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27/05/2021 | FRANCE | N°20-12.322

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na, 27 mai 2021, 20-12.322


SOC.

ZB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mai 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10500 F

Pourvoi n° H 20-12.322



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

L'Agence n

ationale pour la formation professionnelle des adultes, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement pu...

SOC.

ZB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mai 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10500 F

Pourvoi n° H 20-12.322



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

L'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement public, [Adresse 2] a formé le pourvoi n° H 20-12.322 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à Mme [X] [J], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau,Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [J], après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes et la condamne à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes


PREMIER MOYEN DE CASSATION :


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception de péremption d'instance, d'AVOIR par infirmation du jugement entrepris, dit que l'inaptitude à l'origine du licenciement du 6 décembre 2013 de Mme [J] est au moins en partie d'origine professionnelle, dit qu'elle a été victime de harcèlement moral, dit que l'EPIC AFPA a manqué à son obligation relative à la santé et à la sécurité de Mme [J] au titre du défaut de mise en place d'un document unique de prévention des risques avec prise en compte des risques psychosociaux avant l'année 2013, dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [J] du 6 décembre 2013 a été provoqué par le manquement de l'EPIC AFPA à son obligation relative à la santé et à la sécurité, déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement du 6 décembre 2013, d'AVOIR en conséquence condamné l'EPIC AFPA à payer à Mme [X] [J] les sommes de 8 929,20 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis, 10 045,35 euros de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement, 7 000 euros nets de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, 1 000 euros nets de dommages et intérêts au titre du manquement relatif à la santé et à la sécurité, 5 1339 euros nets de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 000 euros à titre d' indemnité de procédure et d'AVOIR condamné l'EPIC AFPA aux dépens de première instance et d'appel

AUX MOTIFS QUE « Sur la péremption de l'instance :
Si, en matière de procédure orale, les conclusions écrites d'une partie ne saisissent valablement le juge que si elles sont réitérées verbalement à l'audience, leur dépôt constitue néanmoins une diligence au sens de l'article R 1452-8 du code du travail applicable au litige, dès lors qu'il s'agit d'une injonction du magistrat chargé d'instruire l'affaire, ayant pour objet de la mettre en état d'être jugée.
A défaut de l'accomplissement de cette diligence imposée, la péremption de l'instance peut être constatée à l'issue d'un délai de 2 ans.
En l'espèce, une injonction de conclure a été adressée le 4 juillet 2016 à l'appelant.
Faute pour l'appelant d'avoir satisfait à cette obligation, le magistrat chargé de l'instruction du dossier a décidé d'une radiation le 28 novembre 2016, en fixant comme diligence une demande de réinscription au rôle accompagnée d'un jeu de conclusions.
Madame [X] [J] a transmis des conclusions le 8 septembre 2017 par RPVA avec une demande de réinscription qui a eu lieu le 22 septembre 2017.
Dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une diligence imposée par le magistrat chargé de l'instruction de l'affaire, aucune conséquence ne peut être tiré du fait que Madame [J] n'aurait pas transmis de manière simultanée lesdites conclusions à la partie adverse.
Il s'ensuit que les diligences mises à la charge de l'appelant ayant été accomplies avant l'expiration du délai de deux ans, il convient de rejeter l'exception de péremption soulevée par l'EPIC AFPA »

ALORS QUE la faculté pour les parties d'effectuer par voie électronique l'envoi, la remise et la notification des actes de procédure, instituée par l'article 748-1 du code de procédure civile est subordonnée à l'emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, la fiabilité de l'identification des parties, l'intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges et permettant la date certaine des transmissions ; que l'article 1er de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, ne fixent une telle garantie que pour l'envoi par un auxiliaire de justice de la déclaration d'appel, de l'acte de constitution et des pièces qui leur sont associées, à l'exclusion des écritures des parties ; qu'en l'espèce, l'AFPA faisait valoir que la transmission au greffe par RPVA des conclusions de la salariée étant irrecevable, elle n'avait pu interrompre le délai de péremption qui courait depuis l'ordonnance de radiation du 28 novembre 2016 ayant mis à la charge de la salariée comme diligence une demande de réinscription de l'affaire au rôle accompagnée d'un jeu de conclusions (conclusions d'appel de l'AFPA p 6 à 8) ; qu'en relevant que Mme [J] avait transmis au greffe des conclusions par RPVA avec une demande de réinscription le 8 septembre 2017, pour en déduire qu'elle avait accompli les diligences mises à sa charge avant l'expiration du délai de deux ans, de sorte que la fin de non-recevoir tirée de la péremption devait être écartée, la cour d'appel a violé l'article R 1452-8 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, ensemble les articles 748-1, 748-6, 749 du code de procédure civile et l'article 1er de l'arrêté du Garde des sceaux du 5 mai 2010.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR par infirmation du jugement entrepris, dit que l'inaptitude à l'origine du licenciement du 6 décembre 2013 de Mme [J] est au moins en partie d'origine professionnelle, d'AVOIR en conséquence condamné l'EPIC AFPA à payer à Mme [X] [J] les sommes de 8 929,20 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis, 10 045,35 euros de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement, 2 000 euros à titre d' indemnité de procédure et d'AVOIR condamné L'EPIC AFPA aux dépens de première instance et d'appel

