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23/06/2021 | FRANCE | N°20-10523

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 juin 2021, 20-10523


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 juin 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 793 F-D

Pourvoi n° B 20-10.523

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 JUIN 2021

Mme [T] [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le

pourvoi n° B 20-10.523 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 juin 2021

Rejet

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 793 F-D

Pourvoi n° B 20-10.523

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 JUIN 2021

Mme [T] [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-10.523 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société M2B, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de Me Bouthors, avocat de Mme [F], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société M2B, après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 2018), Mme [F] a été engagée le 9 novembre 2009, en qualité de secrétaire comptable et administrative, par la société Labourdine.

2. Le 1er avril 2015, son contrat de travail a été transféré à la société M2B.
3. Le 17 juillet 2015, elle a été licenciée pour faute grave.

4. Contestant l'exécution et la rupture de son contrat de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de refuser de reconnaître que le contrat de travail la liant à la société avait été exécuté de mauvaise foi et qu'il y avait eu une modification unilatérale de ce contrat, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L.1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et que l'employeur a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi ; qu'au cas présent, la cour d'appel qui constate que le nouvel espace de travail de la salariée, qui disposait auparavant d'un bureau, est constitué par un poste de travail sur une table dans un coin de la salle de restaurant au milieu des clients ou dans un petit cagibi servant également de vestiaire de moins de 5 m² sans fenêtre ni aération, devait en déduire que les nouvelles conditions de travail de la salariée ne lui permettaient pas d'exécuter ses fonctions convenablement et qu'ainsi son contrat de travail n'était pas exécuté de bonne foi par son nouvel employeur ; qu'en énonçant pourtant que ce fait ne procédait aucunement de la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du texte susvisé ;

2°/ qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que les pièces médicales produites (certificat médical du 6 juin 2015) attestent que la salariée a manifesté un trouble réactionnel au conflit au travail et qu'elle a été dans l'obligation de revoir son médecin les 5 juin, 15 juin et le 10 septembre 2015 selon les ordonnances produites aux débats ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors retenir que les allégations de pressions et brimades n'étaient pas établies sans violer l'article L. 1222-1 du code du travail faute d'avoir tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient. »

Réponse de la Cour

7. Sous le couvert de grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine par laquelle la cour d'appel, analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que la salariée ne rapportait pas la preuve que l'employeur avait exécuté le contrat de mauvaise foi.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour Mme [F]

Premier moyen de cassation

- Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement pour faute grave de Madame [F] était justifié et de l'avoir déboutée de ses demandes indemnitaires y afférentes

aux motifs que

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties :

