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27/05/2021 | FRANCE | N°19-20908

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mai 2021, 19-20908


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 609 F-D

Pourvoi n° U 19-20.908

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

La société Adrexo, dont le siège est [Adress

e 1], a formé le pourvoi n° U 19-20.908 contre les arrêts rendus le 13 septembre 2018 et le 7 juin 2019 par la cour d'appel de Caen (chambre socia...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 609 F-D

Pourvoi n° U 19-20.908

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

La société Adrexo, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 19-20.908 contre les arrêts rendus le 13 septembre 2018 et le 7 juin 2019 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à M. [E] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Adrexo, de Me Le Prado, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Caen, 13 septembre 2018 et 7 juin 2019), M. [Y] a été engagé le 21 mai 2012 par la société Adrexo, dans le cadre d'un contrat à temps partiel modulé, en qualité de distributeur.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale pour demander divers rappels de salaire, le remboursement de frais, et des dommages-intérêts liés à l'exécution de son contrat de travail.

3. Par jugement du 9 mai 2017, il a été débouté de ses demandes. Son avocat a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée du 26 mai 2017 et l'employeur a soulevé l'irrecevabilité de ce recours.

4. Par arrêt du 13 septembre 2018, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré l'appel recevable. Par arrêt du 7 juin 2019, elle a statué au fond.

5. L'employeur s'est pourvu contre les deux arrêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt du 13 septembre 2018 de déclarer recevable l'appel du salarié, alors « que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que les actes administratifs n'ont pas d'effet rétroactif ; qu'un acte réglementaire ne s'applique pas aux actes de procédure accomplis antérieurement à son entrée en vigueur ; que le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, modifiant l'article 930-1 du code de procédure civile, prévoit que la déclaration d'appel, comme tout acte qui ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, établie sur support papier, peut être remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que les dispositions du décret du 6 mai 2017 applicables à compter du 1er septembre 2017 n'ayant pas d'effet rétroactif, elles ne peuvent régulariser un acte de procédure déjà accompli avant leur entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avocat de M. [Y] a interjeté appel du jugement rendu le 9 mai 2017 par le conseil de prud'hommes de Caen par lettre recommandée expédiée le 26 mai 2017 et reçue au greffe le 29 mai 2017 ; que pour juger l'appel de M. [Y] recevable, la cour d'appel a énoncé qu' ''en l'espèce, cette irrégularité ne peut toutefois être sanctionnée par l'irrecevabilité de la déclaration d'appel datée du 26 mai 2017 et dont le greffe a accusé réception le 29 mai. En effet, prononcer cette sanction uniquement parce que la déclaration en étant le support n'a pas été remise mais envoyée ? de surcroît par un moyen permettant de lui donner date certaine ? est contraire à l'évolution des normes procédurales applicables. En effet, avant même la déclaration d'appel litigieuse, l'article 930-1 avait été modifié par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017. En application de ce texte, la déclaration d'appel établie sur support papier, comme toute acte de procédure ne pouvant être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, peut, depuis le 1er septembre 2017, être remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception'' ; qu'en statuant ainsi, quand cet acte réglementaire, à savoir le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ayant introduit à l'article 930-1 du code de procédure civile la possibilité d'adresser au greffe un acte qui ne pouvait être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'avait accompli par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'était pas applicable à une déclaration d'appel adressée au greffe avant son entrée en vigueur le 1er septembre 2017, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble le principe de non-rétroactivité des règlements administratifs et l'article 930-1 du code de procédure civile dans sa version antérieure au 1er septembre 2017 applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 930-1 du code de procédure civile en sa version antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

7. Il résulte de ce texte que la remise au greffe s'entend nécessairement d'une remise matérielle excluant l'envoi sous forme de lettre recommandée avec avis de réception.

8. Pour dire recevable l'appel du salarié, formalisé par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, l'arrêt retient d'abord que l'avocat du salarié, inscrit à un barreau extérieur, ne pouvait avoir accès au RPVA de la cour d'appel de Caen, cela pour des raisons techniques ne lui étant pas imputables. Il en déduit qu'il pouvait donc établir sa déclaration sur support papier et la remettre au greffe, ce qui suppose une remise matérielle de l'acte contre restitution immédiate à l'appelant de l'un des exemplaires de sa déclaration d'appel avec mention de la date de la remise et visa du greffier et donc un déplacement physique.