AUX MOTIFS QUE « Sur les prétentions au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis à raison de l'origine alléguée comme professionnelle de l'inaptitude ayant donné lieu au licenciement :
La juridiction apprécie souverainement si l'employeur avait ou non connaissance au jour du licenciement à raison de l'inaptitude physique d'un salarié du fait que celle-ci a en tout ou partie une origine professionnelle.
Si Madame [J] ne peut effectivement pas se prévaloir comme le soutient la partie adverse de la décision de la CPAM DE L'[Localité 1] du 10 juillet 2014 de requalifier l'arrêt maladie du 20 mars 2013 en accident du travail dès lors que cette décision a été prise postérieurement au licenciement pour inaptitude du 6 décembre 2013 et qu'elle est au demeurant contestée par l'employeur dans le cadre d'une procédure pendante devant le TASS de LYON, il n'en demeure pas moins que l'appelante établit qu'au jour de son licenciement, l'employeur avait connaissance du fait qu'elle était en arrêt maladie depuis le 20 mars 2013 de manière concomitante à un incident s'étant produit le même jour, dont Madame [J] a informé le directeur de l'AFPA DU [Localité 2], Monsieur [H], dans les termes suivants « je refuse de rester dans une salle avec des propos diffamatoires me concernant écrit pour des stagiaires. C'est inacceptable. Je suis joignable par téléphone. Je suis en RTT depuis ce matin ». L'employeur était également informé du fait que la salariée avait été déclarée inapte à son poste en une seule visite compte tenu du danger immédiat pour la santé de la salariée et qu'aucun reclassement ne pouvait être envisagé au sein de l'AFPA, le médecin du travail préconisant un remplacement au sein d'une autre structure, permettant à l'employeur d'en déduire nécessairement que l'inaptitude était en lien avec le travail de la salariée au sein de l'AFPA.
Il s'ensuit que Madame [X] [J] démontre que son inaptitude physique ayant conduit à son licenciement du 6 décembre 2013 avait au moins en partie une origine professionnelle dont l'employeur avait connaissance au moment du licenciement de sorte qu'elle peut effectivement revendiquer l'application des dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail.
Il s'ensuit que le jugement dont appel doit être réformé de ce chef.
Le montant de l'indemnité compensatrice de préavis sera limité à deux mois de salaire en application des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, la salariée ne pouvant revendiquer l'application des stipulations conventionnelles et elle sera également déboutée de sa demande au titre des congés payés afférents non prévus par l'article L 1226-14 précité.
Il convient en conséquence de condamner l'EPIC AFPA à payer à Madame [X] [J] une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 8 929,20 euros bruts.
S'agissant du doublement de l'indemnité de licenciement, elle ne concerne que l'indemnité légale et non l'indemnité conventionnelle de licenciement, étant relevé que Madame [J] a d'ores et déjà perçu au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 10789,45 euros.
Le montant de l'indemnité légale de licenciement en application de l'article R 1234-2 du code du travail alors applicable s'établit à 10417,40 euros.
Il s'ensuit que Madame [X] [J] a droit à un reliquat de 10 045,35 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.
Le surplus des prétentions au titre de l'article L 1226-14 du code du travail sera rejeté »

1/ ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'il appartient au juge prud'homal devant lequel est invoqué le bénéfice des dispositions protectrices des salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie d'origine professionnelle, de caractériser que l'inaptitude a pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle ; qu'en se bornant à rechercher si l'AFPA avait connaissance à la date du licenciement de Mme [J] d'un éventuel lien entre son inaptitude et le travail, sans avoir préalablement caractérisé que la salariée avait bien été victime d'un accident du travail le 20 mars 2013 qui était à l'origine de son inaptitude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et s. du code du travail ;

2/ ALORS QUE les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'à la date de son licenciement prononcé le 6 décembre 2013, Mme [J] avait fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude le 17 septembre 2013 faisant suite à un arrêt de travail pour maladie simple du 20 mars 2013 ; qu'en jugeant que l'employeur avait connaissance à la date du licenciement que l'inaptitude était en lien avec le travail de la salariée au sein de l'AFPA après avoir relevé que Mme [J] l'avait informée avoir fait l'objet de propos diffamatoires par des stagiaires le 20 mars 2013, que l'avis d'inaptitude avait été rendu en une seule visite et que le médecin du travail avait estimé qu'aucun reclassement ne pouvait être envisagé au sein de l'AFPA, préconisant un reclassement au sein d'une autre structure, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des circonstances impropres à caractériser que l'employeur avait connaissance, au jour du licenciement, de l'origine professionnelle de l'inaptitude de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et s. du code du travail.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION :


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR par infirmation du jugement entrepris, dit qu'elle a été victime de harcèlement moral, dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [J] du 6 décembre 2013 a été provoqué par le manquement de l'EPIC AFPA à son obligation relative à la santé et à la sécurité, déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement du 6 décembre 2013, d'AVOIR en conséquence condamné l'EPIC AFPA à payer à Mme [X] [J] les sommes de 8 929,20 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis, 10 045,35 euros de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement, 7 000 euros nets de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, 5 1339 euros nets de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 000 euros à titre d' indemnité de procédure et d'AVOIR condamné l'EPIC AFPA aux dépens de première instance et d'appel

