droit de préférence au profit du locataire contredit totalement l'existence, affirmée par la société Talama, d'un contrat de vente à crédit de l'avion en cause ; la réalité du contrat de location conclu verbalement entre les parties est corroborée par les factures adressées mensuellement par le gérant de la société Talama à l'aéroclub, qui comportent la désignation "location mensuelle avion G-DDLY" ; que par ailleurs, il résulte de la lecture des procès-verbaux de réunion du comité directeur de l'aéroclub que l'association n'a financé les réparations litigieuses que dans la perspective de devenir à terme propriétaire de l'avion si le contrat de location avec option d'achat devait être régularisé. Ainsi, dans le procès-verbal de réunion du 13 juin 2015 il est acte que "Sans contrat l'aéroclub a demandé à [F] [F] de prendre en charge le changement de parachute. Celui-ci n'ayant pas les finances nécessaires, un accord de report des paiements des loyers en contrepartie du paiement du changement du parachute par l'aéroclub a été conclu, report arrêté à 10 mois correspondant au montant de la réparation". "En effet, sans contrat de location avec option d'achat, l'aéroclub n'a aucune garantie quant à ses investissements. Toutes réparations sont donc à la charge de la société Talama."Une mention similaire est actée sur le procès-verbal de réunion du 11 juin 2016 relativement à la réparation du moteur ; qu'en outre, aux termes du procès-verbal de constat d'huissier de justice établi à la requête de la société Talama le 2 novembre 2016, par lequel elle entend voir constater la remise de l'avion sans moteur par l'aéroclub, la société Talama se présente expressément comme le propriétaire de l'aéronef ; que l'ensemble de ces éléments établissent qu'un simple contrat de location a été verbalement conclu entre les parties, à défaut de régularisation d'un contrat de location avec option d'achat, lequel n'était manifestement souhaité que par l'Aéroclub, la société Talama entendant pour sa part conserver sa qualité de propriétaire jusqu'au terme du contrat ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu cette qualification de contrat de location verbal.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 1714 du Code civil prévoit qu'on peut louer par écrit ou verbalement, sauf, en ce qui concerne les biens ruraux, application des règles particulières aux baux à ferme et à métayage ; qu'il peut être déduit de l'article 1716 du même code qu'une fois commencée l'exécution du contrat, la preuve de l'existence même du bail est libre ; qu'aux termes de l'article 1709 du même code, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à payer ; qu'en l'espèce, aucun contrat écrit n'a été établi entre les parties. L'association aéroclub de Valenciennes Hainaut démontre cependant que la SARL Talama a mis à sa disposition un avion, et qu'elle lui versait en contrepartie un loyer d'avril 2014 jusqu'au 2 novembre 2016. L'existence d'un contrat de location de l'avion est donc démontrée ; que si l'association aéroclub de Valenciennes Hainaut indique que l'accord des parties portait au départ sur un contrat de location avec option, d'achat, aucun élément ne permet de prouver la conclusion d'un tel contrat de crédit-bail, ce que ne soutient d'ailleurs pas l'association.
ALORS QUE D'UNE PART, la Cour ne pouvait qualifier le contrat unissant la société Talama à l'aéroclub de « simple contrat de location » sans répondre aux conclusions de la société Talama qui démontrait que le comportement adopté par l'aéroclub devait conduire la Cour à retenir l'existence d'un contrat de location avec option d'achat ; que notamment la société Talama soutenait que l'aéroclub s'était comporté en propriétaire de l'avion, avait commandé diverses interventions sur l'appareil sans autorisation préalable de la SARL Talama (conclusions p.6) , qu'il avait procédé au règlement de la somme correspondant au changement de parachute et d'un acompte sur le devis de réparation du moteur et qu'à ces deux occasions, l'aéroclub avait demandé à Talama un simple report des échéances mensuelles et non une compensation avec ses propres dettes (p.7) ; qu'elle indiquait également que M. [T] avait spontanément inclus dans le capital à rembourser à la société Talama par l'aéroclub les 13.000? avancés par celle-ci ; qu'il résultait de ces différents éléments que la Cour n'a pas pris en compte que le contrat devait être qualifié de location avec option d'achat ; que, pour n'avoir pas répondu à ces conclusions déterminantes pour la qualification du contrat, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile
ALORS QUE D'AUTRE PART, en se fondant, pour justifier une telle qualification, sur le projet de location adressé le 5 janvier 2015 par M. [F] au président de l'aéroclub, la Cour s'est déterminée par un motif inopérant ; que non seulement ce contrat n'a jamais été signé mais que postérieurement à cette transmission et dans le courant de l'année 2016, l'aéroclub s'était bien comporté comme un propriétaire de l'avion ; qu'en se déterminant par des motifs inopérants, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
2°) AUX MOTIFS QUE, aucun élément du débat ne permet d'affirmer que ces réparations auraient été rendues nécessaires du fait de dégradations commises par le locataire en sorte que la société Talama n'établit pas que l'article 1732 du Code civil aurait vocation à s'appliquer.
