CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 juin 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme BATUT, président
Décision n° 10550 F
Pourvoi n° X 19-25.281
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 JUIN 2021
1°/ Mme [Q] [M], domiciliée [Adresse 1],
2°/ M. [W] [U], domicilié [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° X 19-25.281 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [Z] [U],
2°/ à M. [X] [U],
3°/ à Mme [H] [H], veuve [U],
domiciliés tous trois [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations écrites de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme [M] et de M. [W] [U], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mmes [U] et [H], de M. [X] [U], après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [M] et M. [W] [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [M] et M. [W] [U] et les condamne in solidum à payer à Mmes [U] et [H], M. [X] [U] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour Mme [M] et M. [W] [U].
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [Q] [U] épouse [M] et M. [W] [U] de leur demande de requalification en donationpartage de l'acte de la donation reçu par Maître [Z], notaire à [Localité 1], le 27 février 1974, d'avoir dit que Mme [Q] [U] épouse [M] doit rapporter aux successions de ses parents la somme de 604 000 euros au titre de l'immeuble [Adresse 1] et la somme de732 000 euros au titre de l'immeuble [Adresse 4] et d'avoir dit en conséquence que Mme [Q] [U] épouse [M] doit rapporter la somme de 668 000 euros à la succession de M. [F] [U] et celle 668 000 euros à la succession de Mme [C] [X] épouse [U] ;
Aux motifs que sur la demande principale en requalification de l'acte de donation du 27 février 1974 en donation partage : le tribunal de grande instance a débouté Mme [Q] [U] épouse [M] et M. [W] [U] de leur demande de requalification de l'acte de donation du 27 février 1974 en donation-partage aux motifs que : - selon l'article 1319 ancien du code civil, l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs ayant cause, l'acte visé stipulant en pages 2 et 3 que la donation en cause constitue une « donation entre vifs, avec imputation d'abord sur la succession du prémourant et subsidiairement, s'il y a lieu, sur celle du survivant, en avancement d'hoirie », - l'autorité de la chose jugée est attachée à l'arrêt rendu le 30 août 2011 par la cour d'appel de Bordeaux, laquelle après avoir expressément rappelé l'existence de la donation en date du 27 février 1974 dans le cadre de son exposé du litige, a indiqué aux termes de ses motifs que « les donations par acte authentique ont été faites en avancement d'hoirie et doivent donc être rapportées, en valeur, en application de l'article 843 du code civil », - la forme authentique de l'acte ne constitue pas une caractéristique propre à une donation-partage au regard de l'article 931 du code civil, - le fait que les époux [U] / [X] aient expressément régularisé une donation partage au profit de leurs trois enfants le 16 octobre 1991 confirme leur volonté claire et non équivoque de consentir une simple donation en avancement d'hoirie dans le cadre de l'acte dressé le 27 février 1974 ; qu'afin de fixer le montant du rapport de cette donation portant sur la nue-propriété des immeubles sis [Adresse 1] et [Adresse 4] à [Localité 1], le tribunal de grande instance a homologué le rapport d'expertise de M. [R] [N] du février 2015 aux termes duquel la valeur actuelle de l'immeuble [Adresse 1], en l'état au 27 février 1974 a été fixée à la somme de 604 000 euros, et la valeur actuelle de l'immeuble [Adresse 4] en l'état actuel similaire à l'état au 27 février 1974, a été fixée à 732 000 euros ;
que les appelants, quoique n'ayant pas a priori les mêmes intérêts ([B] et [W] ont bénéficié de manière égale dès 1966 d'une donation au sein de la SARL familiale contrairement à leur soeur) critiquent cette décision aux motifs que : - leurs parents ont toujours eu l'objectif premier d'allotir équitablement leurs trois enfants, - l'analyse faite par le notaire est indifférente, - la cour d'appel dans son arrêt précédent n'a pas exclu la donation-partage, - juridiquement la forme authentique de l'acte n'est pas exclusive de la donation partage ; que les intimés sollicitent la confirmation du jugement, approuvant la motivation de la décision entreprise ; qu'ils évoquent également la prescription de la demande en page 8 de leurs conclusions, sans toutefois développer la moindre argumentation sur ce point et sans former de prétention dans le dispositif de leurs conclusions de sorte qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est donc pas tenue de statuer sur ce point ; qu'il est exact que ni le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 3 décembre 2009 ni l'arrêt confirmatif du 30 août 2011 n'ont autorité de la chose jugée concernant la nature de la donation du février 1974 ; qu'en effet sur le fondement de l'article 480 du code de procédure civile, la Cour de cassation a précisé d'une part que l'autorité de la chose jugée s'attache au seul dispositif dont la portée peut être éclairée par les motifs de la décision et que d'autre part le dispositif n'a autorité de la chose jugée qu'en ce qui concerne les questions