AUX MOTIFS QUE « Sur le harcèlement moral :
L'article L. 1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.
La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.
Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.
Il n'est en outre pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le Juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.
A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.
L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :
En cas de litige relatif à l'application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le Juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
En l'espèce, Madame [J] se prévaut des faits suivants laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral :
- l'agence dont elle dépendait a connu entre 2010 et 2013 la succession de 4 directeurs, le cas échéant, responsables de plusieurs agences ; ce qui a occasionné d'après le témoignage de Monsieur [Q], salarié de l'agence AFPA de [Localité 2], des difficultés organisationnelles, un retard dans la prise de décisions, une surcharge de travail notamment pour Madame [J] devant effectué en sus des formations en 2012 et traiter des dossiers en urgence. Le témoin indique également que des salariés partis en retraite n'ont pas été remplacés et que l'agence du [Localité 2] connaissait à l'époque où Madame [J] y travaillait un sous dimensionnement du collectif de direction
- à la suite de l'accident du travail dont elle a été victime le 28 septembre 2011, l'AFPA n'a pas mis en place de d'accompagnement lors de son retour au travail alors qu'elle a une obligation de préservation de son état de santé, s'appuyant sur le fait que l'entretien avec le directeur régional a eu lieu à son initiative et que les formations que lui a fait dispenser son employeur sont sans lien avec cet accompagnement nécessaire.
- elle n'a pas eu d'entretien individuel en 2012
- la direction n'a pas pris l'initiative d'un groupe de travail sur les pratiques managériales mais ce sont, d'après le mail du 23 mars 2012 de Madame [N], les manageurs de formation qui sont à l'origine de la réunion du 13 avril 2012 pour évoquer ces questions
- elle a subi une surcharge de travail ainsi que des difficultés dans son travail et produit à ce titre :
'des mails de septembre 2012 mettant en évidence qu'elle s'est occupée du dossier VAE (ensuite du non-remplacement d'un salarié en CDD),
'une attestation de Madame [N], également manager de formations, témoignant du fait que Monsieur [H], directeur, a demandé aux managers de formation de faire les entretiens individuels du personnel
'des mails de novembre 2012 et janvier 2013 mettant en évidence que Monsieur [Y], ancien directeur, s'occupait de la création de la formation TEAB mais que le nouveau directeur, Monsieur [H], lui a demandé de piloter ce projet en lien avec lui 'un mail du 11 janvier 2013 de la salariée à Monsieur [H], Directeur, faisant état d'un retard dans le recrutement d'un formateur
'un mail de Monsieur [Y], directeur, évoquant des problématiques RH pour le dernier trimestre de l'année 2012, avec des dossiers signalés comme urgents et la nécessité pour Madame [J] d'assurer une formation pour une semaine FC ONF ETI. Ce remplacement de la salariée sur des fonctions de formatrice est également évoqué dans un mail interne du 17 septembre 2012
'une attestation de Madame [A], ayant travaillé comme assistante de Madame [J] de 2008 à 2013 évoquant des changements d'organisation fonctionnelle et l'absence de présence permanente du Directeur sur le centre du [Localité 2] ayant entraîné une surcharge de travail, et précisant que Madame [J] n'a pas été reconnue et soutenue par les directeurs successifs, entraînant une grande souffrance au travail
'sa notation en 2013 est mauvaise, à comparer à celle de 2011, n'en ayant pas eu en 2012, lesdites notations étant produites aux débats permettant de constater qu'en 2011, la salariée n'avait que des A, sauf 2 B et en 2013, des A et des B mais aussi 5 C
- elle a subi une dégradation de son état de santé et produit à ce titre :
'un certificat établi le 30 janvier 2014 par le Docteur [L], psychiatre, faisant état des deux incidents successifs au travail, d'un burn-out, d'un état dépressif avec idées et risque suicidaires, d'une sidération anxieuse et de troubles du sommeil, avec une mise en arrêt de travail et traitement antidépresseur entre avril et décembre 2013.
'les observations médicales en date du 2 août 2013 du Docteur [S], médecin Conseil de la CPAM [Localité 3], évoquant des difficultés au travail depuis 2011 avec une récidive de souffrance morale au travail avec la nouvelle direction en 2013, diagnostiquant un syndrome anxio-dépressif avec prostration au départ, une phobie du lieu de travail, des accès de larmes, repli social et anxiété, perte de 14kg, insomnie, ruminations, idées sombres et suicidaires, avec un antécédent d'accident du travail en 2011, qui avait été guéri
'son dossier médical à la médecine du travail retraçant l'accident du travail du 28 septembre 2011 avec une angoisse et dépression réactionnelle suite à un choc psychologique au travail ayant nécessité un suivi par un psychiatre, une visite de reprise sous réserve d'un suivi médical régulier le 18 novembre 2011 avec mention d'une coaching ensuite d'un entretien avec le Directeur régional, une visite du 6 janvier 2012 avec une interrogation sur le coaching mis en place, une visite du 29 août 2013 au terme de laquelle il est envisagé une inaptitude au poste et à tous postes, une visite du 16 septembre 2013 pour laquelle le médecin du travail rapporte un appel du Directeur ayant fait état d'un burn-out et de problèmes de management des relations stagiaires et la visite du 17 septembre 2013 d'inaptitude au poste en une seule visite pour danger immédiat et avec reclassement possible uniquement dans une structure autre que L'AFPA.
En réponse, l'EPIC AFPA indique à la fois que la plupart des pièces adverses ne constitue pas des faits susceptibles de faire présumer un harcèlement moral et/ou à tout le moins qu'il apporte des éléments objectifs mettant en évidence que les faits avancés par la salariée sont étrangers à tout fait de harcèlement moral et plus particulièrement :
- Madame [J] admet à tout le moins qu'il n'y a eu aucune difficulté dans la relation de travail du 18 novembre 2002 jusqu'en 2011
- les pièces produites par la partie adverse ne constituent pas des faits de nature à constituer du harcèlement. Il en est ainsi de la liste des expériences professionnelles de Madame [J].
- la succession de 3 Directeurs et non 5 comme prétendus par la partie adverse est un élément étranger à tout fait de harcèlement moral. Par ailleurs, lorsque Monsieur [H], dernier Directeur, entre en fonction, une équipe de 4 managers est en place ; ce qui constitue une équipe étoffée.
