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26/05/2021 | FRANCE | N°19-50.052

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 26 mai 2021, 19-50.052


CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 mai 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10418 F

Pourvoi n° X 19-50.052

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 mai 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

Le procureur général près la cour d'appe...

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 mai 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10418 F

Pourvoi n° X 19-50.052

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 22 mai 2020.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

Le procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 19-50.052 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à Mme [Z] [O], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Paris.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 9 novembre 2017, qui a jugé que née d'une mère française, Madame [Z] [O] est française.

AUX MOTIFS QUE : "Si, en matière de nationalité, la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de Français à une personne titulaire d'un certificat de nationalité délivré conformément aux règles en vigueur, il en est autrement lorsque, ayant été délivré de manière erronée, le certificat a perdu toute force probante ; en ce cas, il appartient à celui dont la nationalité est en cause d'établir qu'il est français à un autre titre.

Un tel certificat a été délivré le 24 novembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Melun à Mme [Z] [O], née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 1] (Comores), en tant que fille de Mme [I] [O], née à [Localité 1] le [Date naissance 2] 1960, laquelle a conservé la nationalité française par l'effet d'une déclaration souscrite le 12 janvier 2018.

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que ce certificat, établi au vu d'un acte de reconnaissance parentale fait devant le cadi par une personne qui n'était pas la mère, de sorte que cet acte ne pouvait valoir reconnaissance maternelle, avait été délivré à tort.

C'est également à juste titre que les premiers juges ont admis la régularité internationale du jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal de première instance de Moroni du 1er septembre 2016 et la régularité de sa légalisation, l'intimée versant, en outre, en cause d'appel un acte dont la formalité de légalisation porte explicitement sur le nom de son auteur.

Une reconnaissance maternelle ayant été régulièrement souscrite par Mme [I] [O] devant l'officier d'état civil de Nandy (Seine-et-Marne)le 31 décembre 2002, du temps de la minorité de [Z] [O], il convient de confirmer le jugement qui a dit que cette dernière, née d'une mère dont la nationalité française n'était pas contestée, était elle-même française. "

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE : "Si un certificat de nationalité française fait effectivement preuve de cette nationalité pour celui qui en est titulaire, il reste que le procureur de la République peut toujours, en application de l'article 29-3 du code civil, le contester, lorsque les conditions pour établir la nationalité française ne lui paraissent pas avoir été remplies lors de sa délivrance ; conformément à l'article 30 alinéa 2 du code précité, la charge de la preuve incombe alors au ministère public qui doit démontrer que le certificat de nationalité française est erroné ou fondé sur de faux documents, ce qui, dans une telle hypothèse, lui fait perdre toute force probante, laquelle dépend des documents qui ont permis de l'établir.

L'article 18 du code civil dispose qu'est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français.

Ainsi la nationalité française de l'enfant doit résulter de la nationalité française du parent duquel il la tiendrait d'une part et, d'autre part, d'un lien de filiation légalement établi à l'égard de celui-ci, au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil, étant précisé qu'afin de satisfaire aux exigences de l'article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l'article 47 du code civil enfin, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

En l'espèce le certificat de nationalité française délivré à Mme [Z] [O] le 24 novembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Melun, indique qu'il l'a été au vu de l'« acte de naissance comorien de l'intéressée » sans plus de précision et de l'« acte de reconnaissance parentale comorien de l'intéressée ». Cet « acte de reconnaissance parentale » n° 4 du 24/2/97 du tribunal de Cadi de Moroni a été établi à la requête de [E] [O] et indique que [I] [O] a reconnu être la mère de [K], [T] et [Z] [O].

Ce « jugement » supplétif, qui est censé établir le lien de filiation entre la requérante et celle qu'elle revendique comme sa mère, non prévu par les dispositions de la loi comorienne n° 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil, qui vise une simple « délibération du 3 juin 1964 », faute de constituer une reconnaissance par la mère elle-même, et sans même que le jugement du tribunal du cadi précise la qualité de la requérante, Mme [E] [O], dont ['intérêt à agir n'est pas démontré, ne pouvait recevoir aucune force probante en France comme ne répondant à aucune disposition de la loi comorienne.

