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27/05/2021 | FRANCE | N°19-15507

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 mai 2021, 19-15507


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 617 F-D

Pourvoi n° Y 19-15.507

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 juillet 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

____________________

_____

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

La société Cose...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 617 F-D

Pourvoi n° Y 19-15.507

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 juillet 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

La société Cosel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 19-15.507 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2019 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [Z] [H], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Cosel, de Me Bouthors, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 24 janvier 2019), Mme [H], engagée par la société Cosel le 29 juillet 2010 en qualité de téléacteur, a fait l'objet le 11 avril 2014 d'un entretien professionnel par son supérieur hiérarchique, suivi d'un compte-rendu établi par ce dernier, listant divers manquements fautifs, l'intéressée étant avisée que son auteur réclamait le prononcé d'une sanction à son encontre.

2. Après avoir été convoquée le 15 avril 2014 à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, la salariée a été licenciée pour faute grave le 2 mai 2014.

3. Elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de le condamner au paiement de diverses indemnités, de frais irrépétibles et d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage aux organismes sociaux, alors « que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié qu'il considère comme fautif ; que la volonté de l'employeur d'infliger une sanction doit être claire et non équivoque ; que tel n'est pas le cas du compte-rendu d'un entretien de suivi par lequel un supérieur hiérarchique indique au salarié qu'il sollicite une sanction à son encontre auprès du service compétent pour prononcer une telle mesure, en précisant qu'il ignore quelle en sera l'issue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le compte-rendu d'entretien indiquait que la supérieure hiérarchique de Mme [H] lui avait déclaré ''je vous informe que je demande une sanction à votre égard'' et qu'à la question ''quelle est la sanction ?'', elle avait répondu ''je ne sais pas, la direction et les ressources humaines prennent seules leur décision'' ; qu'en estimant que cet écrit constituait un avertissement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble le principe non bis in idem. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1331-1 du code du travail :

5. Selon cet article, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non, la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

6. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a
retenu que le compte-rendu d'entretien de suivi avait valeur d'avertissement disciplinaire, ce qui était établi par son contenu, par la chronologie des faits et les termes de la lettre de licenciement, visant des griefs identiques à ceux énoncés dans ledit compte-rendu. Elle a ajouté que si la personne qui avait conduit l'entretien était un agent de maîtrise, elle exerçait des fonctions de supérieure hiérarchique à l'égard de la salariée et se trouvait donc en capacité de lui délivrer avec l'accord de sa hiérarchie un avertissement, le contre-seing du chef de service sur le compte-rendu attestant de sa validation par l'employeur.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'auteur du compte-rendu avait expressément indiqué qu'il se limitait à demander une sanction, la décision relevant exclusivement de la direction et du responsable des ressources humaines, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [H] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour retard dans la délivrance de documents, l'arrêt rendu le 24 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne Mme [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Cosel