- les pièces relatives à la déclaration d'inaptitude et à la procédure de licenciement ne mettent en évidence aucun fait de harcèlement moral
- s'agissant des faits du 28 septembre 2011, le mail d'un représentant syndical CFE CGC et une déclaration d'un représentant syndical sur les faits ne sont pas probants puisque leur auteur n'était pas présent à la réunion. La déclaration d'accident du travail a été faite par Madame [N], amie de Madame [J], alors que cela n'entrait pas dans le cadre de ses fonctions. La version donnée par Monsieur [G] figurant sur le PV du CHSCT du 6 octobre 2011 est différente de celle de Madame [J]. En substance, celle-ci avait sollicité avant la réunion la possibilité de partir à 11h car elle avait posé une RTT et a été autorisée à quitter la réunion après avoir fait remarquer à plusieurs reprises que celle-ci prenait du retard. Cette version des faits est confirmée par l'audition de Monsieur [F] dans le cadre de l'enquête de la CPAM.
- le seul fait que le choc psychologique suite à cette réunion ait fait l'objet d'une prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail n'implique pas ipso facto qu'il s'agisse de fait de harcèlement moral. Le fait que Madame [J] ait mal vécu une remarque du Directeur du fait de son propre positionnement ne caractérise pas un fait de harcèlement moral
- lors de l'entretien annuel de la salariée mené par Monsieur [F] le 28 avril 2011, elle obtient 16A et 2B, soit des appréciations favorables.
- le Directeur régional, Monsieur [Z], a été à l'écoute de la salariée et l'a reçue lors de sa reprise le 4 novembre 2011, aux termes d'un entretien que la salariée a apprécié.
- la salariée s'est vue octroyer le 16 février 2012 une prime de 400 euros par la direction au titre de la reconnaissance de son investissement dans le fonctionnement de ses formations et la qualité de la mise en oeuvre des prestations pédagogiques auprès des stagiaires
- un groupe régional sur la pratique managériale a été mis en place et s'est réuni le 13 avril 2012
- les déclarations du syndicat CGC CGE lors des réunions des DP des 4 avril et 16 décembre 2013 sont subjectives
- concernant les faits du 20 mars 2013, il résulte de la propre relation par la salariée des faits qu'elle a subi une crise d'angoisse suite à une mention faite par un stagiaire de sorte qu'il ne peut s'agir de harcèlement moral puisque les agissements proviennent d'un tiers. Il est mensonger de dire qu'il n'a pas été demandé d'effacer immédiatement la mention, le Directeur étant absent de l'établissement par ailleurs. En outre, Madame [J] n'établit pas que la Direction ait pu recruter un autre formateur que celui qu'elle avait envisagé et au demeurant, il s'agit d'une prérogative de la Direction. Le formateur recruté a eu un empêchement d'ordre médical et il a fallu effectivement recruté un jeune formateur. Il entrait dans les missions de la salariée de l'accompagner. L'employeur réfute que le Directeur Monsieur [H] ait pu dire qu'il faisait son travail à sa place lorsqu'il s'est agi de régler un conflit entre deux stagiaires.
- les pièces relatives à la reconnaissance de l'arrêt du 20 mars 2013 en accident du travail ne permettent pas d'en déduire à l'existence d'un harcèlement moral et une procédure en contestation à ce titre est toujours en cours
- les pièces relatives à l'organisation d'une réunion préparatoire entre managers de formation du 25 avril 2012 mettent en évidence la possibilité d'échanges d'idées au sein de l'AFPA et ne révèlent aucun fait de harcèlement moral
- les pièces relatives à la mise en place d'une nouvelle formation TEAB relèvent du fonctionnement normal de l'entreprise et des mails de Monsieur [H] mettent en évidence que le Directeur a proposé à Madame [J] de travailler en étroite collaboration sur ce projet.
- les certificats médicaux objectivent un état de santé du patient mais sa cause résulte des propos rapportés de Madame [J].
- l'entretien annuel du 8 février 2013 de la salariée par Monsieur [H] ne traduit aucun harcèlement moral. Il ne peut être comparé au précédent car le référentiel a changé. Il comporte des appréciations positives et les points à améliorer sont expliqués, notamment suite au refus de Madame [J] d'évaluer les formateurs en 2012 alors que ses collègues managers ont accepté de le faire.
- l'attestation de Madame [A] est contraire aux éléments de la cause.
- l'attestation de Madame [N] révèle un refus injustifié de Madame [J] d'accomplir ses missions d'évaluation des formateurs
- l'attestation de Monsieur [K], représentant syndical CFE CGC, sur l'entretien du 4 novembre 2011 avec Monsieur [Z] montre que celui-ci veut un entretien constructif et reconnaît les qualités professionnelles de la salariée
- une des attestations faites par Mme [N] ne fait qu'exposer les ressentis de la salarié mais ne fait état d'aucun fait précis
- l'attestation de Monsieur [W] évoque l'installation d'un plateau technique qui ne relevait pas de la compétence de la salariée
- le mail de Monsieur [Q] du 9 août 2015 comporte des erreurs et ne révèle aucun fait de harcèlement moral
- l'attestation de Madame [M] met uniquement en évidence que Madame [J] a réglé avec professionnalisme une difficulté rencontrée par une stagiaire
- les échanges de mails produits aux débats ne mettent en évidence qu'une situation ordinaire de travail, outre que les destinataires, auteurs, contenus complets ne sont pas toujours connus
- l'étude produite « doit-on véritablement sauver l'AFPA » ne concerne pas la situation de Madame [J] et son auteur est inconnu
- les éléments relatifs à la situation de Madame [J] après la rupture de son contrat de travail ne sont pas probants au titre du harcèlement moral - Madame [J] a connu une évolution favorable de son salaire et de ses primes en comparaison avec d'autres managers
- l'article de presse produit aux débats ne dit rien de faits de harcèlement moral subi par la salariée mais concerne la situation économique de L'AFPA - les organigrammes produits aux débats mettent en évidence la stabilité organisationnelle
- aucune pièce n'étaie les affirmations adverses suivantes : insultes de la part d'un formateur en février 2013, travail sur une formation ADVF avec le GRETA et appel d'offres pour la maison d'arrêt de VARCES Sur ce, si la relation de travail entre Madame [J] et l'AFPA s'est manifestement déroulée sans difficulté notable jusqu'au milieu de l'année 2011, ainsi qu'en atteste l'évaluation professionnelle de la salariée faite le 28 avril 2011, l'appelante établit des faits mettant en évidence une dégradation progressive et durable de ses conditions de travail, avec des répercutions graves sur son état de santé, ne pouvant s'expliquer comme le fait l'employeur par des problématiques inhérentes à la vie de l'entreprise et/ou les propres manquements de la salariée en ce que :