9. L'arrêt ajoute que cependant, l'irrégularité de la formalisation de l'appel résultant de ce qu'il a été effectué par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception ne peut être sanctionnée par l'irrecevabilité dès lors que prononcer cette sanction uniquement parce que la déclaration en étant le support n'a pas été remise mais envoyée ? de surcroît par un moyen permettant de lui donner la date certaine ? serait contraire à l'évolution des normes procédurales applicables. Il précise en effet qu'avant même la déclaration d'appel litigieuse, l'article 930-1 avait été modifié par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, lequel autorise désormais que, lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, son envoi peut être effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief à l'arrêt du 7 juin 2019 de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel, de salaire et de congés payés afférents, de rappel de prime d'ancienneté et de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2014, de dommages-intérêts au titre du travail à domicile avec intérêts au taux légal à compter de la décision, de dire qu'il devra remettre au salarié un bulletin de paie rectificatif par année concernée par les rappels de salaire alloués, alors « que la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cassation de l'arrêt du 13 septembre 2018 qui a déclaré à tort l'appel de M. [Y] recevable, encourue sur le premier moyen, emportera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt du 7 juin 2019 ayant, sur l'appel de M. [Y], infirmé le jugement qui l'avait débouté de toutes ses demandes et condamné la société Adrexo à divers titres, et ce en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

13. La cassation de l'arrêt du 13 septembre 2018 qui déclarait recevable l'appel du salarié entraîne celle de l'arrêt du 7 juin 2019 qui statue sur cet appel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 13 septembre 2018 et 7 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé par Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président en ayant délibéré en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Adrexo

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt du 13 septembre 2018 d'AVOIR déclaré recevable l'appel de M. [Y] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la recevabilité de l'appel; aux termes de l'article 930-1, alinéas 1er et 2 du code de procédure civile, dans sa version applicable jusqu'au 31 août 2017, telle qu'issue du décret n° 2012-634 du 3 mai 2012 : « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électroniques. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d?appel est remis au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué » ; en l'espèce, constitue en soi«une cause étrangère» au sens de l'article 930-1 du code de procédure civile, le fait que l'avocat de M. [Y] qui est inscrit au barreau de Dunkerque, ne puisse avoir accès au RPVA de la cour d'appel de Caen, cela pour des raisons techniques ne lui étant pas imputables ; ce point n'est d'ailleurs pas contesté par la société Adrexo ; il pouvait donc établir sa déclaration sur support papier et la remettre au greffe ; la « remise au greffe », qui est la seule modalité prévue par ce texte, suppose une remise matérielle de l'acte contre restitution « immédiate » à l'appelant de l'un des exemplaires de sa déclaration d'appel avec mention de la date de la remise et visa du greffier ; l'appelant doit donc se déplacer physiquement pour remettre sa déclaration d'appel et obtient restitution d'un exemplaire de celle-ci, visé par le greffier ; en vertu de ce texte, la déclaration d?appel effectuée par l'avocat de l'appelant ne peut être adressée au greffe de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception ; en l'espèce cette irrégularité ne peut toutefois être sanctionnée par l'irrecevabilité de la déclaration d?appel datée du 26 mai 2017 et dont le greffe a accusé réception le 29 mai ; en effet, prononcer cette sanction uniquement parce que la déclaration en étant le support n'a pas été remise mais envoyée ?de surcroît par un moyen permettant de lui donner la date certaine ?est contraire à l'évolution des normes procédurales applicables ; en effet, avant même la déclaration d'appel litigieuse, l'article 930-1 avait été modifié par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; en application de ce texte, la déclaration d'appel établie sur support papier, comme toute acte de procédure ne pouvant être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, peut, depuis le 1er septembre 2017, être remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; ce texte précisée, en son alinéa 3, que :« lorsque la déclaration d?appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cacher du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen » ; en conséquence, l'appel du salarié fait sur support papier à raison d'une cause étrangère non contestée, selon une modalité lui donnant date certaine et qu'un décret, antérieur même à la déclaration d'appel, a expressément prévu pour l'avenir sera jugé recevable ; l'ordonnance déférée sera donc confirmée ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, les fins de non-recevoir peuvent être proposées après qu'il ait été conclu au fond, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par la société Adrexo pour le seul motif qu'elle a été présentée après que cette société ait conclu au fond ; il est constant que les règles de postulation ne reçoivent pas application en matière prud'homale et que, M. [Y] étant représenté par un avocat inscrit au barreau de Dunkerque qui n'avait pas accès au RPVA de la cour d'appel de Caen et se trouvait pour une cause étrangère dans l'impossibilité de transmettre l'acte d'appel par voie électronique, recevaient application les dispositions de l'article 930-1 alinéa 2 dans leur rédaction en vigueur au moment de l'appel, lesquelles autorisaient l'auteur de l'acte à établir «sur un support papier remis au greffe » ; la notion de « remise » au greffe n'exclut pas que l'acte lui parvienne par lettre recommandée avec accusé de réception, tel étant d'ailleurs le sens de la précision apportée par le décret du 6 mai 2017 applicable aux appels interjetés à compter du 1er septembre 2017 et la lettre recommandée avec accusé de réception donnant date certaine à la remise ; le moyen tiré de l'irrecevabilité sera donc rejeté ;

ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif; que les actes administratifs n'ont pas d'effet rétroactif ; qu'un acte réglementaire ne s'applique pas aux actes de procédure accomplis antérieurement à son entrée en vigueur ;que le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, modifiant l'article 930-1 du code de procédure civile, prévoit que la déclaration d'appel, comme tout acte qui ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, établie sur support papier, peut être remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que les dispositions du décret du 6 mai 2017 applicables à compter du 1er septembre 2017 n'ayant pas d'effet rétroactif, elles ne peuvent régulariser un acte de procédure déjà accompli avant leur entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avocat de M. [Y] a interjeté appel du jugement rendu le 9 mai 2017 par le conseil de prud'hommes de Caen par lettre recommandée expédiée le 26 mai 2017 et reçue au greffe le 29 mai 2017 ; que pour juger l'appel de M. [Y] recevable, la cour d'appel a énoncé qu' « en l'espèce, cette irrégularité ne peut toutefois être sanctionnée par l'irrecevabilité de la déclaration d'appel datée du 26 mai 2017 et dont le greffe a accusé réception le 29 mai. En effet, prononcer cette sanction uniquement parce que la déclaration en étant le support n'a pas été remise mais envoyée ?de surcroît par un moyen permettant de lui donner date certaine ?est contraire à l'évolution des normes procédurales applicables. En effet, avant même la déclaration d'appel litigieuse, l'article 930-1 avait été modifié par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017. En application de ce texte, la déclaration d'appel établie sur support papier, comme toute acte de procédure ne pouvant être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, peut, depuis le 1er septembre 2017, être remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception » ; qu'en statuant ainsi, quand cet acte réglementaire, à savoir le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ayant introduit à l'article 930-1 du code de procédure civile la possibilité d'adresser au greffe un acte qui ne pouvait être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'avait accompli par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'était pas applicable à une déclaration d'appel adressée au greffe avant son entrée en vigueur le 1erseptembre 2017, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble le principe de non-rétroactivité des règlements administratifs et l'article 930-1 du code de procédure civile dans sa version antérieure au 1er septembre 2017 applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 07 juin 2019 d'AVOIR requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, condamné la société Adrexo à verser à M. [Y] 68736 euros de rappel de salaire outre 6873 euros de congés payés afférents, 1432 euros de rappel de prime d'ancienneté outre 143,20 euros de congés payés afférents, avec intérêt au taux légal à compter du 3 décembre 2014, 5000 euros de dommages et intérêts au titre du travail à domicile avec intérêts au taux légal à compter de la décision, dit que la société Adrexo devra remettre à M. [Y] un bulletin de paie rectificatif par année concernée par les rappels de salaire alloués ;

