LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 juin 2021
Cassation partielle
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 796 F-D
Pourvoi n° S 19-19.365
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 JUIN 2021
L'Union mutualiste de gestion des établissements du grand Lyon, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 19-19.365 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [S] [H] [M], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de l'Union mutualiste de gestion des établissements du grand Lyon, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [H] [M], après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 mai 2019), M. [H] [M] a été engagé le 10 janvier 2012 par l'Union mutualiste de gestion des établissements du grand Lyon en qualité de gynécologue obstétricien.
2. Il a été licencié pour faute grave le 25 février 2015, motifs pris de graves manquements dans l'accomplissement de son travail au cours d'un accouchement.
3. M. [H] [M] a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement et paiement de différentes sommes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de mise à pied, d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de congés payés, et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que commet une faute grave le gynécologue obstétricien en charge d'une patiente qui, devant une césarienne à effectuer en extrême urgence, reste passif, attend 45 minutes l'arrivée des différents intervenants, sans mettre tout en oeuvre pour que la césarienne débute le plus tôt possible ; qu'il est constant qu'arrivé à 20h10, examinant Mme [Z], le Dr [M] a posé l'indication d'une césarienne en urgence pour présentation par le front plus anomalies du rythme cardiaque foetal ; que la cour d'appel a constaté ''que personne n'a songé à aller quérir l'anesthésiste qui tardait à se présenter et que donc le fait que le Dr [M] n'y soit pas allé ou n'ait pas enjoint à la sage-femme de s'y rendre (alors que la patiente nécessitait des soins) ne peut constituer un motif de licenciement pour faute grave'' ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il ressortait que le Dr [M] avait passivement attendu l'arrivée de l'équipe du bloc et de l'anesthésiste, pour commencer la césarienne à 20h55, sans mettre tout en oeuvre pour qu'elle débute le plus tôt possible, ce qui caractérisait une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ce dernier texte dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :
5. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
6. Pour dire que le deuxième grief invoqué dans la lettre de licenciement est dénué de fondement et que le licenciement n'est pas justifié par une faute grave, l'arrêt retient qu'il est reproché au Dr [H] [M] de ne pas avoir agi avec suffisamment de maîtrise pour permettre la réalisation rapide de la césarienne. Il relève que la sage-femme n'a pas immédiatement fait appel à l'ensemble de l'équipe obstétricale et que l'anesthésiste s'est présenté avec retard et n'a pas opté pour une technique permettant au Dr [H] [M] d'inciser immédiatement. L'arrêt constate que personne n'a songé à aller quérir l'anesthésiste qui tardait à se présenter et que donc le fait que le Dr [H] [M] n'y soit pas allé ou n'ait pas enjoint à la sage-femme de s'y rendre, alors que la patiente nécessitait des soins, ne peut constituer un motif de licenciement pour faute grave. L'arrêt relève enfin que la mise en place de procédures d'urgence pour les césariennes au sein de la clinique n'est pas établie.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié, gynécologue obstétricien, dont la patiente devait subir une césarienne en urgence, avait attendu passivement l'arrivée de l'anesthésiste pendant 25 minutes, ce qui était de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de M. [H] [M] est sans cause réelle et sérieuse et condamne l'Union mutualiste de gestion des établissements du grand Lyon à lui payer les sommes de 6 389,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de mise à pied outre les congés payés afférents, de 52 277,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, de 18 687,96 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel, ainsi qu'en ce qu'il condamne l'Union mutualiste de gestion des établissements du grand Lyon aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 22 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne M. [H] [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour l'Union mutualiste des établissements Grand Lyon
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. [H] [M] était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné l'UMGEGL à lui payer les sommes de 6 389,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de mise à pied, 52 277,94 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, 18 687,96 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 271,77 euros au titre du rappel d'indemnité de congés payés, 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse ;
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié ;
L'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L. 1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige ;
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ;
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;
La lettre de licenciement formule à son encontre les reproches suivants concernant les faits du [Date naissance 1] 2015 : « Ce jour-là Madame [E] [L], sage-femme du bloc obstétrical, vous a contacté à 19h45 sur le téléphone de garde pour vous demander de venir en urgence, précisant qu'il s'agissait d'un accouchement et avec présentation du front accompagné d'anomalies dit rythme cardiaque foetal.
