CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 mai 2021
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10303 F
Pourvoi n° D 20-10.571
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MAI 2021
1°/ Mme [M] [B], domiciliée [Adresse 1],
2°/ M. [X] [C], domicilié [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° D 20-10.571 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [H] [J], domicilié [Adresse 2], mandataire judiciaire, pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Eco tendance,
2°/ à la société Amlin insurance SE, dont le siège est [Adresse 3]), venant aux droits de la compagnie Amlin Europe, anciennement dénommée Amlin Corporate Insurance NV,
3°/ à la société Beologic, dont le siège est [Adresse 4]),
4°/ à la société Etablissements André Bondet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], prise en qualité de co-assureur de la société établissements André Bondet,
6°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes, dont le siège est [Adresse 6], prise en qualité de co-assureur de la société établissements André Bondet,
7°/ à la société Inter mutuelles entreprises SADIR, société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme [B] et de M. [C], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Beologic, de Me Le Prado, avocat de la société MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Etablissements André Bondet, après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents, M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte à Mme [B] et à M. [C] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [J], ès qualités, les sociétés Inter mutuelles entreprises SADIR, Amlin insurance SE et Beologic.
2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [B] et M. [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [B] et de M. [C] ; les condamne à payer à la société Beologic la somme globale de 1 000 euros, aux Etablissements André Bondet la somme globale de 1 000 euros et aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme globale de 1 000 euros.
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme [B] et M. [X] [C].
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [B] et M. [C] de leurs demandes fondées sur la responsabilité décennale et sur l'article 1792-4 du code civil ;
AUX MOTIFS QU'il est constant au vu des explications fournies de part et d'autre qu'une terrasse composée de lames de bois composite a été installée sur la propriété des consorts [B]-[C] par l'entreprise de menuiserie société "Menuiserie Gardes" suivant facture du 28 avril 2010, les lames ayant été fournies la Sarl, anciennement Wood Chop. La réalité des désordres affectant les lames de terrasse en bois composite constituant la terrasse n'est pas contestée, l'expertise réalisée par le cabinet SATEB le 5 août 2014 révélant une fissuration et un gauchissement des embouts avec soulèvement. Mme [B] et M. [C] réitèrent en appel leur demande principale tendant à obtenir la condamnation in solidum de la Sarl Eco Tendance, concepteur et vendeur des lames de terrasse, et des établissements Bondet, ainsi que de leurs assureurs respectifs à les indemniser au titre des désordres affectant les lames de bois composite sur le fondement de la garantie décennale. Renonçant à leur demande subsidiaire formée en première instance au titre des vices cachés, ils sollicitent en cause d'appel que leur préjudice soit indemnisé à titre subsidiaire sur le fondement des articles 1382 et 1386-17 anciens du code civil. Sur la demande fondée sur les articles 1792 et suivants du code Civil En vertu de l'article 1792 du code civil, le constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. En vertu de l'article 1792-2 du code civil, la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, lorsqu'ils font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, ossature, de clos ou de couvert, c'est à dire lorsque sa dépose, son montage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. Il est également admis par la jurisprudence que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. La garantie décennale prévue par l'article 1792 ne peut ainsi trouver application qu'en présence d'un ouvrage. Au cas d'espèce il s'évince des factures des 24 juin et 31 juillet 2014 produites par les consorts [B]-[C] et du rapport d'expertise amiable établi le 5 août 2014 par le cabinet SATEB à la demande de l'assureur de ces derniers que les lames de bois défaillantes composant une terrasse non attenante à la maison d'habitation, sise aux abords d'une piscine, ont été posées sur des lambourdes en bois. Des factures produites et explications fournies par M. [C] et Mme [B] il ressort que les lames de bois composite sont clipsées, sans ancrage permanent, et reposent sur des lambourdes elles-mêmes fixées par des vis sur des plots en béton. Leur pose n'exige pas la mise en oeuvre de techniques du bâtiment. L'ensemble composé par les lames concernées ne saurait dès lors constituer un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil. Les