litigieuses, ayant donné lieu à un débat entre les parties et effectivement tranchées par le juge ; qu'or il ressort de l'analyse de ces deux décisions que la nature de cette donation (considérée en avancement d'hoirie) a été tranchée dans le but de déterminer l'étendue des opérations de liquidation et de partage, sans qu'un débat n'ait eu lieu entre les parties sur la nature même de cette donation, sur sa requalification en donation-partage, et sur son caractère rapportable ; que par ailleurs, il est constant (par application combinée des articles 1075 et 931 du code civil) que la forme authentique n'est pas exclusive de la qualification de donation partage et qu' il incombe au juge, en vertu des dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, de restituer l'exacte qualification de l'acte du 27 février 1974, sans être tenu par la qualification qui en a été faite par le notaire liquidateur ; que cependant selon l'article 1077 du code civil, les biens reçus à titre de partage anticipé par un héritier réservataire présomptif s'imputent sur sa part de réserve, à moins qu'ils n'aient été donnés expressément hors part ; que la qualification de donation en avancement d'hoirie (désormais désignée sous le vocable donation en avancement de part successorale) consiste certes à imputer en priorité la donation sur la réserve héréditaire, mais implique également un rapport successoral ; que si la règle de l'imputation n'est pas incompatible avec la qualification de donation partage, l'article 1077 précité, prévoyant expressément cette règle d'imputation pour les donationspartage, il en est autrement pour le rapport successoral ; qu'en effet, les biens qui font l'objet d'une donation-partage, et qui ont par là-même déjà été partagés, ne sont pas soumis au rapport, qui n'est qu'une opération préliminaire au partage en ce qu'il tend à constituer la masse partageable ; qu'en conséquence, la stipulation selon laquelle la donation en cause constitue une donation entre vifs, avec imputation d'abord sur la succession du prémourant et subsidiairement, s'il y a lieu, sur celle du survivant, en avancement d'hoirie, implique que la donation du 27 février 1974 est bien une donation en avancement d'hoirie, et donc rapportable, permettant d'exclure la qualification de donation-partage ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Q] [U] épouse [M] et M. [W] [U] de leur demande de requalification de l'acte de donation du 27 février 1974 en donation-partage ; sur la demande subsidiaire relative aux conséquences de l'absence de requalification de l'acte en donation partage : contrairement à ce que soutiennent les appelants, en cas de donation en nue propriété, la valeur à prendre en compte pour le rapport est celle de la pleine propriété du bien ; qu'en effet l'article 860 du code civil dispose que : le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; que si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de l'acquisition ; que toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation ; que le tout sauf stipulation contraire dans l'acte de donation ; que s'il résulte d'une telle stipulation que la valeur sujette à rapport est inférieure à la valeur du bien déterminé selon les règles d'évaluation prévues par l'article 922 ci-dessous, cette différence forme un avantage indirect acquis au donataire hors part successorale ; qu'en application de ce texte, et conformément aux valeurs fixées par M. [N] qui ne sont pas contestées, Mme [Q] [U] épouse [M] doit rapporter aux successions de ses parents la somme de 604 000 euros au titre de l'immeuble [Adresse 1] et la somme de 732 000 euros au titre de l'immeuble [Adresse 4], soit la somme de 668 000 euros à la succession de M. [F] [U] et celle de 668 000 euros à la succession de Mme [C] [X] épouse [U] ; que le jugement sera confirmé et complété sur ce point ;
Alors que les biens reçus à titre de partage anticipé par un héritier réservataire présomptif s'imputent sur sa part de réserve, à moins qu'ils n'aient été donnés expressément hors part ; qu'il appartient au juge de restituer l'exacte qualification de l'acte ; que les exposants soutenaient devant la cour d'appel que « L'acte dressé le 27 février 1974 manifeste la volonté commune des deux donateurs de transmettre leur patrimoine en allotissant équitablement leurs trois enfants en corrigeant le déséquilibre induit par des donations antérieures et il répond donc aux conditions qui ont été posées par un arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation du 17 avril 1985 (n° de pourvoi 84-11908) pour être requalifié de donation partage » (conclusions p. 9) ; qu'en se bornant à relever, pour considérer que l'acte du 27 février 1974 constituait une donation en avancement d'hoirie, que cet acte stipulait que « M. et Mme [U]-[X], comparants de première part, ont fait donation entre vifs, avec imputation d'abord sur la succession du prémourant et subsidiairement, s'il y a lieu, sur celle du survivant, en avancement d'hoirie », sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au-delà des termes de l'acte, les donateurs avaient clairement eu la volonté de répartir matériellement leurs biens entre leurs enfants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1075 et 1077 du code civil.