A 20h05 soit 20 mn plus tard la sage-femme a dû vous rappeler en précisant à nouveau qu'elle avait constaté des anomalies du rythme cardiaque foetal.
Bien que la chambre des gardes ne soit distante du bloc obstétrical que d'une centaine de mètres à peine, vous ne vous y êtes présenté qu'à 20h20 soit 25 mn après le 1er appel de la sage-femme.
Ce délai pour intervenir est totalement inacceptable, en particulier dans une situation d'urgence.
Après avoir examiné la patiente vous avez décidé de pratiquer une césarienne en urgence et avez décidé de faire appel à l'équipe d'astreinte des infirmiers de bloc qui est arrivée sur place à 20h42.
L'enfant est né à 20h58 après avoir effectué l'incision à 20h56, celui-ci était en état de mort apparente.
II a été immédiatement transféré dans un autre établissement de niveau 3 mais un arrêt de soins a été décidé par les parents et l'équipe de soins quelques jours plus tard. Après le 1er appel de la sage-femme et la césarienne 2h16 se sont écoulées et 43 minutes entre la prise de décision de pratiquer la césarienne et sa réalisation effective. Votre négligence ne s'est pas limitée à votre retard pour intervenir.
En effet à 20h30 lorsque la sage-femme a installé la parturiente avec l'aide de l'auxiliaire puéricultrice, elle vous a alerté sur sa suspicion de rupture utérine, Après la césarienne la patiente présentait d'importants saignements posant la question d'une éventuelle hystérectomie. Malgré l'urgence de la situation, vous n'avez mis en oeuvre aucun geste thérapeutique. Face à cette inaction et en accord avec le Docteur [C], la sage-femme a dû appeler le Docteur [N], gynécologue-obstétricien, afin d'effectuer l'intervention. Il apparaît que vous êtes demeuré passif sans prendre en charge cette intervention, ni prendre la décision d'appeler le Docteur [N] pour intervenir.
Ces faits constituent des manquements graves avec des répercutions dramatiques et nous ne pouvons prendre le risque qu'une telle situation se reproduise.
Les fautes qui vous sont reprochées entraînant l'impossibilité de la poursuite de votre contrat de travail pendant la période de préavis, nous contraignent à prononcer par la présente votre licenciement pour faute grave » ;
Il résulte du compte-rendu de la commission de consultation et d'indemnisation des accidents médicaux que : « la cause du décès de l'enfant [I] [Z] est en lien direct et certain avec une asphyxie intra-partum sévère qui a été à l'origine d'une défaillance multi-viscérale et d'une encéphalopathie anoxo-ischémique majeure » ;
« La cause de cette asphyxie intra-partum est liée à une présentation dystocique associée à une rupture utérine. Le retard dans la décision d'extraction de l'enfant par césarienne (..) a prolongé et aggravé de façon très importante l'asphyxie intra-partum à l'origine du décès de l'enfant » ;
Les experts ont pu considérer que le début de la rupture utérine se situait aux alentours de 19 heures lorsque les anomalies du rythme cardiaque foetal se sont accentuées après la bradycardie et que les douleurs ont réapparu sous un mode aigu, non calmées par la péridurale ;
Ils indiquent qu'une césarienne pratiquée en urgence vers 19 heures-19 heures 30 aurait certainement permis à Mme [Z] de garder son utérus ;
C'est au regard de ces constatations médicales sur les causes du décès de l'enfant et de l'obligation de pratiquer une hystérectomie qu'il convient d'analyser les griefs formulés à l'encontre du Dr [H] [M] ;
Sur le premier grief :
Il est reproché au Dr [H] [M], dûment avisé par Mme [E] sage-femme du fait que l'enfant à naître se présentait par le front et avait un ralentissement du rythme cardiaque, d'avoir tardé et vaqué à d'autres occupations, avant de se présenter au bloc suite au deuxième appel de la sage-femme ;
Il résulte de l'attestation de Mme [E] qu'avant 19 heures le bébé a fait une bradycardie (ralentissement du rythme cardiaque foetal) pendant 10 minutes. A 19 heures le diagnostic a été posé concernant la présentation par le front mais la sage-femme n'a pas avisé le médecin de garde ;