Sur le licenciement
Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié.
Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est-à-dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.
Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.
Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.
Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Madame [F] a été licenciée pour avoir été l'instigatrice des menaces proférées par son fils le 1er juillet 2015 à l'encontre de Monsieur [F] [N].
Madame [F] soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis, qu'en outre, ils ne lui sont pas imputables personnellement et enfin, qu'ils ne constituent qu'un prétexte pour se débarrasser d'elle.
La société M2B soutient que le licenciement pour faute grave de Madame [F] est justifié au motif que Madame [F] a incité son fils à menacer son supérieur hiérarchique, Monsieur [F] [N] et que ces agissements se sont déroulés à l'heure du déjeuner devant la clientèle.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que la société M2B apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir que le fils de Madame [F] s'est rendu sur le lieu de travail de celle-ci et qu'il a proféré des menaces à l'encontre du directeur d'établissement en lui disant qu'il allait lui casser les jambes et cela, à l'instigation de Madame [F], comme cela ressort du fait, qu'à l'arrivée de son fils, elle a désigné Monsieur- [N] en disant « c 'est lui qui a un problème avec moi, qui m'insulte, ne me respecte pas et me fait faire du travail de merde ».
En effet, les événements du 1er juillet 2015 relatés dans la lettre de licenciement sont établis par les attestations de clients, témoins de l'altercation, nonobstant le dépôt de plainte du directeur d'établissement et ne sont, du reste, contredits par aucun élément de preuve contraire.
C'est ainsi que Monsieur [X] [W] atteste « Je suis venu déjeuner au grand corona en date du 1er juillet. Vers 13h j'ai assisté à une altercation entre une femme, de couleur, et un jeune homme qui s'avère être le responsable de l'établissement.
Celle-ci s'est avérée menaçante envers celui-ci.
Un homme les a rejoint qui semblait connaître la femme en question. Il a prononcé des menaces verbales au responsable du genre je cite « je reviendrai te casser les jambes, je te connais et je sais où tu travailles. »
Un homme est venu pour essayer de calmer la situation.
Je suis parti sans connaître les aboutissants. » (pièce n° 4 employeur)
De son côté Monsieur [M] [L] atteste « Je soussigné, [M] [L], client du « Grand Corona » était en train de déjeuner le 1er juillet 2015, atteste avoir vu et entendu un homme d'une certaine corpulence se présentant comme le fils d'une employée présente, s'adresser verbalement de manière violente au fils de la patronne.
Ce dernier effectuait le service et est parti en cuisine. Cette personne a continué de parler avec le patron en disant, « Je vais lui casser les jambes et si il rentre en fauteuil roulant ce sera déjà bien », «
je sais où il habite... On se reverra » Il avait l'air déterminé » (piècen°5 employeur).
Dans sa plainte, Monsieur [F] [N] a déclaré « Vers 13h un individu de sexe masculin est arrivé. Madame [F] a dit je cite, « c'est lui, il est là » en me désignant. L'individu est arrivé vers moi alors que je m'occupais d'un client et il m'a dit je cite « qu'est ce que tu as avec ma mère ?
Tu lui manques pas de respect sinon je lui casses les jambes ». J'en ai donc déduit qu'il s'agissait du fils de Madame [F]. Étant donné que je m'occupais de mon client, je me suis écarté et j'ai informé son fils que je n'avais jamais manqué de respect à sa mère et j'ai donc appelé Madame [F] devant son fils afin de lui demander à quel moment je lui avais manqué de respect et cette dernière n'a pas répondu.
Par la suite, le fis de Madame [F] m'a dit, je cite : « Ce n'est pas terminé, je te reverrai à la fermeture. De toutes façons, on va forcément se croiser et je sais que tu as une autre Brasserie à Saint Maur Les fossés et je préfère me déplacer en premier car après ça sera mes deux frères ». Par la suite Madame [F] a quitté les lieux accompagné de son enfant » (pièce n° 3 employeur).
C'est donc en vain que Madame [F] soutient que les faits ne sont pas établis, qu'ils ne lui sont pas imputables personnellement, qu'ils ne sont qu'un prétexte pour se débarrasser d'elle et qu'en réalité, depuis la reprise du fonds de commerce par la société M2B à compter du 1er avril 2015, cette dernière l'a mise à l'écart en développant des stratagèmes afín de la forcer à quitter l'entreprise de son propre chef en raison des difficultés rencontrées à lui fournir du travail.
En effet, la cour retient que les faits sont établis comme cela a été dit plus haut et qu'ils constituent le véritable motif de son licenciement et non un simple prétexte, en raison de la gravité des faits qui est inhérente à l'existence des menaces d'atteintes aux personnes proférées à son instigation.
La cour retient enfin que les faits fautifs retenus à l'encontre de Madame [F], constitutifs d'une menace d'atteinte à la personne proférée à l'instigation de la salariée et, au surplus devant les clients de l'établissement, sont d'une gravité telle qu'ils imposaient son départ immédiat, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute grave devait être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau, la cour dit que le licenciement pour faute grave est justifié ainsi que dans l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Madame [F] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

alors qu'il résulte de l'article L 1234-1 du code du travail que l'employeur qui prononce un licenciement pour faute grave a la charge de prouver l'existence des agissements gravement fautifs personnellement et directement imputables au salarié ; qu'au cas présent, il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Madame [F] a été licenciée à la suite des menaces proférées par son fils le 1er juillet 2015 à l'encontre de Monsieur [F] [N] ; que cependant la cour d'appel qui a constaté que le fils de Madame [F] s'étant rendu sur le lieu de travail de celle-ci à l'heure du déjeuner, avait proféré des menaces et des insultes à l'encontre du directeur de l'établissement sans que Madame [F], qui, victime d'un malaise, désirait seulement rentrer chez elle, ne profère elle-même aucune menace ne pouvait considérer que Madame [F] avait commis une faute grave en l'absence de faits qui lui soient personnellement et directement imputables ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Second moyen de cassation

- Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de reconnaître que le contrat de travail liant Madame [F] à la société M2B avait été exécuté de mauvaise foi et qu'il y avait eu une modification unilatérale de ce contrat

aux motifs que Sur les dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et modification unilatérale de la fonction

Madame [F] sollicite la somme de 10.000 ? à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et modification unilatérale de sa fonction et 20.000 ? à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ; à l'appui de ces demandes, elle soutient qu'elle a été embauchée par la société Labourdine en tant que comptable et secrétaire administratif, niveau 3, échelon 1 et que depuis le 1er avril 2015, sa fonction de comptable et secrétaire administratif était complètement dénaturée par son nouvel employeur, la société M2B, qu'aucun travail afférent à ses fonctions ne lui était confié, qu'elle ne faisait plus que des tâches n'ayant plus grand chose à voir avec sa fonction de comptable et secrétaire administratif, que l'ordre de sa fonction avait été inversé sur ses fiches de paye (pièce n° 28 salarié), qu'elle a dénoncé cette situation à plusieurs reprises en vain (pièces n° 6,7,10,11,12 et 14 salarié) y compris à l'inspection du travail (pièce n° 13 salarié), que son poste de travail était une table dans un coin de la salle du restaurant ou un petit cagibis servant également de vestiaire de moins de 5 m2 sans fenêtre ni aération (pièce n° 5 salarié) et enfin, que la société M2B a multiplié les pressions et brimades à son encontre afin de la pousser à quitter l'entreprise, ce qui justifie sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
La société M2B conteste ces moyens ; Madame [F] ne précise pas les tâches étrangères à ses fonctions qu'elle aurait réalisées, ni n'en justifie ; du reste l'attestation de Madame [I] qu'elle produit sur ce point ne comble pas cette carence et mentionne d'ailleurs que Madame [F] n'effectuait aucun travail contre son gré (pièce n° 33 salarié) ; avant le transfert de son contrat de travail, Madame [F] travaillait en fait, physiquement et essentiellement (mais officieusement) pour l'autre établissement tenu par la société Labourdine (Les Hortensias), en sorte qu'elle ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir pu rapidement lui fournir une activité complète dans le cadre de son temps partiel, alors qu'elle travaillait précédemment très peu pour l'établissement « le Grand Corona ». La société M2B ajoute que les allégations de pressions et de brimades ne sont pas établies et que le médecin du travail, qui, a examiné Madame [F] quelques jours avant les faits a conclu à son aptitude (pièce n° 8 salarié).