Partant le certificat de nationalité française a été délivré à tort, le lien de filiation entre la requérante et sa mère revendiquée comme française ne pouvant être établi par ce document.

Il appartient donc à la défenderesse, en application de l'article 30 du code civil, de rapporter la preuve de sa nationalité française.

Mme [Z] [O] produit un nouvel acte de reconnaissance établi sur déclaration de Mme [I] [O] née en 1960 à [Localité 1], reconnaissance enregistrée dans les registres de l'état civil de NANDY (Seine et Marne) le 31 décembre 2002.

Concernant l'état civil de la défenderesse, le tribunal constate que sont produits aux débats plusieurs actes de naissance contradictoires:

* Un acte de naissance n° 564 du 26 septembre 1991 de la préfecture du Centre (République fédérale islamique des Comores) en pièce n° 3 du ministère public, qui indique que le 18 février 1980 est née [Z] [O] à [Localité 1] de [O] [I], née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 1]. Cet acte a été dressé en vertu d'un jugement supplétif n° 1171 du 26 septembre 1991 rendu par le Cadi de Moroni.

* un acte de naissance n° 773 dressé le 19 octobre 1989 indiquant qu'est née le [Date naissance 1] 1987 Mme [Z] [O] à [Localité 1] de [I] [O] née le [Date naissance 2] 1960. Il précise qu'il est inscrit suite au jugement supplétif n° 71 du 24 février 1988.

Ainsi les numéros de ces actes de naissance sont différents et la date de naissance distincte de 7 années. Ces deux actes font référence à des jugements supplétifs eux aussi différents.

L'article 69 de la loi comorienne n° 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil modifiée par la loi n° 85-011/ AF du 9 décembre 1985 prévoit que lorsqu'une naissance ou un décès n'aura pas été déclaré dans les délais légaux prévus aux articles 31 et 41 de la même loi, il ne pourra conformément aux articles 32 et 57 être relaté sur les registres de l'état civil qu'en exécution d'un jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance ou le Cadi du lieu où l'acte aurait dû être dressé. L'article poursuit que l'initiative de l'action peut être prise par toute personne intéressée et que le dossier est communiqué au ministère public, pour conclusions, après que le tribunal ait procédé d'office à toutes mesures d'instruction jugées nécessaires.

Le jugement du tribunal de première instance de Moroni du 26 janvier 2016 annule l'acte de naissance n° 564 comme étant établi par un jugement supplétif n° 1171 du 26 septembre 1991 qui n'a pas fait l'objet d'une communication au Parquet et qui est de ce fait illégal. Le tribunal relève que le jugement supplétif ainsi annulé était celui du cadi et que par la décision du 26 janvier 2016 invoquée par la défenderesse elle-même (produite en pièce n° 9), la justice comorienne juge qu'en application de l'article 69 de la loi comorienne n° 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil modifiée par la loi n° 85-011/ AF du 9 décembre 1985 le jugement du cadi doit être communiqué au Parquet avant l'établissement de l'acte de naissance dans les registres de l'état civil, faute de quoi l'acte dressé en application du jugement est sans portée.

Un second jugement du tribunal de première instance de Moroni du 1er septembre 2016 annule l'acte de naissance n° 773 comme n'étant pas légalement dressé, le jugement supplétif n° 71 du 24 février 1988 n'existant pas dans le plumitif d'audience du cadi de Moroni de l'année 1988.

Ce dernier jugement juge que « seul l'acte de naissance n° 669 du 15 mars 2016 établi en exécution du jugement supplétif du 26 septembre 1991 doit être utilisé ». Cet acte est en effet produit en pièce n° 13 avec la mention « vu et communiqué au Parquet le 9 février 2016 ».