Entre 19h et 19h30 la sage-femme a observé au chevet de la patiente des altérations du rythme cardiaque foetal. Elle a fait un autre examen qui lui a montré un front « appliqué » à 7 cm. Concevant que la tête ne fléchirait plus, et qu'il faudrait faire une césarienne, elle a réinstallé la patiente et appelé le médecin à 19h45. Les experts ont noté quatre ralentissements du rythme cardiaque entre 19h et 19h30, synchrones des contractions ;
Les experts notent que Mme [E] aurait dû appeler le gynécologue obstétricien pour une présentation du front tout à fait confirmée qui nécessitait une césarienne et appeler l'anesthésiste car une heure après une péridurale une patiente très algique, difficile à mobiliser comme elle l'a noté, est le signe d'une difficulté ;
Les experts ajoutent qu'il y avait une indication formelle de césarienne en urgence dès 19h45 au maximum et qu'il y avait donc une indication à appeler toute l'équipe obstétricale en urgence : gynécologue obstétricien, anesthésiste, équipe de bloc et pédiatre ;
que suivant le rapport de Mmes [L] et [Q], la sage-femme n'a plus trouvé les bruits du coeur du bébé à 20h10 ;
Aux termes de l'article 25 du code de déontologie la sage-femme a une obligation de surveillance de l'accouchement. Elle doit dans ce cadre appeler le médecin suffisamment à temps pour éviter tout incident ;
Les préconisations de la haute autorité de santé quant à la qualité et la sécurité des soins dans le secteur naissance rappellent que la coordination entre la sage-femme, l'obstétricien et le médecin anesthésiste via l'existence de modalités d'appel en urgence de l'anesthésiste-réanimateur et des professionnels du bloc opératoire en particulier le protocole d'appel de la césarienne en urgence sont essentiels ;
En l'espèce, Mme [E] n'a pas appelé le médecin entre 19h et 19h45 laissant s'écouler le délai utile au cours duquel une intervention aurait permis de prévenir la rupture utérine ainsi que le délai dans lequel la césarienne aurait dû être pratiquée ;
Les parties s'affrontent sur le point de savoir si le Dr [H] [M] a été avisé du ralentissement de rythme cardiaque et de présentation par le front à 19h 45 ou 20h05 lors du second appel ;
Monsieur [H] [M] a pris copie du partogramme après l'intervention ; il y est indiqué :
« 19h45 : Appel Dr [M] par SF. Demande de venir pour examiner la patiente.
20h05 : rappel Dr [M] pour lui demander de venir en urgence pour ARCF.
(...) Arrivée du Dr N. 20h10.
20h15 décision de césarienne » ;
Ce même document produit par l'intimée porte la mention « 19h45 : Appel Dr [M] par SF. Demande de venir pour examiner la patiente. + ARCF »
Mme [L], cadre sage-femme, atteste qu'il est demandé aux équipes de remplir de façon instantanée le dossier médical, précise qu'en cas de surcharge de travail ou en cas de situation compliquée, il n'est pas toujours possible de remplir le dossier. L'équipe se concentre alors sur les soins et le dossier est rempli a posteriori ;
Cette explication est peu pertinente en l'espèce car la sage-femme a eu le temps de noter l'essentiel du déroulement des faits : les heures des appels, les heures d'arrivée des médecins ; elle était donc à même de préciser la mention ARCF sur le dossier sans que cela lui prenne plus de temps ;
L'attestation établie par Mme [E] dans un dossier où sa carence a été soulignée par les experts est sujette à caution sur la question des indications fournies au moment de l'appel, dès lors qu'en reconnaissant ne pas avoir avisé le médecin, celle-ci aurait admis avoir commis une faute ;
Enfin, Mme [U], auxiliaire de puériculture a établi deux attestations à 5 mois d'intervalle et la dernière 9 mois après les faits, pour affirmer que Mme [E] avait avisé le Dr [H] [M] de l'anomalie du rythme cardiaque et de la présentation de l'enfant par le front, alors que cette dernière information essentielle n'est pas mentionnée dans le résumé du message ;
Il n'est donc pas démontré que le Dr [H] [M] ait été immédiatement avisé de l'urgence pourtant caractérisée depuis 19h. Il est en revanche établi qu'une fois avisé de l'anomalie du rythme cardiaque il s'est présenté dans les 5 mn en salle d'accouchement et a rapidement pris la décision d'effectuer une césarienne ;