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme [H] était un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné en conséquence la société Cosel à payer à Mme [H] les sommes de 8.623,26 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.894,42 euros à titre de préavis, 289,44 euros à titre des congés payés sur préavis, 1.109,52 euros à titre d'indemnité de licenciement, ainsi que les sommes de 800 et 1.500 euros au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, et d'AVOIR ordonné le remboursement des prestations chômage aux organismes sociaux par la société Cosel pour la somme de 4.341,63 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le licenciement : (?) ; En l'espèce la lettre de licenciement pour faute grave en date du 2 mai 2014 qui fixe le cadre du litige est ainsi rédigée : '.... Cette décision est due à une absence totale de discours normé. En effet après un suivi individuel de deux jours il apparaît vos résultats suivants : 0 % de traçage conforme, vous n'appliquez pas la consigne de tracer suivant les normes du client. 'Plus de 25 % de dossiers sans aucune proposition commerciale traçée dans leur suivi. '0 % d'accompagnement énergie alors que vous avez eu sur cette période 3 demandes de délai de paiement. '1 dossier hors procédure pour une annulation de coupure. '36 % de non qualification d'items dans vos dossiers. 'Sur 8 délais de paiement accordés et tracés vous n'avez tracé que deux accompagnements énergie, malgré le coaching individuel sur ce sujet en date du 11 février 2014. Nous vous rappelons que vous devez, de par votre contrat de travail, respecter les objectifs du client car notre société est prestataire de services. De par les formations régulièrement données, de par vos compétences acquises et votre ancienneté vous êtes une télé conseillère qui connaît les procédures et le discours imposé par notre client donneur d'ordre. Aussi vous comprendrez aisément que nous ne pouvons tolérer que vous vous obstiniez à négliger vos obligations vis-à-vis de votre employeur, et compte tenu des faits retenus, nous sommes contraints de prononcer à votre encontre une mesure de licenciement pour faute grave....' Madame [H] soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où il est impossible de sanctionner deux fois les mêmes faits et qu'elle a déjà fait l'objet d'un avertissement pour les mêmes faits le 11 avril 2014. À titre subsidiaire elle fait valoir que les griefs qui lui sont faits sont infondés. L'employeur soutient que le compte rendu d'entretien ne constitue pas un avertissement et n'a donc pas épuisé le pouvoir disciplinaire de l'employeur et que Madame [D] qui a procédé à ce compte rendu ne disposait pas de ce pouvoir disciplinaire. Il fait valoir, d'autre part que le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié la salariée ayant manqué de manière délibérée à ses obligations contractuelles. En l'espèce, comme l'ont relevé les premiers juges, les griefs reprochés à Madame [H] dans la lettre de licenciement sont exactement les mêmes pour six d'entre eux que ceux évoqués dans le compte rendu d'entretien de suivi en date du 11 avril 2014. Il convient de relever que la lettre de licenciement pour faute grave est intervenue trois semaines après ce compte rendu d'entretien de suivi et que la salariée a fait l'objet d'une convocation pour un entretien préalable par courrier du 15 avril 2014, soit quatre jours après le compte rendu d'entretien de suivi, entretien qui s'est déroulé le 22 avril 2014. Si l'employeur conteste le caractère disciplinaire du compte rendu d'entretien de suivi, force est de constater que la chronologie des entretiens et les termes de la lettre de licenciement identiques au compte rendu, accréditent la nature disciplinaire de celui-ci. D'autre part les termes mêmes de ce compte rendu démontrent clairement qu'il s'agit d'un avertissement à caractère disciplinaire. En effet il y est mentionné : « 'je constate depuis plusieurs jours que vous ne tenez pas le discours normé. J'ai extrait 25 des références que vous avez traitées les 7 et 9 avril 2014 et les ai analysées (impressions écrans jointes). De cette analyse, il ressort des résultats suivants : '0 % de traçage conforme : vous n'appliquez pas la consigne des traçages normés. '28 % de dossiers sans aucune proposition commerciale tracée dans les actions co (absence de rebond sur 7 dossiers) '0 % d'accompagnement énergie sur 3 demandes de délais de paiement. '1 dossier hors procédure (annulation de coupure)
'36 % de non qualification des items sur les dossiers (9 dossiers qui nécessitaient la mise à jour de l'onglet local). 'Les 3S non effectués sur les dossiers qui le nécessitaient (difficultés de paiement, rebond commercial, explication de factures, etc.) 'confirmation d'actes non faite. 'Sur 8 délais de paiement accordés et tracés selon la procédure vous n'avez tracé que deux accompagnements énergie. Je vous rappelle que vous avez bénéficié d'un coaching individuel le 11 février (doc joint) et que vous avez connaissance des modes opératoires de traçage et d'octroi des délais de paiement (document joint). Je vous rappelle que vous devez, de par votre contrat de travail, respecter les objectifs du client car Coriolis est prestataire de services' Votre attitude impacte de façon pénalisante les résultats de l'équipe donc du service et du site Pour moi cette situation est inacceptable et je vous informe que je demande une sanction à votre égard. 'Je vous demande de vous reprendre et suis prête à mener des actions pour vous accompagner si vous m'en faites la demande. Si vous ne souhaitez pas avancer dans ce sens, je vous demande de réfléchir sur votre positionnement envers votre métier et trouver une solution. En ce qui me concerne, je ne peux de par votre ancienneté donc votre expérience, autre que vous accompagner vers l'atteinte des objectifs, faire les choses à votre place. Commentaire du conseiller : 'tu m'informes que tu demandes une sanction, je me doutais bien que j'en aurai une car il fallait que ça tombe un jour ou l'autre. Question : pourquoi malgré mes différents rappels n'essayez-vous pas de faire les choses 'Qu'est-ce que je peux faire pour cela' 'Question : qu'allez-vous faire à compter de maintenant face à cet état de fait' Réponse : je m'engage à respecter les consignes et procédures liées au traitement de la demande et faire des propositions commerciales. Question souhaitez-vous rajouter autre chose' Réponse : non si ce n'est : quelle est la sanction 'RE : je ne sais pas, la direction et les ressources humaines prennent seules leur décision' » Il n'est pas contesté par l'employeur que, même si Madame [X] [D] qui a conduit cet entretien et rédigé le compte rendu d'entretien de suivi est un agent de maîtrise, pour autant elle exerçait des fonctions de supérieure hiérarchique à l'égard de Madame [H] et se trouvait donc de ce fait en capacité de délivrer avec l'accord de sa hiérarchie un avertissement à la salariée. Il convient au demeurant de relever que ce document est signé de Madame B., du responsable d'équipe mais également du responsable de service, ce qui atteste de sa validation par l'employeur. D'autre part, si l'employeur prétend que ce compte rendu d'entretien est destiné à évaluer si des mesures d'accompagnement sont nécessaires, il apparaît au vu de son contenu même et des termes employés que cet entretien avait véritablement valeur d'avertissement, s'inscrivant dans une probable procédure de licenciement comme le démontre la chronologie des faits. En effet un avertissement, implique l'énoncé d'un ou de plusieurs manquements identifiés ainsi qu'une mise en demeure d'en cesser la pratique ou de rectifier la situation ce qui est le cas du compte rendu d'entretien de Madame [H] ; Le fait que cet avertissement ait été immédiatement suivi d'une convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement confirme de fait le caractère disciplinaire de l'avertissement ainsi donné. Or l'employeur qui bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à un salarié, choisit de lui notifier un avertissement pour certains d'entre eux, épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la sanction prononcée. Les griefs visés dans la lettre de licenciement étant exactement les mêmes que ceux figurant au compte rendu d'entretien qui vaut avertissement disciplinaire, il convient de constater que la société Cosel ayant épuisé son pouvoir disciplinaire ne pouvait prononcer un licenciement pour faute grave à l'encontre de Madame [H]. La cour constate en conséquence que le licenciement de Madame [H] est dénué de cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement, sans qu'il soit besoin d'examiner si les griefs à l'appui de la lettre de licenciement pour faute grave étaient fondés ou pas. - Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : Conformément aux dispositions de l'article L. 1235'3 du code du travail, Madame [H] qui avait plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise qui employait plus de 10 salariés est fondée à obtenir une indemnité équivalente à six mois de salaire soit la somme de 8623,26 euros sollicitée sur la base d'un salaire brut de 1460 euros conformément aux bulletins de salaires produits par la salariée. La cour constate que le conseil de prud'hommes avait fixé ces dommages-intérêts à la somme de 8683,26 euros. Toutefois il convient de faire droit à la demande de la salariée qui est inférieure à cette somme. - Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents : La cour ayant considéré que le licenciement de la salariée était un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [H] peut prétendre au paiement de son préavis et des congés payés y afférents conformément aux dispositions de l'article L. 1234-5 du code du travail. Conformément à l'article 19 de la convention collective le préavis est de deux mois. Si Madame [H], dans le dispositif de ses conclusions sollicite la confirmation de la décision du conseil de prud'hommes et de voir fixer à la somme de 2894,42 euros l'indemnité compensatrice de préavis, dans le corps de ses conclusions elle fait référence à une somme de 2920 euros. Il convient cependant de retenir la somme figurant au dispositif de ses conclusions. Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef en ce qu'il a condamné la société Cosel à payer à la salariée la somme de 2894,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 289,44 euros au titre des congés payés y afférents. - Sur l'indemnité de licenciement : Si Madame [H] sollicite dans le corps de ses conclusions la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 1146,40 euros à ce titre, cependant, dans le dispositif de ses conclusions elle sollicite que l'indemnité de licenciement soit fixée à la somme de 1109,52 euros conformément au jugement du conseil de prud'hommes. Il convient de considérer que c'est le montant de l'indemnité de licenciement qu'elle sollicite. Conformément aux dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, il convient de condamner la société Cosel au paiement de cette somme par voie de confirmation du jugement. - Sur les dommages intérêts pour retard dans la délivrance de l'attestation pôle emploi et du certificat travail : Il n'apparaît pas que le délai de trois semaines pour la remise du certificat de travail et de l'attestation pôle emploi, soit particulièrement tardif. D'autre part, si la salariée évoque une perte de chance dans la recherche d'un emploi au cours de ces trois semaines, elle ne justifie pas que pendant cette période elle aurait pu bénéficier d'une offre d'emploi lui convenant. Il convient en conséquence de la débouter de sa demande de dommages-intérêts de ce chef par voie de confirmation du jugement. - Sur les intérêts légaux : Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les condamnations porteraient intérêts au taux légal selon leur nature conformément aux articles 1153 et 1153'1 du Code civil. - Sur le remboursement aux organismes sociaux : Conformément aux dispositions de l'article L. 1235'4 du code du travail, le remboursement des indemnités de chômage aux organismes intéressés peut-être ordonné d'office par le juge lorsque les organismes ne sont pas intervenus à l'instance où n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées et lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il convient en conséquence d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de la somme de 4341,63 euros par la société Cosel, par voie de confirmation du jugement. - Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens : Il convient de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Laval en ce qu'il a condamné la société Cosel à payer à Madame [H] la somme de 800 ? au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Il n'est pas inéquitable d'autre part de condamner la société appelante et qui succombe, à payer à Madame [H] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. La société Cosel sera déboutée de sa demande à ce titre » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « sur le fond : sur le licenciement : (?) ; En l'espèce, les griefs reprochés à la salariée au sein de la lettre de licenciement datée du 2 mai 2014 sont identiques aux remarques relatives à son activité professionnelle faites à la salariée par sa supérieure hiérarchique, Madame [D], le 11 avril 2014, remarques qui figurent au sein du compte rendu d'entretien de suivi établi pour la circonstance. Il est vraisemblable que Madame [D] ait transmis sa demande de sanction à l'encontre de Madame [H] le 11 avril 2014. Pourtant, la salariée sera licenciée pour faute grave le 2 mai suivant soit 21 jours calendaires plus tard, et durant cette période entre le 2 mai 2014, Madame [H] fera partie des effectifs, bien que convoquée à un entretien préalable par courrier du 15 avril 2014 remis en main propre, et qu'elle se soit rendue à cet entretien qui s'est déroulé le 22 avril 2014. Le Conseil observe que la société Cosel a conservé Madame [H] dans ses effectifs pendant 21 jours, après qu'une demande sanction ait été sollicitée à son égard par sa hiérarchie, et que l'employeur était informé des motifs de la sanction sollicitée puisque 6 des 8 motifs sont repris en tant que griefs au sein de la lettre de licenciement, alors que dès le 15 avril 2014, date de la convocation à l'entretien, l'employeur avait la possibilité aux fins de donner corps à la qualification donnée au motif de la rupture, de l'écarter immédiatement de l'entreprise, ce qu'elle n'a pas fait. Par ailleurs, par le biais du compte rendu d'entretien de suivi en date du 11 avril 2014, Madame [D], supérieure hiérarchique de Madame [H], précise les 8 reproches professionnels formulés à l'encontre de la salariée, lui demande de se reprendre, précise qu'elle est prête à mener des actions pour accompagner la salariée si celle-ci lui en fait la demande, lui indique également qu'elle demande une sanction à son égard mais la félicite d'avoir atteint ses objectifs pour les indicateurs Mens Mob ? RC et PA et FE Mob. En informant ainsi Madame [H] par un document signé le 11 avril 2014 par la salariée, par la N+1 et par le responsable du service, la société Cosel a sanctionné par écrit le comportement fautif de la salariée, de sorte que les mêmes faits repris au sein de la lettre de licenciement pour faute grave, valaient avertissement et ne pouvaient plus justifier le licenciement (Cassation Sociale du 7 mars 2012). Qu'en conséquence, le Conseil considère que le licenciement de Madame [H] est un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : attendu que l'article L. 1235-5 du code du travail précise que : « Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :
1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ; 2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ; 3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4. Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi. Toutefois, en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 s'appliquent même au licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés. » En l'espèce, le Conseil a considéré que le licenciement de Madame [H] ne reposait pas sur une faute grave et qu'il s'agissait d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. En conséquence, la société Cosel sera condamnée à payer à Madame [H] la somme de 8.683,26 ? à ce titre. Sur le préavis et sur les congés payés afférents : Attendu que l'article L. 1234-5 du code du travail précise que : « Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2. » En l'espèce, le Conseil a considéré que le licenciement de Madame [H] devait être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que, de ce fait, elle pouvait prétendre au paiement de son préavis et des congés payés y afférent. Qu'en conséquence, il sera fait droit à sa demande et la société Cosel sera condamnée à payer à Madame [H] la somme de 2.894,42 ? au titre du préavis, outre la somme de 289,44 ? au titre des congés payés sur préavis. Sur l'indemnité de licenciement : attendu que l'article L. 1234-1 du code du travail indique que : « Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit : 1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ; 2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ; 3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois. Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. » En l'espèce, le Conseil a considéré que le licenciement de Madame [H] devait être requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que, de ce fait, l'indemnité conventionnelle de licenciement lui est due. En conséquence, la société Cosel sera condamnée à payer à Madame [H], compte tenu des derniers salaires qu'elle a perçus, la somme de 1.109,52 ? à ce titre. [?] Sur le remboursement aux organismes sociaux : Attendu que l'article L. 1235-4 du code du travail précise que : « Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. » En l'espèce, la société Cosel succombe à l'instance et les organismes sociaux ne sont pas intervenus à ladite instance. Qu'en conséquence, le Conseil ordonne d'office le remboursement aux organismes sociaux de la somme de 4.341,63 ? par la société Cosel » ;