Il résulte de l'ensemble de ces décisions que l'acte de naissance n° 669 du 15 mars 2016 a été établi en exécution des jugements du tribunal de première instance de Moroni des 26 janvier 2016 et 1er septembre 2016 devant lequel le Ministère public est représenté et auquel le dossier a été communiqué conformément aux dispositions de l'article 69 de la loi comorienne n° 84-10 du 15 mai 1984 relative à l'état civil modifiée par la loi n° 85-011/ AF du 9 décembre 1985, cet article ne distinguant pas en effet entre les procédures diligentées devant le tribunal de première instance et le tribunal du cadi, la communication au ministère public devant se faire dans tous les cas. Il a donc force probante.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'indique le Ministère public, la légalisation de l'ensemble des documents produits aux débats par Mme [Z] [O] et notamment ces jugements, par un cachet « pour légalisation de l'acte » par le Conseiller chargé des affaires consulaires de l'ambassade de l'Union des Comores en France, répond aux formes de la légalisation imposées par le Ministère de affaires étrangères par note du 22 juillet 2015 à l'Ambassade de l'Union des Comores recommandant de ne plus utiliser un cachet portant la mention restrictive « légalisation de signature » mais d'apposer un cachet à la formulation plus générique mentionnant par exemple « pour légalisation de l'acte ». Les légalisations ainsi produites aux débats sont régulières.

Il est donc établi que Mme [Z] [O] est née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 1] de [I] [O] née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 1], qui l'a reconnue par acte enregistré dans les registres de l'état civil français le 31 décembre 2002 soit du temps de sa minorité.

Par ailleurs est produite aux débats la déclaration de nationalité française souscrite, en application de l'article 10 de la loi n° 75-560 du 3 juillet 1975 et de l'article 9 de la loi n° 75-1337 du 31 décembre 1975, le 12 janvier 1978 devant le juge d'instance de Marseille de [I] [O] née vers 1960 à [Localité 1], dont il n'est pas contesté l'identité de personne avec la mère sus-évoquée. Selon ces dispositions, dans les deux ans de l'indépendance, les Français de statut civil de droit local originaires du territoire des Comores pourront, lorsqu'elles auront leur domicile en France, se faire reconnaître la nationalité française par déclaration souscrite dans les formes des articles 101 et suivants du code de la nationalité. Ayant établi son domicile à [Localité 2], Mme [I] [O] a été reconnue française en vertu de cette déclaration.

Partant, née d'une mère française, Mme [Z] [O] est française."

ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que le jugement du 26 janvier 2016 du tribunal de Moroni a ordonné l'annulation de l'acte de naissance n° 564/1991 de Mme [Z] [O] et dit que le jugement supplétif du 26 septembre 1991 devait être communiqué au parquet avant l'établissement de l'acte de naissance de la requérante; que le nouvel acte de naissance n° 669/2016 de Madame [Z] [O] indique qu'il a dressé en exécution du jugement supplétif du 26 septembre 1991 ; que le jugement du tribunal Moroni du 1er septembre 2016 précise que l'acte de naissance n° 669/2016 a été « établi en exécution du jugement supplétif du 26 septembre 1991 » ; qu'en adoptant les motifs des premiers juges, qui ont retenu d'une part que le jugement du 26 janvier 2016 avait annulé le jugement supplétif du 26 septembre 1991 et, d'autre part que « l'acte de naissance n° 669 du 15 mars 2016 a été établi en exécution des jugements du tribunal de première instance de Moroni des 26 janvier 2016 et 1er septembre 2016 (...) », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des jugements des 26 janvier 2016 et 1er septembre 2016, ainsi que de l'acte de naissance n° 669/2016 de Madame [Z] [O] et violé le principe susvisé ;

ALORS QUE l'accueil d'un jugement étranger dans l'ordre juridique français exige le contrôle de la compétence internationale indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, de sa conformité à l'ordre public international de fond et de procédure ainsi que l'absence de fraude; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à vérifier le respect du principe du contradictoire dans les jugements d'annulation d'acte de naissance rendus par le tribunal de Moroni les 26 janvier et 1er septembre 2016 ; qu'en omettant de rechercher, comme elle y était invitée, si ces jugements, dont notamment le second annulait l'acte de naissance n° 773/1989 de Madame [Z] [O] pour avoir été dressé en exécution d'un jugement supplétif inexistant, n'avaient pas été obtenus pour régulariser une fraude et ne pouvaient donc être reconnus en France à raison de leur contrariété à l'ordre public international, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na
Numéro d'arrêt : 19-50.052
Date de la décision : 26/05/2021
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Cour de cassation Première chambre civile, arrêt n°19-50.052 : Rejet

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris A1


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation restreinte rnsm/na, 26 mai. 2021, pourvoi n°19-50.052, Bull. civ.Non publié
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Non publié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.50.052
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