AUX MOTIFS QUE Sur la requalification du contrat à temps plein ; M. [Y] soutient que le contrat de travail est irrégulier (absence de durée hebdomadaire ou mensuelle de référence), que les accords collectifs sont illicites (absence de précision sur les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés au salarié, absence de délibération du comité d'entreprise sur le programme indicatif de répartition de la durée du travail), que, par conséquent, il ne peuvent servir de base à la conclusion d'un contrat de travail à temps partiel modulé, que, dans le cadre de la relation contractuelle, les règles relatives à la modulation du temps de travail n'ont pas été respectées (absence de précision des jours de disponibilité dans le contrat, absence de remise des grilles de rémunération lors de l'embauche, absence de remise d'un planning de modulation à l'embauche et, chaque année, 15 jours avant le début de la période de modulation, absence d'indications des horaires de travail pour la semaine suivante, non respect des limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier) ; qu'en conséquence, le contrat, faute de répondre aux conditions d'un contrat à temps partiel modulé, s'analyse comme un contrat à temps partiel ordinaire. Dès lors, la répartition du temps de travail n'y figurant pas, il est présumé à temps plein. Cette présomption n'étant pas, selon M. [Y], utilement combattue par la SAS Adrexo, il peut prétendre à un rappel de salaire sur la base du SMIC horaire; que la SAS Adrexo conteste l'ensemble des irrégularités soulevées par M. [Y], fait valoir qu'en toute hypothèse certaines de ces irrégularités ne sauraient invalider le contrat à temps partiel modulé, enfin, elle indique que, même dans l'hypothèse où s'appliquerait une présomption de temps plein, elle apporte la preuve que M. [Y] travaillait à temps partiel et était parfaitement informé de son rythme et de son temps de travail. Elle fait également valoir que M. [Y] n'apporte pas d'éléments étayant la réalité du temps de travail dont il demande paiement ; que l'article L. 3123-25 du code du travail disposait, avant son abrogation par la loi N° 2008-789 du 20 août 2008 : "Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail". Cette convention devait notamment prévoir les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail était communiqué par écrit au salarié ; que la convention collective de la distribution directe prévoit que le programme indicatif de répartition de la durée du travail et les horaires de travail sont communiqués par écrit aux salariés concernés, au début de chaque période de modulation, selon les modalités définies au sein de chaque entreprise (art. 1.2 du chapitre 1V). L'accord d'entreprise d'Adrexo précise : "pour lui permettre de planifier l'exercice de son activité, le distributeur bénéficie d'un planning indicatif' individuel annuel établi par l'employeur (..), qui lui est notifié par écrit 15 jours avant le début de sa période de modulation sauf a l'embauche où le planning lui est présenté par écrit avec son contrat de travail" (article 2.1 de l'accord d'entreprise du 11 mai 2005) ; que la communication de la programmation aux salariés est un élément essentiel, à défaut duquel le dispositif de modulation est privé d'effet. Dès lors, si le programme indicatif de la répartition de la durée du travail n'est pas communiqué par écrit au salarié selon les modalités prévues, le contrat est présumé à temps complet et il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, la SAS Adrexo ne produit que trois programmes annuels. Le salarié ayant signé ces trois programmes indicatifs sans dater sa signature, il y a lieu de retenir la date d'impression du document comme constituant sa date de remise au salarié ; que le premier programme pour la période de juillet 2012 à juin 2013 est daté du 21 mai 2012. Le second daté du 12 juillet 2013 porte sur la période de septembre 2013 à juin 2014, le troisième daté du 13 juin 2014 porte sur la période d' août 2014 à juin 2015 ; qu'il s'en déduit que M. [Y], embauché le 21 mai 2012 n'a pas eu de programme indicatif pour juin 2012, alors qu'il a travaillé 24,40H ce mois-là, il n'a pas non plus disposé de programme indicatif pour juillet et août 2013, ni pour juillet 2014 et aucun programme indicatif ne lui a plus été remis à partir de juillet 2015 ; que dès lors, M. [Y] n'ayant pas disposé d'un programme indicatif 15 jours au moins avant le début de la période de modulation dès le début de la relation de travail, le contrat de travail est présumé à temps complet dès l'origine ; que la SAS Adrexo fait valoir que M. [Y] connaissait son rythme de travail et n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition. En effet, il est intervenu pendant plusieurs années sur les mêmes secteurs, a reçu des feuilles de route qui l'informaient de sa durée de travail avec un délai de prévenance de 3 à 5 jours, a défini des jours de disponibilité, avait connaissance de la grille tarifaire affichée dans le centre et donc de l'estimation de son temps de travail ; qu'elle verse aux débats 12 feuilles de route pour 2013, 22 feuilles de route pour 2014 et 19 feuilles pour 2015. Non seulement ces feuilles de route ne couvrent pas toute la période sur laquelle porte la réclamation (juin 2012 à avril 2017) mais, en outre, ces feuilles ne correspondent pas à la totalité des distributions effectuées de 2013 à 2015. Ainsi, alors que le cumul des temps de distribution figurant sur les feuilles de route produites atteignaient 20H en mai 2013, M. [Y] a été rémunéré, le même mois, pour 36,11H. Les mêmes discordances apparaissent lors d'un contrôle par sondage : au mois de juin 2014 (total des heures travaillées au vu des feuilles de route produites : 9H54, heures payées : 22,13H), de juillet 2014 (16h43 sur les feuilles de route, 26,5511 sur le bulletin de paie), de juillet 2015 (201-149 sur les feuilles de route, 33,82H sur le bulletin de paie) ;