lames constituent par nature des éléments d'équipement dissociables, ainsi qu'en atteste le remplacement par les appelants sur le même lieu, d'une précédente terrasse en bois dont les lames, également défaillantes, ont pu être retirées de leur support sans détérioration ou enlèvement de matière d'un ouvrage. Si la jurisprudence admet la mise en jeu de la garantie décennale pour des éléments dissociables d'un ouvrage, c'est à la condition que la défectuosité de ces éléments affecte l'ouvrage dans sa solidité ou le rende impropre à sa destination. Au cas d'espèce les lames de bois composite défectueuses ne forment pas un ouvrage et n'affectent aucun ouvrage dans sa solidité; elles n'ont pas non plus pour effet de rendre la piscine ou la maison impropre à sa destination. En conséquence la garantie décennale ne peut s'appliquer et le premier juge sera approuvé en ce qu'il a débouté les consorts [B] et [C] de leur demande fondée sur les articles 1792 et 1792-2 du code civil. Par ailleurs, les consorts [B] se prévalent en cause d'appel de la responsabilité décennale des sociétés Eco Tendance et Etablissement Bondet en qualité de fabricant sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil. Il sera rappelé qu'aux termes des dispositions énoncées par cet article : "Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux régies édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré. Sont assimilés à des fabricants pour l'application du présent article : Celui qui a importé un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement fabriqué à l'étranger ; Celui qui l'a présenté comme son oeuvre en faisant figurer sur lui son nom, sa marque de fabrique ou tout autre signe distinctif". Dans le cas présent, les lames de bois composite relèvent d'une production standardisée et n'ont pas été conçues spécialement pour un usage déterminé à l'avance au profit des consorts [B] des [B] et [C] de sorte que cette condition imposée par l'article précité n'est pas caractérisée. De surcroît, la responsabilité solidaire du fabricant sur ce fondement exige que soit établie la responsabilité décennale d'un constructeur sur le fondement de l'article 1792, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En conséquence la garantie décennale sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil doit être écartée ;
1) ALORS QUE les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, relèvent de la responsabilité décennale s'ils rendent l'ouvrage en son ensemble impropre à sa destination ; qu'en l'espèce, Mme [B] et M. [C] faisaient valoir que les lames de terrasse extérieure ne résistaient pas à l'eau en raison d'une reprise d'humidité trop forte et n'étaient donc pas compatibles avec l'environnement dans lequel elles devaient être utilisées (concl., p. 4 § 6), et ajoutaient qu'il existait un « risque de coupure et/ou de chute des usagers de la terrasse du fait de la déformation de ces lames du parquet qui la constituent, la sécurité du déplacement s'avérant compromise » (concl., p. 5 § 5) ; qu'en se bornant à affirmer que les lames de bois composite défectueuses n'avaient pas pour effet de rendre la piscine impropre à sa destination sans rechercher, comme elle y était invitée, si les désordres affectant ces lames de terrasse, en compromettant leur étanchéité et en créant un risque de blessures pour les utilisateurs de la piscine, ne rendaient pas celle-ci impropre à sa destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
2) ALORS QUE le fabricant d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises à la charge du locateur d'ouvrage au titre de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, Mme [B] et M. [C] faisaient valoir que les lames de terrasse procédaient d'une « fabrication spécifique selon des normes qui ont été largement commentées et détaillées par les mis en cause dans le cadre des premiers débats » (concl., p. 5 § 9), justifiant dès lors la responsabilité solidaire de la société André Bondet ; qu'en première instance, cette dernière avait expressément reconnu qu' « au cas d'espèce, les lames ont été extrudées par la société Ets André Bondet pour le compte de la société Wood Chop, conformément aux caractéristiques et aux dimensions voulues par cette dernière. Leur fabrication résulte donc d'un travail spécifique pour les besoins exprimés par la société Wood Chop » (concl. récapitulatives n°3, p. 7 § 2.1.2) ; qu'en affirmant néanmoins, pour écarter toute responsabilité de la société André Bondet, que les lames de bois composite relèvent d'une production standardisée et n'ont pas été conçues spécialement pour un usage déterminé à l'avance au profit des consorts [B] ? [C], sans s'expliquer sur la reconnaissance par la société André Bondet, dans ses conclusions de première instance, que la fabrication des lames en cause résultait d'un travail spécifique pour les besoins exprimés par la société Wood Chop, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792-4 du code civil.