1. ALORS QUE l'employeur tient de son pouvoir de direction le droit d'évaluer le travail du salarié ; que le compte-rendu écrit d'un entretien au cours duquel le supérieur hiérarchique se borne à évaluer la qualité du travail du salarié placé sous son autorité ne constitue pas un acte relevant de son pouvoir disciplinaire, mais de son pouvoir de direction ; qu'au cas présent, l'employeur faisait notamment valoir que le compte-rendu de l'entretien du 11 avril 2014 formalisait exclusivement un « débrief » permettant « de faire le point le sur la pratique des salariés, en mettant en avant tant les points négatifs et positifs » et soulignait qu'« affirmer que la procédure d'entretien par elle-même constituerait une sanction disciplinaire [?] revient ni plus ni moins à interdire à l'employeur d'échanger avec ses salariés sur la qualité de leur travail » (conclusions Cosel p. 24) ; qu'en estimant toutefois que le compte-rendu écrit de l'entretien de suivi du 11 avril 2014 constituait un avertissement, cependant qu'un tel document avait seulement pour objet d'évaluer le travail de Mme [H] et ne contenait en lui-même aucune sanction, la cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble le principe non bis in idem ;

2. ALORS QUE constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié qu'il considère comme fautif ; que la volonté de l'employeur d'infliger une sanction doit être claire et non équivoque ; que tel n'est pas le cas du compte-rendu d'un entretien de suivi par lequel un supérieur hiérarchique indique au salarié qu'il sollicite une sanction à son encontre auprès du service compétent pour prononcer une telle mesure, en précisant qu'il ignore quelle en sera l'issue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le compte-rendu d'entretien indiquait que la supérieure hiérarchique de Mme [H] lui avait déclaré « je vous informe que je demande une sanction à votre égard » et qu'à la question « quelle est la sanction ? », elle avait répondu « je ne sais pas, la direction et les ressources humaines prennent seules leur décision » (arrêt p. 5 al. 3) ; qu'en estimant que cet écrit constituait un avertissement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble le principe non bis in idem ;