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut faire évoluer les tâches effectuées par le salarié. La circonstance que la tâche donnée à l'intéressé soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement ne caractérise pas, en principe, une modification du contrat de travail, dès l'instant où elle correspond à sa qualification. Il en va différemment lorsque ces nouvelles tâches modifient profondément la fonction du salarié et lorsque les nouvelles tâches remettent en cause la qualification, le niveau de responsabilité ou la nature même de l'activité du salarié, il s'agit alors d'une modification du contrat soumise à l'acceptation du salarié.
Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que l'inversion des intitulés de la fonction de Madame [F] ne résulte pas d'une mauvaise intention caractérisée de la société M2B mais du report strict des termes formalisés dans son contrat de travail ; ainsi le fait que, jusqu'en octobre 2010, l'intitulé de la fonction de Madame [F] sur son bulletin de paie était « comptable et secrétaire administratif » et qu'une inversion a fait passer la fonction de Madame [F] de « comptable et secrétaire administratif » à « secrétaire et comptable administratif » ne caractérise aucunement une modification du contrat de travail.
La cour constate aussi que dans ses courriers de réclamation (pièces n° 6,7,10 à l 4 salarié)
Madame [F] mentionne à deux reprises (pièces n° 6 et 12 salarié) les tâches qui lui sont confiées : « trier des classeurs, jeter dans les poubelles ce qui n'est pas utile, s'occuper des factures d'un autre restaurant situé à Saint Maur » (pièce n° 6 salarié) et « remplir un tableau avec désignation des produits achetés et leur prix unitaire, renseignements recueillis sur les factures fournisseurs (manuscrite 18 pages de 28 lignes environ) durée 2 jours, établissement de chèques en règlement des fournisseurs durée lh30, Reprises de tableaux fait manuellement sur ordinateur (Exel) durée 3, 5 jours » (pièce n° 12 salarié) ; or la cour retient que ces tâches, dont il n'est d'ailleurs pas démontré qu'elles soient différentes de celles que Madame [F] effectuait antérieurement, ne caractérisent pas une modification du contrat de travail, dès l'instant où elles correspondent à sa qualification et ne sont pas étrangères aux fonctions qui lui incombe, à savoir actualiser le registre du personnel, réaliser le relevé des produits et des prix en vue des inventaires, pointer les présences, recueillir les factures fournisseurs et établir les chèques à leur attention.
La cour retient encore que les allégations de pressions et de brimades ne sont pas établies ; en effet les seules lettres de réclamation (pièces n° 6, 7,10 à 14 salarié) de Madame [F] sont des éléments de preuve qu'elle s'est constituée pour elle-même et qui sont donc dépourvus de valeur probante dès lors qu'ils ne sont corroborés par aucun autre élément de preuve comme c'est le cas ; en effet, les pièces médicales (certificat médical du 6 juin 2015 soulignant un trouble réactionnel au conflit au travail (pièce n° 30 salarié) et les ordonnances médicales du 5 juin 2015, du 18 juin 2015 et du 10 septembre 2015 (pièces n° 31 salarié)
produites au débat, ne contiennent que les énonciations résultant des déclarations de Madame [F] faites à son médecin traitant alors qu'aucune constatation n'a été faite par le praticien sur ses conditions de travail.
En outre, la cour retient que c'est à juste titre que la société M2B soutient que le fait d'avoir reproché à Madame [F] d'avoir oublié des factures sous la banquette où elle travaillait ne constitue pas des pressions ou des brimades, qu'il en est de même du fait de ne pas accepter de lui servir un déjeuner gratuitement dès lors qu'elle disposait d'une pause de 13h à 14h et d'une indemnité repas et d'avoir omis de lui verser une prime exceptionnelle dont l'employeur n'avait pas eu connaissance lors du transfert du contrat de travail et qui n'était pas mentionnée dans son contrat de travail.
La cour constate enfin que si l'espace de travail de Madame [F] constitué par son poste de travail sur- une table dans un coin de la salle du restaurant ou dans un petit cagibis servant également de vestiaire de moins de 5 m2 sans fenêtre ni aération (pièce n° 5 salarié)
est trop exigu, ce fait est cependant inhérent à l'état des locaux de l'entreprise et ne procède aucunement de la mauvaise foi que Madame [F] invoque à l'encontre de la société M2B dans sa demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et modification unilatérale de sa fonction et n'est pas non plus de nature à caractériser les allégations de brimades et de pressions formulées à l'appui de la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que Madame [F] est mal fondée dans ses demandes de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et modification unilatérale de sa fonction et de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Madame [F] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et modification unilatérale de sa fonction et de dommages et intérêts pour préjudice moral » ;

1°) alors, d'une part, qu'il résulte de l'article L.1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et que l'employeur a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi ; qu'au cas présent, la cour d'appel qui constate que le nouvel espace de travail de Mme [F], qui disposait auparavant d'un bureau, est constitué par un poste de travail sur une table dans un coin de la salle de restaurant au milieu des clients ou dans un petit cagibi servant également de vestiaire de moins de 5 m2 sans fenêtre ni aération, devait en déduire que les nouvelles conditions de travail de Mme [F] ne lui permettaient pas d'exécuter ses fonctions convenablement et qu'ainsi son contrat de travail n'était pas exécuté de bonne foi par son nouvel employeur; qu'en énonçant pourtant que ce fait ne procédait aucunement de la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation du texte susvisé ;

2°) alors, d'autre part, qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que les pièces médicales produites (certificat médical du 6 juin 2015) attestent que Mme [F] a manifesté un trouble réactionnel au conflit au travail et qu'elle a été dans l'obligation de revoir son médecin les 5 juin, 15 juin et le 10 septembre 2015 selon les ordonnances produites aux débats ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors retenir que les allégations de pressions et brimades n'étaient pas établies sans violer l'article L.1222-1 du code du travail faute d'avoir tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-10523
Date de la décision : 23/06/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jui. 2021, pourvoi n°20-10523


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10523
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