- l'enquête relative à l'accident du travail du 28 septembre 2011 a révélé que la version de Madame [J], selon laquelle, Monsieur [G] directeur s'est mis en colère et lui a intimé de quitter la réunion, ajoutant qu'elle pouvait saisir les prud'hommes, est confortée par les deux autres témoins, entendus, Madame [T] et Madame [N], étant relevé que la salariée n'avait été informée que la veille au soir que la réunion devait se tenir à [Localité 4] et non à [Localité 5] alors que son employeur lui avait accordé un congé RTT l'après-midi.
Il s'ensuit que la version de Monsieur [G], telle que relatée lors de cette enquête et devant le CHSCT selon procès-verbal du 6 octobre 2011, n'est pas crédible et ne sera pas retenue, étant précisé que Monsieur [F] a lui-même indiqué qu'il n'était pas présent à cette réunion et n'a fait que rapporter les propos d'autres personnes y ayant assisté mais non entendues lors de l'enquête administrative de la CPAM
- si Madame [J] a effectivement eu un entretien manifestement constructif avec le Directeur régional, Monsieur [Z], le 4 novembre 2011, lors de sa reprise du travail ensuite de l'accident du travail du 28 septembre 2011 et que l'employeur justifie de l'organisation sur une journée d'une réflexion sur le management le 25 avril 2012, il n'en demeure pas moins que les actions de l'employeur ont manifestement été insuffisantes et systématiquement, non pas à son initiative mais à celles des salariés, l'entretien du 4 novembre 2011 ayant été sollicité par Madame [J] et la réunion, au demeurant unique, du 25 avril 2012 ayant été organisée à la demande expresse des managers de formation, selon un mail du 23 mars 2012, se plaignant d'un manque cruel d'animation des équipes. Monsieur [E] [V], manager de formation, confirme dans un écrit dactylographié du 3 mars 2015 que les managers de formation ont été à l'initiative des discussions sur les pratiques managériales et que la direction ne leur accordé que 20 minutes pour intervenir sur le sujet lors de la réunion plénière. Il est également noté que le médecin du travail s'est interrogé lors de la visite médicale du 6 janvier 2012 sur la réalité du coaching promis par l'employeur, qui ne produit que le relevé des formations suivies par la salariée
- des difficultés organisationnelles et de management sérieuses sont manifestement apparues entre 2011 et 2013 à une période où deux directeurs successifs de l'AFPA, Monsieur [G] et [Y], avaient sous leur responsabilité d'autres agences dans la région avant qu'en définitive, Monsieur [H] ne soit nommé que sur le poste de l'agence du [Localité 2] début 2013. Il a en effet été vu précédemment que les managers de formation se sont plaints en mars 2012 d'un manque d'animation des équipes. Ces difficultés organisationnelles se traduisant par des manques d'effectif, une surcharge de travail et des dysfonctionnements dans la mise en oeuvre des formations sont relatées de manière précise et circonstanciée dans les attestations de Madame [V] [N], Manager de formation, de Monsieur [D] [P], formateur, et de manière plus générale, par Madame [A], assistante ainsi que dans un mail de Monsieur [B] [Q] du 9 août 2015. Elles ont par ailleurs fait l'objet à plusieurs reprises d'alertes émises par Monsieur [K], représentant du personnel.
Ceci s'est traduit concrètement pour Madame [J] par une surcharge de travail avec notamment les faits établis qu'elle a dû assurer elle-même des formations, faute de recrutement de formateurs et s'est vu notamment confier la création d'une formation TEAB par le nouveau directeur en janvier 2013 avec un délai d'exécution très court, alors que le dossier était géré jusqu'alors par l'ancien directeur.
Les attestations de Messieurs [P] et [B] mettent en exergue le fait que les dysfonctionnements organisationnels de l'AFPA ont joué un rôle déterminant dans l'incident du 20 mars 2013 au terme duquel, les élèves de la formation VRD, mécontents ont écrit au tableau, « Madame [J] est incompétente » puisqu'il a été nécessaire de recruter dans l'urgence un jeune formateur inexpérimenté et que Monsieur [H], Directeur, a, lors d'une réunion organisée pour évoquer les difficultés majeures rencontrées dans cette formation, indiqué devant le formateur, en présence de Monsieur [P] et de Madame [J] qu'il devait faire à sa place le travail de cette dernière. Monsieur [P] a perçu ces propos comme un désaveu de la manager de formation et a présenté le formateur comme l'instigateur des propos désobligeants à l'égard de Madame [J].
-l'employeur ne justifie pas de manière objective le compte-rendu d'entretien annuel d'activité menée le 11 février 2013 de Madame [J] significativement plus défavorable que le précédent, indépendamment du changement de support dès lors qu'il admet lui-même dans celui-ci une année 2012 difficile avec des contraintes extérieures, que la salariée n'a bénéficié d'aucun entretien annuel d'évaluation en 2012, contrairement aux années antérieures pour lesquelles ceux-ci ont tous été positifs, étant noté que Monsieur [H] qui a mené l'entretien venait juste d'être nommé comme Directeur de L'AFPA
-la dégradation significative de l'état de santé de la salariée est non seulement documentée par les éléments médicaux produits mais clairement mise en lien par tous les professionnels de santé avec son travail, tant par le psychiatre qui la suit, que par la CPAM, suivant son service de santé et qui a reconnu le choc psychologique de Madame [J] ensuite de la réunion du 28 septembre 2011, en accident du travail et admis la requalification de l'arrêt maladie du 20 mars 2013 en accident du travail, certes judiciairement contestée par l'employeur, mais également par le médecin du travail, qui a, notamment eu une communication téléphonique avec le Directeur de l'AFPA relatée dans le compte-rendu de la visite médicale du 16 septembre 2013, avec l'évocation par l'employeur lui-même d'un burn-out et de problèmes de management des relations stagiaires. Il est d'ailleurs significatif de noter que le médecin du travail a prononcé l'inaptitude en une seule visite en constatant un danger immédiat pour la santé de la salariée et a recommandé in fine lors de la visite du 17 septembre 2013 un reclassement externe de la salariée ; ce qui implique qu'elle était en mesure de tenir un poste similaire au sien, mais dans une autre structure que l'AFPA, permettant d'en déduire que la difficulté venait non pas de la salariée mais de son employeur.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré et de dire que Madame [X] [J] a été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur. Eu égard à la nature des faits de harcèlement moral, à leur durée et au retentissement important sur la santé de la salariée, il lui sera alloué la somme de 7 000 euros nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, le surplus de la demande étant rejeté »