Que dès lors, faute d'une production exhaustive des feuilles de route, il n'est pas établi que les jours de disponibilité (le lundi selon le contrat de travail, auquel se rajoute le mardi selon la capture d'écran produite par la SAS Adrexo), qui ont été respectés pour les distributions correspondant aux feuilles produites (9 "départs prévus" le lundi et 1 le mardi en 2013, 19 le lundi et I le mardi en 2014 et 14 le lundi en 2015), ont aussi été respectés pour l'ensemble des distributions effectuées par M. [Y], la SAS Adrexo pouvant, en effet, avoir choisi de ne produire que les feuilles de route conformes ; que le délai de prévenance vanté par la SAS Adrexo n'est pas respecté. En effet, les feuilles de route étant imprimées le même jour que le "jour de départ", c'est à cette date que M. [Y] a appris sa durée de travail. Il n'avait alors que deux jours pour accomplir la distribution (jour de départ compris) puisque la "fin prévue" était systématiquement fixée au surlendemain du jour de départ ; qu'enfin, les heures rémunérées sont très variables d'un mois à l'autre ce qui établit la variabilité de sa charge de travail. Ainsi, M. [Y] a été rémunéré pour 24,56H en août 2012 et pour 47,5IH en septembre 2012, pour 66,86H en juin 2013 et pour 22,94H en décembre 2013, pour 19,43H en février 2014 et pour 35,53H en septembre 2014, pour 10,251-I en septembre 2015 et pour 37,931-I en octobre 2015, pour 10,601-1 en juin 2016 et pour 45,84H en juillet, pour 18,51-1 en mars 2017 et pour 27,60.H en avril; que dès lors, la SAS Adrexo, à qui cette charge incombe n'établit pas que M. [Y] connaissait son rythme de travail et n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition; que le contrat sera donc requalifié en contrat à temps plein ; que la somme réclamée à ce titre correspondant à un rappel sur la base du SMIC expliquée dans le document côté 29, n'est pas contestée, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire par la SAS Adrexo et sera donc retenue. S'y ajouteront les congés payés afférents; que sur la prime d'ancienneté, cette prime correspondant à un pourcentage des salaires, M. [Y] calcule le rappel de prime réclamé en fonction du rappel de salaire alloué ; que la SAS Adrexo ne formule aucune observation sur cette demande à laquelle il sera donc fait droit; que Sur les demandes de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions sur le temps partiel modulé et à raison du non paiement de l'intégralité des salaires ; que le non-respect des dispositions sur le temps partiel modulé se trouve sanctionné par la requalification du temps partiel en temps plein et M. [Y] obtient un rappel de salaire correspondant à la différence entre le paiement de ce temps plein et le temps partiel rémunéré par la SAS Adrexo ; que pour obtenir, en plus, des dommages et intérêts, M. [Y] devrait établir ou, à tout le moins expliquer, en quoi a consisté son préjudice. Ce préjudice doit être distinct du préjudice occasionné par le retard apporté au paiement d'une somme d'argent qui, en application de l'article 1231-6 du code civil, est réparé par des intérêts moratoires sur cette somme d'argent; que n'apportant aucun élément en ce sens, M. [Y] sera débouté de cette demande ; que pour occupation du domicile à des fins professionnelles ; qu'il est constant qu'après avoir récupéré les prospectus et avant de les distribuer, le distributeur doit les organiser en "poignées" ce qui génère un temps de préparation que la SAS Adrexo rémunère. La SAS Adrexo ne soutient pas que M. [Y] pouvait effectuer cette préparation du dépôt. Cette préparation devait donc se faire à domicile, la SAS Adrexo ne pouvant sérieusement soutenir que M. [Y] pouvait l'effectuer dans le coffre de sa voiture (encombré de 150 à 250 kg de prospectus) ; qu'en ne mettant pas à la disposition de son salarié un local pour effectuer une partie de la prestation de travail demandée, l'employeur a contraint celui-ci à utiliser une partie de son domicile au moins ponctuellement pour ce faire ce qui porte atteinte à sa vie privée ; que jusqu'en décembre 2012, la SAS Adrexo n'a pas compensé cette gêne et depuis janvier 2013 la compense de manière dérisoire puisque l'indemnité versée à ce titre a varié : en 2013 de 0,28? à 3,30? mensuels, en 2014 de 0,14? à 1,79?, en 2015 de 0,44? à 1,30?, en 2016 de 0,19? à 0,58? et de janvier à avril 2017 de 0,09? 0,13? ; qu'en réparation du préjudice occasionné depuis juin 2012, il sera alloué à M. [Y] 5 000? de dommages et intérêts.

ALORS QUE la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cassation de l'arrêt du 13 septembre 2018 qui a déclaré à tort l'appel de M. [Y] recevable, encourue sur le premier moyen, emportera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt du 7 juin 2019 ayant, sur l'appel de M. [Y], infirmé le jugement qui l'avait débouté de toutes ses demandes et condamné la société Adrexo à divers titres, et ce en application de l'article 625 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-20908
Date de la décision : 27/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 07 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 mai. 2021, pourvoi n°19-20908


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20908
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