ALORS QUE, aux termes de l'article 1732 du code civil, la responsabilité du locataire est présumée et c'est à lui de prouver que les dégradations ont eu lieu sans sa faute ; qu'en considérant que la société Talama n'établissait pas que cet article aurait vocation à s'appliquer, la Cour a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ensemble l'article 1732 du même code
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Talama de ses demandes reconventionnelles.
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'imputabilité de la résiliation du contrat et les demandes reconventionnelles de la société Talama, il résulte clairement de la lecture du procès-verbal de réunion du comité directeur de l'aéroclub du 5 octobre 2016 que le contrat a été rompu à l'initiative de la société Talama qui a souhaité remettre en cause les conditions financières initialement arrêtées en sollicitant l'application d'un taux d'intérêt de 4% au lieu des 2% initialement fixés ; qu'à défaut d'accord de l'aéroclub sur les nouvelles conditions posées, le bailleur a décidé de reprendre l'aéronef ainsi qu'il est mentionné au procèsverbal ; que dans une lettre adressée le 19 octobre 2016 à M. [F], l'aéroclub a informé le bailleur que son aéronef lui serait restitué et déposé en l'état le jeudi 20 octobre 2016 devant son hangar sur l'aéroport [Établissement 1], après lui avoir rappelé que « Suite aux différentes réunions concernant le Cirrus SR20 GCDLY, réunions ayant eu lieu à l'Aéroclub de [Localité 1] le mercredi 5 octobre 2016 en votre présence et celle du conseil d'administration à 18 h 30, le samedi 8 octobre du conseil d'administration à 10 h et le vendredi 14 octobre 2016 à 15 h 30 en votre présence et celle du Président vous avez imposé de nouvelles règles que le conseil d'administration a dû refuser et vous avez donc décidé de récupérer votre aéronef » ; que M. [F] n'a pas adressé de lettre en réponse pour contester ces faits ; qu'il est ainsi établi que le contrat a été résilié à l'initiative du bailleur, en sorte que la société Talama est mal fondée à imputer la rupture à son locataire et à prétendre à des dommages et intérêts en conséquence de la rupture injustifiée du contrat par l'aéroclub ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, Sur la résiliation du contrat, en l'absence d'écrit, lorsque la location a commencé à recevoir exécution, le contrat sera réputé à durée indéterminée et en conséquence comprenant le droit de résiliation unilatérale de chacune des parties ; que l'association Aéroclub de Valenciennes Hainaut démontre par la production du compte-rendu de la réunion du 5 octobre 2016 que [F] [F], en sa qualité de gérant de la société Talama a mis fin au contrat de location en exigeant la restitution de l'appareil ; que l'association aéroclub Valenciennes Hainaut démontre également avoir délivré le 21 octobre 2016 à la société Talama une sommation de se présenter le 2 novembre 2016 pour la restitution de l'avion ; qu'à cette date, l'avion a été déplacé dans le hangar de [F] [F], en présence de deux huissiers de justice ;
ALORS QUE, D'UNE PART, nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en l'espèce, pour juger que le contrat de location de l'aéronef avait été résilié à l'initiative de la société Talama, la cour s'est exclusivement fondée sur le procèsverbal du comité directeur de l'aéroclub de [Établissement 2] du 5 octobre 2016 et sur la lettre adressée le 19 octobre 2016 par l'aéroclub au gérant de la société Talama, selon lesquels le contrat aurait été rompu à l'initiative de la société Talama qui aurait exigé la restitution de l'appareil ; qu'en se fondant exclusivement sur deux pièces établies par l'aéroclub de [Établissement 2], tandis que la société locataire ne pouvait se constituer à elle-même la preuve de la résiliation du contrat qui constitue un acte juridique, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, le juge est tenu d'examiner, serait-ce succinctement, les pièces des débats invoquées par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en énonçant qu'il était établi que le contrat avait été rompu à l'initiative de la société Talama qui avait souhaité remettre en cause les conditions financières initialement arrêtées, en sollicitant l'application d'un taux d'intérêt de 4% au lieu des 2% initialement fixé, sans examiner les échéanciers des 4 avril 2014 et 3 novembre 2014 (Prod. 1 et 2) venant établir que le taux d'intérêt avait été initialement fixé à 4%, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QU'ENFIN, la société Talama faisait valoir dans ses écritures qu'il résultait des échéanciers des 4 avril 2014 et 3 novembre 2014 versés aux débats, que le taux d'intérêt était de 4%, que l'aéroclub de [Établissement 2] reconnaissait que ce taux avait été appliqué et que les remboursements avaient été effectués sur cette base durant deux années (Prod. 2, concl. p. 8.1) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen venant établir que ce n'était pas la société Talama qui n'avait pas modifié le taux d'intérêt en cours de contrat, mais l'aéroclub de [Établissement 2], de sorte que la résiliation ne lui était pas imputable, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.