1/ ALORS QUE le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés émanant de l'employeur ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel d'un salarié déterminé ; qu'en l'espèce, pour juger que Mme [J] avait été victime de harcèlement moral, la cour d'appel s'est fondée sur « des actions de l'employeur manifestement insuffisantes » pour répondre aux demandes des managers de formation se plaignant des « pratiques managériales » et « d' un manque cruel d'animation des équipes », ainsi que sur « des difficultés organisationnelles et de management sérieuses entre 2011 et 2013 (?) se traduisant par des manques d'effectif, une surcharge de travail et des dysfonctionnements dans la mise en oeuvre des formations » touchant les managers de formation dont Mme [J] et les formateurs; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui s'est fondée sur des agissements ne visant pas personnellement Mme [J], a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1152-1 du code du travail ;

2/ ALORS QUE le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés émanant de l'employeur ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel d'un salarié déterminé ; qu'en l'espèce, pour juger que Mme [J] avait été victime de harcèlement moral, la cour d'appel s'est fondée sur l'incident du 20 mars 2013 au cours duquel Mme [J] avait été qualifiée de personne incompétente par des stagiaires ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui s'est fondée sur des faits qui n'émanaient pas de l'employeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1152-1 du code du travail ;

3/ ALORS QUE l'AFPA faisait valoir que l'appréciation émise lors de l'entretien annuel d'évaluation 2013 de Mme [J], selon laquelle la salariée devait assouplir sa position dans certains contextes et affirmer la posture managériale en individualisant la relation chaque fois que nécessaire, était justifiée par le fait que la salariée avait refusé, contrairement à ses collègues, de réaliser les entretiens d'évaluations des formateurs de son équipe (conclusions d'appel de l'AFPA p 24) ; qu'en jugeant que l'AFPA ne justifiait pas de manière objective le compte-rendu de cet entretien annuel sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR par infirmation du jugement entrepris, dit que l'EPIC AFPA a manqué à son obligation relative à la santé et à la sécurité de Mme [J] au titre du défaut de mise en place d'un document unique de prévention des risques avec prise en compte des risques psychosociaux avant l'année 2013, dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [J] du 6 décembre 2013 a été provoqué par le manquement de l'EPIC AFPA à son obligation relative à la santé et à la sécurité, déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement du 6 décembre 2013, d'AVOIR en conséquence condamné l'EPIC AFPA à payer à Mme [X] [J] les sommes de 8 929,20 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis, 10 045,35 euros de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement, 1 000 euros nets de dommages et intérêts au titre du manquement relatif à la santé et à la sécurité, 5 1339 euros nets de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 000 euros à titre d' indemnité de procédure et d'AVOIR condamné l'EPIC AFPA aux dépens de première instance et d'appel