Il est difficilement compréhensible que la direction de la clinique ait reproché au gynécologue obstétricien un retard de 25 mn sans faire le même reproche à l'anesthésiste qui n'a pas répondu au premier appel et s'est présenté avec un retard de 25 minutes ;
Il est intéressant de souligner que le directeur a pu indiquer devant la commission qu'il connaissait depuis longtemps le Dr [C], n'avait pas de problème avec lui et considérait que s'il n'était pas venu c'est qu'il n'avait pas été appelé, alors même que cet appel est mentionné dans le dossier médical et que la chambre de garde des anesthésistes se situe à moins de deux minutes de la salle des naissances ;
Au regard de ces éléments, il ne peut être reproché au Dr [H] [M] d'avoir tardé et vaqué à ses occupations alors qu'il était dûment avisé d'une urgence ;
Sur le deuxième grief :
Il est reproché au Dr [H] [M] de ne pas avoir agi avec suffisamment de maîtrise pour permettre la réalisation rapide de la césarienne ;
Ce reproche apparaît dénué de fondement alors que :
- la sage-femme n'avait pas immédiatement fait appel à l'ensemble de l'équipe obstétricale
- l'anesthésiste s'est présenté avec retard et n'a pas opté pour une technique permettant au Dr [H] [M] d'inciser immédiatement ;
Il est possible de constater que personne n'a songé à aller quérir l'anesthésiste qui tardait à se présenter et que donc le fait que le Dr [M] n'y soit pas allé ou n'ait pas enjoint à la sage-femme de s'y rendre (alors que la patiente nécessitait des soins) ne peut constituer un motif de licenciement pour faute grave ;
Il convient par ailleurs de considérer que la mise en place de procédures d'urgence pour les césariennes au sein de la clinique n'est pas établie, l'attestation du Dr [N] étant sur ce point contredite par celle du Dr [P] [G] ;
Sur le troisième grief :
Il est reproché au Dr [H] [M] de n'avoir mis en place aucun geste thérapeutique malgré l'urgence de la situation contraignant ainsi la sage-femme à appeler, avec l'accord de l'anesthésiste le Dr [N] afin d'effectuer l'hystérectomie. Son employeur lui reproche d'être resté passif à double titre : en ne prenant pas la décision d'appeler son collègue et en ne prenant pas en charge l'intervention ;
L'argument selon lequel M. [H] [M] avait interdiction de pratiquer la chirurgie est inopérant cette interdiction concernant son activité libérale au sein de la clinique et non sa pratique salariée lorsqu'il était de garde ;
Le Dr [H] [M] indique avoir trouvé une rupture utérine très importante et avoir, en accord avec le Dr [C], fait appel au Dr [N] pour venir pratiquer l'hystérectomie ;
L'attestation du Dr [N] ne permet pas de savoir ce qui s'est passé en amont de son appel ;
La direction de la clinique ne démontre pas en quoi le fait de vouloir bénéficier d'un second avis avant de pratiquer une opération irréversible sur une femme dont l'enfant allait certainement décéder était fautif, les experts ne formulant aucune observation sur ce point et le délai pris n'ayant eu aucune incidence sur l'issue de l'opération ;
L'UMGEGL ne rapportant pas la preuve du caractère fautif des faits qu'elle invoque au soutien du licenciement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS DE PREMIERE PART QUE commet une faute grave le gynécologue obstétricien de garde qui, appelé par la sage-femme une première fois pour venir examiner une patiente, n'arrive que 25 minutes plus tard, après que la sage-femme l'a rappelé, à supposer même que la sage-femme n'ait pas précisé la raison de son premier appel, dès lors que le médecin doit en toutes circonstances s'informer de la pathologie du patient et des incidents qui surgissent et interroger la sage-femme sur la difficulté médicale requérant son intervention ; qu'en se fondant sur la circonstance, inopérante pour écarter une faute grave, que les parties s'affrontaient sur le point de savoir si le Dr [H] [M] avait été avisé par la sage-femme du ralentissement du rythme cardiaque et de la présentation par le front dès 19h45 ou seulement à 20h05 lors de son second appel et qu'il n'était pas démontré qu'il ait été immédiatement avisé de l'urgence caractérisée depuis 19h (arrêt p. 7), cependant qu'il appartenait au Dr [H] [M], dès le premier appel de la