3. ALORS QUE la décision de sanctionner un salarié devant reposer sur des faits objectifs, la circonstance qu'un compte-rendu d'un entretien de suivi établissant l'existence de fautes imputables au salarié soit établi antérieurement à l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'encontre de ce salarié relève du respect des exigences du droit disciplinaire par l'employeur et n'est pas de nature à conférer à ce compte-rendu la nature de sanction disciplinaire ; qu'au cas présent, pour qualifier le compte-rendu d'entretien de suivi de sanction disciplinaire, la cour d'appel a estimé que « si l'employeur conteste le caractère disciplinaire du compte-rendu d'entretien de suivi, force est de constater que la chronologie des entretiens et les termes de la lettre de licenciement identiques au compte-rendu, accréditent la nature disciplinaire de celui-ci » et que le compte-rendu ayant « été immédiatement suivi d'une convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement confirme de fait le caractère disciplinaire de l'avertissement ainsi donné » (arrêt p. 6 al. 3) ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à qualifier de sanction disciplinaire le compte-rendu écrit de l'entretien du 11 avril 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble le principe non bis in idem ;

4. ALORS QUE la société Cosel faisait expressément valoir qu'en toute hypothèse, le compte-rendu d'entretien du 11 avril 2014 ne pouvait constituer un avertissement dans la mesure où la responsable hiérarchique de Mme [H] n'avait pas le pouvoir de la sanctionner, cette prérogative relevant du seul responsable des ressources humaines, qui disposait d'une délégation en ce sens (conclusions Cosel pp. 21 à 24) ; que pour retenir que le compte-rendu d'entretien constituait un avertissement, la cour d'appel s'est limitée à considérer que ses signataires disposaient du fait de leur position hiérarchique de la faculté de la sanctionner en accord avec l'employeur ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la délégation de pouvoir ainsi produite ne privait pas les signataires du compte-rendu d'entretien de tout pouvoir hiérarchique ni s'expliquer sur les règles en vigueur dans l'entreprise en ce qui concerne l'exercice d'un tel pouvoir hiérarchique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble le principe non bis in idem.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-15507
Date de la décision : 27/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 24 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 mai. 2021, pourvoi n°19-15507


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.15507
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