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande indemnitaire au titre du manquement allégué de l'employeur à son obligation relative à la santé et à la sécurité de la salariée :
L'article L 4121-1 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 prévoit que :
L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ;
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L 4121-2 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 énonce que :
L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Éviter les risques ;
2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
L'employeur doit notamment transcrire et mettre à jour un document unique des résultats de l'évaluation des risques, (physiques et psycho-sociaux), pour la santé et la sécurité des salariés qu'il est tenu de mener dans son entreprise, ainsi que les facteurs de pénibilité en vertu de l'article R 4121-1 et suivants du code du travail.
L'employeur a une obligation de résultat s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.
En l'espèce, tout d'abord, sans inverser la charge de la preuve, l'AFPA indique à juste titre qu'aucun élément ne permet d'établir que Madame [J] ait pu faire l'objet d'insultes de la part d'un formateur et qu'elle ait pu alerter la direction à ce titre de sorte que l'employeur justifie ne pas avoir manqué à son obligation relative à la santé et à la sécurité de la salariée à cette occasion.
Ensuite, l'employeur produit en pièce n°26 le plan de prévention des risques 2013 et un plan national d'amélioration de la qualité de vie au travail et prévention des risques psychosociaux du 22 juillet 2011 visant un déploiement en région.
Il ne justifie dès lors pas de l'existence et du contenu du plan de prévention des risques pour les années antérieures et le compte-rendu du CHSCT du 6 octobre 2011 qu'il verse par ailleurs aux débats met d'ailleurs en évidence que les risques psychosociaux n'étaient pas encore à la date de cette réunion intégrés au plan de prévention des risques puisqu'il est fait un point sur le groupe de travail à ce sujet.
Ce manquement de l'employeur a causé un préjudice à la salariée puisque celle-ci justifie avoir été victime de harcèlement moral, le préjudice étant distinct puisque consistant en une perte de chance d'avoir pu éviter la réalisation du risque.
Le jugement dont appel sera réformé de ce chef et il sera alloué à Madame M. la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts au titre de la méconnaissance par l'employeur de son obligation relative à la sécurité et la santé de la salariée, le surplus de la demande indemnitaire étant rejeté »

1/ ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'AFPA versait aux débats un plan national d'amélioration de la qualité de vie au travail et de prévention des risques psychosociaux établi le 22 juillet 2011 (arrêt p 16, § 5), lequel avait mis en place un observatoire national de la qualité au travail, créé un pôle national de santé au travail et favorisé les échanges avec le pôle santé au travail, promu des actions d'information, de communication et de formation sur les risques psycho-sociaux, inséré dans le plan de formation 2011 des formations à destination des managers sur l'identification et la prévention des risques psychosociaux ; que dès lors, en affirmant que les risques psychosociaux n'étaient pas encore intégrés au plan de prévention des risques le 6 octobre 2011, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en violation des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ;