sage-femme, de s'informer de la situation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE commet une faute grave le gynécologue obstétricien de garde qui, appelé par la sage-femme pour venir examiner une patiente, arrive 25 minutes plus tard, vaque à d'autres occupations sans justification pertinente de l'absence d'intervention immédiate ; qu'en l'espèce, l'UMGEGL a rappelé que le Dr [H] [M] avait, pour justifier avoir mis 25 minutes à venir, assuré lors de la réunion d'expertise avoir « continué ses consultations », exposé dans le « dire » de son conseil, avoir choisi de « terminer ses travaux en cours », expliqué en première instance être « occupé à une autre tâche » ou qu'il « termine ce qu'il est en train de faire » ou être « en charge d'autres patientes », et que son agenda électronique ne mentionnait ni tâche à cet horaire ni a fortiori une urgence (conclusions d'appel p. 12) ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si l'absence d'intervention immédiate du Dr [H] [M] à l'appel de la sage-femme et son choix de vaquer à d'autres occupations sans justification pertinente ne constituait pas une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au retard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE commet une faute grave le gynécologue obstétricien en charge d'une patiente qui, devant une césarienne à effectuer en extrême urgence, reste passif, attend 45 minutes l'arrivée des différents intervenants, sans mettre tout en oeuvre pour que la césarienne débute le plus tôt possible ; qu'il est constant qu'arrivé à 20h10, examinant Mme [Z], le Dr [M] a posé l'indication d'une césarienne en urgence pour présentation par le front plus anomalies du rythme cardiaque foetal (arrêt p. 7, avant-dernier § ; avis de la CRCIAM p. 5, dernier § ; rapport d'expertise p. 26) ; que la cour d'appel a constaté « que personne n'a songé à aller quérir l'anesthésiste qui tardait à se présenter et que donc le fait que le Dr [M] n'y soit pas allé ou n'ait pas enjoint à la sage-femme de s'y rendre (alors que la patiente nécessitait des soins) ne peut constituer un motif de licenciement pour faute grave » (arrêt p. 8) ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il ressortait que le Dr [M] avait passivement attendu l'arrivée de l'équipe du bloc et de l'anesthésiste, pour commencer la césarienne à 20h55, sans mettre tout en oeuvre pour qu'elle débute le plus tôt possible, ce qui caractérisait une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant que l'employeur ne démontrait pas en quoi le fait de vouloir bénéficier d'un second avis avant de pratiquer une opération irréversible sur une femme dont l'enfant allait certainement décéder était fautif (arrêt p. 8), sans répondre aux conclusions de l'employeur soutenant que le Dr [N] ne s'était pas déplacé pour donner « un deuxième avis », mais pour réaliser en lieu et place du Dr [H] [M] l'hystérectomie d'hémostase, geste de « chirurgie en obstétrique », de sorte que rien ne justifiait l'inaction de ce dernier, puisque l'opération correspondait parfaitement à ses qualifications et missions contractuelles (conclusions d'appel p. 15), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, DE CINQUIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel ne peut infirmer le jugement sans réfuter ses motifs déterminants ; qu'en infirmant le jugement, sans réfuter son motif déterminant selon lequel que le Dr [H] [M] avait commis une faute en ne réalisant « aucun geste thérapeutique pour soigner la patiente à la suite de la rupture d'utérus dont elle a été victime », la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;
ALORS, DE SIXIEME PART ET DERNIERE PART, QU' en n'ayant pas recherché si, comme l'avaient retenu les premiers juges, la faute grave du salarié ne résultait pas, dans son ensemble, du fait que le Dr [H] [M] avait, successivement, pris un temps anormalement long pour se présenter au bloc opératoire, n'avait pas permis la réalisation rapide de la césarienne et n'avait effectué « aucun geste thérapeutique pour soigner la patiente à la suite de la rupture d'utérus dont elle a été victime », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.