2/ ALORS QUE les agissements de harcèlement moral commis par l'employeur et la méconnaissance par ce dernier de son obligation de sécurité peuvent ouvrir droit à des réparations spécifiques s'ils ont causé au salarié des préjudices distincts ; qu'en l'espèce, après avoir accordé à Mme [J] des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement qu'elle avait subi, la cour d'appel, qui a jugé que l'AFPA avait méconnu son obligation de sécurité faute d?avoir établi un document de prévention des risques avant 2013, a alloué à la salariée des dommages et intérêts pour le préjudice consistant en une perte de chance d'avoir pu éviter de subir un harcèlement moral ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui lui a accordé une double indemnisation d'un même préjudice a violé les articles L 1152-1 et L 4121-1 du code du travail, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime;

3/ ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de dispositif jugeant que Mme [J] a été victime de harcèlement moral entrainera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif condamnant l'AFPA à indemniser la salariée du préjudice résultant de la perte de chance d'avoir pu éviter d'être victime de harcèlement moral, par application de l'article 624 du code de procédure civile.


CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR par infirmation du jugement entrepris, dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [J] du 6 décembre 2013 a été provoqué par le manquement de l'EPIC AFPA à son obligation relative à la santé et à la sécurité, déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement du 6 décembre 2013, d'AVOIR en conséquence condamné l'EPIC AFPA à payer à Mme [X] [J] les sommes de 8 929,20 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis, 10 045,35 euros de reliquat d'indemnité spéciale de licenciement, 51 339 euros nets de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 000 euros à titre d'indemnité de procédure et d'AVOIR condamné l'EPIC AFPA aux dépens de première instance et d'appel

AUX MOTIFS QUE « Sur l'inaptitude alléguée comme provoquée par l'employeur rendant sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour ce motif :
Lorsque l'inaptitude physique d'un salarié est causée par un manquement de l'employeur à son obligation relative à la santé et sécurité, le licenciement prononcé pour ce motif est sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, Madame [J] se prévaut au titre du manquement de l'employeur à son obligation relative à sa santé et à sa sécurité comme ayant joué un rôle causal déterminant dans son inaptitude physique notamment des incidents en date des 28 septembre 2011 et du 20 mars 2013.
Il a été vu précédemment que ces incidents sont retenus au titre du harcèlement moral dont la salariée a été victime et caractérisent également un manquement de l'employeur à son obligation relative à la santé et la sécurité de la salariée, puisque dans le premier cas, elle a été victime de propos désobligeants de la part du Directeur de l'agence, dont l'employeur n'a jamais admis la réalité et dans le second cas, de dysfonctionnements structurels dans l'organisation de l'agence et d'une faute de management du Directeur d'agence, l'ayant discréditée devant un formateur inexpérimenté n'ayant pas été en mesure de gérer un groupe de stagiaires et les ayant incités in fine à faire la liste écrite de leurs griefs à l'égard de la formation, dont l'un a consisté à qualifier Madame [J] d' « incompétente ».
L'incident du 20 mars 2013 a clairement joué un rôle causal direct dans la déclaration d'inaptitude physique puisque Madame [J] n'est plus revenue dans l'entreprise jusqu'à son licenciement et que le dossier médical à la médecine du travail fait clairement un lien entre l'état de santé dégradé de la salariée et ses conditions de travail, l'employeur ayant d'ailleurs fait état dans une communication avec le médecin du travail d'un burn-out et de difficultés de gestion des stagiaires.
Le défaut de justificatif de mise en oeuvre de document unique d'évaluation des risques, et plus particulièrement psycho-sociaux, avant 2013 a également privé la salariée d'une chance sérieuse de pouvoir prévenir les faits de harcèlement moral dont elle a été victime.
En conséquence, le jugement dont appel sera réformé et le licenciement de Madame [J], qui ne se prévaut pas de la nullité à raison des faits de harcèlement moral par ailleurs reconnus, sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Sur les prétentions indemnitaires au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Au jour de son licenciement injustifié, Madame [J] avait 11 ans d'ancienneté, percevait un salaire de 4 464,60 euros bruts et était âgée de 59 ans.
Elle justifie de son inscription pendant de nombreux mois à POLE EMPLOI et d'un retour à l'emploi en janvier 2015 dans un emploi de maître auxiliaire en BTS MANAGEMENT DES ENTREPRISES ET MARKETING, d'abord à temps partiel puis à temps plein avec un salaire de 1 718 euros nets, soit une baisse de salaire significative.
Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 51 339 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la débouter du surplus de sa demande indemnitaire de ce chef »

ALORS QUE la cassation à intervenir des chefs de dispositif jugeant que Mme [J] a été victime de harcèlement moral et que l'AFPA a manqué à son obligation relative à la santé et à la sécurité de Mme [J] au titre du défaut de mise en place d'un document unique de prévention des risques avec prise en compte des risques psychosociaux avant l'année 2013, entrainera par voie de conséquence la cassation des chefs de dispositif jugeant que le licenciement pour inaptitude de Mme [J] a été provoqué par le manquement de l'AFPA à son obligation sécurité et déclarant sans cause réelle et sérieuse le licenciement, par application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 20-12.322
Date de la décision : 27/05/2021
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Chambre sociale, arrêt n°20-12.322 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble 13


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte rnsm/na, 27 mai. 2021, pourvoi n°20-12.322, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12.322
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